dimanche 21 novembre 2010

BD - Chosp : petit et vilain dans un monde "parfait"


Alessandro Barbucci, en quelques années, est devenu un des dessinateurs les plus lus du monde entier. Pourtant il a débuté au bas de l'échelle. Pour les éditions Disney, durant 10 ans en Italie, il a peaufiné son trait rond et souple en produisant des centaines de planches. Il a décollé en créant, avec Barbara Canepa, WITCH, des histoires de sorcières plus spécialement destinées aux adolescentes. 

Ensuite il a conquis les adultes avec Skydoll tout en creusant la filière fantastique avec Monster Allergy. 

Aujourd'hui Barbucci lance une nouvelle série et ses nombreux fans ne devraient pas être déçus en découvrant les 128 pages constituant les premières aventures de Chosp. Dans Tee-Ville, tout est luxe, glamour et beauté. La femme du gouverneur, la très belle Stella Star, a pourtant un secret, un enfant caché peu présentable, Chosp, car il a des cornes, une queue et des dents acérées. 

Chosp a l'insouciance de sa jeunesse et, en compagnie de son amie Melany, il va tenter de découvrir qui sont ses véritables parents.

"Chosp" (tome 1), Soleil, 12,90 € 

samedi 20 novembre 2010

BD - Thorgal : ce n'est presque plus de la bande dessinée !

Si dans votre jeunesse vous avez adoré Thorgal, vous risquez d'être un peu déçu par les nouvelles aventures du fier viking écrites par Yves Sente (spécialiste des reprises qui rapportent un max...). Côté dessin aussi vous aurez des difficultés. Sachez-le : Rosinski n'est plus un dessinateur de BD. Il est peintre à part entière qui, accessoirement, transforme ses toiles en planches de BD, masquant certaines parties du décor par les dialogues de l'intrique. 

Donc on regrette avant tout le format trop petit de l'album pour mettre correctement en valeur ses œuvres. Un format deux fois plus grand semble le minimum pour apprécier la richesse de ses compositions. 

Ce 32e tome des aventures de Thorgal est une nouvelle fois centré sur Jolan. Il se rend au royaume des Dieux pour y dérober une pomme d'éternité. Il devra affronter une armée de géants, heureusement aidé par une multitude de petits guerriers en chiffons. Thorgal, de son côté, erre de port en port à la recherche de son fils. 

Une BD en baisse mais qui reste quand même incontournable.

"Thorgal" (tome 32), Le Lombard, 11,95 € 

vendredi 19 novembre 2010

BD - Largo Winch court toujours


Il est partout ! Largo Winch lance une vaste offensive promotionnelle pour devenir le nouveau James Bond des temps modernes. Roman, film, DVD et bien évidemment album de BD, à l'origine de tout. Jean Van Hamme, le scénariste, ne semble pas décidé à lâcher ce héros évoluant dans le monde de la finance et des grandes entreprises, un milieu qu'il décortique avec un malin plaisir. 

« Mer noire », 17e titre de la saga, voit le richissime héritier du groupe W pourchassé par le FBI, suspecté de trafic d'armes et de terrorisme international. Une machination comme Van Hamme aime imaginer, où le héros, toujours au bord de la déconfiture, parvient quand même à se maintenir à flot et à déjouer les tours les plus machiavéliques. Cette série est à son sommet, histoire prenante et dessin de plus en plus abouti. 

Philippe Francq est parvenu de se débarrasser d'un style assez impersonnel pour imposer sa pâte toute cinématographique. Ses second rôles y gagnent beaucoup, surtout quand ils commencent à ressembler à des personnages dessinés par Hermann.

"Largo Winch" (tome 17), Dupuis, 11,50 € 

jeudi 18 novembre 2010

BD - Un Lucky Luke très politique


Espionnage, fichage, chantage : la nouvelle aventure de Lucky Luke a un air étrangement d'actualité. Le cowboy imaginé par Morris et repris graphiquement par Achdé affronte dans cet album le redoutable Pinkerton. Le célèbre détective privé semble pourtant lui aussi du bon côté de la Justice. 

Il démarre très fort en capturant les Dalton et en démantelant un gang de faux-monnayeurs. Mais ce n'est que façade. Pinkerton n'a qu'une ambition : devenir l'homme de confiance du président Lincoln. A la clé, les juteux contrats de sécurité que l'Etat ne manquera pas de lui commander... Toute ressemblance avec une actualité récente, tant en France qu'aux Etats-Unis n'est pas un hasard. 

Cette aventure de Lucky Luke est scénarisée par un duo d'auteurs n'ayant pas peur de dénoncer. Tonino Benacquista s'est associé à Daniel Pennac pour signer cette histoire qui fait référence aux grandes trouvailles de Goscinny. Une très bonne surprise après les titres en demi-teinte de Laurent Gerra.

"Lucky Luke" (tome 4), Lucky Comics, 9,95 € 

mercredi 17 novembre 2010

BD - Magasin général change de propriétaire

Depuis six ans c'est devenu une très bonne habitude. Loisel et Tripp nous entraînent dans un voyage au Québec. Magasin général était un peu un ovni lors de sa première apparition. Deux dessinateurs renommés fusionnaient leurs talents pour raconter les aventures des habitants de Notre-Dame-des-Lacs, un hameau perdu dans le nord canadien. Six tomes plus tard, force est de reconnaître que « Magasin général » est une valeur sûre, un feuilleton qui rencontre un important public de plus en plus demandeur. 

Marie est toujours à Montréal, la grande ville. La propriétaire du Magasin général manque aux habitants (surtout les hommes). C'est Serge qui va tenter d'assurer la relève. Mais s'il est parfait aux fourneaux, il est moins crédible en commerçant. 

Un peu plus sombre, cet épisode est cependant tout aussi prenant, l'accent et les expressions québécoises donnant toujours un air primesautier à cette bande dessinée détruisant définitivement la réputation de Loisel d'être un dessinateur « lent et peu productif ».

"Magasin général" (tome 6), Casterman, 14,95 € 

mardi 16 novembre 2010

BD - Hybrides contre Stryges

« Pouvoirs », 13e titre de la série « Le chant des Stryges » et premier de la troisième saison, est le 200e scénario publié de Corbeyran. Il en profite pour remercier tous ceux qui l'ont aidé, soutenu ou inspiré. Une longue liste où l'on retrouve notamment tous les dessinateurs qui ont travaillé sur les créations de ce scénariste abonné aux succès. 

Richard Guérineau est bien évidement dans la liste. Il dessine depuis le début cette histoire de créatures vivant cachées depuis des millénaires. Des Stryges qui sortent de plus en plus de leurs cachettes. Ils sont pourchassés par une organisation puissante. Ce sont les Hybrides, humains ayant bénéficié de certains de leurs pouvoirs. Cette nouvelle guerre sera au centre de ce troisième cycle, palpitant dès les premières pages. 

On retrouve les personnages principaux, Kevin et Debrah entre autres et quelques nouveaux comme Austin Carson, un méchant appelé à jouer un rôle crucial dans la suite des événements.

« Le chant des Stryges » (tome 13), Delcourt, 13,50 € 

lundi 15 novembre 2010

BD - Bureaucratie soviétique mortelle

Dictature et bureaucratie ne riment pas avec efficacité. Notamment en matière de santé. Staline en a fait les frais. Le 28 février 1958, le dirigeant soviétique est victime d'une attaque cérébrale. Muré dans son isolement de maître tout puissant, il n'est découvert inanimé qu'au petit matin. 

