mercredi 30 novembre 2022

BD - Corbeau, le retour

Le corbeau est de retour. Ce sinistre oiseau est l’emblème de la revue Lowreader lancée par Run au Label 619. Pour cette seconde fournée, trois histoires complètes et quelques articles au sommaire. 

Petit Rapace fait découvrir aux lecteurs l’enfer des décharges aux Philippines, Pivwan dessine les jolies chanteuses de K-Pop et Chesnot la nature sauvage du nord canada. 

Avec un point commun : des scènes horribles et sanglantes pour conclure ces récits complets réservés à un public averti.

« Lowreader » (tome 2), Rue de Sèvres - Label 619, 14,90 €

DVD et blu-ray - Joyeuse retraite passe la seconde


Comme le reconnaît Michèle Laroque dans le supplément du DVD Joyeuse retraite 2 (M6 Vidéo), ce ne sont pas les comédiens ou le réalisateur qui a souhaité une suite, mais le public. Plus d’un million d’entrées pour le premier opus mettant en scène le couple Laroque-Lhermitte ont justifié ce chapitre 2 se déroulant entièrement au Portugal. 

Philippe et Marilou, pour leurs 35 ans de mariage, s’offrent une résidence secondaire au Portugal. Ils partent avec leur belle-fille Léa (Constance Labbé) et leurs petits-enfants profiter de ce petit paradis. Mais arrivés sur place, catastrophe, la maison n’est pas terminée. Pour couronner le tout, un âne squatte le jardin (le terrain vague selon Léa). Le ressort comique du film est tenu en grande partie par le cousin Olivier (Nicolas Martinez), grand gaffeur devant l’éternel et source de déboires sans fin. 

On apprécie aussi la belle complicité entre Michèle Laroque et Thierry Lhermitte qui creuse un peu plus la psychologie très égoïste de ces deux grands-parents pas du tout prêts à s’occuper de petits-enfants épuisants. Fabrice Bracq à la réalisation s’offre quelques scènes très abouties (notamment un carambolage au ralenti).

DVD et Blu-ray - "Decision to leave", de l'enquête criminelle à l'amour

Decision to leave (M6 vidéo) le nouveau film de Park Chan-wook, virtuose du cinéma coréen, est une belle et triste romance qui débute par la découverte d’un cadavre. Hae-Joon (Park Hae-il), est chargé de cette enquête de routine. 

Un homme a été retrouvé mort au pied d’une montagne. Il aurait dévissé lors de son ascension. Cet ancien agent de l’immigration est marié avec Sore (Tang Wei), une jeune Chinoise, récemment naturalisée. Le policier, un modèle de professionnalisme, consciencieux, opiniâtre, passant au crible tous les détails de l’enquête, ne peut pas s’empêcher de suspecter la veuve tout en la réconfortant. 

Elle aussi remarque ce policier qui passe ses nuits à son chevet et va se trouver attirée par lui. 

D’une banale intrigue policière, Park Chan-wook transforme Decision to leave en film d’amour ambigu. Au dernier festival de Cannes le réalisateur coréen a remporté le Prix de la mise en scène.

mardi 29 novembre 2022

BD - La Buse, pirate légendaire

Peintre officiel de la Marine belge, Jean-Yves Delitte est un expert des voiliers de la grande époque de la piraterie. Sa nouvelle série a pour personnage principal La Buse, un célèbre pirate ayant écumé l’océan Indien durant des décennies. 


Entre sa base, Libertalia sur la côte malgache et la Réunion (encore île Bourbon à l’époque), il détrousse les navires marchands revenant d’Inde. 

Il accumule un formidable trésor qui fait toujours vibrer quelques passionnés, persuadés qu’une fortune les attend dans une grotte non loin d’une crique. 

« La Buse » (tome 1), Glénat, 14,50 €


Série télé - Reusss : les trois de Sète

Le pari est risqué : tenter de mélanger série télé et comédie musicale. France Télévision a lancé un appel à projets et c’est un projet entièrement tourné à Sète qui a décroché le gros lot. Reusss raconte l’histoire de trois adolescentes (trois sœurs de misère, reusss en verlan) vivant dans un quartier sensible de la ville portuaire héraultaise. Elles ne se ressemblent pas du tout, mais sont fidèles en amitié depuis leur petite enfance. Trois presque femmes qui doivent décider ce qu’elles vont faire d e leur vie. 

Sur ce fond psychologique et social, se greffe une intrigue policière avec l’agression du grand frère de Hanane, l’intello du trio. Le premier épisode la voit très angoissée avant de découvrir les résultats du bac.  La question n’est pas de savoir si elle l’a ou pas mais du niveau de sa mention. Hanane (Inès Ouchaaou) vise des prépas, notamment à Sciences-Po. Avec ce très bien son horizon s’éclaircit, elle va enfin pouvoir quitter le quartier. Première chanson et chorégraphie très réussie. Ambre (Charlie Loiselier) aussi est anxieuse. Elle doit passer une dernière épreuve pour décrocher sa place dans l’école de danse de l’opéra. Poussée par une mère étouffante, elle va réussir et rapidement se poser des questions sur ce choix. La dernière des trois n’attend plus grand-chose de la vie. 

Maïssa (Assa Sylla) a abandonné les études et bosse dans une pizzeria. Elle jongle avec ses horaires décalés pour s’occuper de ses deux petits frères. Leur mère, dépressive, ne quitte plus sa chambre, totalement démissionnaire. Ces trois parcours, parfois un peu caricaturaux, illustrent quand même assez bien les difficultés des jeunes de banlieue pour trouver leur place. Surtout quand on est des filles et issues de l’immigration comme c’est le cas de Hanane (parents maghrébins) et Maïssa (mère africaine). 

Des états d’âme qui n’empêchent pas de tomber amoureuses. Des bluettes qui permettent de rythmer la série de 10 épisodes de 25 minutes de chansons romantiques et bien balancées mélangeant les genres, du rap au rock en passant par la pure variété française. A ce petit jeu, Charlie Boiselier l’emporte largement. Par contre pour ce qui est du jeu, Inès Ouchaaou est une véritable révélation. Mais les trois sont tellement complices que le jury du dernier festival Séries Mania de Lille a décidé de leur remettre conjointement le prix de la meilleure actrice dans une série française. Une récompense largement méritée pour les trois de Sète.


lundi 28 novembre 2022

BD - Gare aux moules !

