jeudi 30 novembre 2023

Cinéma - “Perfect Days” ou la sérénité dans la propreté


Peut-on vivre tel un ermite dans une des plus grandes mégalopoles du monde, Tokyo ? Est-il possible de décider de revivre au quotidien une unique journée immuable, rythmée par les mêmes actions et rendez-vous ? Pour Wim Wenders, ces deux attitudes sont toute la vie de Hirayama (Koji Yakusho), un homme d’une déroutante simplicité, personnage principal de Perfect Days, film découvert au dernier festival de Cannes.

Une longue ode à la contemplation, au silence à la sérénité et à la simplicité de la nature. Pour faire passer ces émotions primaires, qui ont déserté les zones urbaines, le réalisateur allemand a fait confiance à ce comédien déjà remarqué dans The Third Murder de Kore-eda. Un excellent choix, Yakusho repartant de la Croisette avec le Prix d’interprétation masculine. Il incarne parfaitement cette immobilité répétitive volontaire. Avec la force de faire comprendre que ce n’est pas contraint.

Il a fait ce choix de solitude, de silence, de travail ingrat. Et cela passe par la répétition. La première demi-heure verra le montre se brosser les dents quatre fois, nettoyer une dizaine de toilettes publiques, boire toujours le même café en partant au boulot au volant de sa camionnette. Sa force : oublier, occulter le monde qui l’entoure. Se contenter de regarder le ciel en souriant, de photographier (sur des pellicules argentiques) les frondaisons des arbres, écouter des classiques des années 70 (Lou Reed et d’autres) sur des cassettes. Le spectateur pressé et moderne ne tiendra pas longtemps.
Celui qui est ouvert à la beauté et à la lenteur du monde, ressortira de la salle avec des batteries d’optimisme et de sérénité gonflées à bloc.


 Film de Wim Wenders avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano.



Cinéma - Asha, héroïne de “Wish” et future star des fêtes

100 ans que Walt Disney enchante les enfants. 100 ans célébrés avec la sortie d’un nouveau film d’animation en salles : Wish ou Asha et la bonne étoile.


Grand retour dans les salles obscures du Disney de fin d’année. Si l’an dernier Avalonia avait été privé de sortie au cinéma pour débarquer directement sur la plateforme de streaming Disney +, Wish - Asha et la bonne étoile marque le retour de la célèbre maison de production qui fête cette année ses 100 ans. Une sortie qui fera le bonheur des amateurs de comédie musicale car il y a 7 chansons originales dans ce film donnant la part belle à la magie. Sur l’île de Rosas (rien à voir avec la ville catalane même si ce petit pays insulaire est situé en Méditerranée), Magnifico, un roi sorcier, est adulé par la population.

Joie et concorde règnent dans ce royaume qui accueille tout le monde sans distinction de race, de religion ou de nationalité. Pour devenir citoyen de Rosas, il suffit, si l’on a plus de 18 ans, de confier au roi son vœu le plus cher. Le sorcier l’enferme dans une bulle pour le protéger et le place dans la salle des vœux au sommet du château. Et qui sait, un jour, Magnifico décidera peut-être de le réaliser.

Asha, jeune métisse, adorable avec ses tresses africaines et ses taches de rousseur, espère devenir apprentie du roi. Lors de son entretien elle apprend que le monarque magicien ne protège pas les vœux, mais les garde prisonniers. Pour empêcher certaines idées trop révolutionnaires de se réaliser. Révoltée, la jeune fille décide de libérer les vœux de son grand-père et de sa mère. Elle sera aidée dans sa quête par une étoile magique.

Le film, parfois un peu compliqué pour les plus jeunes, aborde de façon assez directe le thème de la liberté et du libre choix. Certes la vie sur Rosas semble douce et idyllique, mais en réalité en perdant leur vœu le plus cher, les habitants abandonnent leurs rêves et sombrent inéluctablement dans une désespérance morbide. Magnifico, sous des dehors gentils et séducteurs est un despote absolu.

Seule la reine, Amaya, dans l’ombre, semble prendre conscience des risques de cette dérive. Et Asha, l’héroïne, la flamme de la liberté qui va embraser la population et l’entraîner dans son sillage. Aidée par la petite étoile, doudou parfait qui devrait se multiplier sous forme de peluche aux pieds des sapins des enfants sages. Et puis il y a quelques gags bien amenés (Valentino, la chèvre, est la plus réussie) sans oublier les chansons, rythmées et modernes. Avec quelques tubes en puissance comme Je fais le vœu ou le moins classique mais très entraînant Ma récompense.

Film d’animation de Chris Buck et Fawn Veerasunthorn avec les voix françaises d’Océane Demontis, Lambert Wilson, Gérard Darmon, Isabelle Adjani.
 

mercredi 29 novembre 2023

Sortie en DVD et blu-ray du film iranien "Les ombres persanes"

Les ombres persanes, qui sort en DVD et blu-ray chez Diaphana Vidéo, est un magistral thriller psychologique du réalisateur iranien Mani Haghighi. Dans un Téhéran crépusculaire, noyé sous une pluie battante incessante, une femme croit devenir folle. Farzaneh (Taraneh Alidoosti), monitrice d’auto-école, voit son mari Jalal (Navid Mohammadzadeh) prendre un bus et se rendre chez une autre femme qui est son propre sosie. Mais en réalité, il y a deux couples et deux sosies...

 Le scénario, subtil, permet à ces Ombres persanes de toucher à l’universalité. Et malgré une interprétation impeccable des deux comédiens iraniens, c’est l’œuvre idéale pour être adaptée aux USA et devenir un immense succès à l’international.

mardi 28 novembre 2023

BD - La 2e révolte du Bounty

Toujours dans le Pacifique Sud, autre île isolée et sauvage Pitcairn. Longtemps inhabitée, elle sert de refuge ultime pour les révoltés du Bounty. Mark Eacersall et Sébastien Laurier, les scénaristes, ne s’intéressent pas à la célèbre mutinerie sur le voilier mais à la vie sur l’île au fil des années.

Dans ce troisième tome (sur quatre prévus au total), c’est une nouvelle révolte qui débute. Les marins européens, vivant depuis une dizaine d’années avec des femmes tahitiennes, ont abandonné leur idée de société égalitaire pour reproduire les schémas en cours dans cette fin du XVIIIe siècle.

