samedi 31 juillet 2010

Roman - Devenir le « Liseur » de la femme aimée


Au début des années 60, Michaël, un jeune Allemand de 15 ans, découvre l'amour dans les bras d'une femme de 35 ans. Une relation forte mais déséquilibrée. Certes Hanna lui apprend tout ,des choses de l'amour, mais elle reste très mystérieuse sur sa vie. Il sait qu'elle est receveuse dans un tramway, mais n'arrive pas découvrir ce qu'elle faisait auparavant, avec qui elle vivait. Ils prennent l'habitude de se voir chaque fin d'après-midi. Ils font l'amour puis Michaël lit quelques pages à sa maîtresse.

Après six mois de cette relation lecteur-auditeur, Hanna disparait du jour au lendemain. Michaël mettra quelques années à oublier son premier amour.

C'est en poursuivant ses études de droit, sept ans plus tard, qu'il retrouvera Hanna. Elle est dans le box des accusés. Durant la guerre, elle s'était engagée dans les SS. Elle dirigeait un camp de déportation pour femmes. Son procès fait grand bruit dans cette Allemagne qui tente d'exorciser ce sinistre passé. Une autre relation va se nouer entre Michaël et Hanna. Une nouvelle fois c'est en lisant que Michaël va lui prouver son amour.

Ce roman de Bernhard Schlink est d'une force incroyable, On ne peut que tomber en admiration devant Hanna, la comprendre, vouloir également lui lire un de ces romans qu'elle apprécie tant.

« Le liseur », Bernhard Schlink, Folio, 6,10 € (Chronique parue en mars 1999) 

vendredi 30 juillet 2010

Deux romans de Serge Brussolo à redécouvrir


Le Moyen-Age c'est Lancelot et Perceval, mais dans la réalité, les chevaliers avaient beaucoup moins de classe. Serge Brussolo en fait la démonstration dans ce roman noir de crasse et de manigances. Le héros, Jehan, est un simple bûcheron. Mais sa bravoure et sa force lui permettent, sur un champ de bataille d'être ordonné chevalier. Un chevalier sans terre, errant de château en château, convoyant documents ou personnalités sur des chemins peu sûrs. Il accepte ainsi d'escorter Dorius, un moine chargé d'une mission secrète par le seigneur Ornan de Guy. Ce dernier va bientôt se marier avec la belle et frêle Aude. Mais avant de consommer le mariage, le seigneur tout puissant désire guérir de la peste qu'il aurait conntracté en croisade. C'est la mission de Dorius : récupérer des reliques censées supprimer les effets de cette terrible maladie. Jehan, sans le savoir, va devenir un pion dans cette vaste machination qui aboutira à la malédiction du territoire d'Ornan de Guy.

Sorcière, poison, bête méhaignée, prêtre exorciste, bourreau et troubadours se relaieront sous la plume acérée de Serge Brussolo pour alimenter les multiples rebondissements de ce roman à l'ambiance si vénéneuse, un peu comparable au film «La chair et le sang» de Paul Verhoeven. Bref les coups bas et trahisons prennent le pas sur les sentiments purs.


On retrouve Serge Brussolo dans «Les ombres du jardin» mais l'auteur plante cette fois le décor de son cauchemar dans la France des années 50. La nostalgie de cette époque où on s'enthousiasmait de la moindre nouveauté est très présente tout au long du roman.

Mais très vite, le lecteur partage les angoisses de Jeanne et de Martine, sa fille de 8 ans. Un homme déboule dans la vie de cette famille monoparentale. Avec violence il réclame Martine, ce serait sa fille... La fuite semble la seule solution. Le virtuose français del'angoisse frappe. juste et fort.

«Le château des poisons», Serge Brussolo, Le livre de Poche, 5 €

« Les ombres du jardin », Serge Brussolo, Folio, 7,70 € (Chroniques parues une première fois en 1999) 

jeudi 29 juillet 2010

BD - Paulette, héroïne ingénue


Il est des héroïnes qui ne peuvent pas laisser insensibles les lecteurs mâles. Précédemment, une première Paulette (dessinée par Pichard sur des scénarios de Wolinski) avait fait quelques dégâts chez les adolescents prépubères des années 70. 

Cette nouvelle Paulette, Comète de son nom, marche sur ses traces. Paulette est une ravissante étudiante en sociologie qui devient, la nuit venue, justicière à mi-temps. Dans sa première aventure, totalement déjantée, imaginée par Mathieu Sapin, elle va se mettre en travers de malfrats classiques et d'autres plus ambitieux, les patrons d'une multinationale voulant asservir tous les peuples de la planète.

 Le ressort comique est dans le fait que Paulette ne fait rien volontairement. C'est une cruche, devenant nymphomane dès qu'elle boit une goutte d'alcool. Bref, elle est souvent en petite tenue. Un régal car c'est sous le crayon de Christian Rossi...

« Paulette Comète » (tome 1), Dargaud, 10,95 € 

mercredi 28 juillet 2010

BD - Vengeance épique pour Marie des Dragons


Marie, petite fille privilégiée, était éduquée dans une famille pauvre mais aimante. Un bonheur de courte durée. Un jour, elle revient chez elle et retrouve ses parents assassinés. Ses frères et sœurs ont été enlevés par les sbires de Georges d'Aiscelin. 

Nous sommes en France au Moyen Age. Quelques années plus tard, Marie est devenue une jeune femme vivant de son épée. Suspectée de sorcellerie, elle est pourchassée par un prêtre soldat, Jean de Clermont. 

Mais ce dernier a un faible pour cette courageuse Marie à la recherche de ses frères et sœurs. Le second tome de cette série entre fantastique et aventure voit Marie s'allier à Jean pour convoyer l'or du pape. Sur leur chemin, ils retrouveront l'ignoble Georges d'Aiscelin et ses créatures diaboliques. Et la famille commencera à se reformer... Ce scénario solide et plein d'action est signé par le couple Ange. Il est illustré par Thierry Démarez. Ce dessinateur réaliste talentueux ne vit pourtant pas de la BD. Il est décorateur à la Comédie française.

« Marie des dragons » (tome 2), Soleil, 13,95 € 

mardi 27 juillet 2010

BD - Amour multiple avec Philippe Djian et Jean-Philippe Peyraud


Pas évident d'adapter en bande dessinée une pièce de théâtre. La BD aime les grand espaces et permet, à moindre coût, de présenter des scènes gigantesques ne lésinant pas sur le figurant. Le théâtre c'est plus limité, surtout quand il s'agit d'une pièce minimaliste de Philippe Djian : quatre personnages et un seul décor. 

