Un dessinateur sur les traces d’esclaves naufragés dans l’Océan indien, un marines américain qui se prend pour Don Quichotte : ces deux albums, le premier de Savoia, le second de Lax explorent la voie de la double narration en parallèle.
En 1761, un navire négrier fait naufrage sur un îlot perdu entre Madagascar et La Réunion. Avec les débris de l’épave, les marin français confectionnent un esquif de secours. Mais il est trop petit pour accueillir à son bord tous les naufragés. 80 esclaves sont abandonnés à leur sort sur l’île de Tromelin qui n’a pas encore de nom. Les rares survivants, une poignée de femmes et un bébé, seront secourus quinze ans plus tard par le chevalier de Tromelin. Cette histoire, caractéristique de la façon étaient traités les esclaves originaires de Madagascar, a failli être totalement oubliée. Au début des années 2000, quelques chercheurs ont monté une expédition pour retrouver les traces archéologiques de ces “Esclaves oubliés de Tromelin”. Sylvain Savoia, dessinateur de Marzi, a eu la chance de faire partie de cette mission de quelques semaines. Il raconte en dessin cette plongée dans l’adversité. Tromelin, simple base météo, est une bande de sable peuplée de bernard-l’hermite, de fous et parfois de tortues quand elles viennent pondre sur la plage. Une solitude qu’il décrit minutieusement. Un reportage en parallèle avec l’histoire de ces esclaves, obligés de survivre avec rien. Les deux ambiances alternent avec bonheur, donnant encore plus de relief aux recherches de cette dizaine de scientifiques.
Passé et présent s’imbriquent aussi dans “Un certain Cervantès”, gros roman graphique en noir et blanc signé Lax. Cervantes, Mike de son prénom, est un Américain de base, obligé de s’enrôler dans les marines pour éviter la prison pour culture et consommation de cannabis. En Afghanistan, son blindé saute sur une mine. Une main blessée, il reste de longs mois prisonniers des Talibans. Comme son homonyme, Miguel de Cervantès, capturé par les Arabes en 1571. L’Espagnol, de retour au pays, imagine Don Quichotte. Le soldat américain lui aussi retrouve enfin la terre de ses ancêtres. Une main en moins et une sourde révolte enfouie au plus profond de son être. Lax raconte comment cet écorché vif va complètement dérailler et se prendre pour Don Quichotte. Il va tenter d’aider un clandestin, puis détruire le matériel de propagande d’une société immobilière qui fait son beurre sur les faillites des subprimes. Il ira se cacher dans une réserve indienne avant de s’attaquer à un télévangéliste, symbole de la nouvelle inquisition. Ce long récit (200 pages dessinées au lavis), un peu désenchanté, mais plein d’espoir quand même, non seulement nous apprend beaucoup sur la crise sociale aux USA, mais également sur l’existence mouvementée de ce grand visionnaire que fut Miguel de Cervantès.
“Les esclaves oubliés de Tromelin”, Dupuis, 20,50 euros
“Un certain Cervantes”, Futuropolis, 26 euros
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