dimanche 31 mars 2024

Cinéma - Surtout “Pas de vagues” chez le Mammouth

 Accusé de harcèlement par une élève, un jeune professeur voit ses idéaux s’évanouir. « Pas de vagues » est un film social assez sombre réalisé par Teddy Lussi-Modeste sur un scénario d’Audrey Diwan.



L’Éducation nationale est une machine gigantesque et complexe. Qui évolue lentement. Pour la désigner, Claude Allègre, ministre de tutelle, parle de « Mammouth ». C’était en 1997 et, depuis, cette administration a conservé cette image d’animal lent et appelé à disparaître. Pourtant le corps enseignant évolue, comme le montre le film Pas de vagues, réalisé par Teddy Lussi-Modeste sur un scénario écrit en collaboration avec Audrey Diwan. Histoire tirée de faits réels… Sa propre expérience quand il a commencé son premier métier de professeur de français.

Le film débute par la déclamation d’un poème de Ronsard, le célèbre Mignonne, allons voir si la rose. Explication de texte par Julien (François Civil), jeune prof chaleureux, patient et à l’écoute de sa classe. Certains élèves sont exubérants, d’autres chahuteurs. Leslie (Toscane Duquesne) est timide et réservée.

C’est pourtant elle qui envoie une lettre à la CPE de ce collège d’une banlieue défavorisée pour accuser Julien de harcèlement. Il lui aurait fait des avances. Une simple feuille qui va déclencher une réaction en chaîne dévastatrice. D’abord pour Julien. Qui nie ces accusations. Il les met sur une incompréhension de l’adolescente. Il demande à s’expliquer avec le père ou la mère. Mais c’est le grand frère qui vient et menace Julien des pires représailles. Il va dans la foulée porter plainte au commissariat. Les élèves sont entendus, la rumeur se répand. Julien suspecté, accusé, rejeté.

Un prof maladroit dans sa défense. Il est persuadé que la direction de l’établissement va le défendre. Mais au nom du fameux « Pas de vagues », on lui demande de faire profil bas. De bon prof, investi dans son métier, volontaire et novateur, Julien va se transformer en paranoïaque autoritaire. Au risque de saboter sa carrière, son couple, sa vocation.

Teddy Lussi-Modeste, le réalisateur, s’est inspiré de sa propre histoire. Il explique dans le dossier de presse qu’il ne voulait « pas coller aux événements tels qu’ils s’étaient déroulés dans la réalité. Je voulais coller aux émotions qui m’avaient traversé. » La peur, la culpabilité.

Rapidement la tension monte et le spectateur se retrouve plongé dans un thriller oppressant, avec un homme en danger et une menace réelle avec le frère violent qui veut « lui casser les jambes », mais aussi des dizaines de collégiens suiveurs, experts pour mettre la pression sur leur potentielle victime via les réseaux sociaux.

Pas de vagues est très actuel et explicite sur le malaise du corps enseignant. Même s’il y a plus de 50 ans, Les risques du métier avec Jacques Brel, racontait la même injustice.

Film de Teddy Lussi-Modeste avec François Civil, Shaïn Boumedine, Bakary Kebe


samedi 30 mars 2024

Thriller - Holly, l'héroïne de Stephen King, seule face à deux vieux monstres

Stephen King retrouve Holly Gibney dans son nouveau thriller. La détective doit faire face à un couple maléfique insoupçonnable. 

 


Stephen King a de la suite dans les idées. Et n’aime pas gâcher de bons personnages. Après deux romans terrifiants (Mr Mercedes et L’Outsider), il remet Holly Gibney sur le devant de la scène. La détective privée mal dans sa peau doit affronter plusieurs crises en même temps.

Après la mort de son mentor, sa mère décède du covid. Covid qui met également hors-jeu son complice, Pete. Dans une Amérique de plus en plus fracturée (pour ou contre les vaccins, pour ou contre Trump), une mère la sollicite. Sa fille, Bonnie, a disparu.

Elles ne s’entendaient pas bien, mais la jeune bibliothécaire n’avait aucune raison de tout abandonner du jour au lendemain. Holly, toujours aussi peu optimiste, craint le pire. Enlèvement, viol, assassinat… Un scénario que le lecteur envisage aussi au premier chef en découvrant, entre les chapitres consacrés à la longue et patiente enquête d’Holly, les agissements des époux Harris. Deux vieux professeurs d’université qui cachent bien leur jeu de serial-killers.

Stephen King, en dévoilant dès les premières pages, les assassins, semble se moquer des cosy mystery très à la mode. Son roman n’en demeure pas moins passionnant car on découvre, au fil des pages, les agissements absolument horribles d’Emily et Rodney Harris. Arthrite et sciatique ne les empêchent pas de tuer et dépecer de jeunes victimes soigneusement choisies.

C’est une des difficultés que doit surmonter Holly : « Bonnie et Rae sont trop différents pour être victimes d’une même personne. Elle en est certaine. Presque. » Ce presque, doute caractéristique du fonctionnement d’Holly, donne tout son sel à ce thriller très psychologique. Car en plus des époux tueurs, on suit les remises en cause d’Holly découvrant les mensonges de sa mère ou la belle relation entre Barbara (une jeune collaboratrice d’Holly) et une vieille poétesse presque centenaire.

