mercredi 31 mars 2010

BD - Japon nostalgique


Récemment, l'inénarrable Eric Zemmour a descendu en flèche les mangas, forcément violents et à déconseiller aux enfants. Il a raté d'occasion de se taire car la bande dessinée japonaise regorge de séries qui sont à l'opposé de cette caricature idiote (propagée en son temps par Ségolène Royal, ministre de la Famille). 

Exemple avec « Une sacrée mamie » dessinée par Ishikawa d'après un roman autobiographique de Yoschichi Shimada. A la fin des années 50, le jeune Akihiro quitte sa mère et la ville d'Hiroshima pour rejoindre sa grand-mère dans le petit village de Saga. C'est cet apprentissage de la vie rurale qui est raconté. 

Déjà le volume 5 de cette série qui a remporté un grand succès au Japon. Humour et tendresse sont omniprésents dans ces histoires courtes où une mamie débrouillarde apprend à son petit-fils les rudiments de la vie.

« Une sacrée mamie » (volume 5), Delcourt, 7,50 € 

mardi 30 mars 2010

BD - Lulu revient


Lulu, mère au foyer, la quarantaine, coincée entre mari et enfants, un jour, en a eu assez. Elle est partie. Sans un mot d'explication. 

Cette fuite, Etienne Davodeau nous la raconte avec une extraordinaire empathie. A la fin du 1er tome, il a laissé Lulu errante après avoir croqué à pleine dents cette liberté, sans pour autant y trouver toute la saveur qu'elle espérait. 

Dans une cité balnéaire, hors saison, elle va croiser la route d'une vieille dame qui, elle aussi, cherche à s'évader. Lulu va y rester quelques jours, le temps de faire le point, de se sentir prête pour un retour au bercail. Mais s'il est facile de partir, il est plus dur de revenir. 

Un album sensible, plein d'espoir et de « bons sentiments », expression trop souvent galvaudée.

« Lulu, femme nue » (tome 2), Futuropolis, 16 € 

lundi 29 mars 2010

BD - Carnages dans le "Bunker" de Christophe Bec


Dès le premier tome, la série « Bunker » de Christophe Bec s'est révélée passionnante. On en est au 4e (sur 5) et c'est peu de dire que le suspense est à son comble. 

Dessinée désormais par Genzianella et co-écrite avec Betbeder, cette BD de SF est une des plus convaincante du dessinateur de « Zéro absolu ». En 52 pages denses et rythmées, on assiste à la montée en puissance du pouvoir de Stassik, à la fuite d'Anika, portant l'enfant de Stassik et à la mort de l'Imperator. Mais ce n'est que la partie émergée de l'histoire, dans l'ombre c'est la survie d'une entité extraterrestre qui se joue. 

Une histoire originale, avec un soupçon de Maurice G. Dantec, qui ferait un film à grand spectacle décoiffant.

« Bunker » (tome 4), Dupuis, 13,50 € 

vendredi 26 mars 2010

BD - Moissons rouges


Régis Hautière est le scénariste qui monte. Après de nombreux albums chez Paquet, il a multiplié les projets chez divers éditeurs. « Vents contraires » dessinée par Ullcer, est un polar contemporain. 

Le héros, ancien militaire reconvertit dans la photographie animalière, se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. En pleine nuit, alors qu'il espérait surprendre un renard en forêt, il tombe sur une jeune femme, quasi nue, pourchassée par une bande de tueurs. Etonnamment, la séquence action ne débute qu'a la 28e page. 

La première partie, uniquement psychologique, présente le héros, un solitaire en quête d'absolu. Cela donne une étrange ambiance et renforce le tempo quand cela commence à canarder à tout-va.

« Vents contraires » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

jeudi 25 mars 2010

BD - Congo en devenir


Série ambitieuse, « Africa Dreams » entend raconter la véritable histoire du Congo belge, comment un roi très ambitieux, Léopold II, a construit de toute pièce un pays en « rachetant » des terres et en y implantant des comptoirs et plantations. 

Jean-François et Maryse Charles ont écrit ce scénario pour Frédéric Bihel qui semble avoir pris un immense plaisir (communicatif au lecteur) à dessiner ces vastes étendues vierges, moites et envoutantes. La grande Histoire, le lecteur la découvre par l'intermédiaire de la vision personnelle de Paul Delisle, un jeune séminariste envoyé pour évangéliser les populations locales. 

Mais sa venue est surtout motivée par sa volonté de retrouver son père, présenté comme un démon ayant abandonné sa famille. Ce dernier est à la tête d'une plantation et n'est pas aussi terrible. Au contraire, il lutte pour dénoncer les pratiques violentes des sbires de Léopold II.

