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dimanche 27 septembre 2015

Cinéma - L'amitié dans sa version égoïste

Ami faire-valoir, ami roue de secours. Dans 'Les deux amis' de Louis Garrel, le partage n'est pas équitable entre Clément (Vincent Macaigne) et Abel (Louis Garrel).


Dans le vif du sujet dès la première minute. On croit aller voir une comédie française légère sur l'amitié et l'amour dans un triangle classique de deux garçons et une fille et on se retrouve dans la froide réalité d'une prison pour femmes. Mona (Golshifteh Farahani) sort des quelques minutes de bonheur que lui offre la douche du matin. Ensuite c'est la course. À travers les longs couloirs puis dans les transports en commun. En semi-liberté, elle travaille pour une sandwicherie dans la gare du Nord à Paris. Ce qu'elle a fait pour aller en prison, on ne le saura pas. Ce qu'elle fait pour en sortir est au centre du film. La semi-liberté implique une discipline de fer. Pas d'alcool, pas de retard, filer droit...


Le prix à payer pour retrouver sa dignité, sa fierté. Alors quand Mona rencontre Clément (Vincent Macaigne) doux dingue intermittent du spectacle, elle est sur ses gardes. Clément tombe fou amoureux et se lance dans une cour effrénée. Mona n'ose pas lui avouer la vérité. Le soir, elle prétexte un retour en banlieue chez ses parents pour s'éclipser. Alors Clément lui offre un cadeau. Sans le savoir il touche juste. Un oiseau en cage. Belle parabole qui est l'élément déclencheur du film. Mona refuse, rompt. Vincent, désespéré, demande conseil à son meilleur ami Abel (Louis Garrel). Ce dernier, écrivain raté, gardien de nuit dans un parking, multiplie les conquêtes après avoir été plaqué par son grand amour. Il est devenu cynique, froid. La face sombre de son duo avec Clément, malheureux en amour mais toujours capable de s'enflammer.
Caméra amoureuse
Louis Garrel, dont c'est le premier film en tant que réalisateur, ne s'est pas donné le beau rôle. Incapable d'aider son ami, il va au contraire le trahir après avoir kidnappé Mona. La jeune femme se retrouve, sans le vouloir, en cavale. Un drame pour son avenir. Mona désespérée, Clément rejeté, Abel au double jeu : rien ne va plus dans le trio. Sans rien apporter de grand nouveau au genre, ce long-métrage vaut surtout par le jeu de ses acteurs. Vincent Macaigne, en second rôle brillant, éternel dépressif, maladroit et touchant, prouve une nouvelle fois l'étendue de son talent. Ses yeux brillent d'amour pour la belle Mona, mais aussi pour Abel, cet ami de toujours, fidèle et honnête. Du moins le croit-il... Louis Garrel, en beau gosse sans scrupule, endosse aussi le rôle de dindon de la farce.
Preuve qu'il est clairvoyant. Mais les plus belles scènes restent celles où Mona déploie toute sa grâce et sa folie. La danse dans le bar de nuit, lascive et envoûtante, est filmée avec une caméra littéralement amoureuse.

mardi 2 juin 2015

Cinéma - Méandres amoureux à trois dans "L'Ombre des femmes" de Philippe Garrel

Le vaudeville (la femme, le mari, la maîtresse) n’a rien de comique dans sa version « L’ombre des femmes », film grave et austère de Philippe Garrel.


Tourné en noir et blanc dans un Paris très années 60, le nouveau film de Philippe Garrel poursuit son exploration des sentiments amoureux de trentenaires en plein doute existentiel. Le triangle parfait, un homme et deux femmes, selon les règles très établies du genre. Comme si rien n’avait jamais évolué depuis les coucheries de Feydeau. La vie de couple avec ses bas, « Je te déteste », et ses hauts, « Tu es la femme de ma vie ». Un éternel recommencement.
Les premières images du film font penser à ces films sociaux très à la mode en ce mois de mai comme La tête haute ou La loi du marché. Plongée vers la misère. Dans un appartement presque insalubre, le propriétaire annonce à sa locataire que si elle ne paie pas le loyer dans deux jours, il la met à la porte. Cinq minutes de réalité vite oubliées, Philippe Garrel revient à ses fondamentaux : les mystères de l’esprit. Manon (Clotilde Courau) vit avec Pierre (Stanislas Merhar). Ce dernier est cinéaste. Réalisateur de documentaires exactement. Manon l’assiste en tant que scripte et monteuse. Ils ne vivent pas de leur art. Quelques petits boulots (surveillante d’une cantine et manœuvre sur des chantiers) permettent de payer ce satané loyer.
Pierre, particulièrement taciturne, à la limite de la dépression, retrouve le sourire quand il croise la route d’une jeune stagiaire aux archives de l’armée française. Élisabeth (Lena Paugam) succombe instantanément au charme de ce blond ténébreux. Une fois cette base établie, on se demande où veut nous mener le réalisateur. Pas très loin en fait. Du moins pas dans l’exceptionnel.

Tous jaloux...
La maîtresse est plus jalouse que la femme. Le mari n’arrive pas à choisir entre la sûreté et le futile. La femme trompée termine elle aussi dans le lit d’un autre. Le tout dans un Paris irréel, caricature d’un milieu bobo qui ne fait plus rêver personne. La situation intenable ne peut plus durer. Nouvelles péripéties en vue. Convenues, trop convenues.
Ce type de film d’auteur à l’image léchée est souvent sauvé par la prestation des acteurs, habités par des rôles taillés sur mesure à leur ego. Mais Clotilde Courau en fait parfois un peu trop, Stanislas Merhar devient rapidement une tête à claque, beau gosse intelligent mais qui a un vieux fond de machisme rance. Seule Lena Paugam, jeune actrice dont c’est le premier rôle important, s’en tire avec brio, tout en simplicité, passion et beauté.
Vite tourné (21 jours), vite oublié, L’ombre des femmes n’entrera pas au Panthéon du cinéma. Mais sera certainement une pierre essentielle dans la compréhension de l’œuvre complète de Philippe Garrel, cinéaste atypique, encore une anomalie temporelle tant ses réalisations semblent s’intégrer dans le mouvement de la nouvelle vague.