jeudi 31 octobre 2024

Un carnet : Blachette déconnectée


Célèbre illustratrice originaire de Perpignan, Blachette est suivie par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux. Elle sort pourtant ce carnet pour donner envie à ses abonnés de se déconnecter, de passer « En mode avion », titre de cette belle initiative.


Dans les premières pages, elle explique les directives : « Éloigne-toi de tout écran dès que tu ouvres ce carnet. Si tu suis les instructions, tu déconnecteras le temps d’un instant ! ». Vous serez invité ainsi à dessiner, raconter des petites histoires mais aussi vous dévoiler, tenter de « se redécouvrir ».

A tester en cette période où tout va trop vite…
« En mode avion », Blachette, First Éditions, 16,95 €

mercredi 30 octobre 2024

Un album jeunesse : Avec le chevalier Léon


Sorte de petite souris rêvant d’aventures trépidantes en chevauchant un… escargot, Léon est persuadé d’avoir l’avenir d’un preux chevalier. En clair, son rôle dans ce bas monde est de partir au secours d’une princesse en détresse.

Quand il se décide enfin à quitter le nid douillet de chez ses parents, il va découvrir une tout autre réalité. Cette histoire, imaginée par Vincent Mallié, plaira aux plus jeunes par son côté merveilleux. Les plus âgés adoreront la partie ironique, se moquant des contes trop manichéens.

Léon, va faire étape chez Anna, dans une maison perdue au cœur de la forêt. Il va découvrir toute la complexité de la tenue d’un foyer. Il va vite se lasser jusqu’à l’intervention du redoutable Seigneur de la forêt magique.
« La folle et incroyable aventure du chevalier Léon », Margot, 56 pages, 18,90 €

mardi 29 octobre 2024

Cinéma - Le cri de la «Miséricorde» dans les bois aveyronnais

 L’Aveyron, ses forêts sauvages, ses villages reculés et un curé unique sont au menu du nouveau film dérangeant d’Alain Guiraudie titré fort justement « Miséricorde ». 


Un film d’Alain Guiraudie ne peut pas laisser indifférent. Sa vision de la province tranche avec les comédies caricaturales. Même s’il force sans doute le trait en ce qui concerne les penchants sexuels de ses héros. Nouvelle pierre à l’édifice avec Miséricorde, présenté en compétition à Cannes.

À l’automne, alors que les cèpes sortent, Jérémie (Félix Kysyl), la trentaine, revient dans le petit village de Saint-Martial, dans l’Aveyron, à quelques kilomètres de Millau, sur ces causses couverts de forêts. Il arrive de Toulouse pour les obsèques du boulanger, son ancien patron qui lui a appris le métier. Il est hébergé par la veuve, Martine (Catherine Frot) et retrouve le fils du couple, son copain de toujours, Vincent (Jean-Baptiste Durand).

Jérémie, que personne n’attend à Toulouse, décide de rester quelques jours à Saint-Martial. Il en profite pour faire de longues balades en forêt, croise la route du curé local (Jacques Develay) et de Walter, autre copain d’enfance, ermite vivant seul dans sa ferme presque en ruines. Comme souvent dans les films d’Alain Guiraudie, une fois les acteurs du drame présentés, on découvre leurs jeux troubles. Jérémie est-il attiré par Walter ? Quelle était sa relation avec le boulanger mort ? Vincent le soupçonne de vouloir coucher avec sa mère : véritable crainte ou simple jalousie ?

Tout est étrange dans ce village. Notamment les frontières entre les attirances. Beaucoup d’hommes, peu de femmes, des rituels étonnants et parfois la violence qui sort d’un coup, comme ces champignons que tout le monde cherche dans ces bois encore plus fréquentés qu’un quai de métro aux heures de pointe. Rapidement, la tension va monter, les mensonges se multiplier, la mort s’inviter au festin des sens.

Drame de la solitude sexuelle des campagnes, Miséricorde n’a pas la folie douce des précédentes réalisations d’Alain Guiraudie. C’est plus apaisé, mais toujours aussi ambigu. On suit les errances, remords, doutes, cauchemars et embrasements de Jérémie, fascinés par ce jeu de faux-semblant avec en point d’orgue l’intervention, quasi divine, du curé, manipulateur suprême, pour son propre intérêt même si c’est au prix de sa réputation.
Une histoire humaine, faite de chair et de sang. Avec en contrepoint apaisant, les arbres gigantesques, immuables et majestueux de cette forêt aveyronnaise, superbement filmée par un réalisateur toujours très à l’aise dans les grands espaces.

Film d’Alain Guiraudie avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand, Jacques Develay, David Ayala

 

lundi 28 octobre 2024

En vidéo, “Les Bodin’s enquêtent en Corse”


Grosse déferlante Bodin’s au rayon DVD en ce mois d'octobre. M6 Vidéo propose en DVD et Blu-ray « Les Bodin’s enquêtent en Corse ».


Après le succès du film voyant ce couple infernal de bouseux (mère et fils) dynamitant la Thaïlande, les voilà sur l’île de Beauté. N’en demandez pas trop au scénario, contentez-vous de situations aussi grotesques que comiques. Un téléfilm qui avait cartonné lors de sa diffusion.


Et si vous en redemandez, cassez votre tirelire pour faire l‘acquisition du coffret de 4 DVD proposant l’intégralité des spectacles de ces humoristes (Vincent Dubois, Jean-Christian Fraiscinet) de ces dernières années.

dimanche 27 octobre 2024

BD - Oradour, village martyr


Sorti en mai dernier mais toujours d'actualité, cet album raconte le martyr du village français d'Oradour-sur-Glane. Dessinée par Bruno Marivain, au trait réaliste digne d'un William Vance ou de Philippe Jarbinet, cette histoire a été voulue par Robert Hébras, rescapé d'Oradour. Mort le 11 février 2023, il n'a pas pu voir l'histoire achevée mais n'avait pas caché sa satisfaction en découvrant le scénario de Jean-François Miniac et les premières pages dessinées.

L'histoire d'Oradour-sur-Glane, village martyr, est connue de tous. Notamment grâce au travail de mémoire effectué par Robert Hébras et l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane qui a soutenu ce projet édité par la jeune maison d'édition belge Anspach.

Le 10 juin 1944, la division Das Reich arrive dans ce gros bourg du sud-ouest, rassemble les hommes dans des grandes et les fusille froidement. Femmes et enfants sont enfermés dans l'église et brûlés vifs. 643 victimes, le plus important crime de guerre commis sur le territoire national. Heure par heure le drame est retracé.

