Morgane est femme de ménage. Mais attention, cette rousse aux yeux bleus est aussi une femme HPI comme « haut potentiel intellectuel ». Légèrement inadaptée à la vie en société, son intelligence supérieure ne lui permet que difficilement de s’en sortir avec ses trois gosses, ses deux ex et ses cinq crédits.
Sa vie change quand la police repère ses facultés exceptionnelles. Elle troque la serpillière pour un rôle de consultante. HPI est la série phénomène de ces deux dernières années. La première saison a explosé les audiences. La seconde a encore fait mieux. Les huit épisodes ont trusté les huit records de l’année (hors foot…). Le capitaine Marleau a trouvé à qui parler. Un succès qui doit beaucoup à l’abattage phénoménal d’Audrey Fleurot. Celle qui a longtemps été abonnée aux petits seconds rôles est devenue un pilier de la fiction française.
Pour faire plaisir à des proches ou simplement pour revoir les 16 épisodes, craquez pour ce beau coffret paru chez UGC reprenant les deux premières saisons. (Prix conseillé : 29,99 €)
Mais qui a tué Roland Barthes ? Et surtout qui lui a dérobé la formule secrète de la septième fonction du langage ? Le roman de Laurent Binet se transforme en une BD savante dans cette adaptation par Xavier Bétaucourt et Olivier Perret.
Les auteurs (qui se mettent en scène), racontent donc l’enquête du commissaire Bayard, flic à l’ancienne, aidé par Simon Herzog, jeune sémiologue spécialiste des travaux de Barthes.
Entre érudition et humour, on croise au fil des pages Michel Foucault, Philippe Sollers, BHL, Giscard et même Mitterrand juste avant son élection.
« La septième fonction du langage », Steinkis, 23 €
Certains thrillers jouent clairement sur nos peurs primaires. L’enfermement, le feu… Fall de Scott Mann, sorti directement en VOD et sous forme de DVD et blu-ray (Wild Side Vidéo), est le film à déconseiller si vous êtes sujet au vertige. À moins de vouloir vous faire peur. Très peur. Au point d’en être malade selon les retours de certains spectateurs. Becky (Grace Fulton) déprime. Passionnée d’escalade, elle est traumatisée depuis la mort de son mari en pleine ascension.
Sa meilleure amie, Hunter (Virginia Gardner) fait tout pour la sortir du marasme. Et lui redonner l’envie de vivre des sensations fortes. Elle parvient finalement à la convaincre de reprendre un peu de hauteur. En fait beaucoup puisqu’elles vont grimper au sommet d’une tour de communication désaffectée. Hauteur totale : 600 mètres. Et beaucoup de rouille…
Quand vous serez tout en haut, bloqué, plus personne ne vous entendra hurler. Effets spéciaux impeccables pour un film au suspense hautement crédible.
Roman graphique se déroulant sur deux époques et dans deux lieux différents, Hypericon de Manuele Fior semble basé en partie sur ses souvenirs berlinois. Ruben, le jeune Italien dilettante, semble inspiré de la jeunesse du créateur de cette BD de plus de 140 pages.
Ruben rencontre, aime et vit avec Teresa, autre Italienne déracinée qui vient cordonner l’exposition Toutankhamon. L’album, en plus de la découverte de l’amour entre ces deux jeunes dans un Berlin jeune et moderne, raconte la découverte de la tombe du pharaon par Carter.
Si vous vous demandez à quoi ressemble le métaverse, jetez un œil à la nouvelle série programmée sur Prime Vidéo. Périphériques, les mondes de Flynne est une version améliorée de cette réalité virtuelle promise par les grands du net.
Dans un futur proche, aux USA, dans une petite ville de province, Flynne (Chloë Grace Moretz) est très présente pour sa famille. Elle aide sa mère qui est en train de devenir aveugle et son frère, vétéran d’une guerre civile meurtrière. Pour s’évader, elle enfile un casque de réalité virtuelle et se transforme en guerrière invincible.
Distillée à petite dose (un épisode chaque vendredi durant huit semaines), cette série est adaptée d’un roman de William Gibson (paru en France au Diable Vauvert).
Flynne reçoit un nouveau casque. Plus simple, beaucoup plus efficace. Dès qu’elle se branche, elle se retrouve plongée dans le Londres de 2099. Là elle va découvrir la lutte impitoyable entre police, gangsters et scientifiques. Et se retrouve être un enjeu majeur pour l’avenir de ce monde périphérique. Pour bien profiter de l’histoire, il faut dans un premier temps séparer les deux mondes présentés. Le futur proche américain, avec militaires connectés (le frère de Flynne) et le Londres totalement différent, où les robots sont plus nombreux que les humains. Des robots qui servent de réceptacles à la conscience de Flynne quand elle se téléporte virtuellement dans ce monde périphérique, ce métavers puissance 1 000 qui semble être plus réel que son propre monde.
Porté par les créateurs de Westworld, Périphériques est assez bluffant par sa façon de nous perdre entre les mondes réels et virtuels. Les effets spéciaux sont particulièrement réussis, notamment dans le Londres futuriste, gris et pollué, quasi désert.
L’autre belle réussite est de proposer une ribambelle de méchants. Aux USA c’est le très violent Corbett Pickett (Louis Herthum vu dans quantité de séries dont Westworld) et dans l’Angleterre à l’agonie la lutte est rude entre Cherise (T’Nia Miller, repérée dans Sex Education ou The Haunting of Bly Manor) et le mafieux d’origine russe Lev Burtov (John Joseph Feild, Perdus dans l’espace). Les scénaristes se sont même permis une petite romanche entre l’avatar de Flynne et le mystérieux Wilf Netherton (Gary Carr, Meurtres au Paradis). Reste à savoir comment la saison 2 va évoluer. La première est indéniablement réussie, mais les questions en suspens sont légion et l’attente des très nombreux téléspectateurs extrêmement forte.