Après les ordures sur la plage, le jeune Clovis se retrouve aux prises avec des moules et crabes gigantesques dans le second album contant ses aventures. 

La faute à une pollution de la mer. Face à l’attaque des moules géantes, le jeune héros imaginé par Carbone et dessiné par Pauline Roland pourra bénéficier de l’aide de la chienne de sa mémé, Bonnie. 

Marrante et dynamique, cette BD a des airs très audois (Pauline Roland est de Port-la Nouvelle) et la fameuse île de l’Escagasse ressemble comme deux gouttes d’eau à l’île de la Nadière. 

« Bonnie & Clo » (tome 2), Jungle, 12,95 €


Cinéma en streaming - Le match Overdose vs Balle Perdue 2

Quel est le point commun entre les deux films d’action français qui brillent sur les deux principales plateformes de streaming ? 


Le match entre Overdose d’Olivier Marchal sur Prime Vidéo et Balle Perdue 2 de Guillaume Pierret sur Netflix a un dénominateur commun : l’Occitanie. Les deux films ont été tournés en grande partie dans les décors et sur les routes de la région. Toulouse et l’Aude pour le film d’Olivier Marchal avec Sofia Essaidi, Montpellier et l’Hérault pour le blockbuster avec Alban Lenoir en vedette. 

Les deux films montrent quantité de courses-poursuites et de cascades. De coups tordus aussi entre flics, ripoux et malfrats. Pour Overdose, le tournage s’est déroulé pendant 5 semaines entre Narbonne, Carcassonne, Perpignan, Mirepoix et Seix dans l’Ariège, Lourdes et Toulouse. En ce qui concerne Balle perdue 2, plusieurs villes et départements d’Occitanie ont accueilli le tournage : dans l’Hérault, Agde et Montpellier notamment (Chapelle des Récollets, Quai du Verdanson, …) et en Aveyron, c’est sur l’A75 que se sont jouées quelques scènes de course-poursuite. 


Le film de Guillaume Pierret est la suite directe du premier opus, véritable carton d’audience sur Netflix. Lino (Alban Lenoir) cherche à venger la mort de son frère et de son mentor. Scénario un poil plus original pour Overdose, avec tentative de démantèlement d’un réseau de go-fast entre France et Espagne avec infiltration sous couverture. Deux films qui ne vous font pas spécialement réfléchir mais qui brillent par leurs cascades et les décors qui mettent en valeur le Sud et les Pyrénées. 


dimanche 27 novembre 2022

BD - La fin du voyage pour "Les passagers du vent"

Fin de la superbe saga des Passagers du vent de François Bourgeon. Un 9e et dernier album de plus de 200 pages, pour achever cette histoire familiale débutée il y a 43 ans. 

Isabeau, petite-fille d’Isa, raconte comment elle a participé à la Commune, y a perdu son mari et sa petite fille avant d’être déportée en Nouvelle-Calédonie. L’exil vers le Pacifique sud permet de mieux comprendre cette partie historique de l’Histoire de France. 

En bouclant cette série, François Bourgeon contente de nombreux fans et leur donne l’occasion de se replonger dans ces 580 planches de toute beauté.  

« Les passagers du vent » (tome 9), Delcourt, 23,95 €

Beau livre - Alain Delon en large et en travers


Parmi les très nombreux livres consacrés à Alain Delon, celui qui avant tout le monde était le symbole du beau gosse, doublé d’un esprit assez bad boy, ne manquez pas ce superbe ouvrage signé des plus grandes plumes de la rédaction du magazine SoFilm. Delon et large et en travers dresse un portrait intimiste et professionnel très complet de la vedette de Plein soleil à Mort d’un pourri en passant par Borsalino. L’intérêt de l’ouvrage réside dans ces thématiques un peu moins abordées dans les ouvrages plus axés cinéma. 

On comprendra ainsi pourquoi l’acteur est venu à Perpignan soutenir l’action en faveur du chien martyrisé, Mambo. Il a toujours déclaré que les chiens sont « les seuls êtres vivants dont je suis sûr qu’ils ne m’abandonneront et ne me trahiront jamais. » On trouve également dans ces pages le témoignage de Mylène Demongeot. Elle a débuté avec lui à la fin des années 50 dans Sois belle et tais-toi. Une interview qui résonne différemment, quelques semaines après la disparition de la comédienne française.

« Delon en large et en travers », Sofilm, Marabout, 42 €

samedi 26 novembre 2022

Thriller - Crimes de Neandertal

La ligne de démarcation entre thriller et roman policier est souvent ténue. Le manoir des sacrifiées, dernier roman d’Olivier Merle, semble exactement à cheval entre les deux genres. Par son intrigue et la progression de l’enquête du héros, un policier de Rennes, Hubert Grimm, c’est du pur polar. Mais quelques scènes terrifiantes et angoissantes entrecoupant le corps du récit lui permettent également de revendiquer ce terme de thriller. Ce qui est sûr, c’est que vous ne lâcherez pas ce bouquin, happé par le suspense et la personnalité des protagonistes. 

Hubert Grimm est un flic en plein doute. Affecté à Montpellier, il est muté à Rennes après une triste histoire d’adultère. Il a cocufié un entrepreneur et ce dernier, venu demander des comptes, a été roué de coups par un Grimm peu conciliant. Un flic qui tente de trouver ses marques avec sa nouvelle équipe, mise en avant dans ce roman. Ermeline, la collègue jolie et compétente, Jarry, le second très efficace et Blanchard, grand échalas, expert en recherches sur le net. Tout débute par une agression. 

« Mufle saillant et dents carnassières »

Dans un petit pavillon, le soir, une ombre attaque. « Baptiste se crut face à un monstre informe, indescriptible au sens propre du terme, dont la masse occupait la totalité du cadre de la porte. […] Une face hirsute, des cheveux longs et sales qui encadraient le visage comme un casque explosé, des lèvres rouge sang, un mufle saillant d’où émergeaient des dents carnassières. Et qui vous fixait de ses yeux cruels, avides et sanguinaires. » Le tueur est dans la place. Il tue le mari et enlève la femme. Le sosie d’un homme préhistorique, genre de Tautavel. Tautavel qui revient d’ailleurs au cours de l’histoire se déroulant essentiellement en Bretagne mais qui fait aussi des escales à Montpellier et à Toulouse. 