Dans le salon d'une luxueuse villa, un homme se dispute avec une femme. On comprend que c'était son infirmière, elle est devenue sa maîtresse. Elle l'a soigné, lui permettant de remonter la pente. Il souffre psychologiquement. A cause de son ancienne femme. Elle vient souvent le hanter. Il y a deux ans, il s'est mal comporté avec elle. Adaptée par Jean-Philippe Peyraud, cette pièce peut être considérée par certains comme la longue prise de tête d'un homme aimant les femmes mais trop lâche pour en assumer les conséquences. 

En fait, en se laissant prendre à ces dialogues incisifs, on pénètre l'âme humaine. Attention, cela chamboule. Mention spéciale aux portraits de Peyraud : lui aussi semble aimer les femmes...

« Lui », Futuropolis, 24 € 

lundi 26 juillet 2010

Roman - Des effets secondaires du mariage pour les témoins

Quand le leader d'une bande de cinq amis décide de se marier, l'heureuse élue a toutes les chances de briser l'entente du groupe. Sauf si...


L'amitié face à la fatalité : tel est le match qui se déroule dans ce roman de Didier van Cauwelaert. Le romancier aime plus que tout ces personnages nécessitant beaucoup d'amour ou d'amitié pour tenir debout. Il en décrit carrément toute une bande dans « Les témoins de la mariée ». Quatre personnes qui se connaissent depuis l'adolescence et qui ont un unique centre de gravité : Marc. Marc le photographe des stars, celui transforme en or tout ce qu'il touche. Ses livres best-sellers lui ont donné l'aisance financière. Cette fortune lui a permis d'aider ses amis de toujours. Hermann Banyuls d'abord, son chauffeur, aide de camp, mécanicien, homme de confiance. Banyuls est également chargé par Marc de dégoûter ses multiples conquêtes. Ce grand séducteur ne supporte pas les histoires qui durent. Banyuls n'a pas son pareil, à la demande de son ami, pour le faire passer pour « un pervers en série ne songeant qu'à tuer sa mère en détruisant les autres femmes ». Marlène, la seule fille du groupe, est galeriste. Une galerie d'art moderne qui survit grâce à l'argent frais de Marc. Jean-Claude, en plein divorce compliqué, gère un hôtel dans Paris. Hôtel appartenant à Marc. Lucas, le dernier de la bande, est peut-être le moins dépendant de Marc. Du moins financièrement. Cet ancien journaliste, cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident, broie du noir. Sans la joie de vivre de Marc il aurait certainement fait le grand saut.

Un enterrement et un mariage

A quelques jours de Noël, au cours d'un traditionnel repas à cinq, Marc annonce la grande nouvelle à ses amis : il va se marier avant la fin de l'année. Et il présente à la bande, sur photo, Yun-Xiang ce qui veut dire « Senteur de nuage ». Cette jeune Chinoise travaillait dans un atelier de copie de tableaux de maîtres. « Il nous a montré la photo de l'élue. Nous avons échangé un regard où la perplexité le disputait à la consternation. Le portrait en noir et blanc était superbement contrasté, comme tout ce que faisait Marc, mais la fille était l'incarnation parfaite de la banalité. Silhouette plate en blouse grise, sourire de commande, cheveux raides, regard droit, avec une expression de désarroi qui s'excuse. » Pour Marc elle est « magique ». Et il demande à ses amis d'être les témoins de son mariage. Deux pour lui, les deux autres pour la mariée.

« Créature de rêve »

Une fois le décor planté, Didier van Cauwelaert va lâcher les chevaux de son imagination. La veille de l'arrivée de la future mariée, Marc se tue en voiture. La bande des quatre se retrouve à Roissy pour accueillir Yun-Xiang et lui annoncer la mauvaise nouvelle. Mais il ont un tel choc en la découvrant qu'ils décident de mentir, prétendant que Marc a du partir en urgence en reportage, loin de Paris. « On avait devant nous une créature de rêve à mi-chemin entre Jackie Kennedy et une geisha de Playboy relookée haute couture. Tout ce qui restait de la petite ouvrière d'art à la chaîne que j'avais rangée dans ma poche, c'était le regard noisette à peine bridé sous le maquillage de scène. » Rapidement, ils vont simultanément tomber amoureux de la jeune Chinoise, impatiente de retrouver son futur époux.

 Une situation semblant inextricable et se compliquant quand le frère de Marc prend les choses en mains et met des scellés sur la fortune du défunt. Un roman vivifiant, entre glamour, amour et amitié. Même si la fin est convenue, on apprécie quand même cette belle histoire tant les personnages, les témoins et la mariée, sont attachants.

"Les témoins de la mariée", Didier van Cauwelaert, Albin Michel, 19 € 

dimanche 25 juillet 2010

Roman - Rosario Ferré noue des « Liens excentriques »

La petite Elvirita n'oubliera jamais qu'elle est avant tout une Rivas de Santillana, une des plus vieilles familles de planteurs de canne de Porto Rico. Et qu'en tant que telle, elle se doit d'observer une conduite exemplaire, digne de l'aristocratie insulaire. Bien que sa mère, Clarissa, lui ait toujours préféré son frère Alvaro et n'arrête pas de lui seriner que vraiment, quel dommage, elle n'a aucun des traits d'une finesse patricienne qui distingue la branche maternelle de la famille. Elle est pleine de contradictions, Clarissa, souvent à la limite de l'hystérie.

Elle a beau reprocher à Elvirita de ressembler à son père Aurélio comme s'il s'agissait d'une tare, elle voue cependant à son mari un amour passionné, pimenté par une jalousie féroce. Le fait qu'il se lance dans la politique, avec toute la cohorte de jolies filles qui papillonnent autour de ce candidat plus que séduisant n'arrange certes pas la situation.