« Africa Dreams » (tome 1), Casterman, 12,50 € 

mercredi 24 mars 2010

BD - Homme et gibier


Cette BD écrite par Bourhis et dessinée par Spiessert se déroule à Paris à la fin du XIXe siècle. Mais la capitale parisienne n'est pas tout à fait identique à celle que nos ancêtres ont connu. Dans cette uchronie, les animaux sont intelligents et les hommes sont redevenus sauvages vivant nus dans les bois alentours. 

Le braconnage des hommes peut se révéler être une activité très lucrative. Deux petits viennent d'être capturés : Feuille et son frère Source. Alors que Feuille est vendue à un tigre, Léopoldine, une femelle cochonne étudiante, découvre que la fillette peut parler. 

Elle va tenter de la protéger et l'étudier, mais dans l'ombre un certain « Comité de vigilance sur la question humaine » tente d'éliminer les derniers représentants de cette espèce considérée comme très nuisible. 

Très étonnant, ce conte philosophique inversé donne à réfléchir sur les discriminations et les risques entraînés par l'hégémonie d'une race sur une autre.

« Hélas », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mardi 23 mars 2010

BD - Gags historicomiques


Comment avoir de bonnes notes en histoire ? Facile pour Adèle et Marvin, il suffit de voyager dans le temps. Avec leur téléphone portable dernière génération, il peuvent avoir des renseignements de première main pour leurs exposés. 
Rencontre avec Robin des Bois ou Jésus, télescopage avec H. G. Wells : les raisons d'éclater de rire ne manquent pas dans ce troisième recueil des aventures des « Chronokids » de Zep (scénario) et Stan et Vince (dessin). 
Les deux jeunes héros sont parfois très terre à terre (aller au Klondike avant la ruée sur l'or) mais aussi pleins de bonne volonté comme empêcher les guerres et tentant de distraire Nobel alors qu'il est sur le point d'inventer la dynamite. 
Cela donne un ensemble très drôle, plein de clins d'œil, le tout remarquablement dessiné par un duo d'illustrateurs ayant parfaitement digéré le passage du réalisme au comique.

« Chronokids » (tome 3), Glénat, 9,40 € 

lundi 22 mars 2010

Polar - Médecine expéditive

Si vous êtes malade, évitez de tomber entre les mains de Peter Brown, le médecin de ce polar de Josh Bazell. Auparavant, il était tueur à gages...

La mort est souvent omniprésente dans les hôpitaux. Le Manhattan Catholic Hospital, établissement où officie le docteur Peter Brown, héros du roman de Josh Bazell, n'échappe pas à la règle. Et Peter Brown, la mort, il connait bien. Cet interne vit sa deuxième existence officielle. Précédemment, il était tueur à gages pour la mafia. Soigner ou tuer : il n'y a souvent qu'une infime frontière. Il a fait le grand saut. Dans les premières pages de ce polar, on ne connait rien du passé du docteur. On le suit allant au travail. Et déjà on comprend qu'il n'est pas exactement comme les autres praticiens. Plus proche du Dr House que de votre médecin de campagne.

En chemin il corrige un olibrius qui le braque, puis s'envoie en l'air dans l'ascenseur avec une gentille représentante pharmaceutique. Quand vient l'heure de sa tournée, il prend quelques précautions. Comme gober un cachet de Moxfane. « Le Moxfane est un médicament qu'on donne aux pilotes de bombardier qui décollent du Michigan sans escale pour bombarder l'Irak et rentrer au Michigan sans escale. On peut soit l'avaler, soit le mettre dans le moteur en guise de carburant, au choix. »

Le retour de Griffe d'ours

Les dix premières pages donnent le ton du roman qui rapidement ne sera pas que médical. Car Peter raconte, entre ses consultations et quelques opérations, comment il est devenu mafieux. A la base, la mafia ne l'intéressait que pour retrouver deux petits truands qui avaient assassiné ses grands-parents. Pour ce faire il s'est littéralement fait adopter par un avocat véreux. Il est devenu tueur à gages en flinguant les meurtriers de sa famille. Un très bon tueur répondant au pseudo de « Griffe d'ours ».

Mais tout cela c'est du passé. Aujourd'hui Peter est un médecin, pas spécialement honorable, mais qui a tiré un trait sur cette période de sa vie. On apprend même un peu plus loin dans le roman qu'il est sous la protection du Witsec, le programme de protection des personnes qui témoignent contre le crime organisé.