Souvent, dans les romans de Stephen King, ce sont ces passages hors intrigue qui donnent toute leur saveur à ces thrillers du réel.

« Holly » de Stephen King, Albin Michel, 528 pages, 24,90 €

vendredi 29 mars 2024

Roman français - Paysans et bêtes « Du même bois »

Une ferme en montagne. Des paysans. Et des bêtes. Le tout à travers les souvenirs de Marion Fayolle. Une chronique d’un temps révolu, entre nostalgie et envie de liberté.



Ces derniers mois sur les routes bloquées, et à Paris récemment pour la salon, il est beaucoup question d’agriculture. De son évolution, de son avenir, d’économie, de politique. Tout ce que vous ne trouverez pas dans ce texte de Marion Fayolle. Du même bois parle des hommes et des femmes qui depuis des générations vivent sur ces terres en moyenne montagne.

Pas des agriculteurs, non, des paysans dans toute la noblesse du terme. Ceux qui font ce pays, ces paysages. Devenue dessinatrice, Marion Fayolle a quitté cette ferme en Ardèche près de la source de la Loire. Ferme qui n’existe plus d’ailleurs. Non viable économiquement. Mais en y passant toute son enfance, elle a emmagasiné quantité de souvenirs. Elle aurait pu en faire une BD, elle a préféré raconter, avec des mots simples, des émotions fortes, des portraits de ses proches, ce quotidien où toutes les générations, de la « gamine » au pépé, cohabitent dans ces deux habitations reliées par l’étable où vivent les vaches et leurs petits.

L’autrice se met souvent à la place des anciens qui voient le temps passer, les mœurs évoluer, les traditions s’estomper. mais ils croient toujours que les jeunes vont continuer, comme eux qui ont repris l’exploitation des parents. « Les jeunes rêvent de s’envoler avant l’hiver, d’échapper à la neige qui les emprisonne pendant des semaines, des mois, Ils imaginent une vie à eux, qui ne serait pas celle des parents, qu’ils auraient réussi à inventer tout seuls. C’est l’adolescence, ça leur passera. Quand ils verront que ce n’est pas mieux ailleurs, ils reviendront, ils feront paysans, on ne veut jamais ressembler à ses parents quand on a quinze ans. »

Pourtant l’appel du large sera le plus fort. Pour la « gamine » notamment qui semble être le portrait craché de l’autrice. Comme ses cousins ou ses amis, « ils ont envie de partir, de débrider leur mobylette, de connaître ce qui existe derrière les montagnes, après les vallées, de l’autre côté des frontières. Ils ont eu un paysage entier pour grandir mais ça ne leur suffit pas. Au-delà de la ligne d’horizon, ils sont convaincus que c’est mieux. » L’exode rural expliqué simplement, humainement. Et chez les anciens, la survie est forte. Comme cette mémé qui « fait de tout petits pas, pour faire durer la vie, pour ne pas arriver trop vite à la fin. Elle raccourcit les promenades, n’a pas besoin d’aller loin pour compter les buses, surprendre des renards. »

Dans cette ferme vit la famille, besogneuse, résignée ou prête à déployer ses ailes ailleurs, mais aussi les bêtes. Ce sont les autres personnages principaux de ce récit. Les vaches, calmes ou capricieuses, les veaux, si mignons, irrémédiablement condamnés, quelques cochons, des lapins et une poule faisane domestiquée par un tonton zinzin. Une ménagerie merveilleuse qui semble elle aussi crier grâce à Marion Fayolle : « Ne nous oubliez pas ! ».

« Du même bois » de Marion Fayolle, Gallimard, 116 pages, 16,50 €

 

jeudi 28 mars 2024

Un témoignage : La maternité d’Elne

 


597 enfants. 597 vies sauvées par Élisabeth Eidenbenz entre décembre 1939 et avril 1944 à la maternité suisse d’Elne. Assumpta Montellà, historienne catalane, a publié ce livre témoignage en 2005.

Pour la première fois il est traduit en français. On découvre dans ces pages le récit de cette aventure humaine exceptionnelle, des photos d’époque mais surtout de nombreux témoignages, notamment de ces enfants d’Elne qui aujourd’hui encore avouent leur immense admiration pour Élisabeth et toutes celles et ceux qui ont sauvé ces vies durant cette période où violence et mort semblaient les plus fortes.

« La maternité d’Elne », Assumpta Montellà, Trabucaire, 132 pages, 20 €

mercredi 27 mars 2024

Un collector : concentré de P’tites Poules

 


Après parution en grand format, les histoires des P’tites Poules imaginées par Christian Jolibois et dessinées par Christian Heinrich, sont regroupées dans des albums collector petit format.

Le tome 5 reprend les quatre dernières aventures des amis des plus jeunes.