Montrant comment quelques villageois sont parvenus à s'échapper en faisant croire qu'ils étaient morts. Un témoignage essentiel alliant la force de la narration au choc des dessins.
« Oradour, l'innocence assassinée », Anspach, 88 pages, 20 €

samedi 26 octobre 2024

BD - Résistants en culottes courtes


L'occupation de la France par l'envahisseur allemand durant le seconde guerre mondiale a durablement marqué toute une génération. Les plus jeunes aussi ont voulu participer à la Résistance. Le Réseau Papillon s'inspire de cette bravoure à toute épreuve pour raconter le destin de quelques gamins, fiers d'être Français, déterminés à récupérer leur liberté.

Une série écrite par Franck Dumanche et dessinée par Nicolas Otéro. Feuilleton historique, plus le temps passe, plus la fin de la guerre approche et plus les enfants deviennent de grands adolescents. Presque des adultes. Ainsi Edmond, Doc de son nom de code, a rejoint l'Angleterre et participe à l'effort de guerre dans la cellule communication des forces françaises libres.

Si François et Elise sont toujours chez leur parents, le reste de la bande (le réseau papillon), a rejoint le maquis. Arnaud et Gaston vivent cachés et montent des opérations de sabotage contre l'occupant. Dans le 9e titre de la série, « A l'aube du débarquement », tout s'accélère en ce printemps 1944. Les maquisards intensifient leurs actions pour empêcher l'arrivée des troupes allemandes en Normandie.

Parmi les soldats de la division Das Reich, Karl décide de déserter. C'est un Alsacien, enrôlé de force pour aller combattre sur le front de l'Est et rapatrié après la déroute dans le sud-ouest de la France. Il fait partie des « Malgré-nous », ces Alsaciens obligés de rejoindre l'armée d'Hitler. En cas de refus ou de désertion, les nazis exécutaient le reste de la famille. Blessé, il est soigné par Elise, devenue une belle jeune femme, intrépide et déterminée.

Il sera caché par le réseau, en même temps que trois aviateurs anglais dont l'appareil a été abattu lors du parachutage d'armes aux Résistants.

Beaucoup d'action dans cet album, qui annonce une suite encore plus mouvementée : l'opération Overlord et le débarquement de 195 000 soldats alliés en Normandie.

« Le Réseau Papillon » (tome 9), Jungle, 56 pages, 12,95 €
 

vendredi 25 octobre 2024

BD - Quand Paris se soulève


« Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé ! Mais Paris libéré
! » Cette célèbre tirade du Général de Gaulle le 25 août marque la fin d'une des grandes batailles de l'Histoire de France (nom de la collection), la libération de Paris. Jean-François Vivier et Denoël ont retracé ces quelques jours avec la méticulosité des historiens. Dans un prologue, ils présentent les forces en présence.

Car les libérateurs n'arrivent pas forcément unis. D'un côté les communistes, de l'autre les Gaullistes. La libération de Paris est avant tout une affaire politique franco-française.


L'album raconte comment les Gaullistes tentent de temporiser pour permettre à la 2e DB de Leclerc de rejoindre la capitale et d'arriver en triomphateur avec De Gaulle. Les communistes sont au contraire déterminés à en finir le plus vite possible. Ils sont persuadés que les forces intérieures seront assez fortes pour repousser l'envahisseur. Alors qu'une trêve est négociée, les barricades communistes dans divers quartiers parisiens viennent provoquer l'armée allemande.

Surtout, les résistants du colonel Rol-Tanguy harcèlent les SS, mènent des raids contre les colonnes de l'armée d'occupation, n'ont qu'un seul mot d'ordre « A chacun son boche ». Par chance, dans les derniers jours, tous se retrouvent et participent, unis à la libération de la ville.

Mais au final c'est de Gaulle qu'un million de Parisiens acclament le 26 aout 1944 sur les Champs-Elysées. L'histoire alterne tractations politiques et coup de force armée avec aisance. Le dessin de Denoël, réaliste et fidèle, permet au lecteur de plonger au cœur de l'action, de l'Histoire.

« La libération de Paris », Plein Vent, 48 pages, 15,90 €
 

jeudi 24 octobre 2024

BD - Madeleine, l'indestructible


Remarquable travail de mémoire que celui entrepris par Morvan (scénario) et Bertail (dessin) en compagnie de Madeleine Riffaud. Cette dernière leur a ouvert son coeur, sa mémoire et ses archives pour raconter comment, étudiante à Paris, elle n'a pas hésité à rejoindre la Résistance à l'occupant nazi. Dans cette troisième partie, Madeleine est en très mauvaise posture. Alors que les Alliés viennent de débarquer en Normandie, elle vient de tuer un soldat allemand sur le pont de Solférino.

Capturée par la milice, elle est confiée aux bons soins de la police française. Celle qui collabore. Plus que de raison. Au commissaire divisionnaire Fernand David, surnommé « Les mains rouges ». Madeleine va comprendre d'où vient son surnom après être passée dans sa poigne de fer. Tabassée, torturée, Madeleine ne dira rien. Pas question qu'elle dévoile aux traîtres les noms de ses camarades. Une obstination, un courage, qui poussent à bout le commissaire. Il la livre à la Gestapo.


Durant de longues semaines Madeleine sera torturée, frappée, affamée. Mais jamais elle ne pliera. Elle aurait pu car elle sait parfaitement que trois jours après son arrestation, tous ses compagnons de Résistance auront fait le nécessaire pour disparaître. Mais c'est plus fort qu'elle, elle ne lâche pas le moindre nom. Après des jours de privation dans un cachot, le verdict tombe : fin des interrogatoires, dans une semaine elle sera passée par les armes.

Pourtant cette trompe-la-mort va s'en sortir et pourra même participer, à peine remise sur pied, à la libération de Paris et célébrer ses 20 ans en même temps que le départ des Allemands. Aujourd'hui Madeleine Riffaud vient de fêter ses 100 ans.

Une vie extraordinaire pour une femme d'exception. En plus des BD, elle continue à témoigner, notamment dans les écoles. Car si jamais elle ne s'est déclarée vaincue, elle sait aussi que la victoire s'oublie trop facilement. Les derniers événements en Europe prouvent que les générations futures n'apprennent pas assez des précédentes.

« Madeleine, Résistante » (tome 3), Dupuis Aire Libre, 128 pages, 23,50 €
 

mercredi 23 octobre 2024

BD - Noire et sombre dictature


Parmi les nombreuses séries lancées ces dernières années par Philippe Pelaez, scénariste prolifique, Noir Horizon semble faire partie des plus ambitieuses. Il y a beaucoup de politique et de références bibliques à cette histoire de folie du pouvoir, de vengeance et de Résistance à l’oppression.

