dimanche 30 novembre 2008

BD - La fillette rêveuse de Koma

Lancée en 2003, la série Koma est apparue un peu comme un ovni dans le paysage de la BD. Signée de deux auteurs suisses (Wazem au scénario, Peeters au dessin), on y découvrait une petite fille travaillant comme ramoneur avec son père dans une ville industrieuse. C'est en descendant très profond dans les cheminées des machines que Koma découvre des êtres, noirs, aux longs bras et yeux jaunes. 

La petite fille a bien des difficultés pour communiquer avec ces êtres. Un premier album séduisant et poétique. Avec plein d'interrogation. En ce mois de novembre, le sixième et dernier tome vient clore cette série passionnante et d'une grande régularité. Koma et son père étaient bloqués dans un hôtel hors du monde. Elle a osé franchir la porte interdite et se retrouve face à la « chose » qui a tout imaginé. Un monde négatif, oppressant, sans espoir. Koma le lui dit et l'affronte. 

Au risque de faire mourir tout être vivant, la fillette va tenter d'imaginer un nouveau monde : la campagne.

« Koma » (tome 6), Les Humanoïdes Associés, 10 € 

samedi 29 novembre 2008

BD - Magiciens en lutte


Et si la magie gouvernait le monde ? Thomas Cheilan, scénariste, a développé ce principe dans une série intitulée « Salamandre ». Dans ce monde parallèle (à moins que cela ne soit le vrai et que le nôtre soit le parallèle...), en 1830, après des siècles de guerres occultes, les magiciens ont révélé leur existence et imposé une paix planétaire. Ceux qui ont refusé cette décision ont été bannis et exilés de la Terre. 

De nos jours, les tensions entre initiés et non-initiés sont fortes. La crise économique frappe la planète. Le commun des mortels voudrait que les magiciens interviennent. Mais ces derniers ont décidé de ne pas interférer dans le quotidien des mortels. Juste garantir la paix. Tout bascule quand un démon, le « Fléau », parvient à revenir sur Terre. Ezane, sorcière du clan de la salamandre va tenter d'intervenir. 

Un premier album parfois un peu bavard et complexe, mais magistralement dessiné par Dimitri Armand, à peine âgé de 25 ans.

« Salamandre » (tome 1), Le Lombard, 13 € 

vendredi 28 novembre 2008

BD - Lancelot intime


Jean-Luc Istin est un passionné des légendes celtiques. Notamment tout ce qui tourne autour d'Arthur et de la Table ronde. Sa production devient pléthorique et les éditions Soleil en ont même fait une collection à part. Nouvelle pierre à cet édifice, l'histoire de Lancelot dessinée par Alexe. 

Lancelot, fidèle d'Arthur, fier chevalier, au destin cependant très tortueux. Alors que Merlin a disparu, Claudas envahit les terres de Ban de Benoïc. Ce dernier tente de s'enfuir, mais il meurt laissant derrière lui un seul descendant. Ce sera Lancelot, sauvé par la Dame du Lac, Viviane, et élevé dans un lieu magique et secret. C'est là que le lecteur découvrira l'interprétation toute personnelle du scénariste : Lancelot serait une femme. Mais il sera élevé comme un garçon, un chevalier qui se prépare à l'affrontement. 

On se laisse rapidement entraîner dans cette histoire semblant parfois manichéenne mais qui permet pourtant de faire de nombreuses digressions tant les personnages sont en réalité complexes.

« Lancelot » (tome 1), Soleil, 12,90 € 

jeudi 27 novembre 2008

Science-fiction - De la "Permanence" des mondes

Voyage aux confins de l'espace en compagnie de Rue Cassels, jeune femme propulsée à la tête de l'équipage d'un vaisseau extraterrestre.

Même dans l'espace infini on peut se retrouver dans une minuscule prison. C'est le cas de Rue Cassels. Cette jeune femme a toujours vécu dans une base minière implantée sur un astéroïde. Sans soleil ni air naturel, elle ne connaît que sa petite chambre et les coursives glaciales. Quand sa mère meurt, elle sait qu'elle n'a plus le choix. Tyrannisée par Jentry, son frère aîné, ce dernier va certainement en profiter pour encore plus lui pourrir la vie. Elle met en place un plan d'évasion périlleux et audacieux.

Un premier fait d'arme pour Rue qui va les multiplier tout au long de ce long roman de Karl Schroeder de plus de 550 pages.

C'est en fuyant la base qu'elle va devenir immensément riche. Détectant un objet spatial errant, elle va le déclarer aux autorités et devenir ainsi propriétaire d'un cycleur gigantesque. Ce vaisseau spatial, se déplaçant presque à la vitesse de la lumière, sert de lien entre les différents mondes civilisés éloignés par des distances phénoménales. Mais pour pouvoir véritablement jouir de son bien, Rue doit l'aborder et s'en rendre maître.

Elle va recruter un petit équipage et s'élancer vers "La convoitise de Jentry" , nom clin d'oeil qu'elle a donné au vaisseau. Mais elle devra également subir les pressions des militaires car la Convoitise, contre toute attente, semble être un cycleur extraterrestre.

MONDES IMAGINAIRES

Découpé en plusieurs grandes parties, "Permanence" de Karl Schroeder offre une multitude de description de mondes imaginaires. Que cela soit avec Rue, son équipage ou quelques personnages secondaires comme Mike, le scientifique spécialisé en civilisation extraterrestre, les planètes ou habitats foisonnent. De Dis à Erythrion, le lecteur voyage dans des nuages gazeux, sous la banquise ou sur de vertes collines éclairées par un immense rayon lumineux artificiel. Et puis il y a les Autotrophes, cette espèce de conscience extraterrestre qui vit cachée, loin du tumulte.

LE DESTIN DE RUE

Ce space opéra, en s'appuyant sur des personnages très attachants, offre aussi une infinité de rebondissements, permettant au lecteur de découvrir avec Rue et Mike l'origine du cycleur extraterrestre et sa véritable signification. Et par la même occasion, le destin fabuleux de la petite Rue.