Les quelques hommes tahitiens débarqués avec eux sont désormais considérés comme des esclaves et subissent violences et brimades. Ce sont eux, avec Menalee à leur tête, qui se révoltent. Un matin, le jour de la naissance de Mary, la fille de Christian Fletcher et de sa femme Maimiti, ils s’emparent des fusils et abattent froidement les marins. Fletcher en premier. La guerre et la vengeance seront le quotidien des survivants. Les femmes veulent venger leurs maris, Menalee veut devenir chef, Deux rescapés se cachent dans la forêt et vont tenter de reprendre le pouvoir.

Après la première scène d’une grande violence, l’album est essentiellement composé de palabres et négociations. Comment une toute petite communauté peut se déchirer puis retrouver un semblant d’équilibre ? Une leçon de vie (et de mort), dessinée par Gyula Németh, auteur italien au trait expressif et aux cadrages efficaces.

« Pitcairn » (tome 3), Glénat, 56 pages, 14,95 €

lundi 27 novembre 2023

BD - Le mystère Lapérouse enfin résolu ?


Découvrir de nouvelles terres, de nouveaux pays et mieux connaître notre planète a donné l’occasion à des scientifiques de se transformer en aventuriers. En France, c’est Lapérouse qui illustre parfaitement cette quête de connaissance. Pourtant le navigateur, à la tête d’une ambition expédition commandée par le roi de France en 1785, n’est jamais revenu à bon port.

Son bateau, la Boussole a disparu corps et biens dans le Pacifique Sud. Une énigme sur le point d’être résolue par la marine nationale française en cette année 1964. De nouveaux vestiges viennent d’être découverts sur la barrière de corail de Vanikoro, là où s’est échoué et a sombré l’autre navire de l’expédition Lapérouse, l’Astrolabe. La Boussole a-t-elle aussi été emportée par ce cyclone ?

LF Bollée et Marie-Agnès Le Roux, les scénaristes de ce roman graphique dessiné par Vincenzo Bizzarri, racontent cette expédition mouvementée. Plus qu’une simple reconstitution historique, ils ont imaginé une intrigue avec des personnages imaginaires mais très crédibles.

Il y a le commandant de l’expédition, un militaire ambitieux qui prend trop de risque pour la grandeur de sa nation et les médailles qu’il pourrait arborer une fois rentré à Paris, une jeune journaliste, féministe avant la lettre, effrontée, libre, experte en photographie sous-marine et un nageur de combat, force de la nature, militaire obéissant, plus habitué à s’infiltrer clandestinement derrière les lignes ennemies (on est en pleine guerre froide) pour éliminer froidement des ennemis condamnés par le plus haut sommet de l’État qu’à jouer les collecteurs de vestiges archéologiques encastrés dans le corail.

Ce sont ces rapports compliqués entre personnalités opposées qui donnent tout son sel à ce récit, finalement assez banal et qui ne restera pas dans les annales de la grande l’histoire de France.

« Lapérouse 64 », Glénat, 160 pages, 22,50 €

dimanche 26 novembre 2023

BD - Diversité à protéger dans le Pacifique Sud

La France possède dans le Pacifique Sud (et aussi dans l’océan Indien), quantité d’îlots, derniers vestiges d’une puissance maritime colossale. Des confettis d’empire qui coûtent. Sur ce petit bout de corail perdu dans le Pacifique Sud, une station météo est à l’abandon. Pour la réparer, il est proposé à Eva, une ingénieure qui ne trouve plus de sens à sa vie dans notre société de surconsommation, un contrat de quelques mois.

Elle ne gagnera pas beaucoup et sera seule. Elle accepte la mission et part pour son caillou avec pour seul compagnon son chien.

Ce roman graphique de Léonard Chemineau débute comme un conte de fées, version 3.0 avec conscience écologique et volonté d’un véritable retour à la nature. Mais les problèmes s’accumulent et Eva, inexpérimenté, risque de mourir. Elle ne doit son salut qu’à l’intervention d’un navire d’exploration. Une société privée qui cherche des minéraux rares dans les fonds de son île. La belle et pure écologiste sauvée par les méchants exploiteurs des fonds sous-marins, destructeurs d’une fragile diversité.

La seconde partie raconte cet affrontement, les enjeux financiers et sociétaux de la perpétuelle lutte entre le pot de terre et le pot de fer. Une utopie magnifiée par les planches en couleurs directes d’un illustrateur particulièrement à l’aise pour retranscrire la beauté de la nature sauvage, sur terre comme sous la mer.

« La brute et le divin », Rue de Sèvres, 144 pages, 22 €

samedi 25 novembre 2023

Cinéma - Le “Testament” désabusé d’un vieux monsieur

 Film canadien de Denys Arcand avec Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai.

Végan, féministes, écolos, progressistes et autres wokistes, ce film n’est pas pour vous. Denys Arcand, vieux cinéaste québécois, a la dent dure contre toute l’évolution de notre société depuis une dizaine d’années dans ce film qui ose avoir pour personnage principal un vieux monsieur, Blanc, hétérosexuel, retraité aisé, cultivé et respectueux des bonnes manières.

Jean-Michel Bouchard (Rémy Girard), dans une introduction en voix off, avoue que son existence a été ennuyeuse. Qu’il lui tarde d’aller retrouver ses amis, pour la plupart au cimetière. Mais à 70 ans il est encore en forme, autonome dans cet appartement d’une résidence pour personnes âgées gérée par la très autoritaire Suzanne Francoeur (Sophie Lorain).

Il travaille même deux jours par semaine aux archives nationales. Le début du film est une succession de petits sketches hilarants. On rit du ridicule des adorateurs du sport à outrance, des nouveaux écrivains, forcément membres d’une minorité brimée, des télévisions d’information en continu, partisanes et toujours à la recherche du buzz ou de la classe politique, lâche et menteuse, quel que soit son bord.

Tout se complique quand des jeunes viennent camper devant la maison de retraite pour demander la destruction d’une fresque murale représentant la rencontre entre Jacques Cartier et les Indiens. Une image « immonde » du colonialisme, qui montre les membres des « peuples premiers » comme des sauvages et les femmes comme des objets sexuels.