Sur une planète imaginaire, un Régent règne en dictateur absolu. Il tient le peuple par les jeux et la drogue. Une société en mal d’énergie. Quand il découvre sur Kepler 452-b une source d’énergie nouvelle, il envoie ses meilleurs soldats. Mais cela semble une descente aux enfers.


De retour, le quatuor se rebelle et lance un mouvement de résistance. Parmi eux, la propre fille du Régent, Esther. Le second tome de cette trilogie, loin de Kepler, raconte les fondements de la société totalitaire. Exécutions arbitraires, torture, enlèvements et déportation sont monnaie courante. Pourtant Esther et ses amis ne plient pas et se lancent dans une guérilla sans fin pour permettre au peuple de retrouver sa liberté.

De belles envolées bénéficiant de la maîtrise graphique exceptionnelle de Benjamin Blasco-Martinez.
« Noir Horizon » (tome 2), Glénat, 56 pages, 14,95 €

 

mardi 22 octobre 2024

BD - Asphyxiés par le manque d'air


Dans la série Air imaginée par Philippe Pelaez et dessinée par Francis Porcel, la presque fin du monde est causée par une pluie de météorites. Cela a modifié l’atmosphère, le permafrost a fondu, libérant des bactéries mortelles qui ont contaminé l’air, bien commun encore plus vital que l’eau.

Sur cette base, on découvre une société où on vit cloîtré, la moindre sortie à l’extérieur devant s’accomplir aidé par des bonbonnes d’air pur et d’un masque adéquat. L’occasion pour les autorités de mettre en place une dictature de plus en plus dure. Une résistance se développe, accusée d’attentats.


C’est pour venger la mort de sa femme et de son fils que Troy Denen se fait passer pour un terroriste et infiltre les combattants. Il va aller de surprise en surprise, découvrant que le pouvoir est encore plus retors qu’il ne le pensait.

Un scénario bien ficelé, avec méchant absolu crédible, le tout dessiné par Francis Porcel, Barcelonais au trait réaliste parfait quand il imagine des vaisseaux (aériens et sous-marins), dignes d’un roman de Jules Verne.
« Air » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 64 pages, 16,90 €

lundi 21 octobre 2024

BD - Submergés par les flots du Nocéan


Troisième et dernière partie de Nocéan. Dans ce futur proche, l’action semble se dérouler sur Terre. Une planète qui a beaucoup souffert du changement climatique. Le niveau des mers s’est élevé, les villes menacées. D’immenses digues protègent la population des premiers quartiers, ceux qui sont sous le niveau. L’élite est au-dessus, dans des structures sans danger.


Tika est une adolescente rebelle qui semble venir de ces hautes sphères. Mais elle a fui le confort et tente de survivre dans les bas-fonds. C’est là qu’elle rencontre Atari, hackeuse et activiste, luttant pour un meilleur avenir. Mais cela semble un peu tard. Les digues cèdent et les portes des quartiers en hauteur restent fermés aux réfugiés.

Cette saga écolo-futuriste que Catalan Efa nous montre un avenir peu enviable mais qui nous pend au nez d’ici quelques décennies. La conclusion de la trilogie est par chance optimiste, car même dans les pires situations, il existera toujours des hommes et des femmes qui privilégieront l’intérêt commun à leur petit confort.
« Nocéan » (tome 3), Dupuis, 56 pages, 15,95 €

dimanche 20 octobre 2024

BD - Kim et Manon explorent


Nouvelle étoile dans les mondes d’Aldebaran : Bellatrix. Cette planète, imaginée par Léo, est très semblable à la Terre. Mais version conquête de l’Ouest avec des sortes d’autruches pour chevaux. Manon et Kim, réunies, débarquent incognito pour tenter d’insuffler un peu de modernité et de liberté dans cette société très machiste.

Dans le second tome, le vaisseau en orbite devant les protéger, reçoit l’ordre d’abandonner la mission. Et de partir. Sans elles. Comment ces deux jeunes femmes à l’esprit libre et indépendant vont-elles pouvoir survivre dans un monde où la femme est rabaissée à son rôle de génitrice et de pourvoyeuse de plaisir aux mâles ?

Sous couvert de science-fiction, Léo livre un vibrant plaidoyer pour l’égalité entre hommes et femmes.
« Bellatrix » (tome 2), Dargaud, 48 pages, 14,50 €

samedi 19 octobre 2024

Littérature et science-fiction - Dans le futur, le « Chien 51 » de Laurent Gaudé se rebelle

Dans un futur proche, les entreprises ont remplacé les Etats. Zem est un policier de terrain, un « chien » comme les surnomme la population.


Pour qu’un roman de science-fiction soit crédible, il suffit qu’il se baser sur quelques faits connus de tous. Le roman Chien 51 de Laurent Gaudé débute par la crise économique en Grèce. Le pays, en faillite, est finalement racheté par une multinationale GoldTex. Tout le pays, habitants compris. « On leur dit que leur seule chance de survie est de se laisser racheter par GoldTex. Ils apprennent à prononcer le mot, à le détester. Ils ne seront plus Grecs, ils seront salariés. Et comme GoldTex veut donner une image moderne de son fonctionnement on ne dit plus salarié mais cilarié. » Ensuite la Grèce est revendue à la découpe à des sous-traitants. Certaines parties sont transformées en immenses zones vouées à devenir de gigantesques décharges.

Beaucoup choisissent l’exil, offert par GoldTex. Parmi ces réfugiés d’un tout nouveau statut, Zem Sparak qui rejoint Magnapole, mégalopole propriété de la multinationale. L’intrigue débute 30 ans plus tard. Un cadavre est découvert dans la Zone 3 de la ville. Éviscéré. Zem se rend sur place. La cinquantaine désabusée, il est policier. Exactement chien. Un simple enquêteur de terrain sans grand pouvoir dans cette zone 3, celle où vivent les plus pauvres. La zone 2 héberge les classes moyennes. La zone 1 est réservée à l’élite de GoldTex.

Zem qui va devoir enquêter en duo avec Salia Malberg, enquêtrice de la zone 2 qui méprise les chiens. Beaucoup tenteront de ralentir ses investigations. Mais pour une fois, il décide de ne pas plier l’échine et se rebelle.

Qui est ce mort mystérieux ? Pourquoi lui avoir volé ses prothèses internes ? Pourquoi les flics des zones 2 et 3, qui se détestent, doivent-ils collaborer ?