Pour Grimm c’est le début d’une enquête compliquée car après deux meurtres et enlèvements près de Rennes, c’est à Montpellier que le monstre hirsute sévit. Et il enlève l’ancienne maîtresse de Grimm, également mère de son fils. Comment continuer à enquêter alors qu’on est directement lié à l’affaire ? Grimm n’est pas du genre à obéir à la hiérarchie. Il va donc faire croire à son supérieur qu’il se met en retrait, mais avec la complicité de son équipe continue à rechercher les femmes enlevées et séquestrées dans Le manoir des sacrifiées qui donne son titre à l’ouvrage. 

Percutant, le style d’Olivier Merle est direct, sans fioritures. De l’action pure, de l’adrénaline en pagaille et souvent des décisions dictées par l’émotion. Un roman primitif, un peu comme le thème sous-jacent de l’histoire.

« Le manoir des sacrifiées » d’Olivier Merle, XO Éditions, 21,90 €


vendredi 25 novembre 2022

Roman - Quand la vengeance fait « Boum »


Entre Argentine et New York, Nicolas Giacobone raconte comment un fait divers peut influer durablement sur la vie des gens. Un roman à la construction un peu déroutante. Les différents personnages interviennent à la première personne à tour de rôle. Il y a Juan, l’artiste conceptuel, Paula, sa sœur, future romancière, Agustina, la compagne de Juan, comédienne transsexuelle, Matthew, vendeur de pneus et Véronica, scénariste. Fragmentation du récit mais aussi de l’espace-temps. 

Un roman qui doit beaucoup au cinéma, Nicolas Giacobone est surtout connu pour être le scénariste d’Alejandro Gonzalez Inarritu (Birdman). Il met beaucoup de son propre vécu dans les réflexions de Véronica et de Paula qui déclare, « Les lecteurs sérieux ne vont jamais à ces événements (des rencontres avec l’auteur). Ils ne veulent pas voir leurs écrivains préférés bégayer, transpirer ou répondre à des questions impossibles, non pas parce qu’elles seraient difficiles mais parce qu’elles sont stupides. »

« Boum, boum, boum » de Nicolas Giacobone, Sonatine, 21 €

Beau livre - Contes et nouvelles signés Maupassant


Il est toujours temps de découvrir les classiques de la littérature française. Et cela reste des cadeaux inestimables. Encore plus quand ils sont proposés dans une édition luxueuse comme ces « Contes et nouvelles du pays de France » signés Guy de Maupassant Après une préface éclairante de Claude Aziza, découvrez ces textes dont certains très célèbres comme Boule de Suif, Le Horla ou La maison Tellier. Dans un coffret du plus bel effet, plongez dans ces histoires du temps passé. Et pour compléter, le même Claude Aziza propose un dictionnaire sur « Le monde de Maupassant » en fin d’ouvrage, de « Amour et désir » à « Zola et le naturalisme ».

« Contes et nouvelles du pays de France », Maupassant, Omnibus, 45 €


jeudi 24 novembre 2022

Jeunesse - La petite Cornebidouille et la soupe de Pierre

La sorcière Cornebidouille est devenue une des héroïnes préférées des petits Français. Ses aventures, écrites par Pierre Bertrand et dessinées par Magalie Bonniol sont devenues des classiques, se déclinant sous forme d’album grand format, de livres de poches et de nombreux jeux. 

Dans cette nouveauté, les deux auteurs font d’incroyables révélations sur l’enfance de la terrible sorcière. Petite fille, Cornebidouille était contre toute attente une adorable princesse qui obtenait tout de ses parents. Mais une malédiction de sa tante Cracrabidouiulle la transforme à son tour en sorcière. 

Elle va terroriser les enfants. Tous ont peur et mangent leur soupe. Sauf Pierre. C’est cette première rencontre savoureuse qui est racontée dans cet album de 48 pages.

« Quand Cornebidouille était petite », L’École des Loisirs, 14 €

Beau livre - Vin et château d’exception


De tous les vins du Bordelais, celui de Sauternes est le plus délicat. Ce superbe livre sur le Château de Fargues raconte « la folle ambition des Lur Saluces à Sauternes ». Histoire d’un cru, d’une famille, d’un domaine et d’une vinification : on trouve tout cela dans ces pages signées Hélène Farnault, richement illustrées de photos de François Poincet. Véritable nectar des dieux, le sauternes, dont les raisins sont cueillis grain par grain à la main, reste le plus grand des vins liquoreux. Vous pouvez le déguster pour les fêtes ou l’accommoder dans les recettes présentées dans l’ouvrage. Elles sont signées, entre autres, par Guy Savoy ou Eric Briffard.

« Château de Fargues », Glénat, 39,95 €  

mercredi 23 novembre 2022

Cinéma - L’âpreté de la justice dans “Saint Omer”

Ce film d’Alice Diop est la reconstitution méticuleuse et parfois glaciale du procès d’un infanticide. 

Gusladie Malanda, époustouflante dans le rôle très compliqué de Laurence, la mère meurtrière.  Laurent Le Crabe

Avant de se lancer dans la réalisation de son premier long-métrage de fiction, Alice Diop a beaucoup tourné de documentaires. La cinéaste a donc tous les codes pour retranscrire la réalité avec une acuité absolue. On retrouve cette dextérité dans toutes les scènes du procès, constituant une grosse moitié de Saint Omer, film revenu primé de la Mostra de Venise et qui représentera la France aux prochains Oscars. 

Tiré d’un véritable fait divers, cette histoire d’infanticide a secoué la France en 2013. Le procès qui a suivi a, lui aussi, fait les grands titres. Une jeune femme noire s’est rendue sur une plage de la mer du Nord et a abandonné son bébé de 18 mois sur le sable. La fillette est morte, noyée par la marée montante. Un fait divers qui interpelle, après les déclarations de la mère aux enquêteurs. Elle a abandonné son bébé, car « c’était plus simple comme ça ». Une décision longuement réfléchie par cette jeune Sénégalaise, brillante étudiante en philosophie, vivant avec un artiste beaucoup plus âgé qu’elle. 