Et Peter, justement, a rudement besoin du Witsec ce matin car un de ses nouveaux patients, un certain LoBrutto en le voyant l'accueille avec effroi : « Oh putain ! Crie-t-il en se recroquevillant comme pour me fuir, mais entravé par ses perfusions et les fils qui le relient aux moniteurs. Griffe d'ours ! Ils t'ont envoyé pour me buter ! ». LoBrutto est en réalité Squillante, un mafieux atteint d'un cancer et qui n'a plus que trois mois à vivre. Mais c'est certainement suffisant pour qu'il prévienne tous ses collègues qui tentent de mettre la main sur Griffe d'ours. Le docteur Brown va devoir agir vite. En quelques secondes il imagine trois façon différentes pour assassiner Squillante : de l'air dans le cathéter (mais il en faudrait trop), un bouchon bloqué dans le larynx, « les bois légers n'apparaissent pas aux rayons-X » ou le shooter au potassium, « son cœur s'arrêtera sans faire de pics sur son électrocardiogramme ». Une urgence l'entraîne à l'autre bout de l'hôpital. Ce n'est que partie remise, mais rapidement les affaires se compliquent pour le docteur Brown.

Ce roman, le premier de Josh Bazell, lui-même médecin, semble tout à fait immoral. Mais on apprend pourquoi le docteur, dont le véritable nom est Pietro Browna, avait tant de haine à une certaine époque de sa vie. Cela ne l'excuse pas, mais on le comprend mieux. Et au fil des pages il s'humanise, quand il devient le chaperon de Skinfilk, son frère d'armes, puis quand vient l'amour et la rencontre de la belle Magdalena, musicienne roumaine. Mais il n'a pas le temps d'être nostalgique. Quatre comprimés de Moxfane et direction le bloc opératoire... Ça tombe bien, c'est Squillante qu'il faut « ouvrir ».

« Docteur à tuer », Josh Bazell, Lattès, 20 € 

samedi 20 mars 2010

BD - Drôles de gamins


La BD américaine a trop longtemps été réduite à des aventures de super héros. C'est oublier la principale catégorie, la plus dynamique : les strips publiés dans les quotidiens. Les Peanuts ou Calvin et Hobbes ont prouvé au fil des décennies que tout en étant court, le strip permet de dire beaucoup de chose. Et la relève est là quand on découvre les bandes de ce « Cul-de-sac » signées Richard Thompson. 

Alice Otterloop est une petite fille américaine typique. On suit ses découvertes en compagnie de ses copains de classe ou de son frère Petey. Interviennent également la mère et le père. Des gamins en pleine exploration de la vie et de ses incohérences. 

Que cela soit à l'école, au cinéma, au repas où dans leur chambre à coucher : tout est prétexte à gag et réflexion. Un monde enchanteur servi par un dessin qui semble enfantin au premier abord mais qui se révèle en réalité particulièrement élaboré et expressif. 

A ne pas manquer parmi les personnages secondaires, le cochon d'inde de l'école, Sanders, paniqué à l'idée de retrouver la liberté...

« Cul de sac » (tome 1), Delcourt, 12,95 € 

vendredi 19 mars 2010

BD - Vierge Marie moderne


Jennifer, 16 ans, vierge et enceinte. Le pitch de cette série tient en ces quelques mots. De nos jours, donc, une jeune fille se retrouve enceinte par l'opération du Saint-Esprit. Les deux auteurs, Barbara Abel au scénario et Gérard Goffaux au dessin, ont imaginé ce qui pourrait arriver à cette adolescente dans notre société actuelle. 

Et très vite ce qui aurait pu être une réécriture de la naissance du christianisme se transforme en polar. Car à la fin du premier tome, le père de Jennifer est assassiné. Dans les premières pages de ce second opus, Jennifer et sa mère trouvent refuge dans la ferme habitée par les grands-parents de la nouvelle « vierge Marie » comme la nomment certains journaux. 

Dans une ambiance détestable Jennifer va faire connaissance avec cette grand-mère qu'elle n'a jamais rencontré auparavant et qui ressemble à une sorcière échappée du Moyen âge. De lourds secrets familiaux vont alors faire dévier l'intrigue vers le drame psychologique. 

Très actuel, ce récit semble truffé de fausses pistes, jusqu'au coup de théâtre de la dernière page relançant l'intérêt pour le troisième tome.

« Je vous salue Jennifer » (tome 2), Soleil Quadrants, 14,30 € 

jeudi 18 mars 2010

Fantastique - Petit démon deviendra grand

Clive Barker signe son retour dans la littérature fantastique avec ce récit ayant pour héros Jakabok, le démon de Gutenberg.

Fantaisie littéraire, exercice de style ou simple roman d'épouvante : difficile de ranger « Jakabok, le démon de Gutenberg », écrit par Clive Barker, dans une case précise. Il est vrai que son auteur a toujours aimé les diagonales. Ecrivain, il a également beaucoup signé de scénarios de films d'épouvante et a même réalisé plusieurs long-métrages dont le fameux « Hellraiser ». Ce roman marque un peu son retour aux origines, l'horreur et le fantastique sur papier.