Ce roman, donne une image terrifiante de notre futur si les grandes sociétés parvenaient à prendre le pouvoir. Mais objectivement, n’est-ce pas déjà le cas avec les fameuses entreprises dites GAFAM ou, la pire d’entre elles, celle dirigée par Elon Musk ?

« Chien 51 », Laurent Gaudé, Babel, 296 pages, 8,90 €

vendredi 18 octobre 2024

Cinéma - Comment s’en sortir “Quand vient l’automne” ?

Thriller à la Simenon, « Quand vient l’automne » de François Ozon offre un superbe premier rôle à Hélène Vincent, 81 ans.


L’automne dont il est question dans ce film de François Ozon, c’est d’abord la saison, quand la campagne humide se prépare à se mettre en sommeil. Mais c’est aussi métaphoriquement l’automne de la vie des deux personnages principaux, Michelle (Hélène Vincent) et Marie-Claude (Josiane Balasko).

Elles vivent dans la même petite ville de Bourgogne, entourée de bois et de champs. La première dans une grande bâtisse avec un immense jardin, la seconde dans un petit pavillon. Deux femmes seules, qui ont un même secret lié à leur passé. Michelle a une fille, Valérie (Ludivine Sagnier) et Marie-Claude un garçon, Vincent (Pierre Lottin), tous les deux adultes.

La première est mariée, en instance de divorce, mère d’un jeune Lucas qui adore sa mamie. La situation est plus compliquée pour Marie-Claude. Vincent, après quelques « bêtises », se retrouve en prison. Quand il sort, il retourne chez sa mère et accepte de travailler dans le grand jardin de Michelle. Le début du film, pose les bases de l’histoire et se révèle déjà très intrigant. La réalisation, toute en délicatesse, en non-dits, plante l‘ambiance, renforcée par une musique obsédante de Evgueni et Sacha Galperine.

Le premier choc vient quand Valérie manque de mourir. Un midi, chez sa mère, elle a mangé des champignons ramassés la veille dans les bois. Elle seule en a mangé. Et frôle la mort. Elle quitte le soir même la maison de sa mère, refusant de lui laisser Lucas durant les vacances comme convenu. C’est aussi à partir de ce moment que l’on doute. Accident ou acte délibéré ? Michelle, sous ses airs de mamie gâteau ne cache-t-elle pas de profondes fractures psychologiques ?

L’explication viendra peut-être du métier qu’elle exerçait à Paris avant de se retirer à la campagne. Un climat, un sentiment de doutes et de soupçons, renforcés par l’attitude de Vincent. Le spectateur se pose beaucoup de questions au sujet de cet être, a priori frustre, joué avec naturel par Pierre Lottin. Un condensé de violence contenue d’où affleure une gentillesse désarmante.

La suite du film, surprenante, voire déconcertante tant François Ozon pousse loin le curseur de la rupture avec le politiquement correct, nous entraîne dans ces limbes de l’automne, quand la nature s’endort et que de sous les feuilles mortes sortent les champignons. Bons ou mauvais.

Film de François Ozon avec Hélène Vincent, Josiane Balasko, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin.

jeudi 17 octobre 2024

Cinéma - “On fait quoi maintenant ?” ou trois seniors en galère


Se faire licencier à 59 ans : certains en rêvent, d’autres vivent ça comme un cataclysme. Alain (Lucien Jean-Baptiste), commercial spécialisé dans la vente de portails fait partie des seconds. N’arrivant pas à retrouver un emploi, il a la géniale idée de créer sa boîte. Cela inquiète un peu sa femme Mathilde (Zabou Breitman). D’autant qu’il envisage de se lancer dans la garde d’enfants.

Grand-père gâteau, Alain est souvent sollicité par sa fille pour garder ses trois petits-enfants. Le marché est porteur. Pour mettre toutes les chances de son côté, il doit étoffer son équipe. C’est à la composition du trio que la comédie de Lucien Jean-Baptiste devient irrésistible.

Si lui est avant tout un doux rêveur, aveuglé par son envie de se prouver qu’il peut être indépendant, Véronique (Isabelle Nanty) et Jean-Pierre (Gérard Darmon) sont deux cas sociaux au fort potentiel humoristique. La première, ancienne responsable de la logistique dans l’entreprise d’Alain, est en arrêt maladie depuis deux ans.

Son mari l’a quittée. Depuis, elle ne voit plus personne. Il vaut mieux tant elle est incontrôlable à la moindre contrariété. Le second, ancien présentateur d’un jeu télévisé, survit en vendant les dernières miettes de son image de marque.

Convaincre les banquiers est une gageure. Ils y croient pourtant, trouvant dans cet investissement l’opportunité pour se bonifier. Mais les obstacles (autant de gags en puissance), sont nombreux. Entre la mythomanie de Jean-Pierre et la franchise destructrice de Véronique, Alain va devoir souvent jouer le pompier appelé d’urgence. Une très bonne comédie sur les seniors qui ne se laissent plus faire.

Film de et avec Lucien Jean-Baptiste et avec Isabelle Nanty, Gérard Darmon


mercredi 16 octobre 2024

En vidéo, “Le deuxième acte”



Quentin Dupieux fait partie des meilleurs cinéastes au monde. Il a tout compris au fonctionnement de ce divertissement, et de la frontière entre réalité et fiction.

Le deuxième acte est tout simplement génial et sa sortie en vidéo chez Diaphana permettra à tous ceux qui l’ont raté sur grand écran de bénéficier de cette master classe. Il y est question de paraître, d’intelligence artificielle, de superficialité, de travelling et d’arrogance.

Une histoire basique : un homme demande à son meilleur ami de séduire la femme qui le désire, en présence de son père, se déroulant dans un petit restaurant en bord de route. Les comédiens (Léa Drucker, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard et Manuel Guillot) réalisent des acrobaties périlleuses pour jongler entre fiction, réalité et un entre-deux, typique des films du réalisateur.

mardi 15 octobre 2024

Thriller - Cornouailles, Japon, Islande : voyagez avec Robert Goddard

Thriller haletant, « 18 Barnfield Hill » de Robert Goddard vous fera cheminer dans trois continents et le temps.