Ce troisième roman de Karl Schroeder, après "Ventus" qui l'a révélé au public français, démontre tout le talent et surtout toute l'imagination de cet auteur canadien très prometteur.

"Permanence" de Karl Schroeder. Editions Denoël Lunes d'encre. 28 euros (Folio SF, 9,40 €)

mercredi 26 novembre 2008

BD - Furia futuriste


Excellent thriller d'anticipation écrit par Runberg et dessiné par Henrichon, un Canadien surdoué, « Hostile » est un concentré d'action et de politique fiction. En 2107, les USA ont explosé en trois grandes régions après la seconde guerre de sécession. Le centre du pays est sous la botte d'une dictature religieuse. Un pays devenu pauvre qui attire les convoitises des grosses industries. 

Ainsi, le directeur d'un conglomérat industriel est pris en otage par des ouvriers chinois quand il leur annonce la délocalisation de l'usine vers le Texas. Une mission pour Helen, mercenaire se faisant payer cher. Mais pendant l'assaut, un événement va changer l'avenir du monde.

« Hostile », Dupuis, 13 € 

mardi 25 novembre 2008

BD - Troy, planète magique


Après Lanfeust et les trolls, Arleston propose la genèse du monde de Troy. Les Conquérants sont dessinés par Ciro Tota, au trait élégant et dynamique. Un regret, il est plus lent que ses collègues et il a fallu attendre trois ans pour découvrir la suite des aventures de Page Blanche et Eckmül le bûcheron. 

La jeune femme recherche ses parents. Dans son errance, elle va croiser la route du magohamoth, sorte de grosse baleine source de la magie qui irradie ce monde. Un animal très convoité et les héros auront bien des difficultés pour le protéger des sbires du consortium des fleurs. Une série véritablement magique, sérieuse et ambitieuse.

« Les conquérants de Troy », Soleil, 12,90 € 

lundi 24 novembre 2008

BD - La fin de l'exterminateur 17

Côté dessin, il est des défis plus difficiles à relever que d'autres. Quand Baranko a accepté de succéder à Bilal aux manettes de la série « Exterminateur 17 », il prenait un pari risqué. Toujours sur un scénario de Jean-Pierre Dionnet (de plus en plus rare dans la BD), il n'a gardé du mythique premier album que les traits déshumanisés de la machine à tuer. 

Cet ultime titre donne quelques clés. L'Exterminateur, retiré des affaires, est convoqué par un ponte de la mafia. Il lui propose un dernier combat contre un czar, un yakusa et un mafioso. Un affrontement qui occupe un bon tiers de l'album et dans lequel Baranko met en œuvre toute sa science du dessin en mouvement.

« Exterminateur 17 », Casterman, 13,95 € 

dimanche 23 novembre 2008

Polar - Humour noir pour "Noces de paille"

Deux petits vieux choisissent l'empaillage pour rester ensemble éternellement : un polar signé Yves Hughes.


Lukas est taxidermiste. Un bon artisan à la renommée grandissante. Il reçoit des commandes des quatre coins de la France.
Au volant de sa voiture, il est sur la route de Honfleur pour présenter quelques-unes de ses dernières créations à deux clients potentiels. Un couple de retraités, Léonce et Charlotte, désirant conserver au-delà de la mort un « petit compagnon familier » comme ils viennent de lui expliquer au téléphone. Il pleut, la visibilité n'est pas bonne et alors qu'il traverse un bois, Lukas écrase une petite bête affolée. Un furet. Un jeune. Une aubaine pour l'empailleur qui s'empresse de le récupérer.
Dans ce polar à trois personnages, Yves Hughes, l'auteur, n'y va pas par quatre chemins quand il est question des opérations techniques de taxidermie.
Ainsi quand il traite un sanglier, "Lukas le vida. Boyaux, tripes, intestins. Encore tièdes et fumants. Léonce se bouchait le nez." Car Lukas, assez rapidement, s'installe chez les deux vieux.
Ils lui ont fait une proposition incroyable lui qui croyait venir pour un chat ou un cocker. En fait son travail, s'il l'acceptait, serait d'empailler le premier des deux vieillards qui passerait l'arme à gauche. Un travail inédit, novateur, un peu de baume au cœur de Lukas à peine sorti d'une rupture sentimentale douloureuse. Il va carrément s'installer à demeure pour se tenir prêt le moment venu.
Mais les petits vieux sont résistants, très résistants. L'attente de la mort se transforme en impatience de la voir arriver.
Scénariste pour la télévision, Yves Hughes mène parfaitement ce huis clos à trois personnages, jonglant avec les caractères entiers et parfois opposés des protagonistes. Un zeste d'humour noir relève d'autant ce roman plaisant et distrayant.

"Noces de paille", Yves Hughes, Calmann-Lévy, 13, 50 €


samedi 22 novembre 2008

Thriller - Le mal personnifié

Ce thriller de Michael Prescott est dominé par le personnage de Peter Faust, un « méchant » comme on en croise rarement dans la littérature.

Deux femmes, un homme. Le triangle classique de tant de romans. Mais dans « La treizième victime » il ne s'agit pas de romantisme, loin de là. Les deux femmes sont avant tout des chasseuses. Abby Sinclair est une « bête de la jungle », Tess McCallum une « tueuse de tueurs ». Ces deux appréciations des personnalités des héroïnes sont de Peter Faust, la figure centrale de ce roman de Michael Prescott.
Peter Faust contacte Abby pour lui proposer un job. La jeune femme se charge de protéger des clients fortunés. Les protéger et parfois anticiper les ennuis. Si quelqu'un se montre un peu trop pressant, elle sait le décourager avant qu'il ne soit trop tard. Faust engage Abby car il a remarqué qu'un homme tourne autour de sa petite amie. Il charge Abby de le retrouver et de lui expliquer qu'il ne faut pas insister.