Pour son premier roman, Elie Semoun s’inspire en grande partie de sa propre vie. Pas une autobiographie (il a déjà donné), mais de sa dernière passion amoureuse. Dans ce texte, sorte de long poème à la première personne, il raconte de façon chronologique et très talentueuse, les différentes étapes de cette période durant laquelle il espérait « Compter jusqu’à toi ». Tout commence au travail. Pour Elie Semoun au théâtre donc. Il donne une représentation de son dernier spectacle et immédiatement, il remarque une jeune femme dans le public. Un coup de foudre improbable. Dans les premières pages du roman il énumère toutes les circonstances heureuses qui vont transformer la soirée en bonheur durant quelques années : « Et si mon regard ne s’était pas alors, ensuite, posé sur toi ? Et si ta beauté n’avait pas accroché mon œil comme un ballon d’enfant au bout de sa ficelle ? » Sans s’épargner, il va aussi raconter comment la passion va lentement mais sûrement s’atténuer, l’amour s’éloigner, les joies des retrouvailles (sa fiancée vit à l’étranger et ne le rejoint qu’épisodiquement à Paris) s’estomper. On est loin des vannes qui font rire. Mais les comiques ont souvent des amours tristes.
Venu récemment dans la région rencontrer ses admirateurs aux clap ciné de Canet et de Leucate, Elie Semoun est revenu sur l’écriture de ce roman et ses passions littéraires. « Je préfère parler de récit que de roman, ça prend la forme d’un journal intime car c’est mon histoire que je raconte au fond. Je l’ai écrit un peu comme une série. Je ne dis pas que ce sont des chapitres mais des épisodes. J’ai voulu écrire le plus simple, reprenant des phrases que j’avais dans la tête depuis pas mal de temps. C’est mon histoire, mais je l’ai un peu fictionnée, je n’ai pas tout mis. Je suis un grand lecteur et pendant l’écriture de mon roman j’ai été influencé par l’écriture de Sagan, Colette, Annie Ernaux parfois, une écriture très claire, très limpide, un mélange de quotidien et de poésie. »
Dans ce texte, on sent un homme qui plus peur du désamour que de l’amour : « J’ai été traumatisé par la perte de ma mère quand j’avais 11 ans. L’abandon, la perte de quelqu’un qu’on aime guide un peu mes histoires. J’ai besoin assez souvent d’être rassuré. » De cette expérience amoureuse, il a fait un livre dans lequel beaucoup de ses lecteurs se reconnaissent. « comme quand tu attends des textos et tu es tout seul chez toi alors que ta copine va faire la fête, tu es en même temps rongé par une sorte de jalousie et une inquiétude et ça c’est quelque chose qu’on a tous vécu. » Et s’il reconnaît qu’il « ne s’est pas donné le beau rôle », Elie Semoun souligne surtout que « cette histoire est le mélange des amours que j’ai vécus. » Et comme dans la chanson, les histoires d’amours des comiques finissent mal, en général.
« Compter jusqu’à toi » d’Elie Semoun, Robert Laffont, 19 €
La production télévisuelle de la Corée du Sud est pléthorique et très diversifiée. Si certaines séries sont hyperviolentes, d’autres très basiques, il y a aussi quelques œuvres assez inclassables. Glitch, visible sur Netflix, intègre parfaitement cette dernière catégorie. En 10 épisodes d’un peu moins d’une heure le spectateur rentre dans la paranoïa de Jihyo Hong (Jeon Yeo-bin). Cette jeune fille très effacée, est convaincue d’avoir été contactée par des extraterrestres en étant enfant.
Quand son petit ami disparaît du jour au lendemain, elle se persuade que ce sont ces fameux aliens qui l’ont enlevé. Elle repère des signes et les voit même lors de flashes dont on ne sait si c’est la réalité ou des hallucinations. Elle va finalement aller chercher de l’aide auprès d’un club d’amateurs pour tenter de retrouver son fiancé et démontrer la réalité de la présence de ces petits hommes verts.
On est loin des Envahisseurs de David Vincent, même si on retrouve la thématique du « seul contre tous ». Une série assez hypnotisante dans sa façon de montrer la folie de certains et l’incompréhension de la majorité.
Enquête policière et littéraire que ce roman d’Adrienne Weick, lauréat du grand prix des enquêteurs 2022. La septième diabolique est la façon de désigner une nouvelle inédite de Barbey d’Aureville, écrivain normand. Il a publié en 1874 un recueil de six nouvelles titré Les Diaboliques. Or il existerait une septième histoire, dite de la femme recluse. Mais ce texte n’a jamais été retrouvé. Légende ou réalité ?
C’est à cette question que vont tenter de répondre les personnages de ce roman policier érudit. Le plus impliqué est un romancier français. Anatole, fin connaisseur de l’œuvre de Barbey d’Aureville, il se retrouve en convalescence à Valognes, petite ville où l’écrivain aimait se réfugier. Aidé d’un étudiant, Aurélien, il va découvrir des indices sur l’existence de ce texte et des raisons de sa disparition ? Une affaire qui deviendra familiale avec l’arrivée dans le jeu d’Anne, bourgeoise normande.
Ce récit, enquête dans le passé, conduit le lecteur dans les méandres de la bonne société de province, actuelle et passée, sur les barricades de la Commune et les censures du XIXe siècle. Une belle découverte qui donne une furieuse envie de lire les six Diaboliques. La 7e, elle est imaginée par Adrienne Weick dans ce présent roman.
« La septième Diabolique » d’Adrienne Weick, Robert Laffont, 17 €
On est tous passé par là un jour. L’envie de refaire sa vie, de bazarder le présent, oublier le passé et repartir sur de nouvelles bases. Chiara (Cécile de France) vit depuis 15 ans avec Antoine (Grégoire Monsaingeon) sur l’île d’Yeu. Ils sont marins-pêcheurs. Chaque jour, ils vont relever des casiers remplis de gros crabes.