La discrétion est un atout essentiel quand on a la prétention de faire le métier de détective privée. Umiko Wada, un peu plus de 50 ans, veuve, n’est que la secrétaire de cette petite agence basée à Tokyo, mais quand son patron Kodaka l’envoie sur le terrain, il souligne qu’« elle avait de bonnes chances d’éviter d’être repérée. Elle était plutôt douée en la matière. Sans vouloir l’offenser, Kodaka lui dit qu’elle avait le don d’être invisible. Elle était anonyme, et personne ne la remarquait ni ne lui prêtait la moindre attention. »

Une héroïne particulièrement discrète, mais déterminée. Tous ceux qui voudront l’éliminer (et ils sont très nombreux) au cours du roman, l’apprendront à leurs dépens. Dans le cadre d’une enquête pour retrouver les présumés tueurs d’un homme d’affaires japonais à Londres en 1977, Wada part à Londres rencontrer un témoin de l’époque. Il faisait partie d’une bande de jeunes activistes, révolutionnaires, persuadés qu’ils pouvaient changer le monde.

40 années plus tard ils sont vieux et rangés. Mais le mystère reste entier. Et rapidement Wada se lance dans une seconde enquête, la mort au cours de cet été 1977, sur une plage des Cornouailles, de deux des étudiants de la bande. Or, l’un d’entre eux, Peter Ellery, est vu quelques mois plus tard en compagnie du Japonais assassiné peu de temps après.

Le récit, mené d’une main de maître par Robert Goddard, romancier maniant à la perfection les rebondissements, alterne le point de vue de Wada qui va de Tokyo à Londres en passant par la campagne islandaise et en terminant dans les Cornouailles et celui de Nick, professeur de dessin londonien, fils de Caro, une des activistes de l’été 1977.

Qui est le père de Nick ? Quelles mafias internationales agissent en coulisses pour des montants dépassant l’entendement ? Que s’est-il passé sur la plage ? Le gaz sarin est-il le point commun dans cette affaire ?

Ce thriller vous happe littéralement. Vous allez trembler avec Wada et vous poser bien des questions avec Nick.

« 18 Barnfield Hill » de Robert Goddard, Sonatine, 408 pages, 23 €

lundi 14 octobre 2024

De la science-fiction - Les essaims


Si vous avez envie de découvrir la littérature de science-fiction mais que vous redoutez les pavés interminables, les titres de la collection « Le labo » de Robert Laffont sont parfaits.

Les essaims de Chloé Chevalier, raconte comment d’immenses vaisseaux, hébergeant une Reine chargée d’amener la vie sur des planètes mortes, sont pilotés par des jeunes femmes solitaires, dénuées de sentiment et qui n’ont pas la notion du temps. Tenyka va faire étape dans un système qui pratique la jachère de planète.

Trois globes habitables et tous les 51 ans, l’ensemble des humains change de lieu de vie. Cela permet de préserver toutes les ressources. Une idée qu’on devrait mettre en place au lieu de maltraiter la Terre.

« Les essaims » de Chloé Chevalier, Robert Laffont, 112 pages, 12 €

dimanche 13 octobre 2024

De l’humour : Addictions

Fin, très actuel, joliment dessiné : le recueil de dessins d’humour signé François Ravard a tout pour vous faire passer un excellent moment. Il y est question d’Addictions. Souvent celles qui passent par les nouvelles technologies, du GPS aux réseaux sociaux.

Un dessin pleine page en couleur, une phrase prononcée par un des protagonistes et vous pouvez imaginer toute une histoire avec début, fin et chute. Exemple avec cette jeune fille attablée dans un restaurant. Le serveur lui explique, placide : « Je suis navré Madame, mais vos 135 followers ne seront pas suffisants pour prétendre à un repas gratuit. Pour un café à la rigueur. » .

« Addictions » de François Ravard, Fluide Glacial, 96 pages, 22,90 €

samedi 12 octobre 2024

Un album jeunesse : Je suis moi et personne d’autre


L’histoire de cet album jeunesse écrit par Baptiste Beaulieu et illustré par Qin Leng est malheureusement trop fréquente dans les écoles. Francisco est un petit garçon hésitant. Il découvre la vie et pour se faire des amis décide de cacher ses sentiments, ses envies et choix pour aller dans le sens de la majorité.

Un effacement de la personnalité qui l’empêche de s’épanouir de jour en jour. L’aide d’une copine de classe plus clairvoyante va lui permettre de comprendre qu’à trop vouloir se cacher dans la masse, on risque de carrément disparaître.

« Je suis moi et personne d’autre », Les Arènes, 40 pages, 16,90 €

vendredi 11 octobre 2024

Un essai : Ils sont elles


Si certains veulent s’affranchir du genre, il faut parfois en changer pour réussir. Catherine Sauvat dans cet essai littéraire revient sur toutes ces romancières qui ont utilisé des noms d’hommes pour réussir à être éditées. Il y a bien évidemment George Sand, Aurore Dupin de son vrai nom, mais aussi Vernon Lee, René Vivien ou Claude Cahun, Violet Paget, Pauline Mary Tarn et Lucy Schwob pour l’état-civil.

Et même récemment la masculinisation de son nom de plume était en vigueur comme ce génial créateur de romans de SF, James Tiptree Jr, qui était en réalité une vieille dame de plus de 50 ans. Alice Bradley Sheldon, qui une fois découverte, a perdu l’inspiration….

«Ils sont elles », Flammarion, 320 pages, 21 €

jeudi 10 octobre 2024

Cinéma - “Megalopolis” de Coppola dense et visionnaire

Un architecte visionnaire tente de façonner la ville du futur. « Megalopolis » est un film immense de Francis Ford Coppola, mûri depuis 40 ans.


Chaque créateur a, caché derrière un coin de son subconscient, une grande œuvre qu’il désire ardemment proposer au public. Une sorte de message absolu, synthèse de tout ce qu’il entend laisser après son passage sur terre. Dans le cas de Francis Ford Coppola, on pourrait penser que c’est du passé. Qu’entre Apocalypse now et Le Parrain, il a déjà suffisamment interpellé l’imaginaire de plusieurs générations de spectateurs et marqué durablement l’histoire du cinéma.

Pourtant, depuis plus de 40 ans, il a cette histoire de Megalopolis dans ses cartons. Un film qui sort enfin sur grand écran après un passage en compétition au dernier festival de Cannes. De la Croisette, Megalopolis n’a rien ramené. Logique, car le film, tout en restant totalement à part, grande œuvre foisonnante bourrée de trouvailles et de performances d’acteurs, reste trop généraliste et brouillon pour emporter l’adhésion sans condition des cinéphiles. Déroutant aussi, car c’est de la science-fiction particulièrement tarabiscotée.