Jakabok est un jeune démon vivant sur une montagne d'immondices dans le neuvième cercle de l'enfer. Il vit sous la férule de son père, Gatmuss, un démon violent et autoritaire. Jakabok a un secret. Il écrit. Assemblant des mots pour en faire des phrases, il conserve précieusement sa production dans sa chambre, cachée sous une latte du plancher. Dans ces écrits, il prend sa revanche, associant son père aux pires insultes et infamies. Quand son secret est éventé, la colère de Gatmuss est effroyable. Le démon se saisit de tous ces papiers et les brûle sur un énorme bûcher. Et pour couronner le tout, il plonge son fils dans les flammes.

Jakabok en ressortira vivant, mais horriblement brûlé, totalement défiguré. Le jeune démon, qui parle à la première personne dans ce livre, se décrit : « Mon corps reptilien n'est plus qu'une masse de tissus chéloïdiens brillants et boursouflés. Ma face était – et est toujours – un chaos e cloques, de petits dômes rouges et durcis partout où ma graisse a été frite. Mes yeux ne sont que deux cavités sans cils ni sourcils. Ce qui s'applique également à mes fosses nasales. Du mucus gris-vert suinte constamment des globes oculaires et de l'emplacement que mon nez occupait autrefois. » Par contre, sa double queue est sortie intacte du brasier.

Capturé par des humains

La grosse crise entre Jakabok et son père se prolonge par une course poursuite dans les montagnes d'immondices. Mais les deux démons stoppent net les hostilités quand ils découvrent, accrochés à des cordes, de grosses côtes de bœuf et des bouteilles de bière. Ils font la paix et dégustent tranquillement ce qui se révèle être un piège. Capturés dans de grands filets, ils sont remontés vers la surface, vers le monde des humains. Une lente ascension, où Clive Barker décrit les différents cercles traversés. Et plus la surface approche, plus Jakabok comprend que ce piège risque de lui être fatal tant la colère de son père augmente. 

Le jeune démon décide alors de s'affranchir totalement. Il coupe la corde remontant son père. Ce dernier chute mortellement jusqu'au 9e cercle. Le tout frais démon orphelin découvre la surface de la terre et les humains. Des hommes bien décidés à l'écorcher, le dépecer et faire bouillir sa chair. Il s'échappe donc et va, au gré des rencontres et des découvertes, se forger cette réputation de démon implacable, celui de Gutenberg. Le démon des livres, un livre démoniaque...

« Jakabok : le démon de Gutenberg », Clive Barker, Denoël collection Lunes d'encre, 19 €

mercredi 17 mars 2010

BD - Tueur futuriste


Eberoni, illustrateur rare, a été découvert dans les pages de Métal Hurlant dans les années 80. Il s'est ensuite fait plus discret, ses images léchées et futuristes semblaient le destiner à une carrière de peintre. Il revient au 9e art dans cet album hommage au « Samouraï », film de Melville. 

Dans un Paris futuriste où les images pornographiques foisonnent dans la rue, un homme se rend à un rendez-vous que l'on sait dramatique. Il marche dans cette capitale cauchemardesque en rêvant à des femmes lascives et voluptueuses. 

Si l'histoire est microscopique, les dessins méritent que l'on s'attarde dessus. Il faut savourer chaque courbe, chaque effet de relief et autre trouvaille architecturale.

« Samouraï », Futuropolis, 16 € 

mardi 16 mars 2010

BD - Guerrier médiéval


Récit médiéval et fantastique, « Le Banni » permet de découvrir Tarumbana, un dessinateur virtuose, dans la lignée d'un Rosinski. Ses planches, en couleurs directes, semblent être une succession de peintures. Or, il fait tout en numérique. 

Il semble être le premier à exploiter à ce point les nouvelles technologies. L'histoire, signée Henscher, est dramatique et violente. Cinq guerriers ont pris le pouvoir. Leur chef est devenu roi. Mais l'un d'entre eux a trahi. 

C'est devenu le Banni. Alors que les complots se multiplient, le Banni revient au pays pour tenter de réécritre sa légende.

« Le banni » (tome 1), Le Lombard, 13,50 € 

lundi 15 mars 2010

BD - La guerre au gras de Gally


Sur les blogs, les expériences de régimes fleurissent comment explosent les grains de pop-corn dans une casserole chaude. Gally a été une pionnière dans le genre. Mais cette dessinatrice, plutôt que de raconter ses menus dans le détail, a préféré mettre noir sur blanc son mal-être de grosse. Cela donne des planches indépendantes les unes des autres, parfois hilarantes, souvent graves et tristes. 