Tueur et artiste
La jeune femme, d'habitude peu regardante sur ses clients, hésite beaucoup dans ce cas présent. En raison de la personnalité de Peter Faust. D'origine allemande, il a fait la Une des journaux en Europe quand il a été jugé pour avoir assassiné une jeune femme. Pour lui, grand admirateur des nazis et du IIIe Reich, c'était une performance artistique, comme un hommage. Condamné à une courte peine de prison, une fois dehors, il a vite monnayé son « exploit », écrivant un livre et donnant des conférences. Riche, presque célèbre, il vit maintenant à Los Angeles, exhibant son intelligence sulfureuse dans ces milieux très branchés vivant dans l'opulence. Comme une mauvaise conscience pour ces faux rebelles n'osant jamais franchir le pas de la violence pure. Faust l'a fait. Depuis, il vit dessus.
Finalement Abby accepte car elle aime les défis et qu'en bonne Américaine libérale, elle estime que le client est roi, quels que soient sa personnalité et ses antécédents.
Tess a plus de principes. Normal, elle est profileuse pour le FBI. Il y a quelques années, elle a participé à un interrogatoire de Faust. Il était soupçonné d'avoir enlevé une jeune fille. Sa froide intelligence a profondément marqué Tess, persuadée que cet homme était la quintessence absolue du Mal. Mais si Tess se rend à Los Angeles, c'est pour un tout autre motif. Un agent infiltré vient d'être retrouvé assassiné. Il espionnait Faust. Abby est la principale suspecte.

L'union des ennemies
Michael Prescott, avec le même brio que dans ses précédents thrillers, anime ses deux personnages féminins récurrents. Une relation très particulière s'est installée entre Abby et Tess. La première a sauvé la vie de la seconde. Mais elle ne sont pas amies. Et sont d'accord pour admettre qu'elles ne le seront jamais.
Pourtant, face à cet ennemi commun qui va se révéler redoutable (le lecteur découvre les véritables agissements de Peter Faust par fragments), elle vont oublier leurs désaccords et rancunes pour tenter de mettre hors d'état de nuire cette machine maléfique. On apprécie particulièrement la description du cheminement de la pensée de Faust, même si parfois cela fait froid dans le dos. Ensuite, entre Abby la sauvageonne et Tess la meurtrie perpétuellement insatisfaite, le cœur du lecteur balance. Et si votre choix n'est pas fait à la fin de ce roman, rassurez-vous, Michael Prescott devrait donner une suite à leurs aventures.

« La treizième victime », Michael Prescott, Pygmalion, 20,90 €

vendredi 21 novembre 2008

BD - Huis clos perpétuel


Dans une ville de Chine (peut-être Shanghai où réside le dessinateur, Sylvain Saulne), une dizaine d'habitants d'un quartier se retrouvent sous la menace d'un groupe de militaires en rébellion. Isolés, ne sachant pas si les autorités vont venir les aider, ils se terrent, tentant de survivre. Beaucoup joueront la solution individuelle, au risque de condamner leurs camarades. Un groupe cohérent qui doit faire avec une intrus. 

Une jeune femme tatouée et très désabusée. Elle raconte son histoire sans fin. Elle ressuscite sans cesse le même jour, au même endroit. Lassée de la répétition des événements, elle tente d'en modifier le cours. Elle intervient directement ou en écartant certaines personnes. Cela marche moyennement car pour l'instant elle n'a jamais réussi à changer la fin : tout le monde meurt. 

Le scénario est de Caroline Rezo. Elle profite de la forte pagination (144 pages) pour développer sa thèse, les personnalités des protagonistes et les scènes d'action.

« Mes affinités sélectives », Casterman, 16 € 

jeudi 20 novembre 2008

BD - Délires psychédéliques signés Dave Cooper chez Delcourt

Dave Cooper, après avoir été une des têtes d'affiche de la BD underground américaine, se consacre aujourd'hui à la peinture, le design des jouets et les livres pour enfants. « Suckle », réédité par Delcourt dans sa nouvelle collection Outsider, est une oeuvre de jeunesse. 

Publiée pour la première fois en 1996, elle présente l'errance de Basil, un adolescent, orphelin du désert, découvrant la vie et la complexité des humains. Il cherche l'amour et la sérénité. Avant d'atteindre ce nirvana, il se fera arnaquer par des exploiteurs, tabassé par des hommes cupides, enrôlé dans des sectes... 

Il goûtera également quelques substance hallucinogènes lui permettant de voir sa réalité sous un nouvel angle. Ce sont des planches totalement allumées, aux formes voluptueuses et charnelles. Une façon détournée de dessiner des scènes de sexe fantasmé. Du sexe il en est également beaucoup question dans le second récit, « Crumple », des lesbiennes complotant contre les mâles dominateurs.

« Suckle, suivi de Crumple », Delcourt, 16,50 € 

mercredi 19 novembre 2008

BD - Horreur muette


Dans quel monde vivons-nous ? Ivan Brun tente de répondre à cette question dans son album intitulé « No comment ». Une réponse noire et pessimiste car ses histoires courtes et muettes sont à l'opposé des bluettes servies par certains pour faire oublier les rigueurs du quotidien. 

Chez Ivan Brun, les personnages, corps d'enfants, grands yeux innocents, vivent des cauchemars éveillés. Que cela soit dans les villes déshumanisées de notre Occident ou les bidonvilles dépotoirs des pays pauvres, la misère est la même. Misère morale pour les uns, misère matérielle pour les autres. Avec à la clé, systématiquement, la violence qui s'impose. 

Violence tarifée ou par média de substitution d'un côté, ultra violence de l'autre avec la guerre des gangs, les enlèvements, les meurtres, la prostitution. La couverture est assez anxiogène, l'intérieur carrément dépressogène pour ceux qui croient encore au bonheur. Une BD à découvrir pour mieux comprendre les années 2000.

« No comment », Drugstore, 13,90 € 

mardi 18 novembre 2008

Roman - Tristes détectives

Même les détectives privés sont frappés par la crise économique. Alain Sevestre en fait un roman à part.

Pétapernal et Mandex. Les noms des deux héros de ce roman d'Alain Sevestre suffisent à eux seuls pour camper cette ambiance étrange. Deux hommes ne vivant que pour leur travail : détectives privés. Mais on est loin des personnages mythiques à la Chandler. Pétapernal et Mandex sont spécialisés dans le recouvrement de dettes. Ce sont eux par exemple qui sonnent chez les particuliers ayant oublié de payer une commande de livres par correspondance.