Les membres du comité central se rendent dans sa datcha et décident de se réunir pour savoir qui va appeler les médecins. Puis quels médecins. Ce sont des heures de perdues qui ont prolongé l'agonie. Il ne sera déclaré mort que trois jours plus tard. Ce pan de l'histoire contemporaine est raconté dans le détail par Fabien Nury qui s'est beaucoup documenté pour se rapprocher au plus près de la réalité. Il se permet cependant, en début d'ouvrage, de trouver une explication au déclenchement de l'attaque. 

Un prélude musical montrant déjà la terreur qui régnait dans ce pays dès que le nom de Staline était cité. 

Dessiné par Thierry Robin, cet album aux teintes sombres et rougeoyantes, se lit comme un roman de Kafka : absurde et cruel.

« La mort de Staline » (tome 1), Dargaud, 13,50 € 

dimanche 14 novembre 2010

BD - Redécouvrir la vie de Milady, espionne complexe


Agnès Maupré, dessinatrice de bande dessinée, en lisant « Les trois mousquetaires » d'Alexandre Dumas, découvrait un roman complexe, bien loin de l'image de simple aventure de cape et d'épée. « La vie tragique de Milady m'a particulièrement captivée » explique-t-elle. L'espionne du méchant cardinal va l'obséder au point qu'elle prend vie sur des carnet de croquis puis devient le personnage principal du premier tome de cette nouvelle série. 

Milady, femme bafouée, tente de refaire sa vie en Angleterre. Elle y deviendra Mme de Winter. Rapidement veuve, par sa faute, elle paiera son erreur en devant élever un enfant qu'elle ne désirait pas. Finalement, le cardinal de Richelieu la sortira de son exil pour la transformer en redoutable espionne. Elle croisera D'Artagnan qui, tout en étant son ennemi, succombera à ses charmes. 

Un portrait de femme tout en nuances par une auteure complète, Agnès Maupré avouant son admiration pour Johann Sfar. Son dessin, esquissé, aérien, donne encore plus de force à cette femme forte en apparence, fragile intérieurement.

« Milady de Winter » (tome 1), Ankama éditions, 14,90 € 

samedi 13 novembre 2010

Classique - Alice aux Pays des merveilles

Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll fait partie des chefs-d'œuvre de l'imaginaire. Une histoire devenue universelle qui a nourri l'imagination de centaines d'artistes. 

Après les visions modernes de Tim Burton au cinéma, les éditions Omnibus rééditent la version illustrée par Arthur Rackham. Cet artiste anglais, mort en 1939, était un célèbre illustrateurs de livres pour enfants. Ses gravures et planches en couleurs permettent au lecteur de retrouver l'ambiance d'origine du récit de la jeune Alice passée de l'autre côté du miroir. 

Les dessins de Rackham que l'on retrouve dans « Le Noël de Monsieur Scrooge », un conte de Charles Dickens. (Omnibus, 17 € chaque volume) 

vendredi 12 novembre 2010

Roman jeunesse - Le royaume de Ga'Hoole


Pour accompagner la sortie du film, Pocket Jeunesse sort en un volume grand format les trois premières aventures des Gardiens de Ga'Hoole écrit par Kathryn Lasky. Une fantastique allégorie du Bien contre le Mal au royaume des hiboux et des chouettes. Entre la jeune chouette Soren et son frère Kludd, ce n'est pas le grand amour. Leur rivalité tourne au drame la nuit où Soren tombe du nid et se fait kidnapper. Enfermé dans un orphelinat, il désespère de retrouver un jour la liberté. Mais sa rencontre avec d'autres oisillons courageux va tout changer. Convaincus qu'une grave menace pèse sur les royaumes des chouettes, ils décident de s'évader et de partir en quête des légendaires Gardiens de Ga'Hoole, ces justiciers au coeur noble qui ont bercé leur enfance...

Si le film en 3D de Zack Snyder vous a plu, vous pourrez retrouver ce monde poétique dans les romans originaux. A l'inverse, après avoir lu ces histoires de volatiles, n'hésitez pas à aller voir le film, fidèle au récit original et particulièrement réussi au niveau des effets spéciaux. (Pocket Jeunesse, 16 €) 

jeudi 11 novembre 2010

Thriller - Maxime Chattam et le Mal dans "Léviatemps"

Maxime Chattam lance son héros, un écrivain, aux trousses d'un tueur. Pas pour faire justice, mais pour contempler et comprendre le Mal en action.


Quand on ouvre un thriller de Maxime Chattam, on n'est sûr que de deux choses : on ne sait jamais où l'auteur va nous entraîner, mais ce sera passionnant. « Léviatemps » n'échappe pas à la règle même s'il s'aventure sur des chemins moins habituels pour lui. Pour une fois il ne plante pas son intrigue dans notre époque contemporaine mais dans le Paris de 1900, en pleine exposition universelle. Cela donne une impression de roman feuilleton à la Eugène Sue, avec des considérations psychologiques poussées en prime.

Le héros, Guy de Timée, est écrivain. Il a rencontré le succès, s'est bien marié et a une petite fille. Mais un jour, en panne d'inspiration, torturé par une existence rangée et bourgeoise qu'il vit de plus en plus mal, il décide de tout abandonner. Il quitte le foyer, change d'identité et repart à zéro. Son ambition est d'écrire des romans policiers, comme Conan Doyle. Il va chercher l'inspiration dans les bas-fonds, fréquentant notamment les prostituées. Client régulier d'une maison close, le Boudoir de soi, il s'y installe à demeure dans les combles, devenant l'homme à tout faire et le confident des pensionnaires.

Vidée de son sang

Une nuit, il est réveillé en sursaut par les cris de Faustine. Elle vient de découvrir sa collègue et meilleure amie, Milaine, morte dans la rue, devant le Boudoir. Lèvres retroussées, yeux révulsés, sa mort semble avoir été horrible : « Elle transpirait du sang. Par tous les pores de la peau, elle avait exsudé son précieux liquide comme si elle avait été plongée dans un bain de vapeur acide. » La police, en arrivant sur le lieux de ce qui semble bien être un meurtre, ne semble pas très motivée. Une enquête bâclée et classée avant même d'avoir débuté. Faustine et Guy sont persuadés, eux, que ce crime est l'œuvre d'un redoutable tueur et ils apprennent, par une indiscrétion de la police, que Milaine n'est pas la première. Faustine, pour venger son amie, Guy pour comprendre la mentalité du tueur, vont se lancer à ses trousses, aidé par un jeune policier qui fut l'amant de Milaine.

Le Mal personnifié

Cette enquête policière en temps réel va donner de la matière littéraire à Guy. Pour lui c'est une aubaine. Traquer le tueur c'est la meilleure étude de personnage possible, « Guy voulait contempler l'esprit du monstre. Il voulait plonger dans l'âme du Mal. » Et d'expliquer, enthousiaste, à ses deux camarades d'enquête « nous avons une opportunité d'approcher la nature criminelle dans ce qu'elle a de plus pur ! Nous pourrions contempler l'essence même du crime ! Car c'est ce qu'est cet homme, la répétition de ses actes abominables nous le prouve ! Le cerner, c'est un peu comme d'étudier Caïn en personne ! C'est toucher du doigt l'origine du crime ! »

Ce roman donne l'occasion à Maxime Chattam de promener le lecteur dans les différents lieux qui font l'originalité du Paris du début du XXe siècle, des Halles à la morgue en passant par l'exposition universelle et ses « sauvages » en exhibition ou le Cénacle des Séraphins, un club ésotérique. Un voyage dans le temps et la folie. Celle des hommes toujours avides de sensations fortes, au point d'en perdre la raison.

