Et si notre bonne vieille planète, lasse de souffrir sous nos coups de boutoirs polluants, décidait elle-même de se réinitialiser. Comme une intelligence supérieure qui aurait donné sa chance aux humains, en vain. Ce scénario de science-fiction est au centre de la troisième et dernière partie de la trilogie initiée par Enki Bilal. Après Animal'z puis Julia & Roem, « La couleur de l'air » marque la fin de cette étonnante utopie naturaliste. Dans un zeppelin devenu incontrôlable, cohabitent un homme, le narrateur, une femme, un garde de la sécurité et deux fillettes, des jumelles. Devenu incontrôlable, l'engin dérive au dessus d'une terre en pleine mutation. Les villes sont englouties, certains continents se rapprochent les uns des autres, des montagnes s'effacent, des volcans naissent. Ils voient tout cela de la-haut, en traversant des nuages opaques aux effets surprenants, les fillettes se mettant à réciter des extraits d'oeuvres de philosophes. On retrouve également les personnages des deux précédents albums, Kim et Bacon dans leur villa luxueuse, le groupe des « shakespeariens » ou le couple aux mains d'un cannibale de la pire espèce, préfigurant l'évolution inéluctable de l'espèce humaine si rien n'est fait. Sans oublier toute une arche de Noé. Les poissons et mammifères marins se mettent à voler dans les airs, d'autres espèces (du lézard au gorille en passant par le crocodile) ont trouvé refuge sur le zeppelin. Cet album, très attendu, ne décevra pas les amateurs de Bilal. Il a multiplié les immenses cases format scope, comme pour nous faire regretter les moyens techniques trop limités du cinéma. Il joue avec les couleurs, du gris à l'arc-en-ciel en passant par un passage dans le noir complet que ne désavouerait certainement pas Soulages. Du grand art, bien au-delà de la simple bande dessinée.
Le 17e tome de la série Sillage est elle beaucoup plus classique dans sa forme. Cela n'enlève rien au talent de Philippe Buchet, le dessinateur. Le scénario de Morvan envoie l'héroïne, Navis, dernière humaine dans le convoi des mondes extra-terrestres, sur la planète Tri-JJ 768. Elle est parfaite dans cette mission (dérober un mystérieux objet) car elle connaît parfaitement le terrain. Elle y a déjà fait un séjour (Engrenages, tome 3) et a même eu un enfant avec un autochtone, Clément Vildieu, devenu chef de la rébellion. Un album particulièrement rythmé avec l'arrivée d'un nouveau personnage, Jules, neveu de Clément, petit génie intrépide mais pas aussi net qu'il y paraît. Il faudra donc attendre le tome 18 pour tout savoir sur les dessous cachés de cette mission périlleuse.
« La couleur de l'air », Casterman, 18 €
« Sillage » (tome 17), Delcourt, 13,95 €
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