Un travail long, fastidieux et peu passionnant qu'ils exécutent pourtant avec abnégation. Le matin, ils se retrouvent dans le bureau de l'agence. Pour choisir les affaires à traiter. Mais surtout pour vérifier que le patron n'a pas fait sa réapparition. Car ce dernier, l'âme de cette petite entreprise, a disparu depuis de longs mois. Parti sans laisser d'adresse. 

Les deux employés tentent de faire marcher l'agence seuls, en attendant son hypothétique retour. Ils piochent dans la caisse pour survivre. Mais n'ont bientôt plus assez pour payer électricité ou téléphone. Reste le coffre-fort qui trône derrière le bureau du chef. Ils vont tout faire pour l'ouvrir, avec l'espoir de découvrir un indice pour retrouver la trace du patron...

Eviter la joie

Ce roman atypique (paru en 2005) interpelle le lecteur par son ton volontairement très monocorde. Pas d'éclat ni de passion dans la vie de Pétapernal et Mandex. Ils sont volontairesment effacés, tristes, comme pour se fondre dans la foule de la grande ville. Et quand par malheur ils sont heureux, "ces petits fracas de contentement, ils les réfrénaient très vite." "Par ailleurs, ils se méfiaient aussi de la joie qui eût pu les emporter à s'accorder avec le monde, les gens. Or, non, il ne fallait pas. Rien n'allait. Ça, c'était la base. La moindre joie manifestée avec le premier venu ouvre à la barbarie".

Deux héros tristes, trimbalant leur volonté d'oubli dans des rues grises, croisant des hommes et des femmes dans le besoin, parfois résignés, parfois prêts à tout pour s'en sortir. Les deux amis mettront des semaines et des semaines pour envisager la fermeture de l'agence, la fin de leur travail, une éventuelle reconversion.

Et pour pimenter cette longue descente aux enfers, Alain Sevestre instille un peu de suspense avec le feuilleton du coffre-fort puis de son contenu, et la quête du père par un fils blessé. Sans oublier une touche d'humour avec l'embauche d'une incroyable secrétaire paranoïaque réclamant sans cesse des pauses pour aller... prier. Ce roman se dévore comme on se lance sur un manège rapide, on est grisé au début puis la tête nous tourne et quand c'est fini il ne nous tarde qu'une chose : retourner faire un tour en compagnie de Pétapernal et Mandex.

"Les tristes" d'Alain Sevestre. Editions Gallimard. 17,50 euros.

lundi 17 novembre 2008

Roman - Famille à lier

Comment, dans un couple, une rupture peut mettre en évidence la folie de toute la famille ? Démonstration savante de Régis Jauffret.

Légèrement oppressant au début, incroyablement inventif par la suite, ce roman de Régis Jauffret (paru en 2005 et récemment réédité chez Folio) dissèque avec une précision chirurgicale la rupture chez un jeune couple. La première partie est un long monologue d'une vingtaine de pages. La femme, Gisèle, raconte comment elle a rejeté cet homme, Damien, qu'elle n'aime plus. Comment il a sombré dans la déchéance en raison de cet abandon : "Après, il ne sera plus qu'un pauvre mec, il lassera ses meilleurs amis avec ses jérémiades, et il perdra son travail quand les services techniques l'accuseront de détremper les circuits informatiques avec la vapeur de ses larmes qui les corrodera comme l'air salé des tempêtes d'équinoxe". Elle se défoulera dans la parole, prenant le lecteur à témoin pour finalement lui confier : "Puisque notre histoire est terminée, c'est qu'elle n'a jamais eu lieu. Elle est à ce point imaginaire, que je vais vous la raconter. Sans pleurer, sans frémir, sans colère, sans émotion".

La fuite de la rupture

Tout commence donc un matin comme les autres. Damien, cadre dans une grande entreprise, doit assister à une réunion à Toulouse. Il se lève très tôt pour prendre l'avion. Gisèle déjeune avec lui puis va se recoucher. Durant la matinée, le père de Damien sonne chez Gisèle pour changer le robinet de la cuisine qui fuit. Mais ce n'est qu'un alibi car une fois la réparation achevée, il demande à Gisèle de l'aider à transporter la commode de famille prêtée au jeune couple. Et au passage d'emballer également les disques, les livres et l'ordinateur de Damien. Damien qui n'a pas eu le courage d'annoncer de vive voix sa rupture et qui a délégué cette tâche à son père. Gisèle n'y croit pas. Refuse en bloc cette éventualité. L'insistance du père parvient pourtant à la faire fléchir. Elle se retrouve seule dans l'appartement car le soir, effectivement, Damien n'est pas rentré. Il est retourné chez ses parents.

Gisèle semble s'enfoncer lentement mais sûrement dans la folie. Une folie qui l'avait épargnée car au fil des pages, le lecteur découvre les véritables personnalités de Damien et de ses parents. Le moins que l'on peut dire c'est que cette famille est étrange. Dérangée serait plus juste. Dans une maestria de formules décapantes et de faux dialogues (chaque protagoniste, à tour de rôle, explique sa vision de la rupture en faisant questions et réponses...), Régis Jauffret raconte cette famille de fous relativisant ces excès en expliquant que "notre avenir n'est pas tracé, nous nous modifions trop, nous sommes chaotiques, et je me dis parfois qu'à notre mort nous laisserons derrière nous la myriade de cadavres de tous ces gens que nous avons été pleinement, mais l'espace d'un instant, d'une semaine, ou de quelques années".

"Asiles de fous" de Régis Jauffret. Editions Gallimard. 16,50 €. (Folio, 5,80 €)

dimanche 16 novembre 2008

Roman - Souvenirs de "Los Montes"


François a douze ans à la fin de la guerre. Il quitte la rue Lepic pour le Chili. Sa mère va y rejoindre un "ami" propriétaire d'une immense hacienda. Roman de souvenirs, roman de l'enfance, "Los Montes" de Richard Godbille donne un éclairage singulier sur la façon dont les adolescents font le deuil de leurs proches. Le père de François est mort au début des hostilités, en 1940. En cette année 1946, après une longue traversée en bateau, il ne se doute pas que sa mère part rejoindre un ancien officier SS réfugié au Chili. Un Allemand qu'elle a rencontré à Paris. Coup de foudre ? François ne le saura jamais car l'adolescent entre en rébellion contre cet homme strict et autoritaire qui tente de prendre la place du père disparu. Le roman alterne les longues balades dans la sauvage et magique cordillère des Andes avec la découverte par François du passé de sa mère et de son compagnon. Personne ne sortira indemne de cette quête risquée.