« Léviatemps », Maxime Chattam, Albin Michel, 22 € 

mercredi 10 novembre 2010

BD - Complot et uchronie pour Nico, nouvelle héroïne de Duval et Berthet


Philippe Berthet est abonné aux héroïnes aussi belles que dangereuses. Il a délaissé les aventures de Poison Ivy pour lancer Nico dans le grand bain de la BD de série B. C'est d'ailleurs Fred Duval, un des piliers de la collection chez Delcourt, qui signe les scénarios. L'action se déroule au début des années 60. Un passé légèrement différent, Kennedy est bien président, mais Staline est toujours vivant et Fidel Castro un simple espion du KGB. 

Il croisera la route de Nico, espionne de la CIA qui devra déjouer un complot fomenté par Ike Eisenhower, ancien général américain désirant déclencher le feu atomique. Cette BD pleine de trouvailles et de clins d'œil est divertissante, avec suspense, rebondissements et coup de théâtre final.

 Sans oublier un soupçon d'érotisme, Nico n'hésitant pas à dévoiler sa plastique parfaite.

« Nico » (tome 2), Dargaud, 13,50 € 

mardi 9 novembre 2010

BD - Ethan Fargo, looser désespéré face aux horreurs d'un snuff-movie


Ethan Fargo n'a rien du héros fier et sans reproche. Il broie du noir depuis la mort de sa femme et de ses enfants. Presque alcoolique, il martyrise des balles de golf au bord de l'océan et tente d'oublier son malheur en regardant des comédies musicales. 

Mais un soir, à la place de « La mélodie du bonheur », il visionne sur sa télé un snuff-movie, ces réalisations clandestines qui mettent en scène la mort d'une victime innocente. Ethan va alors être entraîné dans une histoire de vengeance dans une république bananière, une mission suicide idéale pour calmer son envie d'autodestruction. 

Ce thriller sombre et désabusé écrit par Philippe Nihoul est mis en images par Xavier Lemmens, au trait aussi coupant que les machettes du bourreau officiant dans le snuff.

« Snuff » (tome 1), Delcourt, 13,50 € 

lundi 8 novembre 2010

BD - Les amours insolentes de couples en symbiose

Un homme, une femme. C'est tout simple et pourtant cela fait marcher le monde depuis des millénaires. Tonino Benacquista a imaginé « 17 variations sur le couple » illustrées par Loustal. 

Ce ne sont pas véritablement des bandes dessinées, Loustal illustrant chaque histoire (en texte off) d'une douzaine de dessins. Un macho, une aveugle, des libertins, un motard, une archéologue, une barmaid, un sexologue... Tous ces portraits sont touchants, vrais. Leurs histoires peu banales, mais plausibles. 

La palme à celle du jeune braqueur, remis sur le droit chemin par sa femme qui lui fait croire, durant toute son incarcération, qu'elle a eu un enfant de lui. Chaque dessin de Loustal, il y en a plus de 200, pourrait se transformer en tableau dans un salon décoré avec goût.

« Les amours insolentes », Casterman, 20 € 

samedi 6 novembre 2010

BD - Bobo de Deliège, prisonnier du temps


Les éditions Dupuis poursuivent leur politique de réédition des meilleures séries des années 60 à 90. A côté des classiques (Johan et Pirlouit, Natacha, Tif et Tondu...) certaines BD ont le mérite de mettre en lumière des héros et des auteurs qui n'ont jamais connu le succès malgré des atouts indéniables. Et pour la première fois, M. Archive a puisé dans le vivier des mini-récits. 

Bobo, créé par Rosy et dessiné par Deliège, est un modèle de longévité. Il a commencé ses premières tentatives d'évasion début 60 pour ne finalement raccrocher sa pelle (et sa pierre) à la fin des années 90. Ce gros recueil cartonné petit format reprend les 10 premiers mini-récits de Bobo parus au centre de Spirou entre 1961 et 1962. En noir et blanc, simple en raison du format réduit, ce sont des condensés d'absurde.


Bobo, à l'époque, n'est pas simplement sympathique. Cela semble un véritable truand qui n'a qu'une obsession, se faire la belle. Des évasions qui tourneront toujours court, en raison de circonstances toutes plus farfelues les unes que les autres. C'est un vrai plaisir de redécouvrir ce personnage. Paul Deliège, le dessinateur, a signé plus de 80 mini récits avant de pouvoir lui permettre d'évoluer dans les véritables pages de Spirou. Gags, récits complets, histoires à suivre : Bobo aura tout testé... sauf la liberté.

Remettre les mini récits au goût du jour est une spécialité du site Bdoubliées qui commercialise certaines pépites sous forme numérique et même parfois en papier. Il ne reste plus qu'aux éditions Dupuis à ressortir en intégrale ce qui aura été la plus belle création de Deliège, les Krostons, modèles de méchanceté dans une BD franco-belge un peu trop gentille à l'époque.

« Bobo, 10 mini récits », Dupuis, 19 € 

vendredi 5 novembre 2010

BD - L'apprentissage de Desberg sur Tif et Tondu


La réédition de l'intégrale des aventures de Tif et Tondu, en plus de nous faire redécouvrir l'élégance du trait de Will, donne l'occasion au lecteur plus jeune de lire les premiers scénarios de Desberg. Avant d'être l'auteur à succès du Scorpion ou de IRS, Desberg a été à bonne école. 

Quelques récits complets dans Spirou et il est remarqué par Maurice Tillieux qui désire passer la main sur sa série vedette. Ce 8e recueil de l'intégrale reprend trois aventures parues au milieu des années 70. « Aventure Birmane » est signée de Tillieux seul mais les deux suivantes, « Le gouffre interdit » et « Les passe-montagnes » marquent une écriture à deux. 

Dès les premières pages, Desberg impose sa marque. Il ajoute une dose de suspense supplémentaire et n'hésitera pas à introduire un peu de fantastique plus tard. Certes, les histoires ont pris un petit coup de vieux, mais cela se laisse lire et les régulières apparitions de belles blondes filiformes dessinées par Will suffisent à elles seules à sauver ces récits du passé.

« Tif et Tondu, l'intégrale » (tome 8), Dupuis, 19 € 

jeudi 4 novembre 2010

BD - Cubitus, un chien universel


Il est des reprises compliquées. Un héros de bande dessinée, avant d'être universel, est la propriété de son créateur, sa chose. On y retrouve beaucoup de sa mentalité, de sa conception de la vie. Cubitus en est l'exemple type. Rares étaient ceux qui pensaient que ce gros chien au caractère bien trempé pouvait se passer de Dupa. 

Pourtant il est toujours là et force est de constater que Rodrigue (dessin) et Aucaigne (scénario) ont réussi à faire le lien. Cubitus, son maître Sémaphore et son ennemi le chat Sénéchal forment toujours ce triangle désopilant où chacun, à tour de rôle, ridiculise l'autre et rit de leurs déboires. Une série moins animalière qu'il n'y paraît car le chat, comme le chien, ont parfois des attitudes et des réactions plus humaines que les tristes bipèdes errant dans ces gags. 

C'est déjà le 6e recueil des « nouvelles aventures » et l'album se termine par une histoire complète parodiant King Kong, comme savait si bien le faire Dupa dont le talent n'aura jamais été reconnu à sa juste valeur.

« Les nouvelles aventures de Cubitus » (tome 6), Le Lombard, 9,95 € 

mercredi 3 novembre 2010

BD - Disney et Carl Barks sous couverture cartonnée


Les personnages imaginés par Walt Disney (Mickey, Donald, Picsou...) ont bercé des générations de jeunes lecteurs dans les pages des revues portant leurs noms. Mais paradoxalement, ces héros très populaires n'ont que très rarement bénéficié de reprises en albums cartonnés. Une injustice réparée grâce à l'association entre Glénat et Disney Hachette Presse proposant en ce mois d'octobre cinq premiers titres. 