Dans un futur proche et incertain, Cesar Catalina (Adam Driver), architecte et inventeur d’un nouveau matériau, le megalon, veut repenser toute la cité du futur. Il s’oppose au maire Cicero (Giancarlo Esposito). Une véritable guerre qui a pour arbitre Julia (Nathalie Emmanuel), fille du maire et maîtresse de Cesar. Un peu de tragédie, de la politique nuancée par des histoires d’amour et de pouvoir : la trame de l’histoire est dense. Pas toujours évidente. On ne comprend pas forcément les buts des différents protagonistes. Le maire veut-il véritablement le bien de ses administrées ? Cesar est-il ce théoricien froid et sans cœur, dépressif depuis la mort de sa première femme ? Qui est Julia, la gravure de mode s’exhibant dans des sorties médiatiques de fille à papa dans la jet-set ou une femme à l’écoute, capable de bonifier tout ce qu’elle côtoie ?

Un film grave mais qui n’en oublie pas d’être distrayant quand intervient Clodio, cousin jaloux de César, admirablement incarné par un Shia Labeouf qui va très loin dans le politiquement incorrect, se travestissant jusqu’au grotesque. Il a cette réplique qui devrait devenir culte : « La vengeance est un plat qui se déguste en robe de soie ». Cela ne suffit pas pour rattraper l’ensemble.

On est forcément un peu déçu. Le nouveau Coppola semble bien insipide et peu inspiré face à ses films de légende. Le futur, parfois, est plus décevant que le passé.

Film de Francis Ford Coppola avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Shia LaBeouf

mercredi 9 octobre 2024

Cinéma - “L’heureuse élue”, comédie de classe trash

La confrontation de deux classes sociales que tout appose est un grand classique de la comédie. L’heureuse élue, film écrit par Daive Cohen (Fiston, Aladin) et réalisé par Frank Bellocq entre parfaitement dans cette case. D’un côté la grande bourgeoisie « prout ma chère », de l’autre la banlieue « wesh ma mère ». Cela fait des étincelles, pas mal de gags même si parfois on rit jaune.

Benoît, a longtemps profité de la fortune de papa et maman pour dépenser sans compter et faire des investissements hasardeux. Cette fois, il se retrouve acculé, endetté auprès d’un gangster capable du pire. Il lui faut rapidement soutirer une grosse somme à ses parents qui sont en vacances au Maroc. Il a la bonne idée de faire croire à sa mère (Michèle Laroque), qu’il a enfin trouvé la femme de sa vie, va la leur présenter et demande une avance pour organiser le mariage.

Il embauche une amie mannequin et lui demande de jouer la future épouse. Mais elle se défile sur le chemin de l’aéroport. En désespoir de cause, il demande à son chauffeur Uber, Fiona (Camille Lellouche) d’endosser l’habit de l’heureuse élue. Fiona est cash. Et trash. Elle n’est pas bonne comédienne, mais décide de profiter au maximum de ce drôle de client qui lui promet une belle somme. Avec à la clé un séjour dans un hôtel de luxe au Maroc, tous frais payés.

Rapidement Fiona va semer la panique. Auprès des parents (surtout la mère, grande bourgeoise abjecte qui colle de plus en plus à la peau de Michèle Laroque) et des frères et sœurs de Benoît, redoutant perdre une part de l’héritage. Le beau rôle est évidemment pour la fille de banlieue, au grand cœur, qui permet à beaucoup de redescendre sur terre, notamment son faux-futur époux.

Une comédie enlevée, aux décors luxueux et exotiques, qui a la particularité d’être centrée sur un personnage féminin atypique.

 Film de Frank Bellocq avec Camille Lellouche, Lionel Erdogan, Michèle Laroque.



mardi 8 octobre 2024

BD - Orson Welles le tragédien


Le ton est sombre dans la biographie d’Orson Welles signée Youssef Daoudi. Plus linéaire aussi. Car si l’introduction montre le Welles dont tout le monde se souvient (grand, avec une cape et un chapeau), les premières pages racontent l’enfance de ce petit génie, couvé par sa mère, déjà comédien et sur les planches à l’âge où d’autres abandonnent à peine leurs couches.

Il dessine, chante, joue de la musique, lit et bien évidemment écrit. Un artiste complet, capable de discourir avec les adultes alors qu’il n’a que 12 ans. Logique qu’après de nombreux succès au théâtre, il attire les regards des producteurs de Hollywood.


Dès son premier film, il signe un chef-d’œuvre, Citizen Kane. Pourtant la suite est moins réjouissante. Innovateur et provocateur, il se fâche souvent avec les studios, abandonne de nombreux projets et ne parvient pas à faire tout ce qu’il imagine. Contrairement à beaucoup, sa carrière n’est pas une courbe ascendante régulière jusqu’à la perfection mais une dégringolade incessante.

Un roman graphique virtuose, sombre, avec des dessins qui font parfois penser à du Forest. Un superbe hommage qui donne furieusement envie de redécouvrir les œuvres oubliées de ce génie du 7e art.
« Orson », Delcourt, 280 pages, 18,95 €

lundi 7 octobre 2024

BD - Belmondo le farceur


Trois ans après sa mort, cette monumentale biographie dessinée revient de façon très détaillée sur la carrière de Jean-Paul Belmondo. Bollée, le scénariste, s’est totalement immergé dans la carrière (et ses à-côtés) de Jean-Paul Belmondo, Bébel pour le grand public qui l’a toujours adoré.

La réalisation graphique de ce projet a été confiée à Ponzio. Son dessin, basé sur des photographies, semble parfois figé, mais l’impression est rapidement oubliée tant l’ensemble est passionnant. Pour raconter le parcours de Belmondo, Bollée a imaginé un long tête-à-tête fictif avec son père, Paul, célèbre sculpteur. Pour la première fois l’acteur met sa carrière en pause et consacre 5 jours pour que son père réalise son portrait.


Bébél se raconte, se souvient de ses débuts au conservatoire, de ses blagues potaches (qu’il n’abandonnera jamais même au sommet de sa carrière), des pièces de théâtre s’enchaînant et de sa première incursion au cinéma.

Puis la rencontre avec Godard, le cinéaste visionnaire qui le premier a détecté le potentiel du comédien dans A bout de souffle puis Pierrot le Fou. Un long passage est consacré à sa passion pour la boxe ou ses démêlés avec Melville, le tyran des plateaux.

L’ensemble est bondissant au début, plus introspectif par la suite. Et a le mérite de ne pas raconter la fin de vie de ce grand monsieur du cinéma français.
« Belmondo », Glénat, 224 pages, 28 €

dimanche 6 octobre 2024

BD - Nouvelle souveraine à Vaucanson


L'univers du Donjon, imaginé par Joann Sfar et Lewis Trondheim, continue d'étendre ses tentacules. C'est avec une certaine appréhension que le fan découvre le 55e titre de la collection, le 10e de la série dite du Crépuscule (mais tome 113 au total) qui conte la fin du Donjon.