Film politique, critique acerbe des modes de nos jours, Testament se termine pourtant sur une note d’espoir. Car Jean-Michel devra admettre à son corps défendant que toutes les luttes sont légitimes. Ce sont leurs perceptions à travers le prisme du passé qui les rendent impopulaires auprès de certains.

vendredi 24 novembre 2023

En vidéo - “La main” surgie des Enfers


Certains films d’horreur parviennent encore à surprendre un public saturé d’effets spéciaux. La dernière pépite en date vient d’Australie. Longuement préparée par deux frères qui ont fait leurs classes sur YouTube, La Main (M6 Vidéo) vous fera hurler de terreur par ses trouvailles.

Fidèles aux clichés du genre, les frères Philippou placent leur intrigue dans un groupe de jeunes. Grâce à une main momifiée, ils communiquent avec les esprits. Mais ces derniers parviennent à prendre le contrôle de certains vivants. Pas pour aller réparer les erreurs commises lors de leur existence.

Plutôt pour prolonger des massacres sanglants. Possessions, réminiscences du passé, cauchemars éveillés : le film est terrifiant et bénéficie d’un casting de qualité, Sophie Wilde en tête dans le rôle principal de Mia, hantée par sa mère récemment suicidée.

jeudi 23 novembre 2023

Littérature française - « La ballade d’Amélie », nouvelle « partition » d’Hélène Legrais

Hélène Legrais plonge ses lecteurs dans l’art lyrique et raconte le Pays catalan mais pas que. Elle y glisse aussi un peu de ses propres expériences.


Les amateurs de belle musique et d’art lyrique seront aux anges en découvrant le nouveau roman d’Hélène Legrais. La ballade d’Amélie raconte une période très particulière d’une cantatrice catalane imaginaire. Amélie a une voix d’exception. Mais quand elle devient aphone, cette chanteuse entièrement dévouée à son art, se sent sombrer.

D’où vient cette extinction ? Pas d’un problème sur les cordes vocales, mais bien d’un dysfonctionnement de son cerveau. Exactement du débranchement de ce fameux cerveau pour cause de surmenage. Un burn-out, selon le terme à la mode. La sidération d’Amélie est totale. « Deux secondes d’incrédulité et puis la panique. Nue. Brute. Animale. Telle une main glacée qui vient serrer la gorge. Le souffle coupé. Le sang qui se retire du visage. Le précipice qui s’ouvre sous les pieds. Le monde, son monde qui bascule. D’un seul coup. »

Cap sur la Lozère

La première partie du roman est centrée sur l’analyse de cet accident de santé, comme un reflet du miroir de la romancière qui avoue en fin d’ouvrage, « Quand j’ai eu l’idée de ce roman et que j’ai commencé à travailler dessus, j’étais loin de m’imaginer que le burn-out me rattraperait en route et que je n’aurais pas à solliciter mon imagination pour en décrire les effets. » Il semble y avoir beaucoup de vécu dans ce calvaire vécu par Amélie. Mais cela ne l’empêche pas de croiser la route de quelques célébrités locales, Jordi Savall, Daniel Tosi et des lieux emblématiques tels l’abbaye de Fontfroide dans l’Aude ou le Palais des rois de Majorque à Perpignan.

Amélie décide de s’en sortir à sa façon. Où les ballades font place à une grande balade salvatrice. En compagnie de Titine, un vieux Citroën type H et de son inséparable chatte Indy. Exit donc Sahorle, la côte Vermeille et les descriptions du Canigó, place aux vertes courbes du très calme hameau des Laubies au cœur de cette Lozère si dépaysante. Une analyse sans doute tirée par les cheveux, pourrait faire penser que la romancière, pour se tirer de son propre mauvais pas, a comme Amélie, décidé de sortir de sa zone de confort. Le bonheur est souvent au bout du chemin, dit-on.

« La ballade d’Amélie » d’Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 320 pages, 19,90 €. 

mercredi 22 novembre 2023

Une intégrale - Robert Goolrick



Romancier américain venu tardivement à l’écriture, Robert Goolrick est mort après une vie compliquée. Il a fait des débuts tonitruants avec Féroces, l’histoire de son enfance maltraitée. Un roman publié aux éditions Anne Carrière qui ont diffusé toutes ses œuvres. Mort en 2022, il laisse trois romans, quelques nouvelles et trois textes majeurs d’autofiction. 

Dans cette intégrale de plus de 1 400 pages vous retrouverez sa plume acérée, trempée parfois dans la bile, souvent d’une beauté sans pareille. Un auteur majeur, qui mérite amplement cette ultime reconnaissance et devrait conquérir de nouveaux amateurs, sans doute déçus de savoir qu’ils ne pourront jamais lire de nouveau Goolrick.

« Robert Goolrick, œuvres complètes », Anne Carrière, 1 400 pages, 19,90 €

mardi 21 novembre 2023

Un beau livre : L’enfance des méchants


« Mais pourquoi sont-ils si méchants ? »
Les enfants, en entendant pour la première fois les contes, vous posent parfois la question. Cet album écrit par Sébastien Pérez et illustré de dessins pleine page de Benjamin Lacombe, offre des explications. Dracula, par exemple, a découvert son attirance du sang en constatant que c’est moins fade que le lait de ses nourrices.


Baba Yaga a longtemps souffert de la faim jusqu’à sa rencontre avec un enfant dans la forêt. De même, le Croquemitaine ne digère que les enfants qui ont un goût particulier : celui de la désobéissance. Avec parfois des histoires qui justifient leur méchanceté, comme cette vengeance qui anime Shere Khan, le petit tigre orphelin du Livre de la Jungle.

« L’enfance des méchants des vilaines et des affreux », Margot, 19,90 €

lundi 20 novembre 2023

Poches : Tolkien pour les fêtes


Tolkien rejoint la collection Pocket Imaginaire en version collector avec la parution simultanée de deux de ses textes emblématiques. Le plus connu, Le Hobbit, nous permet de redécouvrir les aventures de Bilbo, hobbit paisible et sans histoire mais au grand destin après sa rencontre avec Gandalf le magicien. Autre titre proposé sous une couverture stylisée au titre doré tel de l’or fin, Le Silmarillion. On retrouve dans cette nouvelle traduction de Daniel Lauzon plusieurs récits allant des jours anciens de la Terre du Milieu à la fin de la guerre de l’Anneau en passant par le second âge et la montée en puissance de Sauron. Des classiques à glisser dans des emballages cadeaux sans le moindre doute.