Tout d'abord un florilège d'histoires par thèmes. Vous pourrez découvrir dans cette première fournée Donald en cowboy ou pirate, Mickey en magicien ou artiste de music-hall. L'autre titre, plus luxueux, reprend les plus belles histoires de Noël signées Carl Barks. Cet auteur américain est devenu en quelques années le plus grand spécialiste de Donald et de tout son petit monde. Sous sa plume, les aventures du canard prennent une tournure particulièrement poétique et bon enfant. 

Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, le premier tome de l'intégrale Carl Barks est annoncée pour ce début novembre...

« Mes plus belles histoires de Noël », 12,50 €, « Histoires de... pirates, cowboys, magiciens, spectacles », 7,30 € chaque volume 

mardi 2 novembre 2010

Roman - Passionnants Templiers sous la plume de Raymond Khoury

La suite très attendue du « Dernier des templiers » permet à Raymond Khoury de prolonger les aventures du couple Reilly - Chaykin.


Raymond Khoury, scénariste confirmé pour la télévision anglaise, a décroché le jackpot en écrivant son troisième roman surfant sur la mode « thriller et controverse sur l'origine du christianisme ». Sa force, utiliser certains pans de l'histoire des Templiers pour donner encore plus de mystère à son récit. « Le dernier des Templiers » s'est vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires partout dans le monde. Les nombreux fans attendaient une suite, d'autant que les deux personnages principaux, Sean Reilly et Tess Chaykin, à l'issue d'aventures mouvementées, semblaient vouloir filer le parfait amour.

En cette rentrée 2010, « La malédiction des templiers » reprend la recette du premier tome. Sans être à proprement parler une suite, ce thriller fait régulièrement référence aux événements du précédent roman. Le récit se déroule également sur deux plans : en 1203 durant la croisade et de nos jours.

Course poursuite dans Rome

Constantinople, 1203. Tandis que les croisés s'apprêtent à assiéger la ville, un groupe de Templiers s'infiltre dans la bibliothèque impériale afin d'y dérober des documents secrets qui ne doivent en aucun cas arriver entre les mains du Pape. Les hommes parviennent à voler trois coffres recelant de dangereux secrets. Mais ils ne vivront pas assez longtemps pour les découvrir.

Le Vatican, de nos jours. Sean Reilly, agent du FBI, a le privilège de pouvoir consulter les archives secrètes de l'Inquisition conservées au Vatican, auxquelles seule la garde rapprochée du pape a accès. Mais il ne va pas tarder à violer la confiance du Saint-Siège. En effet, Tess Chaykin, la femme qu'il aime, a été enlevée par un terroriste, et la clé de sa liberté se trouve dans l'un des documents archivés : le Fondo Templari, une histoire secrète des Templiers...

La partie contemporaine du roman s'ouvre sur une série de scènes d'action que ne renieraient pas les producteurs hollywoodiens. A la différence que Raymond Khoury peut se permettre d'utiliser des décors que même les plus riches cinéastes ne pourraient se payer : la bibliothèque du Vatican, le musée des véhicules du pape et même une « papamobile », vedette d'une course poursuite dans les rues de Rome... Du grand spectacle que cet ancien scénariste maîtrise parfaitement.

Alternant entre l'époque tumultueuse des croisades et notre monde actuel, ce thriller historique mené tambour battant plonge une nouvelle fois le lecteur au cœur de l'univers fascinant des Templiers. A recommander à tous les férus d'histoire des religions et amateurs de thrillers palpitants.

« La malédiction des templiers », Raymond Khoury, Presses de la Cité, 22 €

Il existe également une adaptation en bande dessinée chez Dargaud du « Dernier templier ». Miguel Lalor a déjà dessiné deux volumes et le troisième devrait paraître en début d'année prochaine) 

lundi 1 novembre 2010

BD - Naufragés d'anticipation


Alejandro Jodorowsky n'a pas terminé son exploration de l'espace infini et des méandres de l'âme humaine. Le créateur de l'Incal et des Méta-Barons se lance dans une nouvelle série en quatre tomes, librement inspirée du roman de Jules Verne, « Deux ans de vacances ». 

Sur la planète militaire Okkar, placée sous la dictature d'un nain caractériel et colérique (sic), le vaisseau militaire école Sloughi décolle avec à son bord les fils et filles de l'élite dirigeante. Ils sont prétentieux et arrogants. Rapidement ils se disputent le pilotage de l'astronef et finalement s'échouent sur une planète déserte. Ils devront y apprendre à vivre ensemble. Les « fils de » ont beaucoup de chemin à parcourir. 

Dessinée par Janjetov, cette histoire d'adolescents caractériels se déroule dans des décors magnifiques, d'un océan déchaîné à des forêts immenses en passant par des ruines industrielles.

« Ogregod » (tome 1), Delcourt, 13,95 € 

dimanche 31 octobre 2010

BD - Les Léturgie signent une parodie de Lost avec Spoon et White


Spoon et White sont les deux flics américains les plus calamiteux de la création. Imaginés par Yann, animés par Jean Léturgie et dessinés par son fils, Simon, ils se retrouvent naufragés sur une île déserte en compagnie de quelques rescapés. 

Cette parodie hilarante de Lost, la série télé, manque un peu de piquant mais offre son lot de gags et de personnages délirants. En premier lieu les deux Belges rescapés de l'avion, un sosie de Benoit Poelvoorde ne parlant qu'en patois wallon et un écolo radical, obtus au point de se faire bouffer par un ours polaire pour sauver l'espèce... 

Simon Léturgie profite également du climat tropical pour dévêtir ses héroïnes. La belle et ambitieuse Courtney Balconi notamment qui a cependant de la concurrence avec Sardine, une rousse à forte poitrine tentant désespérément à percer dans le cinéma hollywoodien. 

Cette série comique très caustique fait du bien aux zygomatiques dans cette époque où le politiquement correct semble érigé en dogme absolu.

« Spoon & White » (tome 8), Vents d'Ouest, 9,95 € 

samedi 30 octobre 2010

BD - Le dernier Jojo d'André Geerts


André Geerts est décédé l'été dernier. Il avait à peine 50 ans. Dans sa tête, et ses œuvres, il avait toujours l'âge de son héros Jojo, soit un peu moins de 10 ans. Geerts n'a pas réussi à terminer le 18e album de ce gamin craquant. Les deux dernières planches ont été finalisées par ses amis. 

La mamy de Jojo ne va pas bien. Triste, comme absente, elle ne semble plus avoir le même entrain que d'habitude. Jojo s'inquiète et la pousse à aller chez un médecin. Dans la salle d'attente, il découpe un bulletin de participation à un concours. A la surprise générale, il gagne le premier prix : une croisière en Méditerranée. Il s'embarque, en compagnie de Mamy, qui n'a toujours pas le moral, et son copain Gros Louis. L'air du large et les rencontres fortuites vont permettre au trio de retrouver un peu de joie de vivre. 

Cette ultime aventure sur la déprime de la vieillesse est scénarisée par Sergio Salma. On retrouve toute la poésie du monde de Jojo, imposé au fil des années par Geerts, un poète que risque de cruellement manquer au monde de la BD.