Un métier dur, mais qui leur plaît. Couple fusionnel, ils s’épaulent, se complètent. Pourtant, quand un apprenti arrive pour apprendre les rudiments de la profession et leur donner un coup de main, tout bascule. Maxence (Félix Lefebvre), à peine 18 ans, fils de bonne famille, cultivé et intelligent, se frotte à ce métier manuel. Rapidement, il tombe sous le charme de Chiara.
Cette dernière n’est pas aveugle. Imprudemment, elle joue un peu à la séductrice. Jusqu’à ce soir de mariage où elle succombe au jeu de Maxence et lui tombe dans les bras. Le propos du film, simple vaudeville avec en exergue la différence d’âge, est simple comme la vie. On aime, on n’aime plus. On est attiré par un autre, on cède.
Tout l’intérêt du film, en plus des scènes de tendresse entre Chiara et ses deux amoureux, réside dans le portrait de cette femme de 45 ans qui a envie de profiter de la vie. Au risque d’hypothéquer son avenir tout tracé. La passagère arrive au moment du choix : continuer ou changer de direction.
Film de Héloïse Pelloquet avec Cécile de France, Félix Lefebvre, Grégoire Monsaingeon
Certains ne regrettent pas de croiser la route d’Aliana Kelly. Cette ancienne militaire aime rendre service aux faibles, comme pour faire oublier toute la violence déployée au Sahara contre les islamistes radicaux.
D’autres regrettent amèrement, et souvent définitivement, d’avoir osé défier cette femme, métisse d’un père chanteur irlandais et d’une mère, fille de Harki. Ce roman se découpe en chapitres qui correspondent à des rencontres. Il y a le paysan à bout, la prostituée droguée au crack, le petit livreur de pizza…
Toute une France qui souffre et qu’Aliana tente de soulager. Philip Le Roy a beaucoup d’affection pour son héroïne, même si ses coups de force l’ont transformée en femme à abattre dans une France qui semble plus protéger les puissants que les « petits ».
Les fans de sorcellerie vont adorer ce gros volume de BD de plus d e 270 pages. Mathieu Bablet est à la manœuvre. Il a écrit le scénario et réalisé les planches de liaison.
Les différents chapitres ont été confiés à huit dessinateurs amis, de Sumi à Isabelle Bauthian.
The Midnight Order est chargé de traquer et neutraliser les sorcières. On suit le travail de deux membres, Johnson et Sheridan. Il ne faut pas avoir de scrupules pour couper les mains de ces femmes. Surtout quand l’une d’entre elles est votre sœur.
Kingston, Jamaïque, dans les années 90. À Pennyfield, quartier très populaire limite ghetto, Patsy n’en peut plus d’elle-même ni de sa petite vie étriquée. Entre son boulot au ministère - payé une misère - sa fille, Tru, qui la fait culpabiliser par son incapacité à l’aimer comme une vraie « manman » et sa mère, réfugiée dans la religion, elle se sent coincée. Éteinte. Se contente de survivre.
Elle rêve d’une seule chose : rejoindre son amie, son amour Cicely, exilée aux États-Unis depuis des années.
Après un premier échec, elle finit par obtenir le visa de 6 mois tant convoité. C’est décidé, elle demande à Roy, le père de Tru, de s’occuper de leur fille et prend son billet pour New-York.
Arrivée chez Cicely, ou plutôt chez Marcus, son mari, l’accueil se révèle très différent de celui dont Patsy avait rêvé. « Si elle suit le conseil de Cicely et contacte cette agence, voilà ce qu’elle deviendra en Amérique : une nounou. Mais plus que le poste lui-même, c’est l’ironie de la situation qui la trouble - être enfin parvenue à s’installer dans le pays de la liberté pour s’occuper d’un autre enfant que le sien ? » Quant à Cicely, bien installée dans un mariage qu’elle avait pourtant présenté à Patsy comme une simple solution pour obtenir ses papiers, elle se range à l’avis de son mari qui exige que « l’amie » quitte leur maison au plus vite.
Trou noir, désespoir. Il ne sera plus question désormais pour Patsy que de survie. Encore.
Écrit par une Jamaïcaine, ce très beau roman aborde les difficultés de l’immigration, de la maternité imposée, du choix de l’orientation sexuelle, du sacrifice des femmes. Incontournable.
F. H.
« Si le soleil se dérobe », Nicole Dennis-Benn, l’aube, 24€
Dans « Chœur de Rockers », comédie d’Ida Techer et Luc Bricault, Mathilde Seigner interprète une chanteuse chargée de coacher une chorale du 3e âge. Mais ces derniers veulent interpréter du rock ! Un film qui va donner la pêche au public. Rencontre.
Vous ne tournez plus depuis un an volontairement. Reposée pour entamer la promo ?
Mathilde Seigner : Dans nos métiers on n’est jamais vraiment en pause. Là je fais la promo d’un film que j’ai tourné il y a plus de deux ans. Mais cela fait un an pile que je n’ai pas tourné. C’est bien, c’est les vacances !
De vraies vacances où il y a quand même a un vide ?
C’était une volonté, vraiment. En plus je faisais une pause après un succès pour Les enfants des Justes pour France Télévisions avec Gérard Lanvin qui avait cartonné, ce n’était pas du tout une pause négative. Au contraire je partais sur un succès et c’était une volonté de réfléchir, de pas trop envahir les écrans. Je savais que j’avais Chœur de rocker en décembre, donc ça ne faisait pas une absence visuelle énorme et moi ça me permettait de réfléchir et de me poser un peu.
La promo du film va durer deux mois. Vous avez plaisir à rencontrer le public ?
J’ai hâte et puis Perpignan c’est un peu ma ville puisque j’ai acheté une maison et j’ai beaucoup d’amis ici. J’aime énormément cette région, elle m’a plu, c’est pour ça que j’ai acheté ici en bord de mer. Mais j’aime aussi l’arrière-pays, les gens, la gastronomie, on y mange très bien. J’aime l’idée que c’est une région qui n’est absolument pas industrialisée et assez rurale étonnamment. Il y a des coins magnifiques. Et puis il y a une autre chose d’extraordinaire : l’Espagne est très près. Comme disait Nougaro, « L’Espagne pousse un peu sa corne » et je trouve que les Catalans sont très Espagnols et vice versa. C’est une France un peu espagnole. Je reste discrète car c’est pour me ressourcer que je suis venue ici, pas pour faire du bruit. Après, je me suis fait plein d’amis.