Portraits de famille

Elvirita a du caractère, il faut dire qu'entre les personnalités plutôt fortes de grand-père Alvaro et de grand-mère Valeria.- ses grands-parents maternels, elle a été à bonne école, Et commence une immense fresque, saga familiale racontée par Elvira. Impossible de résumer cette histoire foisonnante de personnages, tantes, oncles, cousins, mais aussi d'anecdotes. Elvira interroge un à un tous les membres de sa famille du côté maternel et paternel. Respectivement les Rivas de Santillana et les Vernet. Et trace ainsi le portrait de chacun d'entre eux, depuis la nourrice Mina, qui a sauvé la vie de Clarissa en lui donnant son lait jusqu'à la tante Lakhmé, qui collectionne les maris et les belles toilettes. Elle raconte aussi par le menu l'ascension des quatre frères Vernet, qui deviennent immensément riches en développant au bon moment leur cimenterie.

La vie politique de l'île. n'est pas oubliée, Elvira en raconte les mouvances au travers de l'activité politique de son père Aurélio et du mari d'une de ses tantes. Rapprochement avec les Etats-Unis, indépendance, misère du petit peuple, lent déclin de la culture de la canne. En somme, toute la vie d'une petite île des Caraïbes et de ses habitants marqués par une immense fracture sociale.

Rosario Ferré réussit le tour de force de trouver un côté attachant à chacun de ses personnages, les descriptions ne sont jamais ennuyeuses et certaines anecdotes sont carrément jubilatoires. L'écriture enlevée est encore enrichie par les interventions des personnages qui racontent leur propre histoire. On pourrait craindre de se perdre dans cette multitude de tranches de vie qui s'entrecroisent, il n'en est rien. Le livre est parfaitement construit et d'une clarté exemplaire. On ne peut s'empêcher de songer à Gabriel Garcia Marquez, tant dans la forme que dans le fond. Un roman passionnant, exubérant, attachant, vous l'aimerez, c'est sûr !

Fabienne HUART

« Liens excentriques » de Rosario Ferré, Stock (Chronique datant de septembre 2000) 

samedi 24 juillet 2010

Roman - Une "Peau dure" futile et légère


Critique cinéma sur Paris Première et dans le journal Elle, Elisabeth Quin signe "La peau dure", un premier roman léger et au ton très Parisien.

Son héroïne, Kéké Wu, est l’agent de quelques acteurs et actrices du 7e art. Kéké rencontre le grand amour un matin dans le métro. En quelques heures elle fait la conquête de Gustave et lui passe la bague au doigt au bout de deux mois. Kéké, libertine invétérée, passait de mâle en mâle. Aujourd’hui, elle est persuadée que ce mariage va stopper son penchant pour le batifolage. Mais il est difficile d’aller contre son naturel et rapidement Gustave se retrouve être le plus beau cocu de la capitale. Il ne se doutera de rien jusqu’à ce qu’il tombe dans la presse sur une photo de la nouvelle conquête d’une star italienne : sa propre femme !

Elisabeth Quin semble avoir pris beaucoup de plaisir à décrire les errements de Kéké. Une écriture moderne et rapide, réflexion au niveau minimal, futilité omniprésente : ce roman est dans l’air du temps.

Le passage le plus intéressant reste la description de la soirée officielle après la distribution des Césars. La journaliste a retrouvé toute sa verve pour brocarder ce monde superficiel et faux.

« La peau dure », Elisabeth Quin, Grasset, 15 €, roman paru en 2002 (également au Livre de Poche, 5 €)

vendredi 23 juillet 2010

BD - Magouilles au nom du président malade


Larry B. Max, agent spécial de l'IRS, Internal Revenue Service, est un fonctionnaire du fisc américain à mille lieues des contrôleurs des impôts français. Mais parfois, on se dit qu'un Larry B. Max serait certainement très efficace pour démêler l'écheveau Woerth-Bettencourt. Mais ne rêvons pas. La France n'est pas les USA. 

Dans cette 12e aventure, le héros s'attaque pourtant à un ancien président de la République, conservateur et parangon de vertu. Problème, il est en train de mourir du sida, virus contracté du temps de son mandat en entretenant une liaison avec une jeune actrice. Pour sa femme, gardienne du temple, il combat un cancer. Une épouse qui n'hésite pas à faire éliminer toute personne s'approchant de trop près de la vérité. 

Larry va se retrouver au cœur du scandale en apprenant que son père, mort dans un accident d'avion, a en fait été exécuté par ce président malade voulant préserver son secret. 

L'efficacité du scénario de Desberg est magnifiée par des dessins de Vrancken s'appuyant sur une solide documentation photographique.

« IRS » (tome 12), Le Lombard, 10,95 € 

jeudi 22 juillet 2010

BD - "Les enfants de Salamanca", du bon Bec


Salamanca, petite ville forestière perdue dans les montagnes américaines. David vient d'être nommé au poste de garde forestier. Son épouse, Sarah, le suit, abandonnant son travail mais pas ses névroses. Une fois l'ambiance plantée dans le premier tome, Christophe Bec développe l'intrigue de ce thriller aux limites de la folie. Sarah découvre dans sa cave des tunnels, utilisés par un être inquiétant et frustre. 

David, au cœur de la forêt, est attaqué par des êtres, mi hommes mi loups, vivant en horde dans une mine désaffecté. A ces deux intrigues s'ajoute l'étrange attitude des habitants de Salamanca. Il y a des années, ils ont éliminé tous les enfants du village. Depuis l'école est désaffectée. Un thriller fantastique angoissant, où les péripéties s'enchaînent sans temps mort sous la plume réaliste et précise de Stefano Raffaele. 

Christophe Bec multiplie les séries mais Sarah est certainement une des plus abouties avec « Prométhée » aux éditions Soleil.

« Sarah » (tome 2), Dupuis, 13,50 € 

mercredi 21 juillet 2010

BD - La loi des monstres dans la « Caravane »


Dans une masse d'albums de plus en plus uniformes, aux dessins certes talentueux mais un peu trop impersonnels, cette « Caravane » d'Olivier Milhiet sort du lot. Un univers de monstres, un peu à la Freaks, donne une première impression d'originalité. Ensuite, en se penchant sur le dessin, on est frappé par un côté un peu trop appliqué, presque écolier. Mais c'est tout ce qui fait son charme à cette histoire d'honneur qui se termine dans un bain de sang. Dans ce futur improbable, des monstres, humains difformes parfois aux pouvoirs surnaturels redoutables, ne cessent d'apparaître. 