« Jojo » (tome 18), Dupuis, 9,95 € 

vendredi 29 octobre 2010

Polar - Manipulations transalpines

Pourquoi un tueur à gages a-t-il assassiné trois personnes dans les thermes de Saturnia en Italie ? Serge Quadruppani décortique ce scandale d'Etat dans un polar très politique.


L'Italie, depuis quelques années, traîne une image de pays à la dérive où corruption et magouilles politiques gangrènent l'Etat. Pourtant, ce pays rayonne toujours par sa culture et sa création artistique. Exemple avec sa littérature, notamment dans le domaine du polar. Andrea Camilleri est devenu un auteur très lu en France. L'auteur sicilien doit beaucoup à son traducteur, Serge Quadruppani qui lui aussi est un romancier de talent. On retrouve donc un peu de cette touche italienne dans son dernier roman, « Saturne ».

La première partie est une galerie de personnages. Ceux, qui pour une raison ou une autre, ont décidé de passer un week-end dans les thermes de Saturnia, coquette station en bord de mer. Il y a Frédérique, jeune et belle Française qui rejoint son amant italien, Roberto. Elle a laissé à Paris son mari, un artiste d'avant-garde. Puis la famille de Domenico Gardonni, il est cameraman de la Rai. En compagnie de sa femme et de ses deux enfants, il voudrait passer deux jours loin de ses soucis. Essentiellement un cancer qui le condamne à brève échéance. Giovanna est rentière. Elle roule vers Saturnia avec Maria Salvina, sa compagne. Cette dernière, costumière dans le cinéma, arrondit ses fins de mois en gardant les chats de certaines stars à l'égo surdimentionné.

L'ex-flic et le tueur

Ils ne sont pas seuls à se diriger vers Saturnia. Cédric Rottheimer suit de près la voiture de Roberto et Frédérique. Cet ancien flic, personnage récurrent des polars de Serge Quadruppani, est détective privé, gros et homosexuel. Il a été embauché par le mari de Frédérique. Sa mission : filmer la femme infidèle en compagnie de son amant. Des images que le mari entend détourner pour en faire une œuvre d'art intitulée « La Trahison trahie ». Enfin sur la route de Saturnia, Jean Kopa se prépare pour son dernier contrat. Tueur à gages, il doit abattre trois personnes (pas une de plus), au hasard, dans les thermes de Saturnia. Ensuite il compte disparaître en compagnie de sa sœur, gravement handicapée.

L'attentat fait évidemment beaucoup de bruit médiatique dans une Italie s'apprêtant à recevoir les chefs d'Etat du G8, d'autant qu'il est revendiqué 30 minutes plus tard par Al Quaeda. Les trois victimes sont Frédérique, Maria et Rita, la femme de Domenico.

Cette mise en place permet à Serge Quadruppani de décrire tous les milieux sociaux de cette Italie qu'il affectionne tant. Un autre visage du pays apparaît quand l'enquête est ouverte. Une policière intègre mais très fatiguée, des services spéciaux ressemblant fort à une police politique, des juges marchant sur des œufs : il faudra le renfort de Rottheimer pour démêler de nœud gordien et découvrir les véritables commanditaires. Le détective sera embauché par les familles de victimes... et le tueur qui se révèle beaucoup plus compliqué qu'un simple exécuteur des basses œuvres. C'est d'ailleurs la marque de fabrique de Quadruppani, spécialiste des personnages complexes, à la psychologie tortueuse. Comme cette Italie, à l'image faussée, si loin du manichéisme d'opérette régulièrement décrit dans les médias.

« Saturne », Serge Quadruppani, Editions du Masque, 17 € 

jeudi 28 octobre 2010

BD - Amitié guerrière doublée d'un amour


Hervé Loiselet, pour son premier scénario réaliste, signe une saga qui fait la part belle aux militaires. En juin 40, en pleine attaque allemande, trois soldats vont se croiser dans une cave de l'Est de la France. 

Abdel, Algérien, Roger, son camarade français et Franz, l'appelé allemand. Durant une nuit ils cohabiteront en compagnie de la jeune et jolie Jacqueline. La naissance d'une amitié guerrière doublée d'un amour triple. Les quatre ne se quitteront plus, sur toutes les zones de guerre des 20 années suivantes, de l'Indochine à l'Algérie. 

Blary, le dessinateur, adoucit considérablement ce récit violent avec des illustrations à la ligne claire légère, noyée dans des aquarelles lumineuses.

« 20 ans de guerre », Le Lombard, 15,50 € 

mercredi 27 octobre 2010

BD - Baru monte le son


Un jeune Africain, virtuose du foot mais sans papiers, quelques truands sur le retour, une bande de « cailleras » de la banlieue et des Anciens combattants d'Algérie sont au générique de ce roman graphique de Baru. 

L'auteur de « La piscine de Micheville » nous ressert sa critique acerbe de notre société manquant de solidarité à la sauce « hommage au cinéma de Lautner et d'Audiard ». On ne peut qu'avoir de la sympathie pour les vieux truands rangés des affaires, paisible retraité en banlieue pavillonnaire ou garagiste faisant marcher son petit commerce. Avec ce dernier gros coup ils empochent le magot, mais aussi pas mal de soucis à cause de leurs jeunes associés. 

On apprécie le parfait enchaînement des complications et on se réjouit de la morale finale...

« Fais péter les basses Bruno ! », Futuropolis, 20 € 

mardi 26 octobre 2010

BD - Trois hypothèses autour du Saint Suaire


Valérie Mangin, scénariste de ce triptyque étonnant s'est livrée à un exercice de style de virtuose autour de la redécouverte du suaire du Christ dans un petit village champenois en 1353. Elle a imaginé trois versions de l'événement, avec des parti-pris totalement opposés, mais avec les mêmes personnages, certains dialogues et cases en commun. 

Première hypothèse : Dieu existe. Luc, un jeune sculpteur reçoit un message divin et retrouve le Saint Suaire. Seconde histoire, Dieu n'existe pas. Luc a fabriqué la relique. Dernière hypothèse, la plus étonnante : Dieu est radioactif. 

Le corps du récit, en couleurs directes, est de Denis Bajram alors que Fabrice Néaud dessine, en noir et blanc, le prologue et l'épilogue, retraçant l'histoire véritable du tissu le plus célèbre du monde.

« Trois Christs », Soleil Quadrants, 19,90 €

lundi 25 octobre 2010

BD - Un vibrant hommage au cinéma d'antan


Le cinéma américain, notamment hollywoodien, a fait rêver des dizaines de générations depuis ses débuts. Mais ce rêve glacé a souvent été à l'origine de bien des drames. Et dès sa naissance. C'est l'histoire que raconte Jack Manini dans « Hollywood », série dessinée par Marc Malès, un auteur aimant particulièrement dessiner les USA du début du XXe siècle. 

C'est un peu avant que débute l'album, en 1891. Max Lexter va présenter son invention au célèbre scientifique Thomas Edison. Un appareil montrant des images animés. L'inventeur du cinéma ne profitera pas de son innovation, Edison lui volant son brevet. Des années plus tard, Max tentera de prendre sa revanche. 

Il deviendra producteur et parmi les premiers à s'installer dans ce Hollywood légendaire. Une série qui devrait raconter l'émergence des studios et de l'industrie du 7e art, tout en gardant en filigrane cette histoire de vengeance à double tranchant. Un premier tome très prometteur.

« Hollywood » (tome 1), Glénat, 13,50 € 

dimanche 24 octobre 2010

BD - La face cachée de l'île de la Réunion


Parfois, les DOM-TOM sont présentées comme les dernières poussières de l'empire colonial français. Des poussières qu'il vaut mieux cacher sous le paillasson. La Réunion a l'image d'une île tropicale paradisiaque. La réalité est tout autre. 