On vibre donc aux péripéties Carmen, Carmélito et compères en Chine, sur les bords de la rivière qui cocotte à cause de ces pollueurs de putois, avec Maurice, le dernier dodo de la planète et dans leur nid douillet au cœur de l’hiver, alors que Machab, le chêne légendaire et ses corbeaux maudits, tente de dérober leurs dernières graines.

Une compilation parfaite pour redécouvrir une des meilleures séries jeunesse de ces dernières années.

« Les P’tites Poules, collector » (tome 5), PKJ, 200 pages, 15,10 €

mardi 26 mars 2024

Un roman jeunesse : Moumoute

 


Du plus grand au plus petit. Cette histoire destinée aux enfants de 5 à 7 ans leur permet de prendre conscience des différentes échelles de grandeur des choses qui les entoure.

Les deux personnages de l’histoire, Moumoute et Mouchka sont deux amis inséparables mais radicalement différents. Moumoute est un gros ourson, Mouchka un minuscule insecte.


Quand ce dernier veut faire déguster les gâteaux qu’il a cuisinés avec amour pour le pique-nique, ce ne sont que des miettes pour Moumoute. Et comment jouer ensemble quand on est si différent l’un de l’autre ? Une belle parabole sur la compréhension de l’autre signée Inbar Heller Algazi, illustratrice installée à Toulouse.

« Moumoute et la journée avec Mouchka », L’École des Loisirs, 40 pages, 6,50 €

lundi 25 mars 2024

Un livre témoignage : la marche selon Noëlle Bréham

 

Visage connu des téléspectateurs amateurs de jardinage, voix identifiable après des décennies à France Inter, Noëlle Bréham a délaissé l’audiovisuel pour l’écrit.

Elle raconte dans ce récit au ton léger mais instructif (comme ses émissions) son besoin vital de marcher. De son enfance à sa retraite, elle en aura fait des kilomètres. « Quand je mets mes chaussures de marche, mon chien et mon cœur font la même chose : ils sautent de joie » se confie-t-elle. Une marche assez sportive : « Je marche vite, mais la plupart de mes amis marchent lentement, et ça me rend dingue. » En refermant ce livre vos pieds vont bouger tout seuls.

« Tête en l’air et pieds sur terre » de Noëlle Bréham, Salamandre, 128 pages, 19 €

dimanche 24 mars 2024

BD - Chat géant chez les dragons


Ethan Young, dessinateur américain d’origine chinoise, a imaginé son nouveau roman graphique en se basant sur des légendes du pays de ses parents. La voie dragon allie Chine ancestrale, futur inquiétant et fantastique classique. Le clan Wong est nomade.

Dans une sorte de château ambulant escorté par des engins plus maniables, il rejoint le Vieux Pays. Mais avant d’atteindre ces terres d’où il a été chassé il y a des décennies, il doit traverser le pays des dragons. Des humanoïdes ressemblant des dragons de Komodo. La confrontation est inévitable.

« La voie dragon », Glénat, 200 pages, 17,90 €

Seul le prince Sing échappe à leurs griffes. Après une longue errance, il atteint le Vieux Pays et rencontre le Mystique Ming, un sorcier, protégé par un chat gigantesque (au moins 10 mètres de hauteur), surnommé le Monstre par les légendes, Minuit pour les amis. Virtuose du dessin, Ethan Young parvient à donner une ampleur étonnante aux combats, malgré le petit format de la BD.

Par contre c’est un peu moins concluant au niveau du scénario, peu de surprise et une apologie de la royauté et du sang royal qui forcément à un peu de difficulté à passer au pays de la Révolution, des droits de l’Homme et de la guillotine…

« La voie dragon », Glénat, 200 pages, 17,90 €

samedi 23 mars 2024

BD - Imaginaires et Maléfics de Castlewitch

 


Second tome de la trilogie de Castlewitch, série imaginée par Nicolas Jarry et dessinée par François Gomes. Après avoir découvert la ville de Castlewitch et ses spécificités dans le premier tome, le lecteur plonge un peu plus dans la guerre entre Imaginaires et Maléfics.

Chaque enfant se crée un ami imaginaire. A Castlewitch ils sont réels. A l’adolescence ils disparaissent sauf dans certains cas. L’ami devient un Imaginaire si son créateur est bienveillant, un Maléfic s’il est animé de mauvaises intentions. Malo, le jeune héros, a un Imaginaire nommé Afnu’rr. Certains de ses camarades de classe aussi, ont un compagnon qui participe au combat souterrain.

Dans cette suite, Malo va se lier avec Irina, une nouvelle habitante de Castlewitch. Elle a un Maléfic, mais elle parvient toujours à le dominer. Jeu dangereux ? La suite est pleine d’affrontements, de combats et d’actes de bravoure. De renoncements aussi.

L’univers mis en place par Nicolas Jarry est particulièrement cohérent et passionnant. Chaque Imaginaire est représentatif des jeunes. Combatif pour Farah, peureux pour Jules et encore un peu trop joueur pour Malo.

Certains Maléfics sont véritablement terrifiants, mais d’autres sont risibles. Car cette BD, tout en étant très sérieuse et parfois même dramatique, offre une bonne dose de sourires. Et cela devrait aller en augmentant avec l’arrivée, dans le tome 3, de Grizzbou et Granloup, deux nouveaux Imaginaires envoyés pour aider les jeunes amis de Malo dans son combat.