Comment avez-vous découvert le Pays Catalan ?
Ma sœur Emmanuelle s’est achetée une petite maison à Canet. Et bizarrement je regardais le journal de notre regretté Jean-Pierre Pernaut et il mettait tout le temps en avant votre région. Collioure, Torreilles… Je me disais que c’était curieux car il n’était pas originaire d’ici. Alors ma sœur achète là, je me suis dit que je devais aller y faire un tour. J’ai eu un coup de cœur. Pour les gens et pour l’ambiance. Je me suis tout de suite sentie bien. J’aime la Méditerranée mais je n’avais pas envie d’acheter dans le Var ou la Côte d’Azur et j’ai atterri ici et je ne regrette pas.
Des projets ?
J’ai un projet de série sur l’agriculture qui me tiens à cœur, mais pas dans la région. Peut-être ? De toute manière j’ai dit à mon agent que je ne reprenais le travail que courant février. Mais pendant un an je n’ai rien fait, j’ai vécu, j’étais en vacances, je n’ai pas lu de scénario. J’ai enfin fait ce que je voulais, ce que je ne pouvais jamais faire, j’ai vu les gens que je voulais rencontrer. C’est un bonheur. Au point que je ne sais pas si je vais arriver à faire la promo du film car on s’y habitue. Bien sûr je vais y retourner, mais il faut que j’ai une grosse envie, que vraiment ça me plaise. Je n’avais plus le plaisir de tourner. Il y a une lassitude qui s’installe. C’est bien de se reposer, de revenir neuve et de recréer le désir auprès du public. Mais surtout de réfléchir, savoir ce que l’on ne veut plus faire. Faire une pause c’est le seul moyen de vraiment réfléchir. Quand on est dans un engrenage de tourner, tourner, on accepte on est dans un tourbillon, on n’a plus de recul. Alors on fait des choses plus ou moins bien, comme une routine. La seule solution que j’ai trouvée c’est de ne plus tourner. Là on est dans le vide, ça cogite et c’est vachement intéressant.
Dans le film, vous incarnez une chanteuse qui ne rencontre pas le succès. Avez-vous vécu une situation similaire dans votre carrière ?
Pour moi, franchement ça a très vite marché. Dès mon premier film j’ai enchaîné. J’ai toujours travaillé. Donc non je n’ai pas du tout vécu ce que vit le personnage d’Alex.
Jamais de doutes ?
Ah si, mais sur des films, sur des choses que j’aurais pu faire et que je n’ai pas faites, des choses que j’ai refusé et que j’ai regretté. Les doutes d’une artiste comme toutes les artistes qui ont des fragilités. Mais pas des doutes sur le travail, parce que j’en avais.
Ce film, tout en étant une comédie, a un petit côté film social anglais.
Déjà le décor de Dunkerque apporte quelque chose d’assez anglo-saxon. Pour le ton, moi qui ait fait des comédie comme Camping ou des drames, là il a les deux avec de l’émotion et des choses inattendues. Le film porte aussi sur les solitudes et notamment des seniors car toutes ces femmes sont assez seules et cette chorale les réunies, les porte.
Les membres de la chorale sont interprétés par des comédiens reconnus. Comment vous êtes-vous adapté pour tourner avec des seniors ?
Mais moi aussi je suis une senior ! Ça commence à plus de 50 ans et j’ai plus de 50 ans. Moi j’avais une équipe de folles. Quand je dis ça c’est tendre car elles ont toutes beaucoup de personnalités, Andréa Ferréol, Anne Benoit, Brigitte Roüan, Myriam Boyer. Patrick Rocca aussi à une grosse personnalité, Bernard Le Coq étant très facile. Le film, c’était le plateau, mais c’était aussi l’hôtel et comme on était en plein confinement à Dunkerque on vivait tous dans le même hôtel.
En réalité, le film était presque plus fort à l’hôtel que sur le plateau : elles s’engueulaient, se disputaient car il y avait un peu d’égo chez les actrices, c’était un peu comme des gamines. D’ailleurs elles ont la patate. A leur âge, elles sont péchues toutes. Ce que vous voyez à l’écran, on le vivait dans la vie. C’était rock n roll mais aussi à l’hôtel. On s’est beaucoup amusé, je les ai beaucoup aimées, je les engueulaient un peu comme dans le film « oh, mais arrêtez de vous chamailler ! ». C’était rigolo car le film continuait à l’hôtel. Les deux comédiens eux étaient cools. Bernard Le Coq il est adorable et n’a aucun égo, mais les filles ça se chamaille.
Dans votre métier, on a l’impression qu’il n’y a pas de retraite.
Non car si on sait bien vieillir et si on accepte de vieillir, on peut travailler jusqu’à 90 ans comme Edwige Feuillère, Daniele Darrieux ou Madeleine Robinson. Mais en fin de compte c’est aussi ça qui est beau dans ce métier. On joue la jeunesse, puis on joue les mamans puis on joue les grands-mères. On tourne car il y a toujours plein de personnages dans un film avec des âges très différents.
Alex (Mathilde Seigner) galère. Elle veut percer dans la chanson. Elle a une belle voix, une sacrée présence sur scène, ses potes musiciens y croient mais sa carrière stagne. Acculée financièrement, elle accepte finalement un petit boulot : coacher une chorale du 3e âge dans un Ehpad. Le directeur n’a qu’une exigence : que les chansons représentent la belle tradition de notre pays et de la région de Dunkerque. Problème, les membres de la chorale sont des anciens très rebelles.Ils veulent chanter du rock, de Bowie aux Clash.