Si vous envisagez de passer quelques jours au soleil de l'Océan Indien, cette BD devrait vous en dissuader. Stéphane Presle, le scénariste, met en lumière La Réunion cachée, celle que les touristes ne voient pas. Les bidonvilles, les épaves alcooliques, celle des voleurs et des drogués. 

Dessinée par Jérôme Jouvray, la première partie de « La Pès Rekin » se lit comme un reportage sur la misère d'une certaine France. Les deux personnages principaux sont peu recommandables. Nelson, un ado en rupture de ban, erre dans le port, cambriolant le jour, survivant la nuit. Phil, malade, alcoolique, vole des chiens pour les utiliser comme appât vivant. Il pêche le requin, le poisson symbolisant si bien les profiteurs ayant mis en coupe réglée ce paradis perdu. 

Sombres et déprimants sont ces nouveaux tristes tropiques.

« La Pès Rekin » (tome 1), Futuropolis, 15 € 

samedi 23 octobre 2010

BD - Le Chat de Geluck sur les planches


Deux ans sans Chat. Deux ans sans l'humour fin et si particulier de Philippe Geluck. Les amateurs étaient presque en état de manque. Heureusement, l'auteur de BD belge le plus lu après Hergé est sorti de son silence, délaissant émissions télé et radio pour un 16e acte digne des plus grandes comédies. 

Quelques planches complètes, des dessins, des strips en couleur ou en noir et blanc, la recette fonctionne parfaitement et permet de piocher en fonction de son humeur. On ressent pourtant dans cet album comme une lassitude, voire une angoisse de la page blanche, Geluck n'hésitant pas à mettre en scène ses doutes sur l'efficacité des idées. Cela donne des mises en abimes que ne renierait pas un autre maître belge de l'absurde, Raymond Devos. 

On ne peut pas rester insensible à ces pensées énoncées doctement comme « Ce qu'il y a de pratique quand une taupe meurt, c'est qu'il n'y a pas besoin de l'enterrer » ou « L'absence de défauts est-elle une qualité ? » qui pourrait tout à fait être au programme dans une épreuve de philo au bac.

« Le Chat » (tome 16), Casterman, 10,40 € 

vendredi 22 octobre 2010

Roman noir - Les secrets d'un mort

Dans ce roman de Colin Harrison, un avocat pour une compagnie d'assurances enquête sur les dernières heures d'un héritier tué dans un accident de la circulation.


Héros atypique, intrigue à tiroirs, cadre unique (New York) et absence de violence : « L'heure d'avant », roman noir de Colin Harrison, est tout sauf un stéréotype du genre. Pourtant on est rapidement passionné par ce récit, tout en longueurs, où le héros semble parfois trop humain pour affronter ce monde de secrets et de magouilles.

George Young, héros et narrateur, raconte cette histoire avec un air bonhomme et tranquille. Comme s'il voulait ne pas être plus affecté que cela par cette histoire de mère désirant tout savoir sur les dernières heures de son fils mort écrasé dans la rue. Pourtant il ne sortira pas intact de cette éprouvante recherche dans le passé.

Cet avocat pour une compagnie d'assurances mène une vie relativement tranquille entre ses dossiers techniques, sa femme, travaillant elle aussi dans un bureau (mais pour une banque) et sa fille, étudiante. Mais il vit à New York et cette ville n'est pas comme les autres. Multitude des origines, possibilité de passer inaperçu, chance de refaire sa vie : souvent on ne sait pas exactement à qui on a affaire.

Tué par un camion-benne

La veuve de son ancien patron va lui demander un service personnel. Fâchée avec son fils Roger, elle veut savoir pourquoi, une heure avant sa mort, il s'est rendu dans un bar bien particulier. George Young hésite à s'investir dans cette étrange lubie. Il se lance finalement et découvre un DVD sur lequel se trouve un enregistrement d'une caméra de surveillance. On y voit Roger Corbett, la cinquantaine, un peu ivre, sortant du bar. « Il glissa la main gauche dans la poche de son manteau pour en extraire un petit bout de papier qu'il tenait manifestement à examiner – l'approchant de son visage, comme pour relire un message dont il venait de prendre connaissance -, quand le camion-benne d'une société privée qui arrivait sur sa droite le percuta de plein fouet. » En se rendant dans le bar, George apprend que Roger venait de donner un coup de fil avec son portable. 

Peu de temps avant, il était en compagnie d'une superbe femme portant des gants. Retrouver le bout de papier, le dernier correspondant et la jeune femme lui permettrait de progresser. Rapidement il localise la femme aux gants, « une très grande brune, mince, dans les vingt-cinq ans, portant des lunettes de soleil, un manteau rouge, et... des gants. »

Jolies mains

Eliska, Tchèque, est mannequin. Du moins ses mains, utilisées pour présenter des montres et autres bijoux. Elle expliquera que son amant était très perturbé par le passé de son père, l'ancien patron de George.

Colin Harrison mène son roman comme une promenade dans le temps et l'espace. Différents quartiers de New York servent de cadre à cette intrigue qui s'étale également dans le temps. Au fil des chapitres le lecteur en apprendra un peu plus sur le base-ball, le rhodium, « un métal précieux d'une grande rareté, utilisé dans l'industrie et en joaillerie », le travail des traders, les divorces coûteux et la diaspora russe. George, lui, se retrouve beaucoup plus impliqué qu'il ne croyait au début, dans cette histoire de fils s'interrogeant sur la jeunesse de son père.

« L'heure d'avant », Colin Harrison, Belfond, 17 € 

jeudi 21 octobre 2010

BD - Lanfeust repart à l'aventure avec Arleston et Tarquin


Certains, dans le petit milieu de la bande dessinée, reprochent à Arleston de tourner en rond, resservant sans cesse la même histoire pour son héros fétiche, Lanfeust. Par contre, côté public, les fans sont toujours au rendez-vous. Parfois, la jalousie pousse certains à dire n'importe quoi. 

Non, Lanfeust ne s'essouffle pas. Le dessin de Tarquin est toujours aussi efficace et les personnages du troisième cycle apportent de nouvelles saveurs et son lot de jeux de mots idiots, parfois abscons, souvent salaces. Lanfeust est donc de retour à Troy après 18 années passées dans les étoiles. Il n'a pas vieilli, ce qui n'est pas le cas de C'ian, mariée et mère de 10 enfants. 

L'aînée, Cixi, a le même caractère que sa tante et dans ce second tome, elle va se débarrasser de sa ceinture de chasteté et tenter de trouver un homme assez inconscient pour lui faire perdre son pucelage. Un album moins comique que le précédent, Lanfeust affrontant une femme-arbre qui va faire perdre ses pouvoirs à Nicomède. Une première édition qui offre en bonus 10 pages inédites de l'Encyclopédie de Troy.

« Lanfeust Odyssey » (tome 2), Soleil, 13,50 € 

mercredi 20 octobre 2010

BD - Alien ravageur


Rien ne va plus dans le port de Kuala-Lumpur. La mégapole devait abriter une cérémonie officielle de réconciliation entre Sandjarrs et Humains après des années d'une guerre inter-galactique meurtrière. Le symbole de ce rapprochement c'est la parfaite collaboration entre Caleb et Mézoké, deux agents des deux races autrefois ennemies. 

Caleb et Mézoké qui vont devoir enquêter sur un massacre de pêcheurs locaux. Ce seraient des extraterrestres nomades, récemment installés dans la mangrove voisine, les responsables. Mais une enquête plus approfondie permet de découvrir l'existence d'un alien encore plus sanguinaire. Quasi invisible, il tue les humains comme ces derniers éliminent les virus... « Orbital », série de SF écrite par Runberg et dessinée par Pellé, s'affirme de titre en titre comme une splendide réussite. 