« Castlewitch » (tome 2), Soleil, 56 pages, 13,50 €

vendredi 22 mars 2024

BD - Les dragons de Bédu

 


Bédu fait partie de ces destinateurs extrêmement doués mais qui n’ont pas eu la possibilité de magnifier leur talent. Longtemps il a dessiné des planches à la chaîne pour le journal Tintin. Puis il a rencontré le succès avec les Psy sur des scénarios de Cauvin. Mais il se contentait de passer d’un monde à un autre, sans pouvoir bâtir son propre univers graphique.

Or, à plus de 70 ans, Bédu signe d’un coup d’un seul sa grande œuvre, SangDragon, un album très personnel avec quantité de magie, de héros et de… dragons.

Dans ce Moyen Âge fictif, le roi Arthmel vient de rendre son dernier souffle. Son fils, le prince Oghor va prendre la relève. Même si secrètement le roi aurait préféré confier son royaume à sa fille, Hélia. Une mort et une naissance. Car au même moment un dragon s’éveille. Hélia est attirée par le monstre volant d’écailles et de feu. Elle va donc se lancer dans une longue quête pour retrouver la bête fabuleuse et découvrir qui en veut au Royaume. Car le roi a été empoisonné.

Le trait typique du style franco-belge de Bédu s’affranchit de ses traditionnelles rondeurs quand il imagine les dragons et surtout le peuple belliqueux qui vit avec eux. Le tout est d’une rare beauté combinée à une efficacité à toute épreuve. Un futur classique de la BD fantasy.

« SangDragon », Dupuis, 96 pages, 18,95 €

jeudi 21 mars 2024

Cinéma - Retrouvailles “Hors-saison”

Film délicat, mélancolique et sensuel, « Hors-saison » de Stéphane Brizé explore les amours passées, les retrouvailles et les impasses sentimentales. 


Certains couples formés le temps d’un film sont plus crédibles que d’autres. Dans Hors-Saison, Stéphane Brizé associe Guillaume Canet et Alba Rohrwacher. Et dès le premier regard, c’est l’évidence. Mathieu (Guillaume Canet) et Alice (Alba Rohrwacher) sont faits l’un pour l’autre, s’aiment comme personne ne peut aimer. Et pourtant, ce ne sont que des retrouvailles. 15 ans après une première histoire d’amour sans doute trop vite écourtée.

Le début du film est un peu plombant. Mathieu est un acteur de cinéma très connu approchant de la cinquantaine. Il arrive seul (sa femme, présentatrice du 20 heures est restée à Paris), pour une semaine de thalasso et de remise en forme dans un établissement de luxe au bord de l’océan. Entre deux selfies, il broie du noir lors de soins qu’il effectue l’esprit ailleurs. Mathieu doute. Il venait de s’engager sur une pièce de théâtre, la première de sa carrière. De moins en moins sûr de son choix, apeuré par un possible échec, il a tout abandonné, dont ses collègues et le metteur en scène.

Deux comédiens au diapason

Stéphane Brizé, en filmant un Guillaume Canet sombre et grimaçant, comme vide de tout sentiment, raconte avec justesse ce doute, cette désillusion. Et comme le séjour se déroule hors-saison, le temps, venteux et pluvieux, ne fait que renforcer cette impression d’écrasement, presque de désespoir. Jusqu’au jour où il reçoit un message d’Alice. Il y a plus d e15 ans, il vivait avec cette pianiste. Le succès l’a éloigné d’elle. Elle vit dans cette ville balayée par les embruns, mariée, mère d’une grande adolescente et donnant des cours de piano. Accepterait-il de la revoir ? Comme si un autre film débutait, c’est un couple qui se retrouve devant la caméra sensible du réalisateur. Ils tâtonnent pour leurs retrouvailles. N’osent pas trop parler du passé, de leurs bons ou mauvais moments. Comme deux bons copains. Mais tout dans leur gestuelle, leurs regards, leurs hésitations, démontre que les sentiments sont toujours présents. 15 ans plus tard, ces retrouvailles sont intenses. Même s’ils se séparent, après un simple thé, en bons amis.

Mathieu retourne déprimer sous les couches de boue et d’algues, à lire des scénarios convenus ; Alice prépare l’anniversaire de sa fille et participe aux réunions municipales organisées par son mari à domicile. Et puis ils se revoient. Presque sans le vouloir. Car chacun de son côté n’en peut plus de ressasser le passé, de regretter la fin abrupte de leur première histoire, de croire qu’il y a peut-être une seconde chance.

Film d’une grande douceur, Hors-saison est porté par les deux comédiens. Guillaume Canet déploie son talent pour retranscrire toutes les émotions de cet homme brisé qui ne tient debout que grâce à sa carapace forgée au fil des ans. Alba Rohrwacher, comédienne italienne d’une lumineuse beauté, excelle pour nous faire comprendre que le passé, tout aussi douloureux qu’il soit, n’est que le résultat de nos choix du moment.