"Los Montes" de Richard Godbille. Editions Anne Carrière. 16 € 

samedi 15 novembre 2008

BD - Sœur Marie-Thérèse des Batignolles, la guère sainte


Sœur Marie-Thérèse des Batignolles se faisait rare ces dernières années. Maëster, son créateur, ne se reposait pas sur ses lauriers, mais sa légendaire lenteur alliée à des changements d'éditeurs ont fait le reste. Cette religieuse qui aime bien persuader son prochain de la justesse de ses vues à grand coup de baffes dans la tronche, se retrouve dans un couvent en plein beaujolais. L'ennui est redoutable. 

Heureusement, parfois cela s'anime. Quand par exemple un curé pédophile vient se réfugier dans le couvent, avec une horde de chasseurs au fesses. Des chasseurs qui décident finalement que le jardinier du couvent, originaire d'Afrique noire, fera un parfait coupable. Cela donne l'occasion à l'auteur de se déchaîner contre ces détestables chasseurs, racistes et bornés. 

En prennent également pour leur grade les écrivains d'avant-garde, Dracula et l'industrie agro-alimentaire : Maëster ne fait pas dans le détail.

« Sœur Marie-Thérèse » (tome 6), Drugstore, 12,50 € 

vendredi 14 novembre 2008

BD - Gaudin et Danard racontent la jeunesse de Marlysa


Si Marlysa, dans ce tome zéro, n'enlève toujours pas son masque, elle dévoile une partie de son enfance. La guerrière imaginée par Jean-Charles Gaudin (scénario) et Jean-Pierre Danard (dessin), toujours fillette, n'a pas encore les courbes et rondeurs qui affolent ses adversaires. Par contre, elle est déjà courageuse, audacieuse et bagarreuse. A la veille de son anniversaire, notre héroïne, en compagnie de trois de ses amis, va se se baigner dans une cascade en forêt. 

Mais au retour, les compères tombent sur un groupe de Lods. Capturés, ils sont immédiatement revendus aux Klekols, sortes de fourmis humanoïdes qui engraissent leurs proies avant de les dévorer. Les enfants devront leur salut à la rencontre d'une mercenaire dotée de pouvoirs magiques. Un modèle pour la jeune Marlysa. 

Une histoire simple, dans le ton de la série, complétée par un cahier d'illustrations présentant Marlysa sous toutes les coutures.

« Marlysa » (tome 0), Soleil, 12,90 € 

jeudi 13 novembre 2008

BD - Huis clos maritime au temps des pirates


En préambule, les auteurs de cette série maritime expliquent que « cet ouvrage ne prétend pas être une suite de l'Ile au trésor, mais un humble hommage à cet immense chef-d'oeuvre qui ne cesse de nous émerveiller depuis notre enfance ». Xavier Dorison et Mathieu Lauffray ont donc imaginé la suite de la vie mouvementée du pirate Long John Silver. Il est une nouvelle fois à la poursuite d'un trésor. Celui de Lord Byron Hastings qui a découvert, au coeur de l'Amazonie, la cité de Guyanacapac. Sur le navire qu'il a affrété, Silver a placé quelques-uns de ses hommes pour intervenir le moment voulu. Mais rien ne se déroule comme prévu. 

Une tempête venant en plus bousculer les plans des différents protagonistes. Dans cet album, on apprécie l'esprit de la piraterie, le personnage de Silver et surtout celui de Vivian Hastings, belle garce prête à tout pour tirer son épingle du jeu. Sans oublier les dessins de Lauffray, sombres et violents.

« Long John Silver » (tome 2), Dargaud, 13 € 

mercredi 12 novembre 2008

BD - Paroles de petits rescapés

Jean-Pierre Guéno a recueilli les témoignages d'enfants juifs cachés durant la guerre. Leurs récits ont été adaptés en courtes bandes dessinées.


La bande dessinée contre l'oubli. L'oubli de la Shoah. Mais cet album collectif où l'on retrouve les signatures de Sorel, Algésiras, Lidwine, Biancarelli, Démarez, Kristiansen, David Lloyd, Arnoux, Thierry Martin, David Mack et Stéphane Servain ne raconte pas l'horreur des camps. Il se penche sur la survie des enfants juifs cachés par des Français durant la guerre. Des enfants qui ont survécu et qui ont accepté de raconter cette période si particulière de leur vie.

L'idée est de Jean-Pierre Guéno. A l'antenne de Radio France, il avait demandé aux auditeurs de collecter les lettres des Poilus. Cela avait donné des émissions, un livre (édité à 1,5 million d'exemplaires) et des adaptations en bande dessinée. Sur ce même principe, il a demandé à des enfants cachés de raconter. Mais cette fois il a pu rencontrer ces miraculés.

« Avant la Seconde Guerre mondiale, explique Jean-Pierre Guéno dans la préface, 72 000 enfants d'origine juive vivaient en France. 12 000 ont été éliminés entre 1942 et 1946. 60 000 ont survécu à la Shoah. Irène, Robert, Margot, Agnès, Martine, Solange et Catherine ont fait partie de ceux qui ont été sauvés par les hommes ou malgré eux. » Ce sont ces histoires que les dessinateurs ont mis en images, après que Serge Le Tendre ait adapté les textes originaux.