« Le Hobbit » et « Le Silmarillion » de J.R.R. Tolkien, Pocket, 9,90 et 11 €

dimanche 19 novembre 2023

Un concept jeunesse - Le livre qui ne voulait pas être lu


Quand un concept fonctionne, pourquoi ne pas le réutiliser sur une nouvelle variation ? Interrogation légitime qui a poussé David Sundin, écrivain, comédien et présentateur de télévision suédois, à proposer une troisième suite à son Livre qui ne voulait pas être lu. Un adulte tente de lire une histoire à son enfant le soir avant de s’endormir. 

Mais le bouquin fait tout pour ne pas être lu. Lettres à l’envers, flou impétueux, poids excessif, inversion de lettres, décharges électriques : on rit de bon cœur aux tours pendables joués par ce terrible livre. L’enfant aussi, le parent un peu moins. 

Une histoire toute simple, où l’interprétation devra être au niveau des trouvailles du livre qui ne voulait pas être lu.

« Le livre qui ne voulait vraiment mais alors vraiment pas être lu », David Sundin, Robert Lafont, 15,90 €

samedi 18 novembre 2023

Des polars vintage à la Série Noire


On en trouve parfois sur les vide-greniers ou chez les bouquinistes de ces exemplaires de la Série Noire des années 50 à 70, quand les bouquins étaient au format poche. Des classiques de nos jours, dont trois premiers titres viennent d’être réédités dans une présentation très fidèle à l’origine et à un prix abordable. 

Un Joseph Bialot de 1978 avec une préface de Tonino Benacquista et deux Raymond Chandler (avec de nouvelles traductions) datant des années 40 et 60. Bref, du roman policier comme on n’en fait plus mais qui a baigné l’imagination de tous les auteurs de la fin du XXe siècle et même du début de ce XXIe.

Collection Série Noire Classique, « Le grand sommeil » et « La dame du lac », Raymond Chandler, 14 €, « Le salon du prêt-à-saigner », Joseph Bialot, 12 €

vendredi 17 novembre 2023

Cinéma - La nostalgie touchante du “Petit blond de la Casbah”

La reconstitution des derniers mois de la présence de la famille d’Alexandre Arcady à Alger, peu avant l’indépendance, raconte avec nostalgie le drame de tous les pieds-Noirs, notamment de la communauté juive.


Quand il reparle de l’immeuble de la rue du Lézard au cœur de la Casbah d’Alger, on sent une pointe d’émotion dans la voix d’Alexandre Arcady. Malgré le livre et le film, Le petit blond de la Casbah, qui raconte comment sa famille a fui face à la pression des attentats, une partie du gamin est restée dans l’appartement et les parties communes de ce bâtiment accueillant plusieurs familles de différentes origines. « Au 7 rue du Lézard, c’était la convivialité absolue, explique-t-il. Les portes étaient toujours ouvertes, on n’avait pas besoin d’invitation pour aller chez les uns ou chez les autres. Et les fêtes religieuses étaient les fêtes pour tout le monde. Mais ce n’était pas idyllique pour autant. Les communautés étaient cloisonnées, même si tous parlaient la même langue, l’arabe. »

Une entente cordiale racontée dans un film touchant, sensible et bourré de nostalgie. Antoine (Léo Campion), découvre le cinéma et décide à 10 ans qu’il en fera son métier. Il vit avec sa mère (Marie Gillain), sensible, attentive, parfois un peu trop protectrice, son père (Christian Berkel), ancien légionnaire, droit, rigide, désargenté et ses quatre frères. Il croise au quotidien Nicole (Iman Perez), jeune Algérienne adoptée par une cartomancienne, ses oncles et tantes plus ou moins fortunés et honnêtes (Pascal Elbé, Dany Brillant, Judith El Zein) et sa grand-mère Lisa, la mémoire algérienne de la famille, de l’immeuble, interprétée par un incroyable Jean Benguigui qui n’en est pas à son coup d’essai. Alexandre Arcady a pensé à lui en se souvenant d’un spectacle où il endossait les habits de sa mère et sa grand-mère pour raconter, déjà, l’Algérie d’antan.

Mais le véritable personnage principal du film reste la ville d’Alger. Reconstituée à l’identique des années 60, puis au début des années 2000, quand Alexandre Arcady est retourné de l’autre côté de la Grande Bleue pour présenter son film Là-bas mon pays, la ville bouillonne, resplendit, lumineuse et ensoleillée, culturelle et animée.

C’est ce Paradis perdu qu’Alexandre Arcady a voulu retrouver et offrir aux autres rapatriés, déracinés souvent inconsolables, en le reconstituant sur pellicule. Une nostalgie enfantine qui fait fi des décennies et de cette frontière de plus en plus infranchissable qu’est la Méditerranée.

Film d’Alexandre Arcady avec Léo Campion, Marie Gillain, Christian Berkel, Patrick Mille, Dany Brillant, Pascal Elbé, Jean Benguigui, Iman Perez

 

jeudi 16 novembre 2023

Sur Netflix - “The Killer”, sobre et violent


La BD de Matz et Jacamon est un des best-sellers de ces 20 dernières années. Logique donc que Le Tueur (chez Casterman) devienne un film au cinéma. Repérée par David Fincher, la série est sortie le week-end dernier en format long-métrage. Mais pas au cinéma. Directement sur Netflix, producteur et diffuseur.

Dommage car les péripéties de ce tueur à gage méthodique, interprété par Michael Fassbender, méritent le très grand écran. Mise en scène léchée, décors variés (Paris, Floride, République dominicaine), casting relevé (Tilda Swinton en « méchante » absolue) ; on apprécie surtout la fidélité à l’excellente BD, notamment dans la première partie, lors de l’attente, quand le Tueur développe en voix off sa philosophie de la vie. Enfin, surtout de la mort des autres…
 

mercredi 15 novembre 2023

Quatre chiens et les rêves australiens

 

Le duo Crisse - Paty se reforme et part explorer d'autres rivages. Après la verte Irlande, ils installent l'action de leur nouvel album, Uluru, dans l'Australie de la fin du XIXe siècle. 

Un grand voilier, en provenance d'Angleterre, est pris dans une tempête au large des côtes australiennes. Le jeune propriétaire de quatre chiens, un couple et leurs deux chiots, préfère les sauver en les mettant dans une barrique qui dérive jusqu'au rivage. Les animaux se retrouvent seul dans ce monde inconnu et vont partir à la recherche de leur petit maître. Une aventure animalière, les canidés croisant des dingos, des kangourous, varans et autres animaux étranges et exotiques. Surtout, ils vont aussi découvrir le monde des rêves, celui qui donne cette spiritualité unique aux Aborigènes. 