Film de Stéphane Brizé avec Guillaume Canet, Alba Rohrwacher

 

mercredi 20 mars 2024

Cinéma - Une jeune fille trop belle pour de simples paysans

Film d’animation polonais de DK Welchman et Hugh Welchman avec Kamila Urzedowska, Robert Gulaczyk, Miroslaw Baka. 

Pour leur premier long-métrage, DK et Hugh Welchman avaient frappé un grand coup. Premier film d’animation entièrement peint à la main, cette histoire autour de la vie de Van Gogh avait été nommé aux Oscars et remporté le prix Coup de cœur à Voix d’étoile 2017.

Ils récidivent avec « La jeune fille et les paysans », vaste fresque historique polonaise tirée du roman de Wladyslaw Reymont, prix Nobel de littérature en 1924. Ils ont conservé la même technique. Un premier tournage avec de véritables acteurs, puis ces images sont peintes selon les styles de différents artistes polonais (les meilleurs du mouvement Jeune Pologne) et déclinées des centaines et des milliers de fois pour transformer le tout en une animation fluide.

Le résultat est surprenant, beau et très concluant. On est littéralement plongé dans ces tableaux colorés qui composent le film au fil des saisons. Tout en profitant de cette histoire universelle d’une femme convoitée par les hommes de son entourage.

Jagna est une jolie blonde. La plus belle du village. Une beauté à marier. Les prétendants ne manquent pas. Mais la mère de Jagna a une préférence : Boryna. Il pourrait être le père de Jagna, mais c’est un veuf et surtout c’est le paysan le plus riche de la région. Alors que Jagna tombe amoureuse de son fils, Antek, le père le déshérite et se marie avec Jagna qui se plie aux traditions de son pays.

Un film étonnamment moderne tant Jagna est indépendante, fougueuse, libre. Mais elle est en avance sur son temps et fait des envieux. Et des envieuses. Le drame couve, la jeune fille est trop belle pour ces paysans.

 

mardi 19 mars 2024

En vidéo, “Melchior l’apothicaire”

 


Petit rappel pour les incultes : les pays baltes sont au nombre de trois. Parmi eux, l’Estonie. Capitale Tallinn. Particularité : riche passé et industrie audiovisuelle en plein essor.

Pour preuve la sortie en vidéo chez Condor du premier long métrage des enquêtes de Melchior l’apothicaire. Un polar médiéval de Elmo Nüganen inspiré des romans d’Indrek Hargla (six tomes chez Babel Noir). Le jeune apothicaire est aussi un fin limier. Il est recruté pour découvrir qui a tué un chevalier templier.

Les amateurs de reconstitutions historiques apprécieront ces décors criant de vérité. Melchior, en précurseur de Sherlock Holmes, est secondé par un mystérieux jeune marin pour découvrir les raisons de ce meurtre sur fond de quête de pouvoir et de protection de la religion catholique.
 

lundi 18 mars 2024

BD - Quand la violence déborde des cases

 Beaucoup de noir, un peu de rouge sang : Quelque chose de froid et Brigantus sont deux albums de BD particulièrement violents. Le premier se déroule aux USA durant les années 30, chez les gangsters, le second raconte le périple sanglant de légionnaires romains à la conquête de l’Écosse. 

Froid comme un cadavre

Parmi les nombreuses sorties signées de Philippe Pelaez, Quelque chose de froid sort de l’ordinaire. Il est vrai que le scénariste le plus recherché du moment aborde un genre qu’il connaît particulièrement et aime par-dessus tout : le polar hommage aux films noirs américains.

Et pour illustrer cette histoire de vengeance implacable, il s’est adjugé le concours d’Hugues Labiano, dessinateur toulousain très à l’aise pour rendre ces ambiances sombres et inquiétantes.

En 1936, Ethan Hedgeway revient à Cleveland après un long séjour en prison. Ancien comptable, suspecté d’avoir trahi son patron, Frank Milano, parrain de la pègre de cette ville du nord des USA, Ethan sait qu’il est en sursis. Récemment, les sbires de Milano ont enlevé sa femme puis l’ont libérée… en morceaux. Bien décidé à se venger, Ethan trouve refuge dans un petit hôtel et parvient à déjouer plusieurs tentatives d’assassinats. Il tente de comprendre qui est le plus dangereux entre la police corrompue, la mafia omniprésente et Victoria, ravissante unijambiste qui lui fait du charme.

L’intrigue est sombre, les événements dramatiques. Mais cela ne suffisait pas à Philippe Pelaez qui y a rajouté une angoissante série de crimes dans les bidonvilles de Cleveland. Un fou qui après avoir assassiné ses victimes, les démembre et les décapite. Un album magistral, premier d’une trilogie autour du noir. Les deux auteurs seront aux Rencontres autour de la BD de Gruissan le week-end du 13 et 14 avril. L’occasion de se faire dédicacer le tirage de luxe en noir et blanc proposé en plus de l’édition classique, en couleurs.

