De l'enfant innocent à l'adulte manipulateur, Ismaël Jude retrace dans « Dancing with myself » toute l'éducation sensuelle et sexuelle d'un garçon d'aujourd'hui.
Chaque homme, chaque femme, découvre de façon différente les tourments de la sexualité. Ismaël Jude, dans son premier roman, s'intéresse à la naissance de ce trouble dans l'enfance. Le narrateur, un jeune enfant d'à peine dix ans, joue encore aux cow-boys et aux indiens dans sa province reculée. Ses parents tiennent une discothèque, un dancing exactement, lieu de débauche pour les « ploucs » des environs. Un jour, c'est l'effervescence au village et à la discothèque. Bella Gigi, strip-teaseuse parisienne est en représentation. Pour l'enfant, ce n'est qu'une femme comme une autre. Certes elle sent meilleur et a de plus gros lolos, mais c'est une femme. Sa différence tient au fait qu'elle « montre sa chatte » comme le fait remarquer un client et des copains de classe. Et l'enfant de s'imaginer un animal dressé qu'elle exhibe devant les hommes.
Le premier roman d'Ismaël Jude débute donc par un terrible malentendu. Trop jeune, trop tendre, le narrateur est encore insensible aux charmes du sexe dit faible. Ensuite vient l'adolescence et les nuits plus agitées. Il partage sa chambre avec sa cousine de trois ans plus âgée. Toujours attiré par ces mystères féminins, il tente de l'apercevoir nue dans la salle de bain. Il découvre l'excitation, l'érection, la masturbation.
Voyeur assumé
Ce qui n'est qu'un jeu innocent d'enfant, devient beaucoup plus malsain quand il atteint l'âge adulte et rejoint Paris pour ses études. Il ne cherche pas à conquérir les jeunes étudiantes, se contente de les observer à la dérobée, de saisir les fugaces images de cuisses qui se découvrent, d'une bretelle de soutien-gorge ou du blanc d'une petite culotte. Il a 18 ans et se voit ainsi : « Tout ce qui intéresse le coureur de jupons m'indiffère : arracher un baiser, ramener une femme chez moi, attirer son regard, son attention. Ma pratique consiste bien au contraire à ne pas l'attirer du tout afin de jouir en contrebande. J'aime les femmes à leur insu. C'est peu dire que je me complais dans cet anonymat, l'anonymat est une condition nécessaire à la survie de mon espèce paradoxale. Moins elles me remarquent, plus je jouis. »
Entre voyeur et exhibitionniste, il n'y a souvent qu'une mince frontière. La dérive va aller en s'accentuant, le texte d'Ismaël Jude passant, de chapitre en chapitre, de roman d'éducation à brûlot pornographique. La rencontre d'un autre étudiant, adeptes de soirées bisexuelles, va changer la donne. Tout en entretenant sa perversion de voyeur exhibitionniste, il accepte de franchir le pas et de donner du plaisir à ses partenaires qui deviennent multiples et variées.
On ne sait pas exactement où l'auteur veut conduire son héros et les derniers chapitres sont parfois difficilement supportables par leur crudité et hardiesse. Mais paradoxalement c'est la touche finale essentielle et nécessaire au simple portrait d'un mâle du siècle.
« Dancing with myself », Ismaël Jude, Verticales, 16,50 euros
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire