lundi 19 juillet 2010

Edition : des couples à la page

Ecrire est souvent considéré comme une activité profondément individuelle. Il existe pourtant des couples d'écrivains alliant vie et romans en commun.


Partager une passion et un mode de vie. Quand un couple se lance dans l'écriture à deux, c'est souvent pour renforcer des liens déjà très forts. Danièle Gil, corrigeait les romans de son compagnon, Gérard Raynal depuis de nombreuses années. Ce dernier l'a poussée à aller plus loin, à écrire un roman avec lui. Nathalie Hug a déclaré son amour-admiration à Jérôme Camut en lui dédiant un poème. Rapidement, Jérôme Camut a compris que ce double au féminin ne demandait qu'à enrichir son univers romanesque.

Amour, partage, création : les couples écrivains ont un ton unique dans la production romanesque, un accord, une harmonie laissant leurs collègues, foncièrement solitaires, interrogateurs.

La curiosité des lecteurs

Les lecteurs, eux, sont particulièrement intrigués par cette alchimie particulière. « Quand nous sommes en séance de dédicaces, remarque Jérôme Camut, c'est l'interrogation principale de nos lecteurs. » Camut et Hug, une signature qui en quelques années s'est imposée dans la littérature de genre. La trilogie « Les voies de l'ombre » puis « Trois fois plus loin » et « Les yeux d'Harry » en mars dernier : le couple a multiplié les thrillers et romans d'aventures.

La rencontre coup de foudre entre Jérôme Camut et Nathalie Hug a débouché sur la naissance d’un nouvel auteur. « Très rapidement, on a eu envie de vivre et d’écrire ensemble, se souvient Jérôme Camut. Mais Nathalie ne s'en sentait pas l'envergure. Elle n'avait écrit que des nouvelles ou des poèmes. Elle prétendait ne pas avoir d'imagination. Et puis un jour, alors que je bloquais sur un scénario, elle m'a raconté la fin de l'histoire, naturellement. Et c’était très bien pour quelqu’un qui prétendait ne pas avoir d’imagination… »

L’accord entre Jérôme et Nathalie semble aller tout seul. Ils ont pris leurs marques, trouvé un terrain d’entente idéal. « On est arrivé maintenant à ne plus savoir qui écrit quoi » explique Jérôme Camut. Dans la pratique, les règles se sont imposée d’elles-mêmes : « Après avoir travaillé sur l'intrigue et les personnages, un des deux écrit les vingt premières pages. L'autre continue tout en corrigeant. On s'échange les fichiers en permanence. »

Un roman en solitaire pour Nathalie

Un des avantages de travailler à deux : « quand on bloque, une simple discussion règle souvent le problème alors que seul, c'est parfois long. » Le revers de la médaille c'est que l'on « double les tics d'écriture. »

L’entité "Camug" n’a pourtant pas éliminé les deux personnalités qui la composent. Chacun trouve le temps pour mener à bien des projets en solitaire car, selon Jérôme Camut, « la limite c'est l'univers personnel. Nathalie vient d'écrire un roman seule. Elle m'avait proposé de travailler dessus, mais mes idées ne l'emballaient pas. Et moi aussi je vais signer une histoire fantastique en solitaire. Nous avons expliqué à nos éditeurs que 1 + 1 = 3… »



« Partager ce plaisir de la création »

L’expérience d’écrire en couple a été plus compliquée pour Gérard Raynal. L’auteur catalan a déjà une dizaine de romans à son actif, tous chez TDO éditions. Une vie entièrement consacrée à l’écriture, l’édition. Gérard Raynal le reconnaît, « c'est moi qui l'ai sollicitée. Je sais qu'elle a une bonne plume et je voulais partager quelque chose. » Danièle Gil a longtemps été dans l’ombre de Gérard Raynal, fidèle correctrice de ses romans. « L'idée du roman "L’envers du désir" c'est la mienne. Elle y a apporté sa plume car elle a un style beaucoup plus imagé et mouvementé que le mien. Cela n'a pas été facile car elle a barré pas mal de choses, moi aussi. On s'est souvent disputé. Mais finalement on a trouvé un compromis et cela donne un roman rapide et minimaliste. »

Aujourd’hui, Danièle et Gérard ont fait le bilan et la conclusion est claire : « On ne recommencera pas l'expérience. Pas pour des raisons de cohabitation mais pour des raisons de styles. On a des écritures complètement différentes. C'est une puriste de la langue française. J'espère qu’un jour, elle écrira toute seule. Je ne serai alors « que » son correcteur. » Et Gérard Raynal d’expliquer : « les auteurs, nous sommes de gros égoïstes. Mon monde m'est propre, ce n'est pas négociable et pas partageable. » Reste que « au final, c'est une expérience positive, qui n'a pas eu de conséquences négatives sur notre vie. En fait je voulais qu'elle partage ce plaisir de la création. »

Epanouissement d’un côté, difficulté de l’autre, écrire à deux peut être valorisant mais aussi déstabilisant. Peut-être que cette démarche est liée à une volonté de conforter et de tester les limites d’une vie commune. 

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