Légionnaire ou bête à massacrer

Hermann n’en a pas terminé de nous surprendre. Le dessinateur de Bernard Prince ou Jeremiah, rajoute un univers à sa palette graphique : le péplum. Il a déjà fait du western (Comanche, Duke), des récits historiques (les Tours de Bois-Maury), mais avec Brigantus il plonge ses pinceaux dans l’empire roman.

Sur un scénario de son fils, Yves H., il raconte les déboires de Brigantus, légionnaire romain. Avec ses camarades qui le détestent, Brigantus participe à la conquête de l’île de Bretagne. Ils s’enfoncent de plus en plus au Nord, vers ce qui deviendra l’Écosse.

Mais la résistance des autochtones est de plus en plus farouche. En quelques planches d’une extraordinaire violence, Hermann dessine un Brigantus, féroce colosse sans pitié, tuant des dizaines d’assaillants dans des torrents de sang. Il sera presque le seul survivant. Et une fois à l’abri, dans une caserne romaine, il sera accusé de trahison. Brigantus, héros et banni. La trame ressemble à un western. Mais les décors, landes désolées recouvertes de brouillard, marécages fétides, modifient la donne.

Pas de soleil éclatant, juste du froid et de l’humidité rendant la survie encore plus compliquée. Un premier tome efficace, avec un Hermann qui a un peu modifié son trait en perdant un peu de précision, mais conserve toujours cette force et puissance rarement atteintes par d’autres dessinateurs.

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« Quelque chose de froid », Glénat, 64 pages, 15,50 € (Édition noir et blanc, 29,50 €)

« Brigantus » (tome 1), Le Lombard, 56 pages, 15,95 €

dimanche 17 mars 2024

En DVD et blu-ray - “Iris” redécouvre le désir


Moins comique que Antoinette dans les Cévennes, mais tout aussi profond dans son message, Iris et les hommes s’appuie de nouveau sur le duo gagnant formé par Caroline Vignal (scénariste et réalisatrice) et Laure Calamy (comédienne). 

Après les grands espaces de la Lozère champêtre, c’est un film résolument urbain qui devrait provoquer quelques remous dans certains couples un peu trop installé dans ses habitudes. Ces habitudes, si pratiques et confortables dans le quotidien, mais qui inéluctablement érode, voire annihile totalement, le désir qui a permis, quand ils étaient jeunes et pleins de sève, à Iris (Laure Calamy) et Stéphane (Vincent Elbaz) de devenir mari et femme et parents de deux filles. 

Mais aujourd’hui Iris est triste. Cela fait des années que c’est le calme plat dans la chambre à coucher. Elle aime toujours Stéphane. C’est réciproque. Mais la flamme du désir s’est éteinte. La solution, Iris va la découvrir au hasard d’une rencontre avec la mère d’un élève qui est dans la même classe que sa fille : « Inscrivez-vous sur un site de rencontre. Vous vous sentirez de nouveau désirée ! » Ce qu’Iris fait immédiatement, avec un réel succès. 

Le film, de populaire, aurait pu virer au graveleux. Écueil évité car ce n’est que du point de vue de l’épouse qui cherche à retrouver confiance en elle, son corps, que l’histoire est racontée. Iris expérimente, hésite, échoue, jouit, se remet à sourire. Ce qu’elle résume dans un étonnant point de vue à sa fille adolescente de 16 ans « Il ne faut pas toujours dire non. Dire oui, c’est accepter de vivre. » Et c’est ce message, dire oui à la vie, accepter ses envies et oser, qui risque de faire des remous dans les couples courageux qui auront vu ce film ensemble.

Film français de Caroline Vignal avec Laure Calamy, Vincent Elbaz, Suzanne de Baecque, Laurent Poitrenaux

 

samedi 16 mars 2024

Essai - Lydie Salvayre vénère le dimanche

 Ce texte parfois hilarant, longue réflexion sur la nostalgie des dimanches immobiles qui dérive sur l’inutilité du travail et le droit à la paresse, permet à Lydie Salvayre de mettre les rieurs de son côté. 

Que faites-vous les dimanches ? Êtes-vous de ceux qui attendent impatiemment le lundi et la reprise de la semaine active ou bien, comme Lydie Salvayre, vous aimez vous « réveiller sans l’horrible sonnerie du matin qui fait chuter vos rêves et les ampute à vif. » L’immense majorité aime les dimanches, un jour à part, où il n’y a pas de règle, d’obligation. Et puis le dimanche, normalement, on ne travaille pas. « Nous aimons vaquer dans la maison, en chaussons éventrés et pyjama informe. Et ce total insouci du paraître nous est, à lui seul, une délectation » explique la romancière. Elle se souvient de ces dimanches où, encore jeune, elle restait plongée dans les classiques de la littérature française. Un jour où « nous aimons lanterner, buller ». Bref paresser. Or, selon Lydie Salvayre, « la paresse est ni plus ni moins qu’une philosophie. »

Poursuivant sa réflexion, elle en arrive à se dire que le problème c’est avant tout le travail. Et le petit essai sur la quiétude dominicale se transforme en féroce attaque contre la charge travail qui nous bouffe la vie. « C’est le travail exagéré qui nous use et nous déglingue, au point que nous nous demandons chaque soir si nous pourrons, le lendemain, reprendre le collier, et si nous aurons assez de jus pour poursuivre. » Et de constater, personne ne peut la contredire : « C’est le travail qui prématurément nous fane. C’est le travail qui nous épuise, qui nous brise, qui nous vide… »

Pourtant il existe une solution. Lydie Salvayre se fait la zélatrice du « travail-patience » en opposition au « travail-corvée ». Selon des experts, « quinze heures par semaine de ce travail-patience seraient tout à fait suffisantes ». Beaucoup mieux que les 35 heures !