Sous couvert de saga, les deux auteurs sensibilisent les lecteurs à l'importance du monde des songes. Les dessins de Paty donnent une clarté et une beauté uniques à cet album très original dans la production habituelle. 

"Uluru", Soleil, 64 pages, 15,95 €

mardi 14 novembre 2023

Cinéma - “Et la fête continue !” pour Robert Guédiguian


Le nouveau film de Robert Guédiguian parle de misère sociale à Marseille, d’hôpitaux débordés, d’immeubles vétustes qui s’écroulent, de guerre en Arménie… Et pourtant, le titre transpire l’optimisme : Et la fête continue ! Explications du scénariste et réalisateur dans ses notes d’intention : « Le titre a existé tout de suite. Nous avions pris la décision irrévocable de faire un film qui se terminerait bien. » Un parti pris assumé avec un final digne d’une love story, avec belles promesses de partages et de découvertes. Mais ne vous effrayez pas, le réalisateur qui a fait de Marseille et de l’Arménie son terrain de prédilection ne s’est pas reconverti dans les sirupeux téléfilms de Noël. Au contraire, cette opposition permet de mieux faire ressentir la force de la mobilisation populaire après le drame du 5 novembre 2018.

Le film débute par les images des journaux télévisés montrant cette montagne de gravats. Deux immeubles vétustes viennent de s’écrouler, 8 personnes sont retrouvées mortes. Dans un grand méli-mélo de ses sujets d’inspiration, Robert Guédiguian filme la mobilisation des habitants du quartier, menée par Alice (Lola Naymark). Une intermittente du spectacle qui est amoureuse de Sarkis (Robinson Stévenin), patron d’un bar arménien et fils de Rosa (Ariane Ascaride), infirmière à l’hôpital, engagée à gauche avec les écolos et candidate aux municipales.

Des vies de lutte (contre l’insalubrité, le génocide arménien, l’abandon du secteur de la santé) qui n’empêchent pas l’amour de tout bousculer. Notamment quand Henri, le père d’Alice (Jean-Pierre Darroussin), jeune retraité, s’invite dans la vie de Rosa, veuve depuis trop longtemps. Un film revigorant, qui redonne foi en l’avenir, fait passer des messages avec intelligence et se termine bien dans cette ville de Marseille filmée avec amour.

 Film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Lola Naymark


lundi 13 novembre 2023

BD - Quand Jeremiah quitte ses propres aventures


Saluons enfin un dernier grand ancien de retour dans les bacs des librairies. Pas un héros, mais un auteur : Hermann. Celui que la profession surnomme « le sanglier des Ardennes » ne veut pas s’arrêter. A plus de 80 ans, il continue à donner vie à ses personnages préférés.

Lancé il y a plus de 40 ans sur les routes d’un monde postapocalyptique, Jeremiah a toujours été flanqué d’un compagnon électron libre : Kurdy. Ce dernier est omniprésent dans Ce qui manque. Et le manque, c’est justement Jeremiah. Kurdy, ivre, drogué, va dériver dans un monde brumeux et violent à la recherche de son ami disparu dans l’album précédent.

Le scénario, assez abscons, est plus une variation sur la survie en temps de crise qu’une aventure logique et censée. Kurdy est dans le brouillard. Avouons-le, le lecteur aussi parfois. Reste les dessins de Hermann et surtout son utilisation de la couleur directe.

« Jeremiah » (tome 40), Dupuis, 48 pages, 12,95 €

dimanche 12 novembre 2023

BD - La suite des aventures d'Alix, historique


Si Gaston a longtemps été un pilier des éditions Dupuis et du journal Spirou, Alix en a été de même pour les éditions Casterman et le journal Tintin. Mais pour le jeune Gaulois imaginé par Jacques Martin en 1948, pas d’éclipse. C’est de son vivant que le dessinateur a choisi ses repreneurs. Et cela continue avec plusieurs équipes pour animer cette BD historique passionnante.


Dans ce 42e titre de la série, on retrouve au scénario Roger Seiter et au dessin Marc Jailloux. Une aventure entre Égypte et Grèce. Alix quitte Alexandrie pour Rome. Mais en chemin, sur cette Méditerranée déjà très fréquentée, il est chargé par César d’une mission en Grèce. Il doit retrouver les vestiges d’Achille et tenter de juguler une révolte des provinces grecques contre l’empire romain. Beaucoup de mythologie dans ce récit, et d’ennemis pour Alix qui doit affronter les troupes de Pompée mais aussi l’avide Arbacès et les gardiens de la sépulture du célèbre Grec.

Comme toujours, un album d’Alix permet au lecteur d’en apprendre un peu sur l’histoire de Rome ou de la région. La reconstitution des décors, costumes et coutumes est toujours aussi minutieuse et les dessins de Jailloux dans la droite lignée de Jacques Martin quand il était au sommet de son art.

« Alix » (tome 42), Casterman, 48 pages, 12,50 €

samedi 11 novembre 2023

BD - Gaston Lagaffe, retour très fidèle


Avec une année de retard, Gaston Lagaffe fait son retour dans les librairies. Une renaissance compliquée, l’héritière de Franquin portant l’affaire devant la justice. Après accord avec les éditions Dupuis, Delaf (dessinateur canadien des Nombrils), a donc pu distiller ses planches dans le journal de Spirou pour finalement proposer ce 22e recueil de gaffes en tous genres. Une reprise très attendue.


Delaf le sait, lui qui a osé faire dire aux membres de la rédaction :

« - C’est bluffant ! On dirait vraiment du Franquin !

- Au premier coup d’œil, oui. Au second, bof…

- Aaah, Franquin : souvent copié, jamais égalé ! »

Pourtant, côté dessin, rien à redire. La fidélité au trait de Franquin est parfaite. Il manque un peu de fantaisie, mais l’ensemble est très satisfaisant.

La bonne surprise vient du scénario. Seul, Delaf parvient à retrouver cet esprit frondeur et dilettante qui a fait son succès de cette première série avec un non-héros en vedette. Et comme il connaît ce petit monde sur le bout des doigts, les références aux différentes inventions du génial gaffeur permettent au lecteur un peu orphelin depuis quelques décennies, de retrouver un univers comique unique. Alors laissez-vous tenter par ce Gaston, sans a priori, vous ne le regretterez pas et pourrez rire de bon cœur comme dans votre jeunesse pour les plus anciens.