Alex, réticente au début, va finalement accepter de changer le répertoire. Le lancement d’une formidable aventure pour le groupe de papys et de mamies encore très jeunes dans leur tête.
Ce film est directement inspiré d’une histoire vraie. La véritable Alex a d’ailleurs participé aux séances de travail avec les comédiens de la chorale. Un groupe très entraînant et parfois touchant, avec la découverte d’une Anne Benoit à la voix parfaite. Elle est accompagnée par Andréa Ferréol, Brigitte Roüan, Myriam Boyer, Bernard Le Coq et Patrick Rocca.
Film d’Ida Techer et Luc Bricault avec Mathilde Seigner, Andréa Ferréol, Anne Benoit, Brigitte Roüan, Myriam Boyer, Bernard Le Coq, Patrick Rocca.
Si vous faites partie des Français souffrant d’éco-anxiété, ne lisez pas les trois volumes de la série ayant pour nom Apocalypse. Le romancier, caché sous le pseudonyme de Koz, tente d’imaginer comment notre monde pourrait déraper si des esprits malveillants décidaient d’amplifier les catastrophes écologiques qui nous pendent au bout du nez.
Après Noir et notre dépendance à l’électricité (paru en 2021 et complètement d’actualité cet hiver…) puis Rouge sur les feux de forêts dans le Sud de la France (chez Pocket en poche depuis octobre dernier), le 3e volet vient de paraître et aborde les problèmes de pollution de l’eau. Pour mener l’enquête, on retrouve Hugo Kezer, le chef de la cellule Nouvelles menaces de la police judiciaire. Il est toujours secondé par Anne Gilardini, ambitieuse, impétueuse mais surtout enceinte de 8 mois.
En plein Océan Atlantique, les services météo français surveillent une tempête en formation. Elle gagne en puissance et s’approche des côtes au niveau de Nantes. Elle touche les terres au moment où les marées sont au maximum. Résultat la Loire gonfle et sort de son lit provoquant l’évacuation des communes de l’estuaire et même d’une grande partie de Nantes. Une catastrophe écologique qui n’est que la partie émergée du danger. La crue coupe l’électricité et neutralise les usines produisant l’eau potable. Une eau qui semble en plus porteuse d’un virus qui pousse les consommateurs à se suicider, notamment par noyade.
Kezer et son adjointe débarquent dans l’enquête presque par effraction. Ils viennent prendre des nouvelles de leur ami et collègue Franck Caillot, en cure de repos après un burn-out. Il fait partie des dizaines d’hommes et de femmes qui ont voulu en finir.
Parmi ces désespérés, des sans-papiers africains réfugiés au bord de la Loire dans des camps de fortune. Mais pourquoi tenter d’en finir après avoir surmonté tant d’épreuves, de la fuite du pays à la traversée de la Méditerranée ? Un début de réponse est apporté après l’autopsie des premières victimes : « On observe une encéphalite très violente. La réaction auto-immune a entamé les tissus cérébraux. On note aussi un début de dégradation de la moelle épinière. » Cela provoque selon le médecin légiste, « fièvre, courbatures, raideur cervicale, pertes de repères, problèmes d’élocution voire des hallucinations. » Kezer et son équipe se lancent à la poursuite d’un inquiétant élément pathogène ou d’un virus.
Toujours aussi bien documenté, ce polar fait parfois penser à un simple voyage dans le temps. Car des tempêtes du siècle, il risque d’y en avoir tous les ans. Et des infections ou pandémies, il n’est plus à démontrer qu’elles peuvent apparaître à tout moment. Une intrigue alarmiste renforcée par les suites des déboires personnels des enquêteurs, notamment la dépression de Kezer toujours marqué par la mort violente de son fils. Et si Bleu était son ultime mission ?
Au milieu des années 80, Stella a 17 ans et doit passer le bac. Une étape importante pour cette fille de cafetiers parisiens. Une chance pour rejoindre la fac, changer de vie, de classe sociale. Mais entre les études et les nuits à danser aux Bains Douches, le choix est cornélien.
Sylvie Verheyde s’inspire librement de son enfance dans ce film qui est une suite directe de son précédent long-métrage, Stella. Enn terminale, la très taciturne Stella (Flavie Delangle), n’est pas très attentive en cours. par contre elle en apprend beaucoup dans sa petite bande de copines. Des filles brillantes, issue de la bourgeoisie, qui lui apprennent quelques codes pour vivre en bonne société. En échange, elle leur apporte sa liberté et son insouciance, notamment en leur permettant d’aller s’amuser aux Bains Douches, haut lieu de la fête parisienne. C’est dans cet antre libertaire et dansant qu’elle tombe amoureuse d’André (Dixon), jeune Noir stylé, aussi doué en musique qu’en chorégraphie.
Le film propose aux spectateurs ces plongées savoureuses dans l’ambiance musicale des années 80, cette liberté totale et absolue, sans barrières, où tout était permis. Une époque révolue maintenant que la mixité sociale n’est qu’un lointain souvenir, alors que les « tribus » favorisent le repli sur soi. C’est dans ce contexte que Stella, écartelée entre son milieu populaire, incarné par sa mère (Marina Foïs, cafetière entière et diablement sympathique) et son père volage (Benjamin Biolay, clone de Lavilliers), et ses copines bourgeoises, va devoir faire des choix. L’amour ou les études ? Et pourquoi pas les deux ? Ou une troisième voie. Car tout était possible dans ces années 80 magiques et regrettées par toute personne qui avait moins de 30 ans à l’époque.
Film de Sylvie Verheyde avec Flavie Delangle, Marina Foïs, Benjamin Biolay
Depuis la semaine dernière, les êtres bleus de Pandora occupent de nouveau les rêves de millions de Français. La suite d’Avatar sort au cinéma. Mais avant James Cameron, à quoi ressemblait la vie de Tsu’tey, le guerrier de la tribu Omatikaya du peuple Na’vi ?
Réponse dans cette grosse BD (160 pages) écrite par Sherri L. Smith et dessinée par Jan Duursema et Doug Wheatley. On y découvre les rites de ces êtres en totale harmonie avec la nature de leur planète. Une excellente révision avant mercredi !