Ils sont mis au ban de la société, rejetés des villes. Ils se regroupent donc dans des caravanes allant de cité en cité, s'exhibant pour gagner de quoi survivre. Des monstres souvent plus humains que les « normaux ». Ils recueillent une fillette, Mila, dont le père vient d'être assassiné. Sa mère va tenter de la récupérer, alors que les membres d'une autre caravane viennent grossir celle de Mila. 

Ce second opus marque la fin de la série. Dommage, cet univers si personnel aurait mérité d'être développé et bonifié.

« Caravane » (tome 2), Delcourt, 12,90 € 

mardi 20 juillet 2010

Fantôme élyséen raconté par Raphaëlle Bacqué

Raphaëlle Bacqué revient sur l'énigme François de Grossouvre, conseiller de François Mitterrand s'étant donné la mort dans son bureau à l'Elysée.


Un coup de feu retentit dans le palais de l'Elysée. Nous sommes le 7 avril 1994, François de Grossouvre est retrouvé mort dans son bureau. Selon toute vraisemblance, cet homme passionné par les armes à feu, ami intime du président Mitterrand dont il est encore un conseiller malgré une disgrâce de plusieurs années, vient de se suicider. Raphaëlle Bacqué, journaliste politique au Monde, a enquêté sur ce personnage ambigu, dernier représentant d'une certaine France. Elle ne remet pas en cause la thèse du suicide. La mort de Grossouvre semblait inéluctable.

Un lieu hautement symbolique

Vieil homme aigri, il avait évoqué ses envies suicidaires avec plusieurs de ses proches. Tout le problème est le lieu. Pourquoi est-il passé à l'acte à l'Elysée ? Un début d'explication est vite avancé parmi proches collaborateurs de François Mitterrand : « Les esprits les plus subtils ont déjà compris. Les Japonais ont un nom pour ces suicides accusateurs où l'on se tue dans un lieu qui désigne le vrai fautif : le seppuku. Avant que le scandale n'éclate, il faut détourner ce doigt que le suicide de Grossouvre paraît avoir pointé vers François Mitterrand. » Celui qui était encore président des chasses présidentielles a donc décidé de partir au plus près de cet homme qu'il admirait tant. Mais ce n'était plus réciproque. Presque une rupture amoureuse. Grossouvre n'a pas supporté ce revirement.

Raphaëlle Bacqué a rencontré des dizaines de personnes pour aller au fond de cette relation. Elle connaissait bien le président Mitterrand, elle a du batailler pour avoir la version du côté de Grossouvre. Ce livre, qui se lit comme un polar doublé d'une relation amicale totale et romantique, met en lumière cet homme qui n'a pas supporté la disgrâce. En fait, François de Grossouvre, sans être du premier cercle, avait un avantage sur les autres conseillers : il était devenu le « ministre de la vie privée » de Mitterrand. Grossouvre est un des premiers à avoir eu connaissance de la liaison de François Mitterrand avec Anne Pingeot. Il habitait l'appartement au-dessus de celui de la maîtresse cachée. Il était même le parrain de Mazarine... Lui-même grand amateur de jolies femmes, il avait une double vie. Dans l'Allier, femme et enfants vivaient calmement dans un château qui servait souvent de base de repli à Mitterrand, sa maîtresse et sa fille. Mais à Paris, Grossouvre vivait depuis une quinzaine d'années avec Nicole, une superbe femme, de 20 ans sa cadette. Une maîtresse qui a disparu dès l'annonce du suicide de l'homme de sa vie.

Des amitiés à droite

François de Grossouvre, riche industriel de province, dès qu'il est tombé sous le charme du candidat François Mitterrand, a financé sans compter sa campagne. Et sa vie privée, achetant une maison pour Anne Pingeot. Une fois élu, François Mitterrand a gardé François de Grossouvre dans son équipe, tout en se méfiant de sa paranoïa et de ses amitiés de droite. Il a cependant été très utile quand la gauche a décidé de toucher sa part du gâteau des anciennes colonies, notamment le Gabon et la Maroc. Grossouvre, simplement par son réseau, a longtemps été un pion essentiel dans la politique étrangère de Mitterrand.

Mais le temps faisant son office, l'ami et conseiller a été de moins en moins écouté. Jusqu'à devenir un traitre quand il a commencé à raconter dans tout Paris la double vie du président et sa maladie. Pourtant, il a gardé son bureau. « Mais c'est bien la façon mitterrandienne. Le président ne rompt pas. Il préfère laisser s'installer l'indifférence. Aux autres d'avoir la force de s'en aller. » François de Grossouvre a choisi sa sortie. Elle fut grandiloquente et pleine de symbole.

« Le dernier mort de Mitterrand », Grasset et Albin Michel, 18 € 

lundi 19 juillet 2010

Edition : des couples à la page

Ecrire est souvent considéré comme une activité profondément individuelle. Il existe pourtant des couples d'écrivains alliant vie et romans en commun.


Partager une passion et un mode de vie. Quand un couple se lance dans l'écriture à deux, c'est souvent pour renforcer des liens déjà très forts. Danièle Gil, corrigeait les romans de son compagnon, Gérard Raynal depuis de nombreuses années. Ce dernier l'a poussée à aller plus loin, à écrire un roman avec lui. Nathalie Hug a déclaré son amour-admiration à Jérôme Camut en lui dédiant un poème. Rapidement, Jérôme Camut a compris que ce double au féminin ne demandait qu'à enrichir son univers romanesque.

Amour, partage, création : les couples écrivains ont un ton unique dans la production romanesque, un accord, une harmonie laissant leurs collègues, foncièrement solitaires, interrogateurs.

La curiosité des lecteurs

Les lecteurs, eux, sont particulièrement intrigués par cette alchimie particulière. « Quand nous sommes en séance de dédicaces, remarque Jérôme Camut, c'est l'interrogation principale de nos lecteurs. » Camut et Hug, une signature qui en quelques années s'est imposée dans la littérature de genre. La trilogie « Les voies de l'ombre » puis « Trois fois plus loin » et « Les yeux d'Harry » en mars dernier : le couple a multiplié les thrillers et romans d'aventures.