Les lettres de Margot

Cela donne des récits très forts, parfois dérangeants. Comme ces lettres de Margot. La petite Margot vivait heureuse avec sa mère. Et puis un jour, cette dernière a décidé qu'elle ne devait plus s'appeler Margot mais Marguerite. Et il fallait qu'elle soit baptisée. Elle s'en souvient, c'était à Figeac et Capdenac. Pour sa sécurité, elle est hébergée dans un couvent. Mais la fillette ne voit qu'une seule chose : sa mère semble l'avoir abandonnée. Elle lui écrit régulièrement, mais n'a jamais de réponse. Margot comprendra pourquoi des années plus tard. La religieuse, craignant que ces lettres ne tombent dans de mauvaises mains, les avait toutes gardées. Pendant des années Margot a reproché à sa mère d'avoir été silencieuse. Aujourd'hui elle regrette... Une histoire dessinée par Guillaume Sorel qui quitte son univers merveilleux pour une réalité triste et froide.

Tout aussi poignant le témoignage de Solange. Une petite fille cachée chez des paysans du Maine-et-Loire qui tenaient également un café. Avec très vite un malaise, Solange a eu l'impression d'être choisie « comme le serait des petits animaux ». Les enfants sont en fait exploités par ce couple. Et un jour, « dans l'étable qui jouxtait le café » la petite fille est violée par le frère de la mère Lulu, la patronne. Cette mère Lulu qui a toujours fermé les yeux. Et qui des années plus tard est morte sans regret, fière, au final, d'avoir sauvé une petite juive des fours crématoires. 

Solange a mis des années à exorciser cette histoire. Récemment, elle a retrouvé les enfants de la mère Lulu. Ils lui ont notamment demandé d'appuyer leur demande pour qu'elle soit nommée, à titre posthume, Juste devant les Nations... Ce récit, certainement le plus difficile à illustrer, a bénéficié d'une présentation très dépouillée et digne de Teddy Kristiansen.

D'autres histoires composent cet album d'une centaine de pages où les BD alternent avec les récits des enfants cachés. Textes illustrés de photos d'époque et actuelles. Un remarquable livre, pour ne pas oublier ce qu'était la France durant l'occupation.

« Paroles d'étoiles, mémoires d'enfants cachés, 1939 - 1945 », Soleil, 19,95 € 

mardi 11 novembre 2008

BD - Le Népal d'antan


La collection Aire Libre permet à des dessinateurs confirmés de se risquer dans un genre différent de leurs habitudes. Dernier en date à s'y risque, Jean-Claude Fournier qui entreprend de raconter la vie d'une famille népalaise, au XIXe siècle, sur un scénario de Lax. 

Fournier, créateur de Bizu, avait repris Spirou et Fantasio, après Franquin, puis animé les aventures culinaires de la Famille Crannibales. Nouveau style et nouvelle technique pour cet album éblouissant. On est notamment en admiration devant ces aquarelles, fidèles à la luminosité unique de ce pays montagneux.

« Les chevaux du vent » (tome 1), Dupuis, 14 € (existe également en édition luxe, avec un cahier supplémentaire, à 18 €) 

lundi 10 novembre 2008

BD - Poupée maléfique


Un voyage dans la folie, tel est le propos de cet album écrit par Carlos Trillo et dessiné par Lucas Varela. Dans une Argentine en voie de démocratisation, un petit employé ministériel, Elvio, est amoureux d'une poupée de porcelaine. Cet homme, qui laisse sa mère impotente mourir dans la crasse, est déconnecté de la réalité. Les restes du traumatisme de son enfance. 

Adolescent, il admirait son père quand il « testait » des tortures nouvelles sur des poupées. Un colonel qui parfois ramenait du « travail » à la maison. Un album dur mais essentiel pour comprendre la dictature.

« L'héritage du colonel », Delcourt, 14,95 € 

dimanche 9 novembre 2008

BD - Complot bis d'Empire USA


Le quatrième tome de la série Empire USA vient de paraître avant-hier. Quatre épisodes en moins de deux mois. Écrite par Desberg, cette histoire de complot aux USA est dessinée par plusieurs auteurs, après l'étude des personnages par Marini et Reculé. Griffo, Mounier, Juszezak et de nouveau Griffo ont signé les premiers épisodes.

 Jared Gail, agent de la CIA, est le seul à pouvoir empêcher un attentat à San Francisco. Le suspense est savamment distillé, les personnages travaillés et l'intrigue prenante. Prochain épisode le 21 novembre pour un dénouement le 5 décembre...

« Empire USA » (tomes 1 à 4), Dargaud, 10,40 € 

samedi 8 novembre 2008

Roman - Lutte sociale souterraine

Comédie se déroulant au Pays de Galles, « Six pieds sous terre » de Ray French est une réflexion sur la prise du pouvoir par les plus faibles.


Aidan Walsh fait partie de ces ouvriers discrets, sérieux, fiers du travail bien fait. Il est employé dans l'usine de Sunny Jim. Une société récemment installée à Crindau, petite ville durement touchée par la crise. Aidan, avec quelques-uns de ses collègues et amis, a appris à la radio la fermeture prochaine de l'usine où il travaille. La direction, après avoir touché des millions de subvention pour s'installer au Pays de Galles, a décidé de délocaliser toute la production.

Dans quelques semaines, Aidan va se retrouver au chômage. Un coup dur pour cet homme déjà marqué par le destin. Sa femme, avec qui il a eu deux enfants, est morte d'une hémorragie cérébrale dans sa cuisine à moins de 40 ans. Depuis Aidan est seul, taciturne, presque aigri. Heureusement ses copains l'entraînent au pub. Et puis il a du élever ses deux enfants. Shauna, aujourd'hui psychanalyste et Dylan, jeune adulte, hésitant encore entre le journalisme, la publicité et le théâtre. Mais aujourd'hui, à l'annonce de la prochaine fermeture de l'usine, Aidan se dit qu'il n'a plus rien à perdre. Ce chômage c'est un peu la mort pour lui. Et il a une idée qui pourrait faire plier la direction de Sunny Jim. Il va s'enterrer vivant dans son jardin et ne ressortira de son cercueil (relié à l'extérieur grâce à un périscope) qu'en échange de l'abandon de la délocalisation...

