Al Pacino est remarquable de sincérité dans « Manglehorn », comédie dramatique de David Gordon Green sur les espoirs déçus d'un vieux serrurier solitaire.
Papy Pacino s’est habitué à jouer des rôles de vieillards taciturnes. Le beau jeune homme est loin mais son talent de comédien intact. Il a simplement adapté phrasé, démarche et mimique à son nouveau statut de représentant du 3e âge. Cela n’empêche pas les sentiments. La preuve avec « Manglehorn », film de David Gordon Green, réalisateur du récent « Joe » avec Nicolas Cage. Manglehorn c’est le nom du personnage principal interprété par Al Pacino. Serrurier dans une petite ville des USA, il ouvre sa boutique tous les jours aux aurores, se déplace pour dépanner les distraits ou malchanceux (clefs oubliées à l’intérieur de la voiture, trousseau perdu...)
Chaque vendredi après-midi, il va déposer à la banque la recette de sa semaine. Il choisit son guichet, celui occupé par la belle et douce Dawn (Holly Hunter). Cinq minutes de bavardages pour se tenir au courant de la santé de leurs animaux respectifs. Dawn a un chien, Manglehorn une chatte. Deux solitaires résignés sur le point de tenter de nouveau le grand saut de l’amour.
Amour perdu
Film sur le regret et le temps qui passe, cette comédie dramatique dresse le portrait d’un homme insatisfait. Sans trop en dévoiler sur sa vie, le réalisateur montre les deux facettes de ce serrurier fatigué. Vieux et bourru, il limite au maximum ses relations avec les autres adultes. Il préfère de loin la compagnie de sa chatte et de sa petite-fille Kylie. Papy gâteau, maître attentionné : il ne laisse rien voir de ses profondes blessures intérieures.
Par petites touches, le spectateur découvre le grand drame de cet homme. Jeune, il a rencontré la femme de sa vie. Mais n’a pas su la retenir. Il s’est marié avec une autre. Lui a fait un enfant. Sans jamais oublier l’autre. Presque chaque jour il lui écrit des poèmes pour tenter de renouer avec elle. Depuis des décennies. Pas de réponse. Les lettres reviennent à l’expéditeur sans jamais être ouvertes. Comment vivre avec ce poids ? La force d’Al Pacino s’exprime parfaitement dans cette mélancolie si lourde à porter. On sent Manglehorn en permanence au bord de la rupture. Partagé entre l’envie d’en finir, rongé par des regrets, et celle de faire un grand ménage, de se donner une seconde chance tant qu’il est encore temps.
Une histoire universelle, sur les choix d’une vie et son acceptation.
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Du chien fou au papy solitaire
Al Pacino, 75 ans, n’a jamais cessé de tourner ou de jouer la comédie au théâtre. Une vie plus que bien remplie avec des classiques, des moments de bravoure, des répliques cultes et une « gueule » reconnaissable entre toutes. Ce fils d’émigrés italiens a débuté au théâtre. Il ne tourne son premier film qu’en 1969 à près de 30 ans. Rapidement remarqué, il explose littéralement dans « Le Parrain » de Francis Ford Coppola. Il passe haut la main la confrontation avec Marlon Brando. Mais pour toute une génération, son meilleur rôle, le plus marquant et étonnant, reste celui du gangster bloqué dans une banque au cours d’un braquage qui tourne mal. « Un après-midi de chien » de Sidney Lumet est du même tonneau que « Taxi driver » pour De Niro. Après de telles prestations, si on est acteur, on se dit que jamais on ne pourra faire mieux. Si on désire le devenir, c’est le maître étalon à conserver en permanence dans un coin de sa tête. Al Pacino a tourné dans plus de 70 films depuis. Il a abordé tous les registres, avec maestria et bonheur. Même en papy solitaire, rongé par le remords du film « Manglehorn », il reste crédible à 100 %. Chapeau l’artiste.
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