Ainsi on pourra enfin affronter sereinement le lundi « jour odieux, jour honni, jour maudit entre tous. » Même si les arguments avancés semblent très sérieux, c’est sans oublier un humour de bon aloi avec lequel Lydie Salvayre tente de convaincre ses lecteurs. Elle se met en scène, reconnaît qu’elle va souvent trop loin, qu’elle pousse le bouchon. Mais elle ne fait que suivre la voie des grands anciens, ceux qui avant elle ont combattu ce travail forcément aliénant.

Elle cite Blanqui, le révolutionnaire audois, surnommé « l’Enfermé » car il a passé plus de temps en prison (à ne rien faire…) qu’en liberté. Blanqui qui était ami avec Paul Lafargue, « gendre turbulent de Karl Marx » rédacteur en 1880 d’un « petit traité séditieux qui va défrayer la chronique et quelque peu agacer son illustre beau-père : Le Droit à la paresse. » Car selon lui, le « droit au travail n’est autre qu’un droit à la misère. »

Arrivé à ce niveau de revendication, que même l’extrême gauche actuelle n’ose plus avancer (pourtant il a existé un ministère du Temps Libre dans les années 80 après l’élection de François Mitterrand), comment la bonne fée du dimanche (Lydie Salvayre), va-t-elle se tirer de ce mauvais pas ? Tout simplement en convoquant le plus petit-bourgeois des auteurs français, Marcel Proust en personne. Et dans une nouvelle démonstration éclatante, elle explique que celui qui a écrit A la recherche du temps perdu (16 ans pour accoucher), a tout simplement prouvé que « la paresse est une forme de travail ». Lydie Salvayre connaît cependant bien son public et laisse le dernier mot à… Rabelais.

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« Depuis toujours nous aimons les dimanches » de Lydie Salvayre, Seuil, 108 pages, 16,50 €

vendredi 15 mars 2024

En vidéo, “Une année difficile”

Même après Une année difficile, il faut rire de nos tracas, se moquer de nos travers et profiter de cette pépite d’humour noir de Toledano et Nakache éditée en vidéo par Gaumont. Un gouffre sépare Poussin (Pio Marmaï) et Cactus (Noémie Merlant). 

Entre le surendetté chronique et la militante pour le climat, une étincelle électrise leurs deux regards quand ils se croisent à l’ouverture des portes d’un magasin pour le Black Friday. Pourtant, le premier guigne un écran plat à prix bradé alors que la seconde veut bloquer les portes du temple de la surconsommation. La suite de la comédie est à l’image de notre société : pas toujours évidente, imprévisible et pleine de contrariétés. 

Pour faire passer la pilule, faisons confiance à Lexo (Jonathan Cohen), copain de Poussin et expert en gaffes. Une comédie enlevée dans l’air du temps. 

Polar - Mystères et secrets basques dans le nouveau roman de Cécile Cabanac, « À pleurer tout nous condamne »

 Vingt ans après la disparition inexpliquée de sa tante Diane, Alice revient au village, au cœur du Pays basque, pour tenter de dénouer les fils enserrant ce mystère familial. 


 Pour son cinquième roman policier, Cécile Cabanac situe l’action dans une région qu’elle apprécie : le Pays basque. Après la région parisienne, l’Auvergne et le Périgord, c’est dans le Pays basque intérieur, exactement à Saint-Just-Ibarre, un petit village, que cette nouvelle « reine du polar français » déploie son intrigue.

Le personnage principal est attachée parlementaire à Paris. Alice, 25 ans, est au bout du rouleau. Ce matin-là, dans le métro, elle se surprend à vouloir se jeter sous les roues de la rame. Un burn-out carabiné qui la pousse à tout plaquer et partir se réfugier dans la maison familiale de Saint-Just-Ibarre, très éloignée du marigot politique dans lequel elle perd ses repères. L’ancienne maison de sa tante, Diane.

Elle l’a peu connue. Il y a 20 ans, Diane a disparu sans explications. Installée comme médecin de village depuis quelques années, elle vivait seule dans la grande bâtisse. Les gendarmes ont retrouvé des traces de sang dans la cuisine, mais pas de cadavre. Malgré les recherches dans les forêts environnantes et les interrogatoires, Diane n’est jamais réapparue. Une histoire qu’Alice connaît très mal. Sa mère, Annabelle, sœur de Diane, très touchée par cette disparition, refuse d’en parler. Comme pour redonner un but à sa vie, Alice va rouvrir le dossier et questionner les survivants. Mais la jeune fille remue un passé que tout le monde au village semble vouloir oublier.