Certes cela ne fait pas maigrir, mais cela permet de mieux vivre sa condition de « gros » et surtout donne l'occasion aux autres, les normaux, de comprendre pourquoi certaines réflexions ou attitudes peuvent être difficiles à vivre. 

Cette BD a fait une première apparition sur le net. Remarquée, elle a été publiée une première fois par les éditions Diantre. Elle inaugure (en compagnie de « Moi vivant, vous n'aurez jamais de pause » de Leslie Plée) une nouvelle collection lancée par les éditions Pocket. La réédition en poche d'une BD « immense » à un prix tout « maigre ».

« Mon gras et moi », Pocket, 5,90 € 

vendredi 12 mars 2010

BD - L'exil de Tibill


Dans un monde merveilleux, au milieu des forêts, vivait un peuple pacifique et rural, les Lilling. Réputés pour leurs productions agricoles, surtout les salades, ils n'ont que rarement l'occasion de quitter leur village. Tibill, une jeune Lilling, distrait et maladroit, en pensant sauver des plantation, provoque la destruction de la moitié du village. Jugé par les anciens, il est condamné à l'exil. 

C'est ce grand voyage dans un monde inconnu que vont raconter Ange et Cagniat. Tibill regrettera vite la douceur de sa vie d'antan. Capturé, vendu comme esclave, il est de plus être au centre d'un complot pour assassiner le magicien Laurent. 

Un album très mouvementé, d'autant que le héros est attaché à une autre représentante de son espèce, la très distinguée et craquante Lorette. 

Ce monde merveilleux l'est d'autant plus que Cagniat, au dessin, se surpasse dans les créatures extraordinaires et autres trouvailles fantastiques. Un album tout public qui vous fera durablement rêver.

« Tibill le Lilling » (tome 1), Soleil, 12,90 € 

jeudi 11 mars 2010

BD - Femme fatale tombée dans l'oubli


Qui se souvient de Mireille Balin, actrice française adulée des foules dans les années 30 ? Mireille Balin, morte dans l'indifférence et la misère dans les années 60. Dolor, 38 ans, journaliste farouchement indépendante n'en avait jamais entendu parler avant la mort de son père qu'elle n'a quasiment pas connu. Paco les a abandonnées, elle et sa mère. Sans un mot ni la moindre explication. 

Alors qu'elle assiste à ses obsèques en banlieue parisienne, une mystérieuse femme lui remet une enveloppe contenant divers documents et le journal intime du défunt. Dolor va découvrir les raisons de la fuite de son père. Elle se rend sur la côte d'Azur et tente de retrouver la trace de cette Mireille Balin qui serait la cause de cette désertion. Cette histoire de passé trouble venant interférer avec le présent est signée Philippe Paringaux. 

Habitué à collaborer avec Loustal, il a cette fois confié ce scénario à Catel. Cette dessinatrice, révélée au public avec Kiki de Montparnassse, s'est complètement appropriée cette nouvelle figure symbolique de femme fatale au destin tragique.

« Dolor », Casterman, 16 €

mercredi 10 mars 2010

BD - Hollywood au cœur

Quand on espère vivre de ses histoires à Hollywood, mieux vaut accepter de se couler dans le moule. Le jeune Orson l'apprend assez vite dans le premier tome de cette série réaliste écrite par Gihef et dessinée par Lenaerts. 

Orson est désormais une plume qui compte. Certes il n'écrit pas les films qu'il voudrait, mais le bel appartement, la piscine et les milliers de dollars sur le compte en banque effacent les scrupules. Une réussite tranquille qui n'empêche pas son père de mourir. Et Orson de devoir retourner dans son New Jersey d'origine pour les obsèques. 

Il fera le voyage en compagnie d'un autre scénariste, Marsellus et de sa compagne du moment, une actrice. La traversée des USA en voiture donne l'occasion au deux créateurs californiens de plonger dans la réalité des bouseux locaux. Et de redécouvrir l'Amérique profonde, puritaine et moralisatrice personnifiée par la mère d'Orson. 

Cet album nous donne une image d'un pays écartelé entre les traditions rigides des laborieux et la folie douce des artistes. Orson est un fragile pont entre ces deux mondes.


« Mister Hollywood » (tome 2), Dupuis, 10,95 €

mardi 9 mars 2010

Polars - Inépuisable Georges Simenon


La monumentale œuvre de Georges Simenon (plus de 200 romans) permet une perpétuelle redécouverte de ses écrits. Les éditions Omnibus, depuis de nombreuses années, proposent régulièrement un autre regard sur les textes de l'écrivain francophone le plus traduit de par le monde. Si l'an dernier c'étaient les « Romans américains » qui étaient mis à l'honneur, cette fois ce sont les « Romans du monde » qui sont repris dans deux gros volumes de 800 pages chacun. 