« Avatar, Le destin de Tsu Tey », Delcourt, 16,50 €
Si l’œuvre de Ron Rash est surtout marquée par une description détaillée et sublimée de la faune et de la flore des Appalaches, elle serait moins savoureuse sans l’adjonction dans cette nature encore sauvage (l’action se déroule au début du XXe siècle) de personnages hauts en couleurs.
La plus emblématique reste Serena, femme forte, veuve à la poigne d’acier, chef d’entreprise et surtout experte en maniement de la hache puisqu’œuvrant dans le milieu des bûcherons. Dans Plus bas dans la vallée, on retrouve Serena dans la première et longue nouvelle de ce recueil. Elle revient du Brésil pour terminer, en trois jours, l’abattage de milliers d’arbres.
Elle apparaît ainsi aux ouvriers qui la découvrent pour la première fois : « Ses pommettes hautes, son nez étroit et ses lèvres minces étaient impressionnants, pas autant que ses yeux, toutefois - gris, mais pailletés d’or, plutôt en amande que ronds. […] Pas une bague ne dorait ses longs doigts aux ongles coupés ras. Son seul luxe apparent était ses cheveux blonds tombant sur ses épaules. » Méfiance cependant, Serena est belle, mais très dangereuse.
« Plus bas dans la vallée » de Ron Rash, Gallimard, 19 €
Après avoir conté les aventures des elfes, nains et autres orcs, Istin étend son imaginaire à une Afrique enchantée. Ce sera Les chroniques des Terres d’Ogon et cela débute avec le périple d’Ubu, jeune humain de la tribu des Kulu. Une histoire de vengeance.
La famille d’Ubu est massacrée par les gorilles Tog. Il va aller demander de l’aide aux dieux de la région, les Elfes rouges. Malgré les risques, six d’entre eux vont accepter d’aller trucider l’assassin. Dessiné par Kyko Duarte, ce nouvel arc de la collection est prévu (pour l’instant) en quatre volumes.
Pour la période de fin d’année, certaines chaînes ou plateformes de streaming ressortent la formule éculée du film de Noël. De bons sentiments, de la famille et un Père Noël, gentil et barbu. Netflix, un peu à contre-courant, propose aussi un héros barbu (et chevelu et très poilu…), mais pas du tout gentil.
C’est en Norvège que ce monstre, digne de King Kong et de Godzilla, va semer la terreur durant les fêtes. Tout débute par une aberration écologique : le percement d’un tunnel dans une montagne réputée sacrée. Les tirs d’explosifs réveillent un vieil habitant : un troll monumental, plongé dans le sommeil depuis des siècles. L’être, fait de pierre, de terre et de végétaux, au gros nez digne d’un Bérurier scandinave, se dirige droit vers la capitale Oslo. Branle-bas de combat dans le gouvernement qui demande l’aide d’une spécialiste en fossiles (merci Jurassic Park !), le professeur Nora Tindeman (Ine Marie Wilmann), par ailleurs férue de contes locaux.
Aidée de militaires et d’un conseiller de la Première ministre, elle se rend sur place et découvre cette aberration. Le film, entre action, guerre et légendes nordiques, offre surtout un nombre considérable de scènes d’action. Dans les fjords mais aussi dans une ville d’Oslo désertée et malmenée par la montagne trollienne.
Un bon divertissement, plus original en tout cas d’une bête histoire de Noël.
Film norvégien de Roar Uthaug avec Ine Marie Wilmann, Kim S. Falck-Jørgensen, Mads Sjogard Pettersen
Ils sont de retour et attention, ils sont toujours autant remontés. Les Vieux Fourneaux de Lupano et Cauuet sont « Chauds comme le climat » dans ce 7e album.
Au cours d’un pique-nique convivial, Berthe agresse le maire à coups de pique de brochettes. La nuit venue, un incendie détruit la ferme de l’irascible vieille et l’usine pharmaceutique voisine.
Mais les coupables sont vite trouvés : les clandestins qui travaillent au ramassage des fraises. Un peu trop évident pour nos trois redresseurs de torts. Une BD toujours aussi jubilatoire… et politique.
Certains films semblent écrits uniquement pour briller aux Oscars. C’est le cas de Causeway de Lila Neugebauer avec Jennifer Lawrence et Brian Tyree Henry. Ce drame sur la reconstruction d’une militaire blessée en Afghanistan offre un rôle en or pour l’ancienne adolescente mondialement célèbre depuis sa découverte dans Hunger Games. Mais elle n’aurait pas réussi à être si bonne sans l’appui de Brian Tyree Henry, lui aussi probable nominé au titre de meilleur comédien. Directement diffusé sur la plateforme Apple TV +, ce film intimiste et grave reste un modèle de résilience.
Linsey (Jennifer Lawrence) est de retour au pays. Sur une chaise roulante, elle est accueillie chez une aide qui va lui permettre de retrouver un peu de mobilité. Blessée dans l’explosion de son blindé en Afghanistan, elle soufre de graves séquelles neurologiques. Terminée la sportive téméraire. Elle n’arrive même plus à de brosser les dents toute seule.
Des mois plus tard, elle va mieux et retourne à la Nouvelle-Orléans, dans la maison familiale qu’elle a fui en son temps. Affrontement avec sa mère puis rencontre fortuite avec James (Brian Tyree Henry). La militaire un peu asociale va comprendre ce garagiste unijambiste qui vit seul dans une grande maison. Les deux vont lentement s’apprivoiser, tenter de se comprendre, voire devenir des amis. Un film à fleur de peau, comme ses deux personnages principaux qui ont tant de secrets à cacher.
Film américain de Lila Neugebauer avec Jennifer Lawrence, Brian Tyree Henry
Dans la BD du Petit Spirou, le jeune héros n’a pas de père. Une explication est en partie donnée dans la première histoire du tome 19.