Cette fois c'est Obion qui est au dessin. Un style humoristique, mais avec quelques touches d'hyperréalisme quand il faut représenter les morts-vivants ou le château de Vaucanson. Le début de l'album est très bucolique. Marvin rouge et Zakûtu bivouaquent en forêt, presque en amoureux, après avoir dérobé le trésor d'un dragon endormi (oui, encore un dragon !).


Arrive Herbert. Le vieux monarque n'est pas content de la gestion de Vaucanson par son fils. Il demande donc à sa fille, Zakûtu, de prendre sa place. Une passation de pouvoir compliquée mais nécessaire car une armée ennemie approche et les fortifications sont toujours en chantier.

La princesse, sorte de valkyrie musclée qui n'a pas sa langue dans sa poche, décide de trouver une main d'œuvre pas chère. Elle sollicite le royaume des morts. Une mauvaise idée car elle va se retrouver coincée entre les envahisseurs et les zombies.

Sous couvert de bataille et de lutte pour le pouvoir, les auteurs, en plus de nombreux gags, abordent les thèmes très d'actualité de la condition féminine et de la place des femmes dans la société.
« Donjon crépuscule » (tome 113), Delcourt, 48 pages, 11,95 €

 

samedi 5 octobre 2024

BD - Les larmes d'Héliotrope


Héliotrope est une charmante adolescente imaginée par Joann Sfar et dessinée par Benjamin Chaud. Dans ce troisième album, l'héroïne perd sa couleur bleue mais pleure beaucoup. Des larmes qui se transforment en cristaux bleus. En réalité, des diamants parfaits.

Avec une larme d'Héliotrope, on peut acheter trois voitures. Une nuit de sanglots et elle a suffisamment d'argent pour racheter X à Elon Musk.


Mais avant de découvrir cette richesse inespérée, Héliotrope va vivre pas mal de péripéties. Avec sa mémé, grande voleuse devant l'éternel, elle se rend dans le grand Nord pour comprendre la formation de ces diamants. Elle y rencontre un adolescent sympathique et retrouve surtout sa copine vampire, Aspirine. Une entrée en matière frigorifique alors que la suite de l'album se déroule sous le soleil de Crète.

L'occasion pour le scénariste de recycler certaines légendes méditerranéennes comme la Toison d'or ou les sorcières de Thessalie. Sans oublier un dragon, la bestiole toujours au rendez-vous dans les histoires de Sfar.

« Héliotrope » (tome 3), Dupuis, 48 pages, 15,50 €

vendredi 4 octobre 2024

BD - La reine et la sirène


 Scénariste compulsif, Joann Sfar ne cesse d'imaginer des mondes et des personnages. Il se les garde pour lui, parfois. Mais souvent offre ce découpage à des dessinateurs heureux de bonifier son monde de fantaisie.

Sa rencontre avec Tony Sandoval, illustrateur mexicain, permet de découvrir un album totalement fou et merveilleusement dessiné. Joann Sfar a voulu réécrire l'histoire des dragons. Ces bêtes légendaires vivent cachées. Il y en a des dizaines à Paris. Camouflées sous des statues, des gargouilles notamment.

Ils vont tous se réveiller en cette année 1900 et semer la terreur sur la capitale.


La faute à la reine Kapa'akea, maori qui gagne sa vie en se battant dans les foires. Elle est trop romantique l'héroïne (qui aime aussi donner de sacrées mandales aux hommes prétentieux). Quand elle découvre un groupe de comploteurs qui ont capturé une sirène. Ils ont l'intention de la sacrifier. Kapa'akea la sauve. Une bonne action ? Pas sûr, car sans ce sacrifice, les dragons se réveillent.

La suite de l'album est une longue course poursuite dans Paris, avec affrontements entre les deux jeunes femmes et quantité d'adversaires. La capitale va-t-elle être rasée de la carte de France ?

Dommage que la solution trouvée par la reine et la sirène ne puisse pas être transposée dans tous les conflits meurtriers de notre époque violente et sans nuances.

« Le Paris des dragons », Glénat, 104 pages, 20,50 €

jeudi 3 octobre 2024

Rentrée littéraire - « La bonne nouvelle » d’un miracle en Auvergne

Réflexion très poussée sur la religion, les miracles, les croyances, le Bien et le Mal dans ce roman finalement assez léger de Jean-Baptiste de Froment. 

Jésus revient ! Voilà La bonne nouvelle annoncée dans ce roman de Jean-Baptiste de Froment. Il revient en Auvergne, dans le petit village anonyme. Il n’a plus la même apparence. Exit la tunique et les cheveux longs, il ressemble à un vieux châtelain de plus de 70 ans, un certain Paul de Larmencour.

Les premières pages semblent assez ludiques, presque comiques. C’est la veuve de Paul, Hermine, qui raconte. Paul est mort d’une crise cardiaque. Chez lui, un matin. Enterré en présence de tout le village dans le caveau familial, son corps disparaît trois jours après. Profanation ? Non car le lendemain, des témoins affirment avoir aperçu Paul, dans la campagne environnante. Les « apparitions » se multiplient, l’affaire devient nationale, les pèlerins affluent vers le petit cimetière auvergnat.

En replaçant la résurrection dans un village français, l’auteur brouille les pistes. Et en racontant cet emballement médiatico-religieux du point de vue d’Hermine, il brosse un portrait au vitriol des mœurs de cette caste de notables de province. Alors que la figure de Paul est de plus en plus adorée, elle remarque avec perfidie : « J’ai toujours pensé que les bourgeois catholiques d’aujourd’hui seraient les derniers à reconnaître le Christ s’il revenait sur terre. De même qu’à l’époque, ils auraient été du côté des Pharisiens, de tous ceux qui réclamaient sa mort… Jésus n’était pas très fréquentable. Un fauteur de troubles, un voyou. » Un jugement sévère pourtant confirmé quand le Vatican envoie sur place un prêtre, le jeune et trop beau Spark, chargé de démontrer l’imposture.

Hermine elle aussi en est persuadée. Mais elle va enquêter et découvrir que la figure de Paul, sa résurrection, est peut-être plus complexe et chargée de sens qu’une simple escroquerie à la foi. Une fin très spirituelle, pas étonnant quand on sait que l’auteur est normalien et agrégé de philosophie.