Ces romans sont nés des voyages de Simenon dans les années 30, notamment au Proche-Orient, en Afrique, en Amérique centrale ou aux lointaines Galapagos. De ces périples, il a rapporté un grand nombre de reportages ainsi que la matière de nombreux romans qui, loin de tout exotisme de carte postale, dépeignent avec acuité la spécificité des sociétés qu'il découvre. Ces romans sont présentés et replacés dans leur contexte historique par Jean-Baptiste Baronian. 

Ce dernier explique qu'on « retrouve dans ces romans du désenchantement et des illusions perdues, les thèmes chers à l'auteur comme la fuite, la perception de l'autre et, en l'occurrence, l'aveuglement de l'homme blanc dans ces terres de colonisation. » (« Romans du monde de Georges Simenon », Omnibus, 26 euros chaque volume)

Certes, Georges Simenon a beaucoup écrit. Mais comment « entrer » dans ce monument de la littérature ? Quel titre choisir ? D'une façon très subjective, John Simenon, le fils de l'écrivain, propose en un seul volume « Les essentiels de Georges Simenon ». 

11 romans parmi les plus marquants, du « Bourgmestre de Furnes » (1939) à « Les Innocents » (1972). Ils font partie de ce que Simenon appelait ses « romans durs », ceux où il disait se permettre de livrer la vérité sur ses personnages, la quête de l'homme nu. (« Les essentiels de Georges Simenon », Omnibus, 25 €)

lundi 8 mars 2010

Thriller - Serpents britanniques effrayants sous la plume de Sharon Bolton

Une vétérinaire doit faire face à une recrudescence de serpents dans la campagne anglaise. Dont certains sont très dangereux.


Pour vaincre ses pires phobies, le meilleur moyen reste de les affronter de face. Ou d'une façon détournée, en regardant un film ou en lisant un livre. On ne peut donc que conseiller ce thriller de Sharon Bolton à toute personne souffrant d'ophidiophobie ou peur des serpents. Vous aurez l'occasion au fil des pages de frissonner de peur à chaque confrontation et aussi d'en apprendre beaucoup sur ces reptiles souvent méconnus et injustement diabolisés.

L'héroïne de ce thriller se déroulant dans l'Angleterre profonde, de nos jours, les serpents elle connaît bien. Clara, vétérinaire à la SPA locale, en a manipulé au cours de ses études, notamment quand elle faisait des stages en Australie. Dans son petit village, ce sont surtout les couleuvres qui prolifèrent. Mais depuis quelques temps des vipères font aussi parler d'elles. Un vieillard a été retrouvé mort dans son jardin et dans les premières pages, elle doit sauver une fillette d'une vipère ayant trouvé refuge dans son berceau.

Une mise en bouche assez light quand on compare à la suite. En pleine nuit, Clara est appelée par des voisins car des serpents grouillent chez le médecin. Elle explorera la maison en compagnie de Matt, le chef de la police locale. Et si ce sont essentiellement des couleuvres qu'elle chasse, dans la chambre du toubib elle fait une inquiétante découverte. Le serpent, en position d'attaque, la tête dressée, « avait des tâches orange caractéristiques le long du dos. » Clara se retrouve nez à nez avec un taïpan, originaire de Papouasie Nouvelle-Guinée, considéré comme le serpent le plus dangereux du monde. 

Avec une bonne dose d'inconscience et aidée de Matt qui ne sait pas encore le risque qu'il prend, elle capture la bête. « Matt lui a cogné le côté de la tête avec le manche de la hache. Le taïpan a fait volte-face pour l'attaquer plantant ses crocs dans le bois. Je me suis jetée en avant et, sans m'arrêter pour réfléchir – sinon jamais je n'aurais été capable de le faire -, l'ai attrapé des deux mains autour du cou. Le serpent a relâché sa pression sur le manche et s'est débattu pour se libérer, mais je le tenais serré. » Comment ce serpent ne vivant pas sous des climats tempérés s'est-il trouvé dans cette bourgade anglaise ?

Un « monstre » cherchant l'oubli

Rapidement Clara est persuadée que cette recrudescence est l'œuvre d'un humain. Et elle va tenter de mieux connaître ce petit village dans lequel elle cherchait tranquillité et oubli. Car l'héroïne de Sharon Bolton a elle aussi de bonnes raisons de vouloir se faire discrète. Bébé, elle a été défigurée dans un accident. La moitié du visage ravagée par des cicatrices, elle préfère la compagnie des animaux aux humains la considérant comme un monstre de laideur. Remuant le passé, notamment une nuit de 1958 où l'église a brûlé, elle se sent épiée, observée, menacée. Jusqu'à cette attaque en pleine nuit chez elle. « Et là, quelque chose qui n'offrait pas du tout la sensation d'une main humaine mais plutôt d'une substance faite de vase et d'os décomposé s'est mis à me caresser la cuisse, en remontant, tandis que son regard remontait, lui aussi... » Le roman prend alors un tour plus dramatique, plus personnel.