La rencontre coup de foudre entre Jérôme Camut et Nathalie Hug a débouché sur la naissance d’un nouvel auteur. « Très rapidement, on a eu envie de vivre et d’écrire ensemble, se souvient Jérôme Camut. Mais Nathalie ne s'en sentait pas l'envergure. Elle n'avait écrit que des nouvelles ou des poèmes. Elle prétendait ne pas avoir d'imagination. Et puis un jour, alors que je bloquais sur un scénario, elle m'a raconté la fin de l'histoire, naturellement. Et c’était très bien pour quelqu’un qui prétendait ne pas avoir d’imagination… »

L’accord entre Jérôme et Nathalie semble aller tout seul. Ils ont pris leurs marques, trouvé un terrain d’entente idéal. « On est arrivé maintenant à ne plus savoir qui écrit quoi » explique Jérôme Camut. Dans la pratique, les règles se sont imposée d’elles-mêmes : « Après avoir travaillé sur l'intrigue et les personnages, un des deux écrit les vingt premières pages. L'autre continue tout en corrigeant. On s'échange les fichiers en permanence. »

Un roman en solitaire pour Nathalie

Un des avantages de travailler à deux : « quand on bloque, une simple discussion règle souvent le problème alors que seul, c'est parfois long. » Le revers de la médaille c'est que l'on « double les tics d'écriture. »

L’entité "Camug" n’a pourtant pas éliminé les deux personnalités qui la composent. Chacun trouve le temps pour mener à bien des projets en solitaire car, selon Jérôme Camut, « la limite c'est l'univers personnel. Nathalie vient d'écrire un roman seule. Elle m'avait proposé de travailler dessus, mais mes idées ne l'emballaient pas. Et moi aussi je vais signer une histoire fantastique en solitaire. Nous avons expliqué à nos éditeurs que 1 + 1 = 3… »


dimanche 18 juillet 2010

BD - Quelques revues pour l'été

Traditionnellement, pour l'été, quelques revues BD proposent des numéros spéciaux. Sans vouloir être exhaustif j'ai repéré chez mon marchand de journaux quelques pépites qu'il serait dommage de manquer.


Il y a d'abord le Pilote spécial cinéma. Un gros pavé avec quelques histoires originales et un minimum de reprises. Cette revue (qui ne paraît qu'une fois l'an (et encore...) n'a plus rien à voir avec l'hebdo des années 60/70 proposant une dizaine de pages d'actualités souvent grinçantes (les débuts de Patrice Leconte, Parras, Gébé...). C'est plus propre, moins sarcastique... bref, dans l'air du temps...

A ne pas à mettre dans toutes les mains, la renaissance de Hara-Kiri, par l'équipe de Charlie Hebdo. Décidemment le départ de Philippe Val vers France Inter a redonné du peps à des auteurs que l'on sentait de plus en plus bridés. On retrouve des fausses publicités, quelques BD et des dessins d'humour démolissant tous les tabous.

L'Echo des Savanes, titre repris par Glénat, est un peu moins sexe, un peu plus BD. Notamment le numéro spécial actuellement en vente offrant l'intégralité de deux albums : l'Ordre de Cicéron (avec Gillon au dessin) et Spoon et White (dont on attend avec impatience le nouvel opus, « Neverland », pastiche de la série Lost). La formule manque d'originalité (un peu de Circus avec un zeste de Vécu...) mais c'est efficace en vacances.

Très copieux également le nouveau Lanfeust. 230 pages, 658 grammes et surtout le retour de quelques séries vedettes dont Lanfeust (les 15 premières pages), Ythaq, Cixi et Marlysa. A ne pas manquer également le début d'une nouvelle série scénarisée par Arleston et dessinée par Didier Cassegrain : « L'heure de la Gargouille ». Cassegrain qui dessine les femmes comme personne. Si vous avez encore un minimum de testostérone dans le corps, mous ne pouvez pas rester insensible à ces créatures rondes et sensuelles. En cadeau dans ce numéro un poster de Mourier présentant des trolls en radeau de la méduse et un plateau du jeu « Prolopoly », version « c'est la crise ! » du célèbre jeu ayant plus fait pour le capitalisme que le couple Woert – Bettencourt...

Picsou Magazine poursuit la réédition des trésors de ce héros. Même si j'avoue ne pas être sensible au travail de Carl Barks ou Don Rosa, il faut admettre que ces récits complets font partie du patrimoine de la BD et que leur exhumation est une œuvre louable.

Star Wars fait toujours vendre. La preuve les éditions Delcourt lancent pour cet été le premier numéro de « Star Wars – The Clone Wars », BD dérivée du dessin animé. Des récits complets type comics avec un emballage sympa pour les jeunes : poster panoramique (ça va faire trop beau dans ma chambre...) et masque d'un guerrier à découper.

Fluide Glacial est également doublement présent dans les magasins actuellement (triplement même si l'on intègre le spécial jeux Bidochon, mais mieux vaut faire l'impasse...). Le numéro classique voit débarquer un nouveau personnage : Jérôme Moucherot. En fait l'assureur de Boucq fait son entrée dans le catalogue Fluide avec une histoire complète de 10 pages qui vous en met plein les yeux. Le Série Or de 100 pages reprend les « grands classiques des albums Fluide Glacial ». L'occasion pour les plus jeunes de se délecteur de la version Gotlibienne d'Alice aux pays des merveilles. 16 pages remplies de folie, de sexe et de clin d'oeils. De jolies filles dénudées aussi. Ça ne gâche rien...


Le Psikopat de Carali propose aussi son numéro spécial d'été. Un spécial de 100 pages, estampillé nouvelle formule, avec l'arrivée de cinq auteurs de feu Siné Hebdo. On apprend sur le blog de Mélaka que ce mensuel, volontairement sans pub, vient de lancer une page Facebook. Un peu de délire sur le réseau social du flicage volontaire ne peut pas faire de mal. Mais attention aux dérives. Les puritains ricains (ça rime) n'aiment pas les tétons, alors vous imaginez, un sexe en érection...