Dans la réalité du monde de l'édition, le petit personnage a deux pères. Tome et Janry. Mais depuis 2019, Tome n’est plus là pour imaginer ces gags loufoques.
Sans scénariste, le dessinateur Janry a longtemps hésité. Mais il a décidé de relever le défi et à son rythme, avec l’aide de quelques amis de la profession, il a imaginé les gags et récits complets de ce 19e album.
On retrouve tous les ingrédients qui ont fait le succès de la série, entre grosse rigolade et jolis sentiments. Une suite logique, évidente, comme si le Petit Spirou n’était pas à moitié orphelin.
Après le succès de Go West !, l’album collectif sur la conquête de l’Ouest américain, Tiburce Oger se penche cette fois sur la saga des peuples indiens. Indians !, sur plus de 120 pages, propose des histoires complètes dessinées par 17 auteurs de renom.
Tiburce Oger se contente des scénarios, traçant au fil des décennies les massacres et trahisons qui ont ensanglanté la nation indienne. Au générique, on retrouve des signatures qui ont déjà des séries de western renommées comme Blanc-Dumont, Derib ou Christian Rossi.
Parmi les autres auteurs, on est admiratifs face à la précision de Labiano, la puissance de Jef, le dynamisme de Corentin Rouge et la force de Ronan Toulhoat.
« Indians ! », Bamboo Grand Angle, 19,90 €, 29,90 € pour l’édition noir et blanc
Au fil des albums, la série Studio Danse de Béka et Crip prend de l’ampleur. Son envol pourrait-on écrire puisqu’il est beaucoup question du Lac des Cygnes dans ce 13e tome.
Après quelques gags toujours aussi subtils autour de la vie de ces petites apprenties danseuses, c’est une longue histoire d’une trentaine de planches qui clôture le livre.
Les copines sont repérées par un producteur qui veut les faire danser à l’opéra de Paris. Un rêve éveillé qui va se transformer en véritable cauchemar. On apprécie toujours autant le regard bienveillant des deux scénaristes sur ces filles passionnées mais malgré tout bine dans leur peau. Une série à la belle longévité et qui voit son audience sans cesse progresser.
Infatigable Hermann. A plus de 80 ans, il continue à signer plus d’un album de BD par an. Dans le nouveau Jeremiah, ses deux héros sont au plus mal. Kurdy est en prison et Jeremiah se fait enlever par un clan de mafieux dirigé par une cruelle « Madame ».
Kurdy va vite se faire la belle et embarquer avec lui son compagnon de cellule. Un petit malfrat qui connaît parfaitement la région et lui permet de comprendre qui en veut à son copain et pourquoi. Une histoire très sombre, pessimiste, qui se termine par un coup de théâtre très inquiétant.
Il faudra attendre l’année prochaine et le 40e tome pour savoir si cette « Rancune » (titre de l’épisode) n’est pas trop mortelle.
Quand Jul décide d’écrire un scénario de Spirou et Fantasio, qu’il confie à Libon, il s’attaque à la raison des deux héros. Fantasio a disparu. Il est parti faire un reportage à Angoulême.
Il souffrirait du mystérieux mal de la préfecture de Charente : croire qu’on est un personnage de BD. Il jure comme un charretier, persuadé d’être le capitaine Haddock. Spirou devra se faire passer pour Tintin pour le délivrer de la clinique psy où il est enfermé avec d’autres malades se prenant pour Astérix, les Schtroumpfs ou les Dalton. C’est hilarant et bourré de références à la BD franco-belge.
Splendide album que ce Vénus à son miroir signé par Cornette (scénario) et Matteo (dessin). Il est vrai que le sujet est propice aux belles images : un épisode d ela vie du grand peintre espagnol Vélasquez.
Envoyé par le roi d’Espagne en Italie pour acquérir des toiles et sculptures italiennes, il est hébergé chez un ami peintre. Là, il croise la route de la sœur, Flaminia. Vélasquez a 50 ans, Flaminia à peine 20. Elle peint mais surtout accepte de poser pour lui, nue. Pour la première fois le prude espagnol ose peindre une femme nue. Ce sera la toile Vénus à son miroir.
En plus de l’intrigue sentimentale, aussi belle que libre, l’album raconte comment Vélasquez accorde la liberté à son esclave Maure, Juan de Parela, autre peintre talentueux.
Génie du dessin réaliste, marchant souvent dans les pas d’Hugo Pratt, Milo Manara est un grand de la BD italienne.
Une œuvre marquée par des séries érotiques mais aussi des romans graphiques entre philosophie et pure aventure.
Pour raconter cette carrière commencée durant les années 60, le dessinateur a préféré poser son pinceau et raconter lui-même, dans de courts chapitres, les grandes étapes de son parcours. On croise dans ces pages Dali, Moebius, Jodorowski et d’autres grands du 9e art. Le tout agrémenté de très nombreuses illustrations rares ou inédites.
Certaines villes ont une image de marque un peu compliquée à exploiter touristiquement. Étretat par exemple, station balnéaire sur la côte normande. L’aiguille creuse et les aventures d’Arsène Lupin ont beaucoup fait pour sa renommée. Mais si les falaises ont tant de succès, c’est aussi car c’est un « spot » renommé pour les suicidaires. Une chute vertigineuse et l’arrivée sur les rochers empêchent tout échec. Enfin presque.
L’héroïne du roman policier La falaise aux suicidés de Joseph Macé-Scaron, Paule Nirsen, trouve le moyen de se rater. La faute à une tentative de meurtre qu’elle devine alors qu’elle est sur le point de sauter. Elle se cache et dévale un long talus pour terminer sa course dans un blockhaus datant de la seconde guerre mondiale. « Au fond, ce raté, c’était le résumé de sa vie. Une succession de culbutes sans fin » constate-t-elle. Toujours est-il que l’universitaire (elle est spécialiste en littérature médiévale), retrouve un intérêt à la vie. Elle se transforme en détective amateur et prête main-forte à son ami d’enfance, Guillaume, devenu chef de la gendarmerie locale.