Tel un miroir

Toute l’âpreté du procès est reconstituée, avec des comédiens qui ne jouent pas, mais incarnent les véritables personnages et paroles. Une partie poignante, avec la froideur de la mère (Gusladie Malanda), l’empathie de la présidente (Valérie Dréville) et la combativité et l’humanité de l’avocate (Aurélia Petit). En contrepoint de cette réalité connue, Alice Diop raconte comment Rama (Kayije Kagame), jeune chercheuse et romancière, assiste à ce procès, découvrant toutes les résonances à ce drame dans sa situation personnelle. Elle aussi vit avec un Blanc, elle aussi est brillante intellectuellement, elle aussi attend un bébé… Pourquoi se passionner pour ce fait divers ? Quel miroir de sa propre histoire croit-elle deviner dans ce procès, ce crime, cet abandon ? Saint Omer ne donne pas de solutions, d’explications toutes faites, comme autant de bonnes paroles pour excuser ou condamner. C’est au spectateur de se forger une opinion, un avis, de tenter de comprendre, avec son propre vécu, cet enchaînement de faits. Là réside sans doute la plus grande force de ce film dont personne ne peut sortir indemne. Car en filmant, tel un documentaire, cette histoire en partie romancée (on retrouve Marie Ndiaye au scénario), Alice Diop nous donne les clés pour appréhender la grande violence de notre société. Violence, mais aussi humanité et rédemption. 

Film d’Alice Diop avec Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville




Art - Le liège, matière noble du Pays catalan

Très présent en Vallespir et dans les Albères, le chêne-liège a longtemps été une des richesses de l’agriculture catalane. De ce liège, on faisait des bouchons célèbres dans le monde entier. Une matière noble, vivante, qui en plus de protéger les meilleurs vins, offrait une plasticité, une finesse, parfaite pour permettre à des artistes de s’exprimer. Une tradition picturale qui fait l’objet d’un beau livre édité aux éditions Trabucaire. Sculptures en liège en Pays Catalan est coordonné par Alain Pottier qui se définit comme un vigneron poète. Un ouvrage de 160 pages illustré de dizaines de photographies signées Michel Castillo. Un cadeau parfait pour découvrir le petit monde des patots, kanyataps et autres ninots des sculpteurs Claude Massé, Pere Figueres ou Bibi. 

Le précurseur dans cet art si particulier de la sculpture sur liège a pour nom Joaquim Vicens Gironella. Ce Catalan, arrivé en France en 1939, a voulu en travaillant cette matière, retrouver un peu de son pays d’origine. Il venait de l’Emporda et avait travaillé dans le secteur du liège dans sa jeunesse. Un artiste emblématique de l’art brut, le plus représentatif de Catalogne. Pour parler du travail de Claude Massé, Alain Pottier a demandé à Serge Bonnery, le plus grand spécialiste de cet artiste disparu en 2017. On y apprend d’où viennent ses patots, petits personnages tout en hauteur. Claude Massé qui a inspiré Pascal Comelade ainsi que Pere Figueres. Ce dernier a inventé les kanyataps fabriqués à partir de bouchons. Ce n’est pas le liège brut que ce chanteur et poète catalan subjugue, mais ces cylindres qu’il sculpte et assemble pour en faire de véritables petites œuvres vivantes. Enfin une grande partie du livre est consacrée aux créations de Bibi dit Ferguson. Un univers un peu plus fantastique et loufoque, plus contemporain. Il s’agit cette fois de ninots. Un ouvrage artistique mais aussi instructif avec des chapitres sur la culture du liège et sa transformation en bouchon.

« Sculptures en liège en pays Catalan », Trabucaire, 20 €

mardi 22 novembre 2022

Cinéma - Jafar Panahi tente de se filmer dans “Aucun ours”


Emprisonné en Iran, depuis juillet dernier, Jafar Panahi n’a pu se rendre à la Mostra de Venise pour présenter son dernier film, Aucun Ours

Comme ses précédentes créations, ce long-métrage montre ses difficultés pour raconter librement ses histoires dans une dictature religieuse.  Son dernier projet porte sur la fuite, en France, d’un couple de comédiens iraniens. Le tournage se déroule en Turquie. Lui, a pris ses quartiers dans un petit village, à quelques kilomètres de la frontière. Il refuse de quitter son pays et supervise le tournage, grâce à de très aléatoires liaisons internet. Aucun Ours montre les deux réalités parallèles. 

Le tournage, dans un pays presque libre, ou du moins tolérant, face à une équipe de tournage et sa réalité dans ce village où les traditions sont encore très fortes. Jafar Panahi va se retrouver pris dans une violente querelle. Un homme, à qui une femme a été promise, à sa naissance, découvre qu’elle est amoureuse d’un rival. Et Jafar aurait photographié le couple dans le village. Le chef de village va exiger du cinéaste, de plus en plus suspect aux yeux des locaux, de lui remettre cette photo. 

Pris au piège, il va devoir passer plus de temps à régler ce problème qu’à réaliser, à distance, son film. Et face au danger, il devra fuir, retourner à Téhéran, se faire repérer par les autorités. La suite on la connaît, depuis juillet. Son film, ne la montre pas, mais tout laisse deviner cette arrestation et cet emprisonnement, pour un créateur trop libre pour le régime.

Film de et avec Jafar Panahi avec également Naser Hashemi, Vahid Mobasheri


Beau livre - Toute la beauté de l'Occitanie dans des tableaux remarquables


Personne ne doute de la beauté des paysages d’Occitanie. Une richesse picturale que l’on retrouve dans ce livre coordonné par Audrey Marty, diplômée d’histoire de l’art. Elle a sélectionné les plus beaux tableaux « inspirés par la beauté et la douceur de sa région. » Après une petite présentation générale sur cette région récemment créée après la fusion de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon, la spécialiste découpe l’ouvrage par départements. L’Aude, « terre de légendes », fait aussi la part belle à l’agriculture, notamment avec les œuvres de Paul Sibra, le peintre du Lauragais. On ne peut qu’être admiratif devant sa toile datant de 1929 et exposée au musée du Pays de Cocagne à Lavaur. Pour les Pyrénées-Orientales, Collioure s’impose, de même que la côte Vermeille comme ce tableau de Rémy Peyranne, sur la baie de Paulilles, repris en couverture de l’ouvrage.

« Peintres et couleurs d’Occitanie » d’Audrey Marty, Le Papillon Rouge éditeur, 26 €

Découverte - Chloé Nabédian explore "Les grands mystères de la nature"


Connue pour présenter la météo sur France 2, Chloé Nabédian est curieuse. Elle part à la recherche de solutions à plusieurs « phénomènes naturels mystérieux aux quatre coins de la planète ». Cela donne ce joli livre très instructif. Comme ces pierres qui bougent toutes seules dans la vallée de la mort. Après avoir évoqué quantité de solutions (des extraterrestres à la CIA…), l’autrice révèle au final, démonstration à l’appui, comment ces blocs de plus de 200 kg peuvent bouger sans l’aide de rien ni de personne. 