Enfin, le must de la production BD est toujours au rendez-vous du meilleur hebdo de tous les temps : Spirou. Leur numéro spécial été de 100 pages n'est plus en vente, mais ne manquez pas celui de mercredi prochain (21 juillet) avec Maki, le lémurien en couverture. Fabrice Tarrin, le sale garnement de Montpellier, y raconte ses souvenirs d'adolescent parisien. Vol à la Fnac, agression dans le métro, mensonges à la police : ce n'est pas du politiquement correct. Spirou c'est toutes les semaines et on peut y découvrir actuellement le nouveau Spirou et Fantasio de Yoann et Vehlmann, « Alerte aux Zorkons ».

samedi 17 juillet 2010

BD - L'immortalité... immobile de "Corps de pierre"


Contrairement aux idées reçues, les bandes dessinées américaines ne se limitent pas à des histoires de super héros. « Corps de Pierre », pourtant, débute comme un de ces comics de genre. Le héros, un homme banal, va voir son corps se transformer. Devenir différent, avec un pouvoir qui le rend supérieur. Thomas remarque dans un premier temps un doigt engourdi. Il en parle à son ami, avocat, qui le conseille dans son divorce. Puis c'est toute la main qui devient inerte, lourde. Un premier examen médical ne décèle rien d'anormal. Si ce n'est que sa main semble se solidifier, se densifier. Quelques jours plus tard, Thomas comprend : son corps est en train de se transformer en pierre... 

La suite du récit devient plus étonnante. Entre la prise de conscience de cet homme face à un changement qu'il ne peut arrêter, les interventions des savants qui veulent l'utiliser comme cobaye et ses amis qui tentent de l'aider, c'est une véritable course poursuite qui s'engage. Contre l'Etat et le temps. La fin, imaginée par Joe Casey, le scénariste, est très zen, sereine. Charlie Adlard, le dessinateur (célèbre pour sa série « Walking Dead »), a dessiné ce one shot au trait, en noir et blanc, s'autorisant simplement un peu de gris pour assurer les effets de pierre. 

Assez déstabilisante, cette BD aura le mérite de permettre au lecteur de s'interroger sur sa vie, son agitation vaine, ses buts et désirs, à courte et plus longue échéance.

« Corps de pierre », Delcourt, 12,90 € 

vendredi 16 juillet 2010

Thriller - Le terrorisme sensitif par Stona Fitch


"Sens interdits", thriller de Stona Fitch, est la chronique au jour le jour de l'enlèvement d'un citoyen américain. Il sera torturé, "pour servir d'exemple". Cette histoire d'horreur va crescendo dans l'abomination. L'auteur réussit a vous glacer les sangs au fil de la détérioration physique implacable du héros. Une fiction terrifiante écrite avant le 11 septembre 2001.

Tout commence dans les rues de Bruxelles. Eliott Gast, un économiste américain travaillant pour un grand groupe nord-américain sort d'un dîner d'affaires. En rejoignant sa voiture, il est enlevé par des inconnus dissimulés derrière des cagoules. Il se réveille dans un appartement hermétiquement fermé. Une salle de bain, un matelas dans une chambre et des dizaines de caméras au plafond. Il est prisonnier et espionné en permanence. Après quelques jours d'isolement complet, il se trouve enfin face à ses geôliers qui se dissimulent derrière des masques.

Eliott, discret analyste économique, marié et sans histoire, est persuadé dans les premiers jours de captivité que ses ravisseurs se sont trompés de cible. Pourtant c'est bien lui, Américain modèle, qui va devenir un exemple pour ces terroristes d'un nouveau genre, décidés à frapper un grand coup contre la mondialisation. Avec l'aide d'un docteur, Eliott est amputé de sa langue sous les caméras de l'appartement qui retransmettent la scène sur internet.

La magie de l'écriture donne l'opportunité au lecteur de s'imprégner complètement de la personnalité d'Eliott. Au fil des pages, on partage ses espoirs de fuite avec la complicité d'une infirmière compatissante, ses angoisses, ses révoltes et ses souffrances jusqu'au dénouement final. Un thriller particulièrement dur qui prend aux tripes et ne laisse personne indemne une fois la dernière page tournée.

« Sens interdits » de Stona Fitch, Calmann Lévy, 18 euros (paru fin 2002 et également disponible au Livre de Poche)

jeudi 15 juillet 2010

BD - Montréal, Venise futuriste du Québec


Thierry Labrosse a un incroyable coup de crayon. Il dessine les femmes et la jeunesse avec une aisance qui doit déprimer tous les tâcherons de la BD réaliste (et il y en a beaucoup plus qu'on ne croit...). Il s'était fait remarquer en imaginant les courbes affolantes de Moréa, héroïne issue de l'imagination d'Arleston et de Latil. 

Cette fois son héros, Riel, est un jeune homme, un rural ayant décidé de tenter sa ville à la grande ville : Montréal au Québec. Mais Labrosse n'a pas abandonné son genre de prédilection, la SF, et le Québec qu'il décrit est celui du futur. La ville, en grande partie inondée, est en pleine révolution. Des insurgés qui veulent que les nouveaux médicaments soient disponibles pour tous et pas seulement pour une petite élite de millionnaires. 

Riel se retrouve au centre d'émeutes meurtrières, découvrant un monde dur mais également l'amour en la personne de la belle Nève. Une série graphiquement parfaite.

« Ab Irato » (tome 1), Vents d'Ouest, 13 € 

mercredi 14 juillet 2010

BD - Châtiment hollywoodien pour Guy Lefranc


L'avantage d'avoir plusieurs équipes de créateurs sur un seule et même série, en plus de multiplier les nouveautés, c'est d'explorer des mondes parfois à l'opposé les uns des autres. Ainsi, la 20e aventure de Guy Lefranc se déroulait dans le Nord de la France, alors que les mineurs de fond revendiquaient de meilleures conditions de travail. Un album noir et social. 

Quelques mois plus tard, on retrouve Lefranc, cette fois sous la plume de Taymans et Delperdange, pour une aventure très « bling bling » dans le Hollywood de la grande époque. 

Le journaliste, se prétendant pourtant en vacances, va enquêter sur une nouvelle église annonçant qu'un déluge va purifier Hollywood, la cité corrompue et pervertie. Cette intrigue, sur fond de démence sectaire, permet aux auteurs de faire un large tour d'horizon des habitants de cette ville à part, de la rousse nymphomane au producteur mégalomane en passant par l'acteur raté paranoïaque et le parrain de la mafia réalisateur de « snuff movie ». 

Parfois un peu bavarde, cette aventure est cependant une digne continuation de la série créée par Jacques Martin.

« Lefranc » (tome 21), Casterman, 10 € 

mardi 13 juillet 2010

BD - « Seuls » au cœur du Maelström


Ce cinquième tome du premier cycle de « Seuls » apporte son lot de révélations finales. Vous saurez enfin pourquoi ce groupe d'enfants se retrouve seul dans une ville où tous les adultes ont disparu. Une explication qui risque en décevoir certains, mais qui donne surtout l'opportunité au scénariste de poursuivre la série. 

