Comédie se déroulant au Pays de Galles, « Six pieds sous terre » de Ray French est une réflexion sur la prise du pouvoir par les plus faibles.
Aidan Walsh fait partie de ces ouvriers discrets, sérieux, fiers du travail bien fait. Il est employé dans l'usine de Sunny Jim. Une société récemment installée à Crindau, petite ville durement touchée par la crise. Aidan, avec quelques-uns de ses collègues et amis, a appris à la radio la fermeture prochaine de l'usine où il travaille. La direction, après avoir touché des millions de subvention pour s'installer au Pays de Galles, a décidé de délocaliser toute la production.
Dans quelques semaines, Aidan va se retrouver au chômage. Un coup dur pour cet homme déjà marqué par le destin. Sa femme, avec qui il a eu deux enfants, est morte d'une hémorragie cérébrale dans sa cuisine à moins de 40 ans. Depuis Aidan est seul, taciturne, presque aigri. Heureusement ses copains l'entraînent au pub. Et puis il a du élever ses deux enfants. Shauna, aujourd'hui psychanalyste et Dylan, jeune adulte, hésitant encore entre le journalisme, la publicité et le théâtre. Mais aujourd'hui, à l'annonce de la prochaine fermeture de l'usine, Aidan se dit qu'il n'a plus rien à perdre. Ce chômage c'est un peu la mort pour lui. Et il a une idée qui pourrait faire plier la direction de Sunny Jim. Il va s'enterrer vivant dans son jardin et ne ressortira de son cercueil (relié à l'extérieur grâce à un périscope) qu'en échange de l'abandon de la délocalisation...
Angoisse dans les profondeurs
Ray French dresse le portrait d'une partie de cette Grande-Bretagne sociale et revendicatrice. Mais c'en est finit des grèves classiques. La lutte sociale doit prendre des chemins détournés pour intéresser l'opinion. Le coup d'éclat d'Aidan va se révéler être un coup de maître. L'ouvrier va quand même sérieusement angoisser, notamment quand ses amis ont cloué le cercueil : « Aidan frissonna en entendant les coups de marteau. C'était comme si les clous du couvercle s'étaient fixés dans son corps. Il glissa les mains sur les côtés, tendit les doigts et toucha les parois du cercueil. Le couvercle était à moins de dix centimètres au-dessus de son visage. Il leva les mains et le parcourut du bout des doigts. Il avait une marge d'une trentaine de centimètres en longueur, et d'une quinzaine en largeur. Univers restreint. »
Les premiers jours sont les plus éprouvants. Il souffre de la solitude. Son happening social n'a pas encore dépassé les limites de la ville. Très vite il va cependant devenir célèbre, les télévisions et les radios vont se déplacer pour interviewer « l'enterré vivant ». Dylan joue le rôle d'attaché de presse, de mentor.
Cependant, avant de connaître la gloire, Aidan devra lutter contre ses cauchemars. « Il bougea le bras et sentit une forte odeur. Le genre d'effluves qu'aurait dégagé un animal pris au piège. Une affreuse frayeur. Il sentait son corps étiré, écartelé, mutilé, écrasé, chaque nerf à vif, battant. Il était prisonnier de ses pires peurs. Toutes ces choses qu'il n'avait pas réussi à résoudre, qu'il avait tenté d'emmurer au fil des années, elles saisissaient à présent leur chance de remonter à la surface. »
Expérience initiatique personnelle mais également collective car le combat d'Aidan va rapidement rencontrer un bel écho dans la population galloise. La confrontation classique entre le pot de terre (enterré présentement) et le pot de fer...
« Six pieds sous terre », Ray French, Fleuve Noir, 20 €
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