« Les grands mystères de la nature », Éditions du Rocher, 22,90 €

lundi 21 novembre 2022

BD- Berlin, nid d’espions


Le Blake et Mortimer de cette fin d’année est très « guerre froide ». Écrit par José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental, ce 29e tome des héros imaginés par Jacobs se déroule en grande partie dans le Berlin de 1963 récemment coupé en deux par les Soviétiques. 

Les premières pages se déroulent dans l’Oural (avec Mortimer) et en Suisse (avec Blake). Ils vont de rejoindre à Berlin, pour un événement de grande importance sur lequel plane la menace d’une opération russe machiavélique. 

Dessiné par Antoine Aubin, parfait dans le respect du graphisme originel, ce long récit, entre fantastique et réécriture de l’Histoire, permet aussi à quelques méchants de faire leur grand retour.

« Blake et Mortimer » (tome 29), Blake et Mortimer, 16,50 € (parution le 25 novembre)


Fantastique - "Les habitants du mirage" chez Callidor


Il y a 90 ans, Abraham Merritt publiait ce roman, considéré comme le premier du genre de l’heroic fantasy. Une édition collector, avec les superbes et très modernes illustrations d’époque de Virgil Finlay permet à tous les fans du genre de redécouvrir ce texte à l’imagination féconde. Leif, au cœur des neiges éternelles de l’Alaska, rencontre la belle Evalie ainsi qu’une sorcière qui voit en lui la réincarnation du roi du temps jadis, Dwayanu. Un important cahier en fin d’ouvrage recontextualise ce roman dans son époque. 

« Les habitants du mirage », Callidor, 25 €


dimanche 20 novembre 2022

BD - Tueurs idéaux

Il n’existe pas un crime parfait, mais une multitude de morts dont personne ne soupçonne que ce sont des rimes. Sur ce concept, cher au roman policier, une dizaine d’auteurs de BD proposent des histoires courtes d’une dizaine de pages. 

Une anthologie criminelle qui débute par la danse de Ginette, fille de joie du Paris de la fin du XIXe siècle. Elle va se débarrasser de son maquereau, Momo la main lourde, avec une facilité déconcertante. Une première mise en bouche signée Gess. 

On trouve ensuite des récits de Moynot, Guérineau, Chabouté ou De Metter. La palme revient cependant à Rabaté qui imagine un étrange récit familial dans un train. Histoire qui finit mal… 

À noter à la fin de chaque histoire, la biographie du mort par Anaïs Bon.

« Le crime parfait », Philéas, 19,90 €


Gastronomie - L’arrière-cuisine est à savourer

Bernard Thomasson est l’ami des grands chefs. Il suit depuis des années ces virtuoses des fourneaux. Une expertise qu’il a transformée en beau livre avec L’arrière-cuisine. Il y raconte les trucs des meilleurs. Des portraits de 25 chefs français avec, comme de bien entendu, des recettes qui vont avec. 

Parmi les signatures, Gilles Goujon, qui « dès son arrivée à Fontjoncousse dans l’Aude, et malgré les difficultés, s’attache à mettre en valeur le terroir qui l’entoure. » Et pour vous donner l’eau à la bouche, plongez dans la recette du paleron de veau en blanquette.

« L’arrière-cuisine », Herscher/Franceinfo, 25 €

samedi 19 novembre 2022

BD - Un père en perdition dans "Le labyrinthe inachevé"


Jeff Lemire est l’auteur complet nord américain le plus étonnant de ces dix dernières années. Il peut passer du monde des super-héros à des récits intimistes avec un fond de fantastique. Le labyrinthe inachevé est un long cauchemar de 250 pages. 

Le mauvais rêve de Will, père brisé depuis la mort d’un cancer de sa petite fille. Une nuit, son téléphone sonne. C’est sa petite chérie qui lui demande de la retrouver au centre. Au centre de ces labyrinthes qu’elle affectionnait tant de résoudre. 

Armé du plan de Toronto, il va déambuler dans ces rues, croiser un chien qui parle, une voisine pleine d’empathie et un Minotaure effrayant. Un roman graphique un peu hypnotique, la faute aux cercles concentriques des labyrinthes. 

« Le labyrinthe inachevé », Futuropolis, 27 €


De choses et d’autres - Cuisiner le vrai du faux

Plus qu’une mode, c’est un véritable phénomène de société qui traverse nombre de médias. Les services de fact-checking, cellules chargées de faire la chasse aux fake news et autres affirmations hasardeuses, gonflent, chaque jour, de plus en plus. Un phénomène de société qui nous pousse au doute, même dans notre vie de tous les jours.

Par exemple, ce week-end, une envie subite m’a pris de faire un peu de cuisine. La recette précisait qu’il faut intégrer de l’ail coupé en petits morceaux. Je découpe trois gousses et, machinalement, enlève le germe qui commence à être de plus en plus important.


Mais pourquoi enlever le germe ? Est-ce nécessaire ? D’où me vient cette habitude ? Et me voilà à endosser, inconsciemment, le costume du fact-checkeur en quête de vérité. Un petit tour sur le net et me voilà sur les traces des méfaits du germe d’ail. À première vue. J’ai plutôt juste puisque « Le germe n’est pas toxique. Il serait même très intéressant d’un point de vue nutritionnel. »

Mais comme toujours, dans ces vérifications, il y a un mais : « Il est conseillé de retirer cette petite pousse verte à cause de sa forte teneur en soufre qui la rend indigeste pour certaines personnes. » Donc, j’ai à moitié vrai. A un tiers exactement : « On peut conserver les gousses d’ail entières pour le rôti de bœuf, gigot d’agneau ou encore légumes rôtis au four. »

Sans réponse évidente, je continue ma popote. Il faut que j’émince des oignons. Mais pourquoi les oignons font pleurer ? Et comment contourner ce désagrément ? Le problème, quand je décide de faire la cuisine, c’est qu’une recette estimée à 20 minutes de préparation me prend plus d’une heure de vérifications.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 29 novembre 2022

vendredi 18 novembre 2022

Cinéma - “Les Amandiers” : des talents chez Chéreau

Le théâtre des Amandiers et Patrice Chéreau sont au centre de ce film qui fait la part belle aux étudiants.