On connait même le titre du prochain album : « La quatrième dimension et demie ». Pour ce final, les enfants vont braver les interdits de la ville déserte. Ils vont franchir les cairns rouges battis par les singes et s'approcher au cœur du Maelström. Dans la zone des anciens abattoirs, inondés, ils vont enfin faire la rencontre avec celui qui va leur ouvrir les yeux. 

Beaucoup de tension dans cet album, en s'approchant de la vérité, les enfants se mettent doublement en danger. Vehlmann distille ses coups de théâtre avec parcimonie donnant l'occasion à Gazzotti, le dessinateur, de multiplier les cases fortes poussant le lecteur à vite tourner la page pour connaître la suite.

« Seuls » (tome 5), Dupuis, 9,95 € 

lundi 12 juillet 2010

BD - Flavia de Luce, drôle de détective

Flavia de Luce, intrépide fillette anglaise, joue aux détectives amateurs dans ce roman policier signé Alan Bradley.


Fillette âgée de 11 ans, Flavia de Luce a un caractère bien trempé. Un peu à l'image d'une Fifi Brindacier que rien n'impressionne, elle n'a pas sa langue dans sa poche et sa formidable intelligence lui permet de se sortir de bien des situations délicates. Pourtant, ce que Flavia va vivre en ce début d'été 1950 est beaucoup plus traumatisant que ses bêtises habituelles. En pleine nuit, elle surprend son père, le très sérieux colonel de Luce, en train de se disputer dans son bureau avec un inconnu, un géant roux. 

Quelques heures plus tard, au petit matin, alors qu'elle se rend au jardin cueillir des herbes pour ses potions, Flavia tombe sur l'inconnu agonisant, visiblement empoisonné. Dans un premier temps, Flavia prend cela comme une aubaine, une expérience grandeur nature totalement inespérée. L'héroïne imaginée par Alan Bradley, un auteur canadien, est très éloignée de la petite fille modèle. En fait, la chimie la passionne. 

Elle l'explique, dans le premières pages du roman, au lecteur incrédule : « Mon travail se fit de plus en plus élaboré à mesure que les mystères de la chimie organique m'étaient révélés, et je me réjouissais de mon nouveau savoir sur ces substances que l'on pouvait si facilement extraire de la nature. Le poison, telle était ma passion absolue. » L'homme vient de mourir sous ses yeux, cela captive Flavia : « J'observai la scène avec fascination, savourant chaque détail : la dernière palpitation des doigts, le changement de couleur presque imperceptible de la peau qui prit une teinte métallique, comme si la mort le recouvrait de son voile... Et, enfin, l'immobilité absolue. »

Timbres rares

Forcément, la découverte de ce cadavre dans le jardin provoque une belle animation dans le village. La police interroge les habitants et rapidement soupçonne le père de Flavia. Le mort serait une de ses anciennes connaissances. C'est quand il est arrêté et conduit en prison que Flavia décide d'intervenir et de démêler cet écheveau compliqué où des timbres rares, la mort d'un professeur des décennies auparavant et la compétition entre jeunes prestidigitateurs jouent des rôles importants. 

On suit les pérégrinations de Flavia, intrépide et imprudente, souvent inconsciente des risques qu'elle prend. Mais il est vrai qu'on se méfie moins d'une fillette en bicyclette que d'un policier en uniforme. Flavia, adorable enfant discrète, devient une peste aux humeurs massacrantes quand elle n'obtient pas ce qu'elle désire. Si Daffy, une de ses sœurs, refuse de lui répondre, son sang ne fait qu'un tour : « Je fulminai : au fond de moi, une marmite bouillonnante remplie d'une potion occulte pouvait rapidement déborder et transformer Flavia-L'Invisible en Flavia-La Terreur. »

Cette première aventure-enquête de Flavia, déjà traduite dans une trentaine de pays, est publiée par deux éditeurs en même temps : chez Lattès pour les adultes ou parents, chez « Msk », la collection jeunesse des Editions du Masque, pour les adolescents.

« Les étranges talents de Flavia de Luce », Alan Bradley, Lattès, 17 € 

dimanche 11 juillet 2010

BD - Clémence, cuisinière en chef des « Rillettes au sucre »


Cette série est toujours aussi délicieuse. « Rillettes au sucre » raconte, simplement, le quotidien d'une famille urbaine qui n'a rien d'exceptionnel. Sauf le père, homme au foyer s'occupant avec un plaisir non dissimulé des repas, du ménage et de toutes les autres tâches ménagères.

Après avoir présenté l'ensemble des personnages dans les deux premiers tomes, Clémence déroule son intrigue dans ce troisième opus. On suit donc les hésitations des enfants, de Sally la libertine indépendante, regrettant de plus en plus de ne pouvoir garder un amant plus de trois jours, de Hans, amoureux de Sonia, une copine vivant un véritable enfer avec sa mère dépressive et alcoolique. Sans oublier Albertine, la plus sage, la plus romantique, désespérément amoureuse de son professeur de musique. A côté de cette belle jeunesse, on suit avec une tendresse toute particulière les anciens. L'arrière grand-mère, un peu sénile, dépendante mais pas encombrante. Le grand-père de son côté décide enfin de sortir de son isolement. Il rencontre une artiste chinoise et reprend des couleurs.

Cette bande dessinée, un peu comme un manga, joue sur les sentiments et le côté feuilletonnesque de la collection. C'est simple, touchant, passionnant. Entre les personnages émouvants, les scènes de tendresse et les coups de théâtre vaudevillesque, Clémence ne laisse pas le temps au lecteur de s'ennuyer. Une belle réussite qui, espérons-le, donnera des idées à certains de ses collègues auteurs.

« Rillettes au sucre » (tome 3), Delcourt collection Shampoing, 8,95 € 

samedi 10 juillet 2010

BD - Enfance et guerre dans la collection terroir de Vents d'Ouest


Petits Bonheurs, nouvelle série de la collection Terroirs de Vents d'Ouest, a des airs de « Sursis » de Gibrat. Mais cette fois, l'histoire imaginée et dessinée par H. Tonton ne se déroule pas en Aveyron mais dans le Lot-et-Garonne. Reste que l'ambiance est la même : campagnarde et résistante en cette année 1944. Dans la petite localité de Penne-d'Agenais, la vie s'écoule presque comme si de rien n'était. 