Angoisse dans les profondeurs

Ray French dresse le portrait d'une partie de cette Grande-Bretagne sociale et revendicatrice. Mais c'en est finit des grèves classiques. La lutte sociale doit prendre des chemins détournés pour intéresser l'opinion. Le coup d'éclat d'Aidan va se révéler être un coup de maître. L'ouvrier va quand même sérieusement angoisser, notamment quand ses amis ont cloué le cercueil : « Aidan frissonna en entendant les coups de marteau. C'était comme si les clous du couvercle s'étaient fixés dans son corps. Il glissa les mains sur les côtés, tendit les doigts et toucha les parois du cercueil. Le couvercle était à moins de dix centimètres au-dessus de son visage. Il leva les mains et le parcourut du bout des doigts. Il avait une marge d'une trentaine de centimètres en longueur, et d'une quinzaine en largeur. Univers restreint. »

Les premiers jours sont les plus éprouvants. Il souffre de la solitude. Son happening social n'a pas encore dépassé les limites de la ville. Très vite il va cependant devenir célèbre, les télévisions et les radios vont se déplacer pour interviewer « l'enterré vivant ». Dylan joue le rôle d'attaché de presse, de mentor.

Cependant, avant de connaître la gloire, Aidan devra lutter contre ses cauchemars. « Il bougea le bras et sentit une forte odeur. Le genre d'effluves qu'aurait dégagé un animal pris au piège. Une affreuse frayeur. Il sentait son corps étiré, écartelé, mutilé, écrasé, chaque nerf à vif, battant. Il était prisonnier de ses pires peurs. Toutes ces choses qu'il n'avait pas réussi à résoudre, qu'il avait tenté d'emmurer au fil des années, elles saisissaient à présent leur chance de remonter à la surface. »

Expérience initiatique personnelle mais également collective car le combat d'Aidan va rapidement rencontrer un bel écho dans la population galloise. La confrontation classique entre le pot de terre (enterré présentement) et le pot de fer...

« Six pieds sous terre », Ray French, Fleuve Noir, 20 € 

vendredi 7 novembre 2008

BD - Planète inconnue

Cet album de BD propose une histoire de science-fiction bien basique, qui ne révolutionne pas le genre mais qui, malgré tout, a le charme des conquêtes de l'inconnu. Les ingrédients concoctés par Herrero, le scénariste (également coloriste) et Arnaiz, le dessinateur, donnent un récit énigmatique et captivant. Il y a le héros, tourmenté. Homme d'action, il a du choisir entre son travail et la femme qui l'aimait. Ne pouvant abandonner des milliers de personnes en danger de mort, il a perdu sa dulcinée. 

Quatre années plus tard, il est naufragé sur une planète inconnue. Une opération de sauvetage qui vire au cauchemar. Végétation luxuriante, communications coupées avec la terre et surtout ces créatures, entre le poulpe et l'araignée, qui fondent sur les humains les transformant en charpie en quelques secondes. 

Sans compter avec les traîtres infiltrés dans la mission, bien décidés à détruire cette planète se révélant un peu trop dangereuse.

« Home », Soleil, 12,90 € 

jeudi 6 novembre 2008

BD - Garance, aimée par tous mais si seule

Ils sont trois. Ils sont jeunes, ont des pouvoirs paranormaux et travaillent pour un ange. Dominique, schizophrène dont l'esprit se partage entre deux corps, un garçon athlétique ou une grande fille maladroite. Hugo, grand séducteur, capable de lire les pensées des personnes avec qui il fait l'amour. Garance, au visage doux que tout le monde est persuadé d'avoir déjà rencontré, de connaître. 

Dans le troisième tome de cette série fantastique dessinée par Colombo, le scénariste, Jean-David Morvan, se penche plus spécialement sur le cas de Garance. A sa naissance, sa mère a refusé de la prendre dans ses bras. Prise d'une peur panique en voyant son bébé, elle s'est jetée par la fenêtre. Garance est allée de foyers en familles d'accueil, s'intégrant mal malgré son don qui la rend sympathique à tout le monde. Une jeune femme déchirée, tourmentée, en mal d'oreille attentive et de vie normale.

« Trois... et l'ange », Dargaud, 10,40 € 

mercredi 5 novembre 2008

BD - Jean-Claude Denis propose des histoires odorantes


Jean-Claude Denis se lance dans l'autofiction. Le créateur de Luc Leroi, conteur hors-pair de la vie moderne de ces deux dernières décennies, ne se regarde pas le nombril, mais le nez. Il explique, en préambule, qu'il a longtemps cru avoir un « nez », c'est-à-dire un odorat très développé. 

Il raconte donc ces sensations olfactives qui l'ont longtemps intrigué. Dans un format plus petit, proche des comics, en bichromie, il développe des histoires courtes débutant toujours par une image pleine page. Il y est souvent question de l'air pollué de Paris. Une ville que Jean-Claude Denis adore mais qui sent mauvais. Odeur de diesel, de métro, de pourriture. 

A l'opposé, il retrouve avec plaisir les bonnes senteurs de la campagne, si fortes, comme le foin coupé ou le colza en fleur. La mer aussi apporte son lot de bonnes odeurs. Un album simple, touchant et nostalgique. Une véritable leçon de vie.

« Nouvelles du monde invisible », Futuropolis, 19 € 

mardi 4 novembre 2008

Roman - Amant encombrant

Matthew, marié avec Sophie, est l'amant d'Helen. Cette dernière voudrait ne l'avoir que pour elle. Quand cela arrive, elle déchante...


Enlevé, tonique, rocambolesque et jouissif, ce premier roman de Jane Fallon se dévore tant ses trois principaux personnages semblent réels et leurs aventures sentimentales plausibles. Cela commence par la crise de la quarantaine pour Helen. Cette Anglaise, piquante et espiègle, âgée de 39 ans, est persuadée de vivre le grand amour avec Matthew, de 15 ans son aîné. Depuis quatre années, ils s'aiment trois fois par semaine. En cachette. Matthew est marié à Sophie. Ils ont deux adorables petites filles. Helen ne cesse de demander à son amant de quitter sa femme pour refaire sa vie avec elle. Mais sans succès.