Pendant longtemps, Yoko Tsuno n'avait pas de concurrence chez Dupuis. Avec Mézoké, la belle Japonaise de Leloup a du souci à se faire.

« Orbital » (tome 4), Dupuis, 13,50 € 

mardi 19 octobre 2010

BD - Dérapage contrôlé de Nävis


Nävis, seule humaine du vaisseau-planète Sillage, est une pilote de course hors pair. Elle le prouve dans ce 13e album se déroulant à 200 à l'heure. Au commandes de son bolide à trois roues, aidée par l'intelligence artificielle de son robot Snivel, elle s'engage dans une course clandestine richement dotée et très appréciée des parieurs. Ce n'est pas par plaisir qu'elle prend des risques énormes. Des malfrats ont kidnappé son avocat et conditionnent sa survie à la qualification de Nävis en finale. 

Ce récit, entre Guerre des étoiles, Akira et Michel Vaillant, est toujours issu de l'imagination de Morvan qui dévoile ainsi quelques unes de ses influences. Buchet, au dessin, en plus de créer des dizaines d'extraterrestres, dessine toute une panoplie d'engins vrombissants se doublant à pleine vitesse et provoquant des accidents spectaculaires. Cependant, la révélation clé de cet album c'est que Nävis n'est plus la seule humaine. 

Elle croise un homme dans une jungle identique à celle où elle a passé son enfance. La rencontre de ces deux-là risquent de faire des étincelles.

« Sillage » (tome 13), Delcourt, 13,50 € 

dimanche 17 octobre 2010

Science-fiction - Starfish et Canisse préfigurent les océans du futur

Ce n'est pas la femme mais la mer qui est l'avenir de l'homme. Deux romans de SF se déroulant sur et sous les océans nous le démontrent.


La science-fiction a toujours été un excellent moyen pour quitter la morne grisaille du quotidien et s'évader vers des mondes imaginaires et merveilleux. L'espace, l'infini... Il existe pourtant un lieu qui y ressemble et est presque à notre portée : le fond des océans. « Starfish », roman du canadien Peter Watts se déroule dans une station posée au fond des abysses. « Canisse », récit d'Olivier Bleys, nous fait découvrir cette planète entièrement recouverte d'eau et peuplée de créature aquatiques gigantesques. Deux mondes à découvrir en plongeant au cœur de ces deux romans.

Stations abyssales

Dans un avenir proche, la crise de l'énergie a poussé des multinationales à récupérer l'énergie géothermique s'échappant de failles au fond des océans. Si la surface du globe peut encore s'éclairer et se chauffer, c'est grâce à ces centrales posées à des milliers de mètres de profondeur. Et pour les entretenir, il faut du personnel très qualifié, modifié génétiquement pour sortir dans ces eaux glacées sous une pression titanesque. Première opération, l'ablation d'un poumon remplacée par un appareillage permettant de respirer sous l'eau, tel un poisson. Le port de lentilles spéciales permet d'y voir dans le noir. Les ouvriers se transforment en hommes amphibies, coupés du monde. Des équipes de six, qui sont également le prétexte à des expériences sur les rapports humains. Car ce ne sont pas véritablement des volontaires qui descendent au fond. Tous sont des névrosés, présentant une psychologie déviante.

Ce huis-clos au cœur des abysses est magistralement mené par Peter Watts, auteur canadien, biologiste marin de formation. Le personnage principal est Lenie Clarke, une jeune femme à la double personnalité. Elle devra côtoyer pédophile, violeur, tabasseur et serial-killer. Totalement autonomes, ils vont aller de surprise en surprise, de plus en plus attirés par l'extérieur, y trouvant un certain bonheur à vivre au milieu des poissons des profondeurs, gigantesques, toujours affamés, mais si fragiles. « Des dents comme des cimeterres se referment sur son épaule. Clarke se retrouve face à une tête de cinquante centimètres de large recouverte d'écailles noires. » Sa collègue va aller à sa rescousse « Ballard le met en pièces, à main nues. Les dents en stalactites de glace se fendent et se brisent. » En lisant ce roman, on est sans cesse entre l'horreur de l'âme humaine et les beautés des profondeurs glacées.

La chasse au mégathalos

Olivier Bleys, dans un roman inédit publié dans la collection Folio SF qui fête ce mois-ci ses 10 ans, s'intéresse également au milieu aquatique. Mais il fait quitter la Terre à son héros, Xhan, un garde-pêche à la retraite, pour rejoindre Canisse, la planète qui donne son nom au livre. Canisse est entièrement recouverte d'océans. Dans ces eaux vivraient des mégathalos, les plus gros poissons du monde. Xhan est sceptique avant de découvrir l'œil d'une de ces créatures dans un hangar, « c'était un genre de globe immense, de sphère démesurée. Elle n'était pas ronde mais un peu aplatie, comme affaissée sous son propre poids qu'on devinait considérable. » Un œil de bébé, de « 28 mètres de diamètre » lui explique son contact. « Les doyens de l'espèce, à ce que l'on dit, dépassent la centaine de kilomètres. » Bien évidemment Xhan accepte de partir en expédition, rêvant secrètement de capturer ce qui serait son plus beau trophée. Mais la vie sur Canisse se révèlera très compliquée et au moment de la confrontation avec la bête, rien ne se déroulera comme prévu. Olivier Bleys, dont c'est la première incursion dans la science-fiction, signe un roman flamboyant, plein d'action et de magie, au final déconcertant et philosophique, dépassant largement la simple exploration d'une planète vierge.

« Starfish » de Peter Watts, Fleuve Noir, 22 €

« Canisse » d'Olivier Bleys, Folio SF, 5,60 €

samedi 16 octobre 2010

BD - Arthur de Pins et Maia Mazaurette nous invitent à une gentille gaudriole


Changement de cap pour la série Péchés Mignons d'Arthur de Pins (avec la complicité de Maia Mazaurette pour le scénario). Débutée par des gags sans personnages récurrents, elle passe à l'histoire complète de 46 pages, avec deux héros en vedette : Clara et Arthur. Mais l'esprit gag est maintenu avec un sourire par page. L'ensemble forme cependant un tout racontant le mariage de Cassandre avec Paul. 

Clara, la mangeuse d'hommes et Arthur, le séducteur invétéré, seront de la fête. Mais ils se lancent un défi : stopper les gaudrioles et se marier avec leur prochain partenaire. C'est coquin, parfois osé, dessiné tout en rondeur. La gentille caricature d'une certaine jeunesse accro au sexe.

« Péchés mignons » (tome 4), Fluide Glacial 

vendredi 15 octobre 2010

BD - La révélation du Scorpion

Cela fait 10 ans que le Scorpion, mystérieux justicier imaginé par Desberg et Marini, promène sa gueule d'ange et son épée pointue dans l'Italie de la Renaissance. Il s'oppose à la famille Trebaldi, notamment un des fils devenu pape et qui fait régner la terreur à Rome avec ses moines rouges. 

Dans ce neuvième tome intitulé « Le masque de la vérité », les fans de la série sauront enfin d'où vient la marque sur l'épaule du héros, la cicatrice d'une ancienne brûlure en forme de scorpion et qui donne son nom au personnage. Une révélation qui ne marque pas la fin de la série, loin de là, puisqu'un ultime rebondissement maintient le suspense d'un univers au ton très feuilletonnesque.