Sharon Bolton, comme souvent les romancières anglaises, maîtrise parfaitement son sujet, imposant une atmosphère de plus en plus angoissante, jusqu'à ce final qui devrait définitivement chasser votre peur des serpents... ou la réveiller pour des années et des années.

« Venin », Sharon Bolton, Fleuve Noir, 20,90 € (Le précédent thriller de Sharon Bolton, « Sacrifice », vient d'être publié en édition de poche chez Pocket, 7,80 €)

dimanche 7 mars 2010

BD - Bienvenue chez Madame Georgette, tenancière d'une maison close


Madame Georgette, c'est la tenancière d'un bordel parisien à la Belle époque. Une maison close qui a pour nom « casino » en italien. C'est donc l'origine de cette BD qui renaît de ses cendres dans la collection « Erotix » de chez Delcourt. 

Dessinée par Leone Frollo, ces récits complets très osés, voire pornographiques, avaient été publiés une première fois, dans les années 80, sur divers petits formats d'Elvifrance. Mais les versions françaises avaient été sévèrement censurées. Car dans cette maison close, les pensionnaires étaient entièrement dévouées à leurs clients, quels que soient leurs fantasmes. Cela provoquait des scènes très croustillantes dans lesquelles Leone Frollo donnait toute la mesure de son talent. 

Ce dessinateur, dans la lignée des plus grands comme Manara ou Serpieri, avait un don pour rendre les femmes pulpeuses et désirables. Sous sa plume, Dodo l'ingénue, Joséphine la noire, Jeanne la cavalière, Franca la Bolognaise ou Mimi la pétomane, les pensionnaires de la plantureuse Madame Georgette, sont belles avant d'être vulgaires. Ce premier gros tome de 330 pages reprend trois histoires dans leur format d'origine, sans coupure ni remontage. En plus d'être osés, ces récits sont aussi humoristiques. 

Quand Dodo et Jeanne montent dans l'Orient Express, on se doute qu'il ne faudra pas attendre Istanbul avant qu'elles se trouvent quelques bourgeois en manque d'affection tarifée. Mais leur enthousiasme sera tel qu'il provoquera presque un incident diplomatique. 

« Casino » n'est certes pas un chef d'œuvre du 9e art, mais mérite largement cette réédition donnant l'occasion au plus grand nombre de découvrir un style de BD qui a quasi disparu aujourd'hui...

« Casino » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

samedi 6 mars 2010

BD - Les choix d'une vie au menu de la série "Destins"


Frank Giroud, scénariste ayant déjà écrit pour une cinquantaine de dessinateurs, aime casser les codes des séries. C'est le principe de « Destins ». Il a écrit le premier tome, dessiné par Michel Durand, et propose à son héroïne, au final, de choisir entre deux décisions cruciales pour la suite de son existence. 

Deux autres scénaristes prennent la relève en développant chacun un des choix. Un phénomène de ramification qui se rejoindra, au final, dans un album de nouveau scénarisé par Giroud (parution janvier 2012). Tout débute par un hold-up qui tourne mal (deux morts), commis par une jeune Américaine idéaliste, Ellen. Cette dernière échappe à la police et devient une très respectée responsable d'association caritative. 

Mais quand, 17 années plus tard, une innocente risque d'être exécutée pour son crime, Ellen a le choix entre se dénoncer ou se taire. 

Deux hypothèses développées dans les tomes 2 et 3 de « Destins » par Virginie Grenier et Daphné Collignon dans « Le fils » et Pierre Christin, Lécossois et Brahy dans « Le piège africain ». C'est aussi passionnant et réussi que le Décalogue.

« Destins » (tomes1, 2 et 3), Glénat, 13 € chaque volume 

vendredi 5 mars 2010

BD - Du présent au passé dans "Atlantide Experiment"


Le passé peut-il ressurgir dans notre présent ? Le passé est-il plus fort que notre volonté ? Sur ces questions, Mosdi, le scénariste de « Atlantide Experiment » a bâti une intrigue spectaculaire mettant l'humain au centre de chaque épisode. 

Dans ce troisième tome, on suit le parcours de Zanya, Mexicaine, et Adrian, Américain. Ils n'ont rien en commun et pourtant se retrouveront, dans la dernière page, dans le même avion en partance pour l'île de Santorin, en Grèce. Adrian est un riche homme d'affaires, coureur de jupons et ayant échappé à la mort de peu au cours d'une crise de jalousie de sa femme. Au Japon, alors qu'il négocie un contrat dans le restaurant d'un grand hôtel, il rencontre et aime une femme qui lui fera découvrir une autre facette de sa personnalité. 