Les quelques soldats allemands ne mettent pas encore beaucoup de pression sur les civils, la milice magouille et la Résistance s'organise. Chacun doit choisir son camp. Du moins les adultes. Car cette drôle de guerre, le lecteur la vit par l'intermédiaire de Rémi et Mathilde, deux gamins d'une dizaine d'années. Ils courent dans les champs, chapardent des cerises, tentent de débusquer des lapins. Par hasard, il tomberont sur une cache de la Résistance. Des kilos d'explosifs et des armes. Cela va changer leur vie et la relative tranquillité de la région. Bucolique au début, dramatique au final, cette série est prévue en deux tomes.

« Petits bonheurs » (tome 1), Vents d'Ouest, 13,50 € 

vendredi 9 juillet 2010

BD - « Le prétexte » pour partir, mourir...


Pas spécialement sympathique le héros de cette histoire complète. Marc, trentenaire, bossant dans l'informatique, gagne très bien sa vie. Il a fait des choix qu'il assume. Notamment d'être entier et cassant. Cela ne l'empêche pas d'être depuis deux ans en couple avec Karine. Ils envisagent même de se marier. Mais Karine, un soir de déprime, avoue l'avoir trompé. Avec un homme atteint du sida. Sans s'être protégée. 

Cette révélation va totalement transformer Marc. La rage d'abord. Il jette Karine, l'humilie. Puis, conscient qu'il risque lui aussi d'être infecté, il ne veut pas savoir et choisit la fuite. Il retire tout l'argent du compte commun et entreprend un tour du monde. Il commence par New York. Un touriste un peu paumé, qui va trouver une béquille en la personne de Maddie, jeune traductrice. 

Ce récit, très masculin, est pourtant écrit par une femme, Isabelle Bauthian qui semble parfois prendre un réel plaisir à décrire un Marc très beauf et négatif. Sylvain Limousi, au dessin, en fait juste assez pour rendre cette histoire passionnante. On sent qu'il a particulièrement apprécié la partie se déroulant en Chine.

« Le prétexte », Dargaud, 14,50 €

mercredi 7 juillet 2010

BD - Amour virtuel sur le Love Blog de Gally et Obion


C'est l'histoire d'amour entre deux auteurs de BD. Obion rencontre Gally. Ils s'aiment le temps d'un festival. Puis retour à la maison. Lui à Brest, elle à Nice. Pour oublier la distance, ils créent un blog commun, le Love Blog, dans lequel ils vont créer des histoires pour se faire mutuellement fantasmer. Aujourd'hui, Obion et Gally vivent ensemble et les notes du Love Blog paraissent en album. 

Attention, ces récits courts, sont très chauds. Le couple a profité de ce support pour mélanger fantasme et réalité. Ils ne cachent rien de leur sexualité, réelle ou imaginaire. Cela va parfois très loin, mais ce n'est jamais vulgaire. Les scènes explicites raviront les amateurs du genre. Les autres découvriront des pratiques qui pimenteront certainement leurs galipettes estivales...

« Love Blog », Delcourt, 14,95 € 

mardi 6 juillet 2010

BD - Alunÿs voyage dans le monde de Troy


Enrichissant sans cesse le monde de Troy, Arleston multiplie les pistes et les collaboration. Si Lanfeust vous passionne, ne manquez pas « L'expédition d'Alunÿs », histoire complète mettant en vedette ce vénérable sage. En pleine expérimentation de sortilège, il dérape et perd une bonne partie de ses capacités. Pour que tout redevienne à la normale, il doit partir à la recherche du légendaire Krobatridère. 

En compagnie de deux étudiants, l'agaçant Kyslapeth et de la belle et fine psychologue Marikiri, Alunÿs prend la direction des îles de l'archipel Haggatoe. 

On retrouve dans cette saga toute la pâte d'Arleston (jeux de mots compris) qui s'est adjoint l'aide de Mélanyn au scénario et Cartier au dessin. Ce dernier, malgré un style moins réaliste que les autres dessinateurs de Troy, s'en tire parfaitement.

« L'expédition d'Alunÿs », Soleil, 13,50 € 

lundi 5 juillet 2010

BD - Naja flingue


Tueuse professionnelle, Naja est une héroïne à part dans l'univers de Morvan, le scénariste. Naja découvre au fil des épisodes (déjà le 4e d'une série prévue en 5) que Zéro, le chef de son organisation, a lancé les autres tueurs à ses trousses. Toujours dessinée par Bengal, cette série, violente et psychologique, étonne par son graphisme épuré. 

Etonnant également la charge contre les Catalans. Naja doit se rendre à Barcelone. L'occasion pour elle de leur dire ses quatre vérités : « Les Catalans, des gens qui s'enorgueillissent d'avoir refusé le franquisme mais qui ont passé toute la dictature à descendre les ramblas. Comme avant... Ils ressemblent finalement à leur patois. Trop français pour être de l'espagnol, trop espagnol pour être du français. Les Catalans n'ont jamais su vraiment qui ils étaient. C'est pour cela qu'ils préfèrent rester entre eux. » Morvan semble avoir vécu une expérience malheureuse dans la région...

« Naja » (tome 4), Dargaud, 13,50 € 

jeudi 1 juillet 2010

BD - Le voyage des retrouvailles


Au crépuscule de sa vie, un homme tente de retrouver le souvenir des jours heureux en parcourant une nouvelle fois le monde. Mais cette fois, il n'est pas jeune en compagnie de sa future femme, mais vieux et infirme et malade, accompagné de son fils avec qui il avait coupé les ponts depuis des années. Un voyage de retrouvailles qui sera bénéfique pour les deux protagonistes ainsi que pour le lecteur qui, forcément, trouvera dans ces situations des pans de sa propre vie. 

Ecrit par Olivier Jouvray, ce récit de 80 pages est dessiné par Frédérik Salsedo alors que les couleurs sont de son frère, Greg. Un projet qui a vu le jour en raison de l'envie de Jouvray d'utiliser les décors de ses nombreux voyages. On suivra ce couple bancal de la Réunion à la Finlande en passant par les USA, le Maroc et l'Asie du Sud-Est. Un étonnant road-movie familial.

« Nous ne serons jamais des héros », Le Lombard, collection Signé, 15,50 €