mercredi 1 novembre 2023

Cinéma - “L’enlèvement” du petit Juif qui a fait vaciller le pape

Marco Bellocchio raconte dans ce film majestueux comment le pape Pie IX a précipité la chute des États pontificaux en organisant l’enlèvement d’un jeune Juif baptisé en secret.


Le nouveau film de Marco Bellocchio, présenté en compétition au dernier festival de Cannes sort cette semaine au cinéma et se retrouve tragiquement au cœur de l’actualité. Il est question de l’enlèvement d’un jeune Juif. Mais rien à voir avec le déferlement des terroristes du Hamas il y a quelques semaines en Israël. C’est une célèbre affaire italienne, du XIXe siècle, qui est relatée méticuleusement par le cinéaste de plus de 80 ans. Mais on ne peut que constater que depuis trop longtemps, les Juifs sont stigmatisés par les autres religions, avec cette volonté de les convertir ou pire, de les exterminer complètement. 

En 1858, le pape Pie IX règne tel un roi sur les états pontificaux. Après un début de règne conciliant et assez progressiste, il décide de faire montre de plus de fermeté. Voilà pourquoi il ordonne à sa police d’aller chez les Portara à Bologne et d’enlever le jeune Edgardo, (6 ans) qui aurait été baptisé en secret par la femme de ménage du foyer quand il était bébé. La famille et la communauté fait bloc pour dénoncer cet enlèvement. Mais le clergé reste ferme. C’est pour sauver l’enfant. Mais en Europe, les idées progressistes avancent, la presse dénonce cette ingérence du pape. De plus en plus d’opposants osent élever la voix.

 Ce sera le début de la République. Paradoxalement, les nouvelles actions en justice de la famille Mortara pour récupérer l’enfant, élevé (endoctriné exactement), par des bonnes sœurs et des moines, ne leur permettent pas de l’emporter. Et au contraire, Edgardo, comme souffrant d’un syndrome de Stockholm non encore diagnostiqué, apprécie cette vie d’études et de croyance. Il refusera de retourner chez lui, deviendra moine et sera fidèle à l’Église catholique jusqu’à son dernier souffle, en 1940. 

Le film, entre chronique historique sur la création de l’Italie, explications judiciaires de l’affaire et exploration psychologique des différents protagonistes, est d’une sincérité touchante. Car dans cette affaire, tout le monde est persuadé de son bon droit. Le pape, gardien de la religion catholique, la mère, attachée à ce fils chéri, Edgardo, heureux dans sa nouvelle vie. 

Des positions très manichéennes sauf celle du père, Momolo (Fausto Russo Alesi), déchiré par la perte de son enfant, mais toujours attentif à son bien-être, capable de faire ce grand sacrifice quand il comprend que c’est Edgardo lui-même qui veut rester avec sa nouvelle « famille ». 

Un très grand film, sur les choix qui conditionnement la vie, l’aveuglement de toutes les religions mais aussi la fascination de tant de personnes face aux croyances édictées comme vérité sacrée.

Film de Marco Bellocchio avec Enea Sala, Leonardo Maltese, Paolo Pierobon


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