Il se retrouvera dans la peau d'un Grec, tueur de prostituées, bien avant l'avènement du christianisme. De la même façon, Zanya, après son évasion d'une prison (elle vient d'y passer six années pour hold-up), bascule dans le corps d'une guerrière sans pitié. 

Des vies doubles et un message commun : rejoidre Santorin. Brillamment dessinée par Hervas Millan, cette BD fantastique et violente passionne et interpelle.

« Atlantide Experiment » (tome 3), Soleil, 12,90 € 

jeudi 4 mars 2010

BD - La vraie vie de Nemo


Jules Verne n'a pas pris une ride. Non seulement son œuvre continue de faire rêver, mais elle donne également matière à de jeunes auteurs n'hésitant pas à revisiter et s'approprier ses personnages. Mathieu Gabella propose, dans le premier volume de cette série intitulée « Le mystère Nemo », de dévoiler des pans restés mystérieux de la vie de ce personnage central de l'île mystérieuse. 

Le début est classique. On retrouve le groupe de confédérés s'échappant en ballon et s'échouant sur cette portion de terre loin de tout. Mais on peut également découvrir la jeunesse de Nemo. Il s'appelle Dakkar, est le fils d'un noble indien et fréquente une université parisienne. Il y rencontre la belle Anusha. Ensemble ils vont tenter d'utiliser les derniers progrès scientifiques (on est en 1849) pour mettre fin à la colonisation de leur pays par les Anglais. Une révolte qui finira mal. Dakkar deviendra Nemo et cherchera à se venger des Anglais et plus largement des humains. 

On appréciera le romantisme de cette version et le dessin de Kenny, entre manga et classique franco-belge, donnant tout son sel aux inventions de Nemo.

« Le mystère Nemo » (tome 1), Delcourt, 12,90 €

mercredi 3 mars 2010

BD - Poubelle symbolique


Publié dans la collection « Poisson Pilote », ces récits complets de Krassinsky auraient fait les beaux jours de Pilote, version mensuel sous la direction de Guy Vidal. Les fables de la poubelle car « toutes les belles histoires ont déjà été racontées. Il reste les autres. » L'humour noir règne en maître dans ces pages où tout un chacun peut se reconnaître. 

Du voyageur incommodé par les cris d'un bébé dans un train au baigneur prenant son pied en faisant pipi dans les piscines, les personnages imaginés par l'auteur, tout en étant extrêmes, ont une vérité qui dérange. Allant de une à dix pages, ces fables ne finissent pas forcément mal. 

Dans le lot, avouons une préférence pour celle des tomates ou « comment devenir végétarien en taquinant son épicier de quartier ».

« Les fables de la poubelle » (volume 1), Dargaud, 10,95 €

mardi 2 mars 2010

BD - Voleur condamné


Marc N'Guessan est un dessinateur réaliste surdoué très apprécié en dédicace. Après avoir tâté de la science-fiction, de la fantasy et de l'adaptation (il a dessiné trois volumes d'Arthur et les Minimoys...), il se frotte pour la première fois au récit contemporain. 

Le jour de Noël, dans une ville du Nord de la France, le scénario de Jakupi raconte la folle course d'Andrëi, un voleur à la tire sans papiers. Il tombe par hasard sur son oncle et ce n'est pas de chance car ce dernier, surnommé le Boucher, a pour mission de l'éliminer. 

Cette confrontation s'achèvera dans une friche industrielle transformée en atelier d'artiste. Haletant, plein de rebondissements, ce récit se dévore comme un polar, aussi sombre que la couverture.

« Jour de grâce », Dupuis, 14,50 € 

lundi 1 mars 2010

BD - Le Narval, plongeur téméraire


Cet album a le parfum de l'aventure et de l'exotisme des BD des années 60. Mais avec des personnages d'aujourd'hui. Robert Narval est plongeur professionnel. Le spécialiste que l'on sollicite quand il n'y a plus d'espoir ou lorsqu'on navigue en eaux troubles. 

Ce beau gosse, expert dans son domaine ne craint personne excepté son patron qui par ailleurs est son père, fondateur de l'agence Bloodshift. Ce premier recueil propose cinq histoires complètes pour mieux cerner le personnage imaginé par Supiot et dessiné par Beuzelin. Cinq destinations, de la Bretagne à la Polynésie en passant par l'arctique. 

Dépaysant et passionnant, cela pourrait n'être qu'un hommage aux grand anciens (Greg ou Franquin), mais c'est tellement réussi qu'on en redemande.

« Le Narval » (tome 1), Editions Treize Etrange, 9,90 €