L'autre visage de Matthew

De plus Matthew est le patron d'Helen. Son assistante, en langage politiquement correct. Sa simple secrétaire dans les faits. Cela aussi pèse sur le moral d'Helen. Sa carrière professionnelle stagne alors qu'il y a peu elle était ambitieuse. C'était avant de tomber dans les bras de Matthew. Travaillant dans une agence de relations publiques, son job consiste à imaginer une fausse actualité à des pseudo stars qui sont obligées chaque semaine de faire la « une » des tabloïds anglais. 

Cette partie du roman de Jane Fallon est particulièrement hilarante, notamment quand une starlette sur le déclin, tente d'améliorer son image en posant pour le magazine Vogue. Problème, le lendemain, elle se saoule à l'inauguration d'un restaurant et montre à tous les paparazzis présents que même en mini jupe, la culotte est facultative...

Helen approche donc de la quarantaine et met encore plus la pression sur Matthew. Au cours des fêtes de fin d'année, ce dernier, fatigué d'une vie de famille lassante, décide, sur un coup de tête, de tout avouer à sa femme, prend deux valises et se rend dans le petit appartement d'Helen. Cette dernière, dans un premier temps est surprise et joyeuse. Mais rapidement elle va constater que le Matthew 24 heures sur 24 est assez différent de l'amant pressé qui ne restait jamais longtemps.

Et Helen, qui semblait vivre son célibat avec difficulté, s'aperçoit assez rapidement que finalement, la solitude ça a souvent du bon. Elle pouvait traîner au lit, passer ses journées de repos à regarder la télé en grignotant des pizzas sur le canapé ou papoter des heures au téléphone avec sa meilleure amie, Rachel. En réalité, Matthew est très casanier, voire pantouflard. Vieux, pour résumer.

La jeunesse régénératrice

Au bout de quelques jours, Helen analyse la décision de son amant : « Face à la perspective de vieillir avec sa femme pendant les quarante années à venir, il avait paniqué. En regardant celle avec qui il était marié depuis vingt-quatre ans, il avait vu une femme ridée aux cheveux gris dont le corps s'était métamorphosé. L'image de sa propre vieillesse. Il est plus agréable de se réveiller face à un visage jeune plutôt que devant quelqu'un qui vous rappelle chaque jour votre statut de mortel. » Résultat, Helen va prendre la décision de larguer Matthew. Et comme elle culpabilise auprès de Sophie, elle va tenter de les rabibocher. Sous une fausse identité, elle deviendra la meilleure amie de la femme de son amant.

On se doute que Jane Fallon a profité de cette embrouille à trois pour multiplier les scènes explosives et les quiproquos. Un roman écrit par une Anglaise, ce qui explique peut-être le tableau peu flatteur de la gent masculine. Les femmes vont adorer !

« Comment larguer Matthew », Jane Fallon (traduction d'Emilie Passerieux), Lattès, 20 €

lundi 3 novembre 2008

BD - Trois copines, l'amour, la mort


Anne va se marier. Elle a imprimé les faire-part. Elle a déjà un petit garçon avec son compagnon. Un mariage bien dans le temps. Mais cela n'empêche pas Quitterie et Auréole, ses deux meilleures amies, de vouloir offrir à Anne un enterrement de vie de jeune fille mémorable. 

Cela commence par un enlèvement en bonne et due forme. Passé cette première frayeur, les trois copines vont dans une ferme, celle du grand-père d'Auréole, aujourd'hui décédé. Une grande maison pour trois femmes plus torturées qu'il n'y paraît. Car rapidement le vernis craque. Anne n'a finalement pas envoyé les faire-part et a rencontré un autre homme. 

Auréole, toujours seule, revoit nombre de ses anciens soupirants avec une certaine nostalgie. Et puis il y a Quitterie. Elle déprime. C'est tout récent. Une a fait bêtise, une énorme bêtise qui pèse sur sa conscience. Hervé Bourhis, en solo, signe un album brillant, entre rire et pleurs.

« Un enterrement de vie de jeune fille », Dupuis, 11,50 € 

dimanche 2 novembre 2008

BD - Inquisition à Sion

Série mise en sommeil depuis de nombreuses années (deux titres seulement en plus de dix ans, Jhen est de retour avec un nouveau dessinateur, Thierry Cayman, et un scénariste de plus, Hugues Payen développant une histoire imaginée à la base par Jacques Martin, créateur de ce héros, compagnon de Jeanne d'Arc et du sulfureux Gilles de Rais. Le dixième tome de la série, intitulé « Les sorcières », conduit notre héros en Suisse, à Sion exactement. Son maître, Gilles de Rais, désire rencontrer une de ces femmes accusées de sorcellerie. 

Le blond et intrépide architecte va retrouver Anthonia, fille d'un condamné, brûlé sur le bûcher en place publique. Mais il devra l'arracher des griffes d'Ulric de Torrenté, inquisiteur prêt à tout pour faire avouer toute personne dénoncée par ses voisins. L'album dénonce l'aveuglement des religieux de l'époque et surtout les arrière-pensées de certains délateurs, récupérant au passage les biens des suppliciés.

« Jhen » (tome 10), Casterman, 10 € 

samedi 1 novembre 2008

BD - Un guerrier impitoyable


Alexandro Jodorowsky n'a pas son pareil pour recycler ses personnages secondaires. Le Méta-Baron en est l'exemple parfait. Et dans une même série, il parvient à créer des suites, préquels ou autres variations sur un thème unique et rabattu. La caste des Méta-Barons, superbe série illustrée par Jimenez, se suffit largement. Mais le scénariste prolixe a voulu offrir ses personnages à d'autres dessinateurs. 

Et en priorité à Travis Charest, surdoué canadien formé par Jim Lee. Problème, le pointilleux et exigeant Charest est lent, très lent. Plusieurs années après le lancement de ces Armes du Méta-Baron, force était de constater que le projet était enlisé. Janjetov est donc appelé en renfort. 

Le dessinateur de « Après l'Incal » signe l'introduction et la fin de cet album de 60 pages, dont une petite moitié de Charest. Une séquence pleine de monstres, de combats, en couleurs directes. On en prend plein les yeux !

« Les armes du Méta-Baron », Les Humanoïdes Associés, 12,90 €