« Gaston Lagaffe » (tome 22), Dupuis, 48 pages, 12,50 €  

vendredi 10 novembre 2023

BD - Tout sur la psychologie


Autre album particulièrement copieux, cette « Incroyable histoire de la psychologie ». 274 pages de BD en couleur écrites par Jean-François Marmion, psychologue, et dessiné par Pascal Magnat qui a déjà raconté l’histoire du Canard Enchaîné en BD.

Beaucoup d’entrées, toutes plus sérieuses les unes que les autres, mais avec une volonté aussi de distraire le lecteur en mal de connaissance. Car parler uniquement de psychologie pourrait rapidement devenir ennuyeux, voire rébarbatif. Mais si on associe toutes les pratiques, découvertes et recherches à des anecdotes souriantes, le tout devient beaucoup mois indigeste. Mais le scénariste ne se moque pas des philosophes (même si d’entrée il rembarre un peu sèchement le pauvre Freud).

Alors plongez-vous dans cette pratique complexe mais si enrichissante et vous pourrez briller en société en expliquant les théories de Richard Bandler et Josh Grinder sur la PNL (programmation neurolinguistique) ou la logothérapie de Viktor Frankl.

« L’incroyable histoire de la psychologie », Les Arènes BD, 172 pages, 24 €

jeudi 9 novembre 2023

BD - Bourdieu et l’Algérie


Si Pierre Bourdieu a longtemps animé la vie intellectuelle française, le grand sociologue a perdu de son aura en ce XXIe siècle de plus en plus violent et religieux. Pourtant on aurait aimé avoir son avis sur les derniers événements actuels, tant en Ukraine qu’au Proche-Orient. Faute d’être du présent, Bourdieu revient sur le devant de la scène grâce à cette grosse BD très documentée sur ses années algériennes.

Jeune étudiant, il est mobilisé à la fin des années 50 pour « maintenir l’ordre » en Algérie. Quel sera son rôle exact au sein de la propagande de l’armée française ? Pas de réponse faute d’archives. Par contre la suite de son engagement est connue et marque le début de ses travaux de recherches en sociologie. Il décide d’aller enseigner à l’université d’Alger, un des rares Occidentaux à ne faire aucune différence entre étudiants pieds-noirs et musulmans. C’est au cours de ces années qu’il tombera amoureux de ce pays et nouera de nombreux liens d’amitié avec des intellectuels locaux, souvent actifs dans le processus de l’indépendance.

Pascal Génot a longuement enquêté sur place, rencontrant des survivants de cette période troublée. Il retrace ces années algériennes mais explique aussi l’origine de la sociologie, et raconte l’Algérie des années noires et d’aujourd’hui. Le tout dessiné par Olivier Thomas alternant images d’archives et vues sublimes de ce pays aux décors lumineux et d’une grande beauté.

Une somme, parfois un peu trop complexe, mais qui éclaire le lecteur sur le fondement de la pensée de Bourdieu et aussi l’histoire, passée et actuelle, de ce pays toujours en devenir qu’est l’Algérie.

« Bourdieu, une enquête algérienne », Steinkis, 256 pages, 24 €

mercredi 8 novembre 2023

BD - Astérix et l’iris blanc


Selon Vicévertus, intellectuel au service de César et personnage principal du 40e Astérix signé Fabcaro et Conrad, « un légionnaire heureux est un légionnaire combatif. Pour cela, rien de tel que la pensée positive et une alimentation saine ». Une entrée en matière claire : le scénariste de Montpellier va se payer les gourous qui inondent de nos jours les télés et réseaux sociaux de maximes qui, sous couvert de développement personnel, passent pour de grandes réflexions philosophiques auprès des humbles.

Vicévertus veut remobiliser les soldats romains et surtout rendre moins agressifs les Gaulois qui résistent toujours à l’envahisseur. « Il parle beaucoup pour ne rien dire », relativise Astérix. Mais force est de constater que le philosophe à la petite semaine a de l’effet sur le village gaulois qui se met au sport, à la gentillesse et à la bouffe de qualité. Au grand désespoir d’Obélix qui regrette de ne plus pouvoir boulotter ses trois sangliers quotidiens. Les gags sont nombreux, les reparties souvent drôles, les personnages pas trop caricaturaux.

Pour une première incursion dans l’univers créé par Goscinny et Uderzo, Fabcaro s’en tire avec les honneurs. Quant à Conrad, au dessin, il est toujours irréprochable.

« Astérix - L’Iris blanc » (tome 40), Editions Albert-René, 48 pages, 10,50 € 

mardi 7 novembre 2023

Un roman historique - Temps croisés de Guy Bosschaerts


Bien connu des lecteurs de l’Indépendant (édition Catalan), Guy Bosschaerts est chroniqueur judiciaire. Autre corde à son arc, l’écriture de roman. Après la fantasy, il propose un roman historique, « saga archéologique addictive » selon son éditeur. Un jeune chevalier catalan va vivre de l’intérieur les croisades. Devenu Templier, il combat mais découvre aussi toutes les richesses des civilisations orientales. Un texte qui permet à l’auteur de revenir sur certaines légendes (arche d’Alliance, alchimie).

Guy Bosschaerts propose une conférence sur les origines du monothéisme depuis Ramsès II suivi d’une rencontre dédicace le 16 novembre à 18 h 30 à la médiathèque de Perpignan.

« Temps croisés » (tome 1), de Guy Bosschaerts, éditions Erick Bonnier, 268 pages, 21 €

lundi 6 novembre 2023

Un grimoire - La sorcellerie à la portée de tous


La fête des sorcières récemment à Tressère dans les Pyrénées-Orientales a fait le plein. Preuve que ce monde plaît toujours autant. Dans ce Grimoire de sorcellerie écrit par Alice Durand, vous pourrez découvrir quelques recettes simples de décoctions aux plantes mais surtout des explications scientifiques pour comprendre leurs effets. Une connaissance qui aurait certainement sauvé quelques têtes à une certaines époque.

Illustré par Marine Coutroutsios, ce livre vous apprend aussi à réaliser votre baguette, à écrire à l’encre de betterave ou, de façon plus ludique, découvrir la recette qui vous permettra de réaliser une décoction à l’odeur putride.