« La bonne nouvelle », Jean-Baptiste de Froment, Anne Carrière, 250 pages, 20 €

mercredi 2 octobre 2024

Rentrée littéraire - Sombre est « La vie des spectres »

"La vie des spectres", roman de Patrice Jean, sera sulfureux pour certains. D’autres le trouveront avant tout visionnaire. Il décrit surtout avec talent la grande désillusion de l’auteur face à un monde qui s’écroule.

Le narrateur de La vie des spectres, double de l’auteur, sent chaque jour sa colère monter d’un cran face à une société, un monde, qu’il ne comprend plus. Jean Dulac est journaliste à Nantes. Son domaine de compétence c’est la culture.

Quand son rédacteur en chef lui demande de faire une série de portraits des figures locales, il va tomber sur quelques spécimens de cette mouvance gauchisante qu’il exècre. Pourtant, ce sont les nouveaux faiseurs d’opinion. Il va le constater au quotidien. Sa femme ne jure que par eux. Son fils, adolescent rebelle, ne supporte plus les classiques, préférant les textes de rap radicaux.

Comme beaucoup de quinquagénaires, les fameux boomers que les millenials vouent aux gémonies, Jean Dulac a la désagréable impression de ne plus avoir sa place dans cette société ayant, selon Patrice Jean, perdu tous ses repères.

Une critique lucide

Parfois, le narrateur a envie de changer d’identité : « Je ne dois pas être le seul à ressentir cette lassitude d’endosser chaque matin la même défroque, la même vie, la même galère. Peut-être meurt-on par ras-le-bol de jouer toujours le même rôle ? » En se détachant du monde, Jean Dulac essaie de se sauver. La réalité le rattrape facilement.

Un simple fait divers va faire vaciller toutes ses certitudes. Une surveillante du lycée de son fils est victime d’un revenge-porn : son ancien petit ami fait fuiter des images salaces. Un ami du fils les publie sur le net. Cabale contre lui. Mais quand il se fait passer à tabac par des inconnus, il endosse le costume de la victime. En cherchant les véritables raisons de l’agression, Jean Dulac prend le risque de ne pas aller dans le sens de la parole majoritaire. Il est à son tour mis en accusation par ses collègues, son épouse, son fils.

La première partie du roman, très factuelle, démonte la fabrication de certains mensonges médiatiques. Avec de graves conséquences. Vérité trafiquée et fuite du domicile conjugal pour Jean Dulac. Il se réfugie dans une vieille maison de son enfance et entreprend de discuter avec son meilleur ami, mort alors qu’il n’avait pas 30 ans.

La vie des spectres devient plus sombre, pessimiste, désespérée. Un autre reflet de la réalité. Le narrateur se recroqueville, abandonne toute relation sociale : « Je restais dans mon bouge, ma tanière. A partie de quel âge perd-on le désir d’arpenter la rue, d’étendre une serviette sur une plage, de pénétrer dans des cafés ? »

Il croit tomber amoureux. Ne s’en sent plus digne. « C’est peut-être ça, vieillir, ne plus avoir besoin des autres, ne plus croire en eux : on en a fait le tour. » Loin d’être une simple et longue litanie d’un homme précocement vieilli, le roman propose aussi une critique lucide des maux de notre époque.

Et s’offre même une étonnante péripétie avec l’apparition d’une nouvelle pandémie. Des boutons défigurent une grande majorité des Français. Quand les scientifiques découvrent le remède à ce mal étrange, on devine un Patrice Jean jubilant en détaillant le plan mis en place par les autorités pour « guérir » les contaminés.

« La vie des spectres » de Patrice Jean, Le Cherche Midi, 464 pages, 22,50 €  

mardi 1 octobre 2024

Cinéma - Mais au final, qui sont vraiment “Les barbares” ?

Ce village breton se mobilise pour accueillir des réfugiés ukrainiens. Ce sont des Syriens qui débarquent. Une comédie satirique très politique signée Julie Delpy.

Même sur le marché des réfugiés de guerre, certaines nationalités ont plus la cote que d’autres. Il y a un peu plus de deux ans, des milliers de communes de France se sont mobilisées pour accueillir des familles en provenance d’Ukraine. La petite ville de Paimpont, en Bretagne, décor du film Les barbares de Julie Delpy, en fait partie. Un appartement est spécialement rénové pour accueillir une famille. Mais la veille de l’arrivée, il n’y a plus d’Ukrainiens sur le marché. Alors ce sont des Syriens qui débarquent chez des Bretons interloqués. « On n’a pas voté pour ça » fait remarquer, vert de rage, Hervé Riou (Laurent Lafitte) conseiller municipal, plombier et plutôt d’extrême droite alors que le maire « parle couramment le Macron ».

Comédie satirique et humaniste, le film de Julie Delpy détricote nos indignations et solidarités à géométrie variable. Elle se donne le beau rôle en interprétant Joëlle, l’institutrice du village qui a tout organisé pour accueillir les Ukrainiens.

Mais elle est bien seule pour réserver le même accueil aux Syriens. Sa meilleure amie d’enfance, Anne (Sandrine Kiberlain), a déjà plus de difficultés. La faute aussi à son mari, l‘épicier du village, qui la trompe avec la charcutière. Ce qui explique sans doute sa tendance à noyer ses malheurs dans l’alcool. La relation entre les deux femmes, l’une célibataire, l‘autre malheureuse en couple, fait partie de ces petites touches qui apportent une formidable richesse à un long-métrage foisonnant de seconds rôles forts.

On est ainsi bluffé par le seul agent de la police municipale, Johnny (Marc Fraize), vite dépassé face au moindre signe de violence. Il est vrai qu’il est venu en Bretagne pour oublier les affaires qu’il a dû traiter quand il était à la crim’ en région parisienne.

Pour être crédible, le scénario ne devait pas être trop caricatural. Difficile pourtant d’aborder le sujet sans faire une critique en règle des a priori profondément ancrés dans la mentalité des villageois persuadés que ces Syriens sont des «barbares».

Cela donne quelques portraits savoureux comme ce vieux paysan bio toujours partant pour faire la révolution ou cette infirmière sous la coupe d’un mari toxique et autoritaire. La force du film c’est aussi de ne pas épargner les « bons », l’institutrice frisant le ridicule dans son discours féministe. Reste le meilleur : la famille syrienne. Déracinés, endeuillés, ils se sentent rejetés, tout en savourant de pouvoir dormir pour la première fois depuis 4 ans dans un vrai lit et sous un toit.

Et comme c’est une comédie positive, la fin se veut optimiste. Reste que l’on se demande qui sont les véritables barbares dans l’affaire.

Film de et avec Julie Delpy et aussi Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Jean-Charles Clichet, Marc Fraize