Le vaudeville (la femme, le mari, la maîtresse) n’a rien de comique dans sa version « L’ombre des femmes », film grave et austère de Philippe Garrel.
Tourné en noir et blanc dans un Paris très années 60, le nouveau film de Philippe Garrel poursuit son exploration des sentiments amoureux de trentenaires en plein doute existentiel. Le triangle parfait, un homme et deux femmes, selon les règles très établies du genre. Comme si rien n’avait jamais évolué depuis les coucheries de Feydeau. La vie de couple avec ses bas, « Je te déteste », et ses hauts, « Tu es la femme de ma vie ». Un éternel recommencement.
Les premières images du film font penser à ces films sociaux très à la mode en ce mois de mai comme La tête haute ou La loi du marché. Plongée vers la misère. Dans un appartement presque insalubre, le propriétaire annonce à sa locataire que si elle ne paie pas le loyer dans deux jours, il la met à la porte. Cinq minutes de réalité vite oubliées, Philippe Garrel revient à ses fondamentaux : les mystères de l’esprit. Manon (Clotilde Courau) vit avec Pierre (Stanislas Merhar). Ce dernier est cinéaste. Réalisateur de documentaires exactement. Manon l’assiste en tant que scripte et monteuse. Ils ne vivent pas de leur art. Quelques petits boulots (surveillante d’une cantine et manœuvre sur des chantiers) permettent de payer ce satané loyer.
Pierre, particulièrement taciturne, à la limite de la dépression, retrouve le sourire quand il croise la route d’une jeune stagiaire aux archives de l’armée française. Élisabeth (Lena Paugam) succombe instantanément au charme de ce blond ténébreux. Une fois cette base établie, on se demande où veut nous mener le réalisateur. Pas très loin en fait. Du moins pas dans l’exceptionnel.
Tous jaloux...
La maîtresse est plus jalouse que la femme. Le mari n’arrive pas à choisir entre la sûreté et le futile. La femme trompée termine elle aussi dans le lit d’un autre. Le tout dans un Paris irréel, caricature d’un milieu bobo qui ne fait plus rêver personne. La situation intenable ne peut plus durer. Nouvelles péripéties en vue. Convenues, trop convenues.
Ce type de film d’auteur à l’image léchée est souvent sauvé par la prestation des acteurs, habités par des rôles taillés sur mesure à leur ego. Mais Clotilde Courau en fait parfois un peu trop, Stanislas Merhar devient rapidement une tête à claque, beau gosse intelligent mais qui a un vieux fond de machisme rance. Seule Lena Paugam, jeune actrice dont c’est le premier rôle important, s’en tire avec brio, tout en simplicité, passion et beauté.
Vite tourné (21 jours), vite oublié, L’ombre des femmes n’entrera pas au Panthéon du cinéma. Mais sera certainement une pierre essentielle dans la compréhension de l’œuvre complète de Philippe Garrel, cinéaste atypique, encore une anomalie temporelle tant ses réalisations semblent s’intégrer dans le mouvement de la nouvelle vague.
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