Patrice Chéreau (Louis Garrel) au plus près de ses jeunes comédiens. Ad Vitam Production - Agat Films et Cie


« Pourquoi voulez-vous devenir comédien ou comédienne ? » Tous les candidats à l’admission à l’école du théâtre des Amandiers à Nanterre ont certainement longuement préparé leur réponse. Ils savaient que leurs mots comptaient pour beaucoup dans leur chance d’être repéré par Pierre Romans (Micha Lescot), le directeur et âme de l’école. Et surtout ensuite de pouvoir travailler avec la légende française du théâtre : Patrice Chéreau (Louis Garrel). 

Réalisé par Valeria Bruni Tedeschi, Les Amandiers raconte comment, au milieu des années 80, une bande de jeunes artistes talentueux vont se trouver, s’aimer et former une famille de scène. La comédienne et réalisatrice a débuté elle aussi aux Amandiers. Elle s’est librement inspirée de son histoire pour raconter l’enthousiasme de Stella (Nadia Tereszkiewicz) et le désespoir d’Étienne (Sofiane Bennacer). La première, riche fille de bourgeois, semble vouloir faire du théâtre pour s’occuper. Mais elle possède au plus profond de son être une rage, une passion, qui vont lui permettre d’émerger dans le groupe de candidats pour finalement terminer dans le groupe des 12, ceux qui auront la chance d’aller à New York suivre un stage à l’Actor’s Studio puis de travailler avec Patrice Chéreau. Étienne aussi va être de l’aventure. Lui, c’est pour impressionner sa mère qu’il fait tout pour réussir. Charmeur, triste et toujours sur la corde raide de la drogue, il irradie une force et un nihilisme incandescent. 

Une histoire d’amour (qui finit mal) en filigrane du film mais qui ne pollue pas trop l’essentiel du propos : montrer la fabrique du théâtre. Louis Garrel, dans la peau de Patrice Chéreau, apporte cette rigueur et cette exigence, marques de fabrique du metteur en scène. Au plus près de ses interprètes, Chéreau travaille comme une brute, malmenant les élèves, hurlant, menaçant sans cesse de tout arrêter. Une tension perpétuelle, sorte de carburant essentiel chez lui. Moins chez les comédiens en devenir, encore insouciants, comme moqueurs face à ces exigences trop sérieuses. 

Quand ils interprètent Tchekhov, ils n’en oublient pas que ce qu’ils font s’appelle aussi jouer. Un jeu au cours duquel ils rient, s’amusent ouvertement, parodient. Le spectateur se régale au cours de ces répétitions devenant le témoin privilégié de cette alchimie si particulière du théâtre à la mode Patrice Chéreau. 

 Film français de Valeria Bruni Tedeschi avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, Miche Lescot.


Thriller - Adieu à Rebecka Martinsson dans "Les crimes de nos pères" d'Asa Larsson

Dans le petit monde des auteurs de polar suédois, Asa Larsson est la plus lue. La personnalité de son héroïne récurrente, Rebecka Martinsson, y est pour beaucoup. Une jeune femme de son temps, libre, pleine de contradictions, qui ne s’enferme pas dans une routine et remet souvent son existence en question. Les crimes de nos pères est le sixième « épisode » de ses aventures. Le dernier aussi. 

Comme toujours, l’action se déroule dans la petite ville de Kiruna, au nord de la Suède. Le printemps arrive doucement. Une renaissance pour beaucoup. Sauf Ragnild Pekkari, une infirmière à la retraite depuis six mois. Elle a pris sa décision. Tôt le matin elle va traverser un pont de neige fragilisé par les températures douces et tomber dans les eaux encore glaciales de la rivière. Une mort accidentelle pour tout le monde. Une façon de tirer sa révérence en toute discrétion. Mais juste avant de s’engager sur le chemin de la mort, elle reçoit un coup de téléphone à propos de son frère. Elle abandonne son projet macabre et va sur une petite île, là où croupit cet ivrogne depuis toujours. 

Ragnild le découvre « allongé sur le dos, dans le canapé. Immobile. Visage tourné vers le dossier. Un corps si frêle, telle une carcasse de vieux canot enfouie dans les broussailles sur la berge, dont il ne reste que la quille et la membrure. Elle s’approcha. Il ne respirait plus. » Elle fouille la maison et dans un vieux congélateur découvre un second corps. 

L’affaire revient à la procureure Rebecka Martinsson qui avec l’aide de son équipe va remuer quelques affaires très anciennes où gravitent un ancien boxeur, le roi des airelles, la mafia russe et les fantômes de sa propre famille. 

Écriture trépidante, personnages complexes et attachants : ce final ne décevra pas les fans. Et si vous découvrez Rebecka, il vous donnera furieusement envie de lire les cinq précédents titres.

« Les crimes de nos pères » d’Asa Larsson, Albin Michel, 22,90 €


De choses et d’autres - Supporters problématiques


Je la sens bien cette coupe du monde de football au Qatar. Non seulement elle va occuper quelques-unes de nos longues soirées d’hiver, mais elle va être une grande pourvoyeuse de scandales et autres affaires pas nettes. Je me réjouirais presque d’avance face aux sujets incroyables qui vont émerger.

Mais il y a un bémol : la vie d’innocents (les milliers de travailleurs immigrés) est menacée et les droits de l’Homme bafoués au quotidien. Est-il bien responsable de se moquer (ce dont je ne me prive que rarement dans ces lignes) dans ces conditions ? Personne n’a la réponse à cette interrogation.


Sûrement pas les supporters des différentes équipes qui seraient déjà sur place pour faire la fête. J’utilise le conditionnel car les images diffusées par les télévisions locales ont provoqué une vague de scepticisme aigu. Notamment en Angleterre. Ce seraient de faux fans, payés par l’organisation. Rien de certain, mais en détaillant les images des supporters tricolores défilant dans les rues de Doha, force est de constater qu’ils ne parlent pas la langue de Molière.

En réalité ce serait les membres indiens d’un club de supporters des bleus. Mais alors qui défile pour les Allemands, les Brésiliens ou les Anglais ?

