Le second titre de la toute nouvelle collection Espionnage des éditions Gallimard résonne étrangement. Les espions qui traversent ce récit de Marc Dugain semblent tous un peu en bout de course. L’un des personnages a cette réflexion : « On fait un drôle de métier, à contre-courant de notre époque, qui est celle de l’exhibitionnisme, où chacun veut exister dans le regard des autres. Nous, vivants ou morts, on est des ombres, on fait le boulot et on disparaît ensuite sans bruit, sans reconnaissance. » Trois d’entre eux vont décider de quitter les rangs, devenir indépendants, retrouver leur libre arbitre, exister.
Le premier à abandonner ses illusions se nomme Ben. Tireur d’élite d’un commando des forces spéciales françaises, il bascule en pleine opération en Afrique. Il couvre ses camarades qui vont délivrer des otages des mains de terroristes. Mais quand il découvre le visage fin et délicat d’une jeune femme dans la lunette de son fusil, il décide de ne pas tirer pour l’éliminer. Cela coûtera la vie aux otages et à tous ses amis. Seul survivant avec une sacrée culpabilité sur les épaules.
Dans sa cavale il sera rejoint par un producteur de films documentaires (sa couverture) et sa maîtresse, ancienne du Mossad. Ils vont tenter de dérober une centaine de millions à des narcos en passe de les blanchir en Iran. Ce roman d’espionnage alterne moments d’action (l’attaque en Afrique, le vol du pactole des trafiquants de drogue) et des explications plus spirituelles sur les motivations de ces hommes et femmes qui mettent leur vie entre parenthèses, en danger permanent, pour des causes qui souvent les dépassent.
Et comme c’est Marc Dugain qui est à la manœuvre, en plus d’un réalisme à toute épreuve, le style fait plus penser à une étude savante entre philosophie et analyse de la société qu’à un simple roman de gare avec un fond d’espionnage. De la grande littérature, mais en prise directe avec l’actualité.
« Paysages trompeurs » de Marc Dugain, Gallimard, 19 €
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