Passionné par les champignons, Arnold Trevellyan quitte les brumes londoniennes pour un lagon polynésien. Un roman déroutant et inventif.
Si vous aimez les champignons, plus spécialement le plus recherché des gourmets, l'oronge vraie, vous savourerez ce roman de Giles Milton avec délectation. Car il est beaucoup question de champignons dans cette fantaisie entraînant le lecteur sur une petite île polynésienne en passant par des carrières dans le Morvan et le Londres de la fin des années 80.
Un iconoclaste. Arnold Trevellyan est assurément un iconoclaste. Ce commissaire-priseur s'épanouit dans son métier. Il vit heureux en compagnie de sa ravissante femme, Flora. Et il a une passion : les champignons. Une vie somme toute rangée, et pourtant, dans les premières pages du roman, quand on rencontre pour la première fois Arnold, il se prélasse sur une plage de sable blanc, au bord du lagon de Tuva, une petite île perdue dans le Pacifique. Ce n'est pas un simple touriste. C'est le roi. Souverain d'un petit paradis tropical. Comment en est-il arrivé là ? On le découvre en même temps que Tobias, un journaliste enquêtant sur cet étonnant sujet de sa gracieuse majesté bombardé roi d'un pays minuscule, du jour au lendemain.
Cavernes et ordre secret
Tout a commencé quand Flora a voulu casser le quotidien du couple. Elle pousse Arnold a prendre un an de congé sans solde et à se consacrer entièrement à sa marotte, les champignons. Arnold et Flora louent une maison, perdue dans les bois au centre de la France et se lancent à la recherche des amanites, toxiques ou comestibles. Un isolement qui sera fatal. Flora quitte Arnold alors que ce dernier vient de découvrir l'entrée de vastes carrières. Son existence va alors basculer. Cette véritable ville souterraine est le repère de l'Ordre, une société secrète qui œuvre depuis des siècles à préserver et restaurer les monarchies partout sur le globe. C'est là qu'il rencontre Lola, la reine de Tuva. Coup de foudre, mariage : le roi Arnold va pouvoir régner.
Le roman de Giles Milton est construit comme un puzzle énigmatique. Le journaliste, en interviewant Peter un ami d'Arnold puis Flora, reconstitue cet incroyable parcours. Mais en parallèle, Arnold, dans des cassettes audios, raconte son étonnante aventure, avec grandiloquence et fougue. Car Arnold a un réel talent de conteur, doublé de celui d'un séducteur irrésistible. Pour preuve, quand il faisait des conférences sur les champignons, le public était surtout féminin, « un auditoire presque exclusivement féminin. Des centaines de femmes qui bavaient devant lui. Il les tenait sous son charme. Et quand il a parlé des propriétés aphrodisiaques de la vesse-de-loup, on a presque entendu les phéromones entrer en ébullition. »
Banquet royal
Champignons et sexe, ils font parfois bon ménage. Arnold va d'ailleurs se distinguer en permettant à l'Ordre de disposer de quantité suffisantes d'oronges (appelées également amanites des Césars) pour un banquet organisé tous les 7 ans. En bon Anglais, Giles Milton met la royauté au centre du roman. La royauté et surtout la façon de la préserver dans ce monde où la démocratie semble ne pas avoir encore dit son dernier mot. En lisant les tribulations des différents protagonistes, on se croit parfois dans un sketch des Monty Python. Complètement loufoque parfois, romantique à souhait par moment, ce roman est avant tout un regard décalé sur notre monde. Arnold est-il un doux rêveur génial ou le simple pion d'une histoire encore plus complexe ?
« Le monde selon Arnold », Giles Milton, éditions Buchet-Chastel, 21 €
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