« Mon grimoire de sorcellerie », Delachaux et Niestlé, 96 pages, 14,90 €

dimanche 5 novembre 2023

BD - École magique sur l'île du Crâne


La collection Jungle Pépites continue de proposer des adaptations en BD de romans jeunesse de qualité. Avec L’île du Crâne, c’est au monde imaginé par Anthony Horowitz que les jeunes lecteurs auront accès en images.

Maxe L’Hermenier se charge des textes, Clément Lefèvre des dessins. Bien avant Harry Potter, un auteur anglais a imaginé une école qui ne recevait en son sein que de jeunes sorciers aux pouvoirs balbutiants. David Eliot est un élève difficile. Une nouvelle fois exclu, il fait le désespoir de ses parents.


À moins que Groosham Grange sur l’île du Crâne n’arrive à le canaliser. Le jeune garçon va découvrir que ce lieu a tout du cauchemar éveillé. Isolé, sinistre : les professeurs sont inquiétants et les autres élèves hautains. De plus, la nuit, il se passe de drôles de choses. Avec deux amis arrivés avec lui le même jour, il va tenter de s’évader. Mais est-ce bien raisonnable d’essayer d’échapper à son destin ?

Une très jolie BD avec des dessins modernes tout en couleurs directes numérisées. De plus David a suffisamment de personnalité pour que les jeunes lecteurs s’identifient à lui. Et à son pouvoir.

L’île du crâne (tome 1), Jungle, 72 pages, 16,95 €

samedi 4 novembre 2023

Un beau livre - La grande mêlée cuisinée par Gilles Navarro

Il faudra pas mal de temps aux amateurs de ballon ovale pour digérer l’élimination de la France par les futurs champions du monde.

On peut aussi profiter de la désillusion pour se faire du bien en lisant et dégustant ce beau livre signé Gilles Navarro, mêlant rugby, gastronomie et traditions culinaires des nations stars de ce sport unique. Alors découvrez les boles de picoulat de Guilhem Guirado, l’omelette au rhum de Philippe Garuet ou le Malva, pudding namibien de Pieter-Jan Van Lill.
Reste le must, la double page sur « la table des Spanghero », de la bonne gastronomie italienne assaisonnée à la sauce audoise.

« La grande mêlée », Gilles Navarro, Solar, 200 pages, 35 €

vendredi 3 novembre 2023

Manga - L’amour au fond des mers

S’il est bien des créatures qui posent des problèmes aux humains, ce sont bien les sirènes. Abyss Azure de Akihito Tomi est une variation manga des relations compliquées entre ces femmes poissons et les hommes. Prévu en trois tomes, ce récit raconte comment la belle Ryu, célèbre danseuse du monde des sirènes, est tombée amoureuse d’un petit homme binoclard qui n’a pourtant pas le pied marin.

Une relation absolument interdite dans le monde sous-marin car les humains n’apportent que malheur, guerre, destruction et pollution. Sa meilleure amie, Jo, va tenter de l’aider. On est subjugué par la beauté des sirènes.

Akihito Tomi aime dessiner les visages féminins et le lecteur se délecte des jolis minois de Jo et Ryu.

Quant à l’intrigue, elle repose essentiellement sur les épaules de Jo, une sirène têtue et indépendante, le prototype de la femme forte comme on en croise parfois dans les mangas.

« Abyss Azure » (tome 1), Vega Dupuis, 178 pages, 8,35 €

jeudi 2 novembre 2023

En vidéo, “38°5 quai des Orfèvres” avec flics idiots et tueurs ignares

Pas évident de trouver de bonnes comédies déjantées dans le cinéma français ces dernières années. Saluons donc la tentative de Benjamin Lehrer et son 38°5 quai des Orfèvres qui sort en DVD chez M6 Vidéo. 

Un film policier avec des flics idiots, des tueurs en série ignares et des comédiens un peu en roue libre. Un nombre incalculable de gags ou de bons mots ne font malheureusement pas tout. L’histoire est un peu faible et surtout les deux comédiens principaux (Didier Bourdon et Caroline Anglade) semblent perdus dans l‘ensemble, pas accordés. 

Par chance quelques seconds rôles sauvent l’ensemble, Artus en médecin légiste destroy et Yann Papin en second obséquieux totalement largué. Mais le film  reste un bon moyen de passer un peu plus d’une heure loin des contraintes de la vraie vie. 

BD - Migration essentielle


Autre bestiole étonnante en vedette dans Le grand Migrateur, album d’héroic fantasy écrit par Augustin Lebon et dessiné par Louise Joor. Dans cette région qui voit ses ressources naturelles disparaître en raison d’une invasion de glaire noire (sorte de matière visqueuse tuant toute vie sur son passage), tous les dix ans, des géants sortaient de terre et se mettaient à migrer vers le nord.

Ensuite ils retournaient en hibernation. Mais durant ces voyages, les immenses créatures de plus de 20 mètres de haut, faisaient de gros dégâts aux cultures. Les hommes se sont donc mis à les décimer.

La vieille Odette, scribe, ancienne princesse, décide d’agir quand un ultime grand migrateur se réveille. Elle décide de le protéger pour permettre à sa planète de revivre. Car Odette est persuadée que seuls les grands migrateurs pourront contrer l’avancée de la glaire noire.

Une très jolie fable sur l’acceptation des différences, la symbiose avec la nature et l’amitié. Le dessin tout en finesse et en rondeur de Louise Joor donne un aspect très poétique à cette quête d’un nouveau départ.

« Le grand migrateur », Rue de Sèvres, 78 pages, 14 €

mercredi 1 novembre 2023

Cinéma - “L’enlèvement” du petit Juif qui a fait vaciller le pape

Marco Bellocchio raconte dans ce film majestueux comment le pape Pie IX a précipité la chute des États pontificaux en organisant l’enlèvement d’un jeune Juif baptisé en secret.


Le nouveau film de Marco Bellocchio, présenté en compétition au dernier festival de Cannes sort cette semaine au cinéma et se retrouve tragiquement au cœur de l’actualité. Il est question de l’enlèvement d’un jeune Juif. Mais rien à voir avec le déferlement des terroristes du Hamas il y a quelques semaines en Israël. C’est une célèbre affaire italienne, du XIXe siècle, qui est relatée méticuleusement par le cinéaste de plus de 80 ans. Mais on ne peut que constater que depuis trop longtemps, les Juifs sont stigmatisés par les autres religions, avec cette volonté de les convertir ou pire, de les exterminer complètement. 