« Le Scorpion » (tome 9), Dargaud, 11,50 € 

jeudi 14 octobre 2010

BD - Les Drax passent à l'attaque

Jean Dufaux fait partie de ces scénaristes qui n'aiment pas se reposer sur des lauriers facilement obtenus. Il multiplie les collaborations, n'hésitant pas à prendre des risques avec de jeunes dessinateurs. Exemple avec Medina, série de SF dessinée (et inspirée) par Elghorri. Dans un futur proche, l'humanité est au bord du gouffre. Les derniers représentants de la race affrontent les Drax, des monstres venus de mondes parallèles, grâce à une brèche ouverte par des scientifiques imprudents. 

La première partie montre un univers de violence, où les combats font rage. Elghorri, storyboarder au cinéma, donne une dimension spectaculaire à cette BD digne des meilleures années de Métal Hurlant.

« Medina » (tome 1), Le Lombard, 13,50 € 

mercredi 13 octobre 2010

BD - Avec Sarkozy, sexe et politique font bon ménage


On ne sait pas encore si le président Sarkozy parviendra à sortir la France de la crise, mais il est certain que son influence pour le monde de l'édition sera déterminant. Et involontaire. Car c'est un peu en phénomène de foire qu'il va permettre à certains titres d'atteindre des tirages colossaux. 

Dernier exemple en date, côté BD, « Sarkozy et ses femmes » de Renaud Dély (scénario) et Aurel (dessin). Dély, journaliste depuis une vingtaine d'années, a raconté l'ascension de Sarkozy en la mettant en parallèle avec ses amours. En fait tout a débuté avec Cécilia. Coup de foudre en salle de mariages, cour effrénée et découverte d'une femme à poigne qui va lui permettre d'imposer ses idées. 

Cécilia est la véritable héroïne de cet album, ne laissant les seconds rôles qu'à Carla ou Rachida (certainement celle qui est la plus maltraitée). Sarkozy, lui, apparaît comme un simple amoureux manipulé par ces maîtresses-femmes.

« Sarkozy et ses femmes », Drugstore, 15 € 

mardi 12 octobre 2010

BD - Complicité entre l'enfant et le rapace


Qui de l'homme ou de l'animal est le plus sauvage ? Cette interrogation est en filigrane de cette nouvelle série de Sokal. Le créateur de Canardo abandonne son dessin caricatural pour un académisme parfaitement maîtrisé. L'histoire croisée entre Kraa, l'aigle et Yuma le jeune indien. Kraa vient d'apprendre à voler. Ses parents l'ont abandonné et il doit chasser seul. Yuma l'observe et l'admire. Yuma qui parvient à lire les pensées de cet animal fier et orgueilleux. 

Dans cette vallée perdue, les jours s'écoulent calmement. Mais l'arrivée d'hommes blancs va tout changer. Ils veulent construire un barrage, inonder la vallée. La famille de Yuma résiste. Elle est exterminée. Le jeune indien prend la fuite et jure de se venger. Il sera aidé par Kraa qui lui aussi a du affronter les hommes blancs. 

Âpre et violente, cette bande dessinée, si l'on oublie son côté parfois un peu trop manichéen, est passionnante. On s'imagine dans ces contrées vierges, admirant la complicité entre l'enfant et le rapace.

« Kraa », Casterman, 18 € 

lundi 11 octobre 2010

BD - Amitié d'été entre Léopold et Garance


Les vacances viennent à peine de débuter. Léopold arrive enfin. Il saute de la voiture de ses parents et se précipite vers la plage. Il sait que c'est là qu'il retrouvera Garance, sa copine d'été. 

Deux enfants, le soleil, la mer, des journées d'insouciance : « Garance » est un album jeunesse simple et fort écrit par Séverine Gauthier, dessiné par Thomas Labourot et mis en couleur par Christian Lerolle. Les premières planches montrent la joie des retrouvailles entre les deux amis. Une belle complicité qui va les conduire très loin. Car Garance a un secret. 

Elle affirme pouvoir marcher sur l'eau. Elle tient ce pouvoir de son père, un géant vivant sur une île, loin dans l'océan. C'est lui, en battant des pieds dans l'eau qui fabrique les vagues. Léopold est émerveillé par cette histoire, même s'il sait parfaitement que le papa de Garance est mort... Un matin, ils décideront de rejoindre le géant. A bord d'une petite barque. 

Histoire de vacances émouvante, dessins simples, couleurs lumineuses : une belle réussite.

« Garance », Delcourt, 9,40 € 

dimanche 10 octobre 2010

Roman - Robert Goolrick raconte sa famille féroce

Roman extrême, « Féroces » de Richard Goolrick plonge le lecteur dans une famille américaine des années 50. Famille aux secrets sordides.

Il est des romans qui vous laissent des souvenirs profonds, comme des blessures qui mettront des semaines à cicatriser. Et des années plus tard, vous aurez toujours cette marque superficielle, réminiscence de l'histoire vous ayant touché. « Féroces » de Richard Goolrick est ce ces œuvres. On ne sort pas intact de ce récit, apparemment décousu, de son enfance et sa vie d'adulte, avant que l'écriture ne le libère de tous ses démons.

Pour se raconter, Robert Goolrick commence par présenter ses parents. Ce qu'ils sont devenus. Notamment les obsèques de son père. Un vieux monsieur, alcoolique, sale, dont la maison était infestée de rats. Sa femme était morte six années auparavant. Elle aussi « parce qu'elle buvait trop. »

Beaux et intelligents

L'auteur se souvient ce son enfance. Quand ses parents étaient littéralement adulés dans cette petite ville du sud profond des USA, dans les années 50. « Non seulement mon père et ma mère étaient doués pour l'organisation des fêtes, avec leur générosité et leur intelligence, mais ils étaient aussi doués pour aller aux fêtes. On les adorait pour leur sens de l'humour et leur charme, pour leur beauté et leur minceur. » Richard aurait donc tout eu pour vivre une enfance heureuse en compagnie de son frère et de sa sœur. Mais les membres de sa famille étaient « féroces ».

C'est un jeune adulte traumatisé, profondément dépressif, qui tente de s'émanciper. Sans détour, il explique comment la vie lui est devenue impossible. « Je vivais seul. Je m'étais toujours senti seul, isolé des gens réels, même lorsque j'étais impliqué dans l'une de mes histoires d'amour chaotiques, des histoires qui échouaient du fait de ma propre lassitude, des cruautés ineptes des hommes et femmes que j'avais choisi d'aimer. »

La lame du salut

Il passe son temps à faire semblant, cherchant un échappatoire. Il croit le trouver en faisant l'acquisition d'une lame de rasoir. Et de se faire mal pour faire baisser la pression : « La peau céda facilement, et le sang s'écoula le long de mon bras jusque dans ma main repliée, puis sur les draps. La douleur était atroce. » Il recommencera, jour après jour, jusqu'à l'obsession. « Mon bras gauche était saturé. Il n'était plus que de la viande hachée. J'attaquais le bras droit, avec le vertige de la chair neuve. Mes bras n'étaient qu'un entrelacs de blessures. Une toile d'araignée sanguinolente. »

Des passages difficiles qui ont pourtant le pouvoir de nous envoûter. Robert Goolrick, a froid, se met à nu et amène le lecteur vers ce qui a tout déclenché dans sa petite enfance. Un traumatisme donnant une dimension supplémentaire à ce roman déjà exceptionnel. Et d'y consacrer tout un chapitre intitulé « Comment j'ai pu continuer ? ». Finalement il a survécu. Et un écrivain majeur est né.

« Féroces », Richard Goolrick, Anne Carrière, 20,50 €