Dans le camp de ces derniers, l’équipe nationale ne devrait pas accueillir dans ses rangs ces deux joueurs d’une même équipe de Premier League qui ont annoncé à leurs coéquipiers être en couple. Cela vaut sans doute mieux pour eux car au Qatar, le « crime » d’homosexualité est tout simplement passible de la peine de mort si vous êtes de confession musulmane. Ça refroidit toute envie de coming out.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 14 novembre 2022

jeudi 17 novembre 2022

Série télé - En direct du couloir de la mort dans "Inside man

Annoncée comme une mini-série, Inside Man se révèle machiavélique et pourrait bien revenir pour une seconde partie. Paradoxe de la mise en ligne sur les plateformes où le succès ou l’indifférence ont plus d’importance que les projets des créateurs. Pour Inside Man, les réactions sont très partagées. Certains rejettent les incohérences, d’autres s’extasient devant l’engrenage mis en place par le showrunner, Steven Moffat. Mais une dernière scène, après le générique de fin, laisse entendre que M. Grieff (Stanley Tucci), même s’il ne lui reste qu’une semaine à vivre, pourrait revenir pour une seconde saison.


Cette production de la BBC a pour vedette David Tennant, bien connu de Steven Moffat puisqu’ils ont travaillé ensemble sur la série Docteur Who. Il endosse le costume d’un pasteur dans ces quatre épisodes d’une heure. Toute la subtilité de l’histoire réside dans le fait que parfois, il faut peu de choses pour qu’on se transforme en meurtrier.  Le pasteur Watling, après l’office, voit son bedeau arrivé affolé dans la sacristie. Il lui confie une clé USB avec, dit-il, des images que sa mère ne doit pas voir. 

Le pasteur rentre chez lui, dépose la clé avec ses clés de voiture et vaque à ses occupations alors que Janice (Dolly Wells), professeur de math, arrive pour donner un cours à Ben, le fils du pasteur. 

Ce dernier s’empare de la clé USB et la donne à l’enseignante pour qu’elle copie des fichiers. Tout bascule au moment où elle découvre les photos. Elle alerte le pasteur et le prévient qu’elle va immédiatement prévenir la police. Ce dernier tente de dire la vérité, mais elle ne le croit pas. Il va alors, pour protéger sa famille, prétendre être le véritable propriétaire des fichiers et l’enfermer dans la cave pour tenter de trouver une solution. Une solution qui devient de plus en plus évidente : il ne faut pas qu’elle sorte vivante de la maison. 


Une intrigue qui serait banale si M. Greiff (Stanley Tucci) n’entrait pas en jeu. Dans une prison d’Arizona, ce condamné à mort résout des affaires criminelles juste par déduction. Quand une amie de Janice, inquiète de sa disparition, le contacte, il va tout mettre en œuvre pour la retrouver et lui sauver la vie. Mais comment aider une femme prisonnière en Angleterre quand on est dans le couloir de la mort aux USA ? 


Le scénario, palpitant, aux multiples rebondissements, certes parfois un peu excessifs mais tout à fait plausibles, est un exemple pour nombre de raconteurs d’histoires. De plus le personnage du condamné à mort apporte une touche peu banale à l’ensemble. Plus que de la rédemption, son action pour aider Janice est une obligation pour tenter, lui aussi, d’échapper à la chaise électrique. 

L’ensemble est donc dans l’ensemble excellent, d’autant que les acteurs secondaires (notamment Atkins Estimond autre pensionnaire du pénitencier) sont remarquables. Sans oublier la musique du générique interprétée par John Grant. 


De choses et d’autres - Soins express

La prolifération des données et leur libre accès permettent à nombre de passionnés de bâtir des tableaux complexes, mais souvent édifiants. Sur une action toute simple, commune à l’ensemble des habitants de cette terre, il est facile de comparer entre différents pays. On sait, par exemple, que la France est championne de la fécondité, puisque chaque Française a en moyenne 1,9 enfant contre seulement 1,31 en Espagne.

Pourtant, les Françaises sont parmi les plus vieilles à se marier. L’âge moyen est de 28,6 ans, contre seulement 25,6 au Portugal.


Dans tous ces chiffres disponibles quotidiennement, une liste de données m’a interpellé. L’organisme Statista a révélé la durée moyenne des consultations chez un médecin. La France est dans la moyenne, 16 minutes, soit un gros quart d’heure pour expliquer au toubib de quoi on souffre, qu’il établisse son diagnostic et rédige l’ordonnance. C’est un peu plus long, en Suède, où le toubib met exactement de 22 minutes et 30 secondes pour relâcher son patient.

Par contre, je ne vous souhaite pas de tomber malade en Chine ou au Pakistan. Dans ces deux pays, le rythme de travail des médecins est infernal. Si la médecine chinoise est réputée être douce, la consultation est, avant tout, violente et rapide. Extrêmement rapide, puisqu’elle dure, en moyenne, deux minutes.

C’est pire au Pakistan, le tête à tête avec le généraliste ne dépassant pas ces deux minutes pourtant déjà très brèves. Mieux vaut ne pas être bègue. Ni de souffrir de deux maladies, car au-delà de trois médicaments prescrits, le temps qui vous est imparti est terminé. Une autre façon d’aborder la médecine dite de l’urgence.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 12 novembre 2022

mercredi 16 novembre 2022

Série télé - « Kamen Rider Black Sun », la différence à la japonaise

La création audiovisuelle japonaise est très diverse. Il n’y a pas que des dessins animés, certaines séries sont réalisées en prise directe. Même si elles sont directement issues de ces univers entre fantastique et science-fiction. La franchise de Kamen Rider voulait célébrer ses 50 ans par une version adulte et ambitieuse. Kamen Rider Black Sud est visible partout dans le monde avec sa diffusion sur Amazon Prime Vidéo. 

L’occasion de découvrir le phénomène des Kaïjins. Ce sont des humains, génétiquement modifiés et capables de se transformer en monstres hybrides, souvent à base d’insectes. Si une partie de la population rejette les Kaïjins, considérés comme des sous-hommes, d’autres veulent développer leurs droits. C’est le fil conducteur des dix épisodes, l’héroïne Aio incarnant une sorte de Greta Thunberg allant plaider sa cause à l’ONU. 

Pendant ce temps, deux frères s’affrontent, Black Sun et Shadow Moon, pour déterminer si cette coexistence pacifique avec les Humains est possible. On apprécie les combats, un peu moins les costumes en mousse. Par contre le message sur la tolérance et le rejet du racisme peut être transposé à toute sorte de discrimination actuelle. 