Ce roman, vif et sans temps mort, dresse le portrait d’une province un peu sclérosée. On croise à Étretat sous la plus de l’auteur, par ailleurs journaliste politique parisien, nombre d’originaux. Une femme de ménage tendance gorille, une chatelaine qui fait dans le Airbnb, un spécialiste des araignées, des dockers pas très nets et même une ancienne gloire de la pop musique anglaise en la personne de Peter Doherty. Sans compter quelques dizaines de suicidés. Même si souvent, ils n’ont pas véritablement choisi leur mort.
Sans prétention, bourré de clins d’œil à l’actualité, acerbe comme son auteur, ce roman est une belle réussite de la collection Terres Sombres, mélange de terroir et de polar.
« La falaise aux suicidés » de Joseph Macé-Scaron, Presses de la Cité - Terres sombres, 21 €
Après avoir exploré la vie du poète à travers Mademoiselle Baudelaire, alias Jeanne Duval, vénus noire au cœur de l’œuvre de Baudelaire, Yslaire offre son inépuisable talent graphique aux Fleurs du mal.
Illustrant les cent poèmes de la version de 1857, avant le procès retentissant de Baudelaire qui en fera écarter six parties jugées immorales, Yslaire, maître de la BD moderne souligne de merveilleuse et vénéneuse manière toute la beauté, la profondeur et le mystère de l’art baudelairien. Le temps n’est rien pour les artistes qui, malgré la différence d’époque, finissent toujours par se rencontrer…
Porté par un jeune acteur très prometteur, ce film de Christophe Honoré explore les méandres de l’esprit d’un adolescent torturé par le deuil.
Les parents se demandent souvent ce qui se passe dans la tête de leurs grands adolescents. Ce qu’ils comprennent de leurs actions, ce qu’ils pensent de cette envie qu’ils s’en sortent dans une société toujours plus compliquée. Cela se complique quand un des parents meurt prématurément.
Christophe Honoré, sans vouloir donner une réponse universelle, apporte cependant de nombreux éléments qui font réfléchir, comprendre, titiller une réalité qui échappe trop souvent aux adultes. Le Lycéen donne beaucoup la parole à Lucas (Paul Kircher), élève en première, 7 ans, fils d’Isabelle (Juliette Binoche) et Claude. Claude qui meurt dans un accident. Si sa femme est dévastée, Lucas n’arrive pas, au début, à prendre conscience de la réalité du drame.
Ce feu follet séduisant, au sourire ravageur, la chevelure toujours en bataille, sourit à toute la famille venue aux obsèques. Ce n’est que le lendemain qu’il prend conscience de cette absence, du manque. Pourtant, Lucas n’était pas proche de son père, très occupé par son travail. Et il reste persuadé, malgré les dénégations de son frère Quentin (Vincent Lacoste), que ce dernier était déçu quand il a deviné qu’il était gay. Avant de retourner au lycée, Quentin propose à Lucas de passer une semaine avec lui, à Paris. Quelques jours, loin du malheur, des rencontres qui vont lui permettre de voir la vie d’une autre façon.
Directement inspiré de la mort de son propre père quand il était adolescent, ce film de Christophe Honoré est une splendide parabole sur le deuil et la renaissance qui, inéluctablement, permet aux vivants de repartir de l’avant. C’est un peu le cas de la mère, mais ce parcours est essentiellement personnifié par les montagnes russes de sentiments que doit surmonter Lucas. Avec un jeune comédien époustouflant de grâce, de sincérité et de talent. Paul Kircher est le lycéen, celui qui, comme le souligne le réalisateur, « espère en l’amour ».
Film français de Christophe Honoré avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste
En 1629, la compagnie maritime néerlandaise domine le commerce mondial.
Ses navires sillonnent les océans. Le plus moderne, le Jakarta, va partir pour les Indes. C’est ce périple dramatique que Xavier Dorison raconte dans cet album de BD de luxe dessiné par Thimothée Montaigne.
Plus de 130 pages pour un huis clos à bord, avec complot, meurtres, tentative de mutinerie et justice expéditive. Finalement c’est la mer qui aura le dernier mot avec un naufrage dans les mers du Sud. Sans doute le meilleur album (et le plus beau) de cette fin d’année 2022.
Je vous ai déjà expliqué précédemment dans ces lignes l’effet toujours bénéfique sur le moral de l’ajout de fromage fondu sur nos aliments. Un principe qui connaît son summum, le 13 décembre, la journée mondiale de la raclette.
Et certains prennent cela très au sérieux, puisque, ce jour-là, mardi prochain, la marque RicheMonts ouvrira les portes de son premier Hot Spots à Paris : « le spot le plus fondu de France ! » selon le slogan officiel. Jusqu’au dimanche 18 décembre, ce restaurant éphémère proposera des menus originaux à base de… raclette.
Le tout dans une ambiance conviviale avec set de DJ, le soir, pour éliminer les milliers de calories ingurgitées auparavant. Car le fromage fondu, c’est peut-être bon pour le moral, mais côté santé physique, cela laisse à désirer, dès qu’on en abuse.
Seul avantage pour la danse, cela amplifie les poignées d’amour si pratiques pour bien s’agripper à son ou sa partenaire. La raclette est un classique des fêtes de fin d’année et d’une façon générale de l’hiver. Seul problème, cette année, les appareils qui permettent de griller la charcuterie et fondre le fromage sont particulièrement énergivore.
Si 100 000 Français décident de déguster une raclette, en même temps, entre 19 h et 20 heures, les deux centrales nucléaires relancées dans la semaine ne suffiront pas pour alimenter tout le pays. On risque le délestage ou, carrément, le black-out. Voilà pourquoi je vous conseille, à l’avenir, de n’organiser des raclettes qu’aux chevets de malades hospitalisés, en compagnie d’une brigade de gendarmerie ou chez les pompiers. Au moins, vous serez assuré de ne pas devoir manger la coppa crue et le fromage dur.
Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 10 décembre 2022