Jane Bowles a toujours mordu la vie à pleines dents. Surtout connue pour avoir été la femme de Paul Bowles, c'était une romancière exigeante et novatrice.
Il est souvent impossible de séparer l'œuvre de la vie d'un créateur. Les deux sont intimement reliés, indissociables. C'est particulièrement flagrant dans le cas de Jane Bowles, romancière américaine dont Félicie Dubois vient d'écrire une biographie subjective mais passionnante. Cette femme de lettre française, auteur de plusieurs romans et d'un portrait de Tennessee Williams, ne cache pas son admiration sans borne pour Jane Bowles. En proposant au lecteur « Une histoire de Jane Bowles », elle veut raconter la vie palpitante de cette femme excessive, mais surtout faire prendre conscience à tout le monde qu'elle était une extraordinaire romancière, malheureusement incomprise de son vivant.
Le livre débute par la description du retour de Jane et de sa mère aux USA après deux années passées en Suisse. Jane, victime d'une chute de cheval, a perdu l'usage d'un genou. Jeune et intrépide, la voilà handicapée à vie, obligée de marcher avec une jambe raide. Sur le pont du paquebot, elle rencontre un homme étrange. Il lui explique qu'il va rejoindre sa muse de l'autre côté de l'océan. Jane Auer (elle ne deviendra Bowles qu'après son mariage avec Paul) a l'occasion de discuter avec son écrivain favori, le déjà scandaleux Céline. Nous sommes en 1934, Jane n'a pas 20 ans mais sait déjà qu'elle sera écrivain.
Étrange mariage
Elle vit avec sa mère (son père est mort depuis longtemps) dans des hôtels plus ou moins luxueux en fonction des revenus de la famille. A New York, la jeune Jane découvre le monde de la nuit. Elle aime faire la fête, boit beaucoup et multiplie les conquêtes. Féminines. Sa mère, de son côté, désespère de la marier.
Au cours de ses sorties, elle croise Paul Bowles, un jeune homme tout aussi fantasque qu'elle. Ce musicien de 26 ans « est un joli garçon blond aux yeux bleus, d'allure diaphane, élégant et distant ». Ils s'apprécient. Sur un coup de tête, ils partent pour le Mexique durant quelques jours. Une première virée qui en appelle d'autres. Finalement, c'est la mère de Jane qui pousse au mariage. Mais il y a un problème de taille : « Jane préfère les femmes, Paul aime les hommes. » Mais qu'importe ? « Jane est tout à fait prête à s'unir à un homme qui ne la désire pas, un moindre mal pour une jeune femme qui ne veut pas devenir mère. » « Lui est fier d'arborer à son bras cette jolie brunette espiègle et spirituelle qui fait fureur dans les soirées à la mode. » Une étonnante histoire d'amour qui durera jusqu'à la mort de Jane.
Le couple a la belle vie. Jane a de l'argent, Paul en gagne beaucoup en composant des musiques. Ils voyagent souvent et décident de s'installer à Tanger, dans cette ville cosmopolite qui fait tant rêver les intellectuels de l'époque. Jane a publié un roman, sans succès, et plusieurs nouvelles. Elle a également rédigé une pièce de théâtre. Mais lentement. Perfectionniste, elle écrit péniblement deux à trois phrases par jour. Il est vrai aussi que l'alcool commence à la diminuer de plus en plus physiquement.
Félicie Dubois raconte la fin, peu glorieuse de Jane, devenue presque folle, enfermée dans une institution religieuse en Espagne. Une fin logique, Jane Bowles semble avoir vécu 1000 vies durant ses 40 premières années. Une soif de découvertes, d'excès, d'amour et de passion qui a un peu alimenté son œuvre, mais qui l'a surtout épuisée et précipitée vers la folie.
En refermant ce livre, on n'a qu'une envie, lire le roman « Deux dames sérieuses » et les nouvelles de Jane Bowles publiés chez 10/18 en France.
« Une histoire de Jane Bowles », Félicie Dubois, Seuil, 16 €
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