De choses et d’autres - La reconversion de Noël

Compliqué d’être consommateur en ce moment. L’inflation rogne le budget telle une Méditerranée excédée ronge les plages du littoral. Manque de chance, c’est le moment où l’on est tenté de toutes parts. Le Black Friday et ses promos, sans doute trop belles pour être vraies. Mais surtout les fêtes et son cortège de cadeaux devenus incontournables sous peine de critiques de votre entourage.

Double peine pour ma pomme puisque les anniversaires de ma femme et de mon fils tombent la même semaine que Noël. On ne parle plus d’accroc dans le budget de décembre mais du gouffre de Cabrespine puissance 10. Et il faut désormais y ajouter les petits-enfants, encore en âge de croire au Père Noël.


Pour limiter la descente aux enfers du compte bancaire, mais aussi par principe (pourquoi toujours du neuf ?), rien de tel que les bourses aux jouets organisées dans nos départements. Hier dimanche, mon épouse, qui a mémorisé la lettre de nos petits-fils (chevaliers, bateau de Vikings, dragon, camion du Samu, talkies-walkies…) a fait son petit marché dans les travées de la salle municipale qui accueillait une trentaine de stands.

Mission accomplie pour l’assistante de Papa Noël puisque pour moins de 25 euros elle a ramené quantité de chevaliers en armures, un dragon vert et violet, des chevaux de toutes les couleurs et quelques livres. Ces derniers, de vénérables éditions originales datant des années 50, serviront essentiellement à alimenter les histoires du soir. Le Petit wagon rouge, Napoléon le drôle de canard ou les aventures des chats Pouf et Noiraud, illustrés par le génial Pierre Probst, assureront aux petits de jolis rêves vintages.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 28 novembre 2022

mardi 15 novembre 2022

DVD et Blu-ray - Peter Von Kant, double halluciné de Fassbinder par François Ozon

Librement inspiré de la pièce de théâtre Larmes amères de Petra Von Kant de Fassbinder, ce film sur le cinéma et les affres de la création est un manifeste d’amour à ce milieu par un François Ozon très inspiré. Il offre de plus un rôle fantastique à Denis Ménochet qui interprète le personnage principal, Peter Von Kant (Diaphana Vidéo). 

Peter Von Kant est un réalisateur allemand, sorte de double de Fassbinder. Dans ces années 60, il multiplie les projets sans véritablement se décider à se lancer dans un tournage. Dans son grand appartement, il reçoit sa mère (Hanna Schygulla) ou son actrice fétiche (Isabelle Adjani). Mais c’est surtout un jeune apprenti comédien, Amir (Khalil Gharbia) qui va lui causer bien des tourments. Peter Von Kant est amoureux. Peter Von Kant veut mourir si Amir l’abandonne. 

Peter Von Kant va renaître car la vie est faite de hauts et de bas, l’inspiration prenant souvent la suite du désespoir. Un film parfois déroutant par sa grandiloquence, mais il ne faut pas oublier que c’est à la base une pièce de théâtre, que l’espace est réduit et que le corps de Peter (Denis Ménochet) Von Kant prend beaucoup de place dans cet appartement où l’amour semble tourner en rond infiniment. 

De choses et d’autres - Tenue correcte dépassée

Inflation, guerre en Ukraine, pénurie de denrées alimentaires, coupures d’électricité, réchauffement climatique : les sujets sérieux ne manquent pas pour occuper les parlementaires français. D’autant qu’on est en plein examen du budget 2023. Mais certains élus ont d’autres priorités.

Le bureau de l’Assemblée vient de voter la modification du règlement sur la tenue des députés. À partir de mardi, la veste sera désormais obligatoire pour les hommes et la cravate recommandée. On croit avoir élu des hommes et des femmes responsables, qui vont débattre de l’avenir de notre société, de notre pays et, finalement, ils se contentent de parler chiffons… Tout ça, car certains jeunes élus de gauche, issus souvent de la société civile, loin des moules de l’élite habituelle, ne portent pas la cravate ni la veste. Et en plus, ils arrivent en baskets, la chemise hors du pantalon…


Leur crime, pour le bureau de l’Assemblée ? Ressembler à leurs électeurs. L’avantage de ce règlement, qui semble directement issu d’un autre siècle, c’est que l’incident raciste provoqué par le député d’extrême-droite, lors des questions au gouvernement, n’aurait pas pu avoir lieu. Pas parce que Grégoire de Fournas serait interdit d’hémicycle, il portait, lors de son injure raciste, veste et cravate réglementaires, mais à cause de la tenue de Carlos Martens Bilongo, la victime.

Le député de la Nupes avait bien une veste, mais pas de cravate. Donc, pas question qu’il entre et s’exprime dans le « périmètre sacré » selon les termes du bureau.

Alors, objectivement, que veut-on pour représenter la France : des élus racistes, mais qui présentent bien, ou des élus proches du peuple, habillés avec simplicité et dans l’air du temps ?

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 11 novembre 2022

lundi 14 novembre 2022

DVD et Blu-ray - Le cinéma très noir de "Compétition officielle"

Non, tout le monde n’est pas gentil dans le monde du cinéma. Si en façade cela ressemble à une grande famille unie, dès que les caméras sont coupées, les micros déconnectés, c’est la méchanceté qui revient au galop. Le meilleur exemple de cet état d’esprit on le trouve dans un film, justement, réalisé par deux trublions argentins, Mariano Cohn et Gaston Duprat. 

Dans Compétition officielle (Wild Side Vidéo), une grande réalisatrice (ou du moins une intellectuelle qui sait débloquer d’énormes budgets pour ses projets underground), Lola Cuevas (Pénélope Cruz) décide d’associer sur grand écran deux grands comédiens du moment. Félix Rivero (Antonio Banderas) est populaire. Excessivement populaire, en Espagne comme aux USA. Il devra donner la réplique à Ivan Torres (Oscar Martinez), comédien de théâtre légendaire et radical. 

Cette satire grinçante, parfaitement interprétée par deux acteurs tout à fait conscients qu’ils sont en train de se caricaturer, permet de rire sur les superstitions des uns, les prétentions des autres, tout en découvrant effaré la force de manipulation de la réalisatrice. Après des répétitions compliquées, le film va-t-il véritablement se faire ? 

La comédie noire vire au polar pour le plus grand plaisir des spectateurs. Une démarche expliquée par l’équipe du film dans l’entretien offert en bonus.