En 1858, le pape Pie IX règne tel un roi sur les états pontificaux. Après un début de règne conciliant et assez progressiste, il décide de faire montre de plus de fermeté. Voilà pourquoi il ordonne à sa police d’aller chez les Portara à Bologne et d’enlever le jeune Edgardo, (6 ans) qui aurait été baptisé en secret par la femme de ménage du foyer quand il était bébé. La famille et la communauté fait bloc pour dénoncer cet enlèvement. Mais le clergé reste ferme. C’est pour sauver l’enfant. Mais en Europe, les idées progressistes avancent, la presse dénonce cette ingérence du pape. De plus en plus d’opposants osent élever la voix.

 Ce sera le début de la République. Paradoxalement, les nouvelles actions en justice de la famille Mortara pour récupérer l’enfant, élevé (endoctriné exactement), par des bonnes sœurs et des moines, ne leur permettent pas de l’emporter. Et au contraire, Edgardo, comme souffrant d’un syndrome de Stockholm non encore diagnostiqué, apprécie cette vie d’études et de croyance. Il refusera de retourner chez lui, deviendra moine et sera fidèle à l’Église catholique jusqu’à son dernier souffle, en 1940. 

Le film, entre chronique historique sur la création de l’Italie, explications judiciaires de l’affaire et exploration psychologique des différents protagonistes, est d’une sincérité touchante. Car dans cette affaire, tout le monde est persuadé de son bon droit. Le pape, gardien de la religion catholique, la mère, attachée à ce fils chéri, Edgardo, heureux dans sa nouvelle vie. 

Des positions très manichéennes sauf celle du père, Momolo (Fausto Russo Alesi), déchiré par la perte de son enfant, mais toujours attentif à son bien-être, capable de faire ce grand sacrifice quand il comprend que c’est Edgardo lui-même qui veut rester avec sa nouvelle « famille ». 

Un très grand film, sur les choix qui conditionnement la vie, l’aveuglement de toutes les religions mais aussi la fascination de tant de personnes face aux croyances édictées comme vérité sacrée.

Film de Marco Bellocchio avec Enea Sala, Leonardo Maltese, Paolo Pierobon


BD - Zidrou et Frank Pé suivent "La Bête" en fuite


Suite et fin de la très belle aventure du Marsupilami, avant sa découverte par Spirou et Fantasio. C’est Zidrou et Frank Pé qui ont signé ce long roman graphique (près de 400 pages au total) en deux parties. L’animal tacheté à très longue queue n’a pas encore de nom.

Capturé en Amérique du Sud, il se retrouve dans ces années 50, à Bruxelles. Adopté et aidé par le petit François, un gamin sans père qui adore aider les animaux malades (cheval alcoolique, caille plumée, chat péteur, chien à trois pattes). Il baptise son nouvel ami Lange staart, longue queue en patois bruxellois. Capturé par la fourrière, le marsupilami est prisonnier et un professeur, spécialiste en cryptozoologie, s’intéresse à ce spécimen unique. Le second album raconte la course-poursuite dans Bruxelles, des tramways aux grands magasins (avec clin d’œil à Tintin) en passant par le musée d’histoire naturelle.

Émouvant, marrant et souvent comique, La bête est remarquable, tant au niveau du scénario, riche en allusions aux légendes de la BD franco-belge que des dessins de Frank, plus grand dessinateur animalier de ces 40 dernières années.

« La bête » (tome 2), Dupuis, 208 pages, 35 €

Cinéma - Sur Netflix, “Voleuses”, un bon film de filles et “Old Dads”, un drôle d’ovni de vieux papas machos

Vous êtes plutôt gang de filles ou vieux pères indignes ? Si vous revendiquez ces deux étiquettes pourtant diamétralement opposées vous pourrez déguster ces deux films qui sortent directement sur Netflix, Voleuses de Mélanie Laurent et Old Dads de Bill Burr. Deux productions interprétées aussi par leurs réalisateurs. 


Adapté de la BD La grande Odalisque (elle-même inspirée par le manga Cat’s Eye), Voleuses montre deux amies, Carole et Alex (Mélanie Laurent et Adèle Exarchopoulos), voleuses de leur état, travaillant pour une méchante Marraine (Isabelle Adjani). Pour leur dernier coup (Carole est enceinte), elles doivent dérober un tableau en Corse. Elles embauchent une troisième voleuse, Sam (Manon Bresch). Volontairement caricatural, le film aurait gagné à choisir un genre unique. 

L’humour de préférence tant Adèle Exarchopoulos excelle dans ces rôles de filles naïves qui déménagent. Les critiques n’ont pas été tendre pour Voleuses. Mais n’en déplaise aux scribouillards mâles, ce n’est pas un navet. Juste un film de filles, avec des femmes fortes et des hommes ridicules. Sans doute un propos trop évolué et rempli de vérité pour ces tenants de la woke culture biberonnés au Tom Cruise et autres exploits (notamment sexuels…) des James Bond ou autres Inspecteur Harry. 


Il serait temps d’ouvrir les yeux sur votre monde, messieurs. Ou vous contenter de regarder des films du genre de Old Dads de Bill Burr. Vous serez en terrain de connaissance avec ces hommes américains, entrepreneurs, riches et fiers de payer une école privée pour leurs enfants (d’après eux, le public ne devrait même pas exister…). 

Trois hommes de plus de 50 ans arrogants, sûrs d’eux mais qui sont complètement largués quand un jeunot de 30 ans rachète leur entreprise et les vire dans la foulée. Ou que la directrice de l’école maternelle exige du papa du respect, de la gentillesse et d’être à l’heure. Ils sont infects ces hommes du passé, inconscients que les temps ont changé, que les années 80 sont révolues, mortes et enterrées. 

Le début du film est tonitruant, un enchaînement de gags tous très datés, mais on comprend que c’est volontaire, pour forcer le trait. 

Car au final, les Old Dads (Bill Burr, Bobby Cannavale et Bokeem Woodbine), vont devoir revenir (un peu seulement, faut quand même pas exagérer), sur leurs certitudes. Bref un film à moitié subversif seulement, qui laissera un mauvais goût en bouche pour les critiques qui détestent que les femmes s’en tirent grâce à leur jugeote et leur intelligence.