Sur une trame classique de secrets de village et familiaux, Cécile Cabanac colle la quête obstinée d’une femme forte en situation de faiblesse. Car Alice, déterminée, un peu imprudente malgré les avertissements et les menaces, va lentement mais sûrement découvrir quelques vérités cachées. On apprécie particulièrement le portrait de cette femme, sorte de miroir de Diane.

L’essentiel du roman se déroule de nos jours, mais de courts chapitres permettent au lecteur de comprendre l’état d’esprit de la communauté au moment de la disparition de Diane. L’enquête non officielle d’Alice va devenir plus tendue quand une des seules villageoises prête à l’aider est retrouvée morte chez elle et que Maiana, la fille de la mairesse, meilleure amie de Diane, disparaît elle aussi. Le dernier attrait de ce roman bien ficelé et au suspense parfaitement dosé, réside dans la description de ce Pays basque à la fois extrêmement beau mais parfois peu accueillant comme quand la météo s’affole : « La foudre venait de créer une colonne luminescente et le tonnerre rugissait. L’ambiance était magnifiquement sinistre. Une pluie drue s’abattit, aussitôt accompagnée de nouvelles flèches qui striaient la nuée noire. Les éléments se déchaînaient avec férocité et la jeune femme assistait à ce grand tremblement, les tripes nouées, pleine d’excitation et de peur. »

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« À pleurer tout nous condamne » de Cécile Cabanac, Fleuve Noir, 432 pages, 20,90 €. Le précédent roman de Cécile Cabanac, « Le chaos dans nos veines », vient de paraître en poche chez Pocket, 528 pages, 5,20 €

jeudi 14 mars 2024

Un beau livre : Les plus beaux villages de France


Collioure sera peut-être le village préféré des Français en 2024 (réponse fin juin...), mais ne fait pas partie des plus beaux villages de France. Le guide officiel de cet organisme vient de sortir.

On retrouve 176 destinations de rêve, authentiques et originales. Ils ne sont pas si nombreux que cela dans la région : il y a Lagrasse dans l’Aude et Castelnou, Eus, Evol, Prats-de-Mollo-la-Preste et Villefranche-de-Conflent dans les Pyrénées-Orientales. Un atlas du patrimoine tricolore qui ne peut que vous donner des idées pour les prochaines vacances.

« Les plus beaux villages de France », Flammarion, 200 pages, 18,90 €

Cinéma - Noir absolu “Dans la peau de Blanche Houellebecq”

Film Guillaume Nicloux avec Blanche Gardin, Michel Houellebecq, Luc Schwarz

Le jury (Michel Houellebecq et Blanche Gardin) en pleine délibération… ou descente après avoir consommé beaucoup trop de drogue.  Bac Films

Comment rentabiliser un voyage d’agrément en Guadeloupe ? Y tourner un film par exemple. Ou à l’inverse, comment transformer un tournage aux Antilles en voyage d’agrément ? Guillaume Nicloux réussi le coup du siècle en proposant Dans la peau de Blanche Houellebecq, long-métrage tourné en grande partie en Guadeloupe avec des comédiens qui n’ont pas grand-chose à prouver puisqu’ils jouent leur propre rôle. 

Un film à l’économie, mais qui décoiffe. Du début à la fin. Michel Houellebecq, avec son ami Luc Schwarz, accepte de faire partie du jury du concours de sosies de… Michel Houellebecq. Originalité, la compétition se déroule en Guadeloupe et le jury est présidé par Blanche Gardin. Après quelques scènes d’introduction, alibi pour faire passer un puissant message anticolonialiste (la Guadeloupe, comme la Corse ou les Catalans, réclame l’indépendance), c’est enfin la rencontre entre deux enfants terribles de ce XXIe siècle. Michel et Blanche, quel beau couple !

 Ils s’accordent rapidement sur l’importance, pour surmonter l’épreuve de ce concours bêtifiant, de consommer un maximum de drogue en un minimum de temps. On rit beaucoup aux saillies de Blanche Gardin et à l’air de plus en plus naturel de cocker neurasthénique d’un Houellebecq en pilotage automatique. Le meilleur de ce film très sombre reste la séance de torture infligée aux « Blancs » par le chauffeur « Noir » d’une énorme limousine. Vitres fermées, sans climatisation, les supposés descendants des esclavagistes vont suer sang et eau comme les Africains déracinés il y a quelques décennies. Le tout sans le moindre effet spécial.     



mercredi 13 mars 2024

Des poèmes : Il·lusió Col·lisió


Alain Pottier, dit Alpott, aime taquiner les mots. Ce vigneron mais aussi poète propose ses recherches et découvertes dans la collection « Be Fort ». Il·lusió Col·lisió, paru en décembre dernier, est un joli ouvrage reprenant plusieurs dizaines de courts poèmes de cet artiste qui a le Pays catalan chevillé au corps.

Découvrez d’abord 37 nouvelles poétiques richement illustrées de photos artistiques en noir et blanc. Puis explorez un long texte sur la Sicile africaine. Alain Pottier se dévoile un peu plus ensuite dans une autobiographie géographique qui passe par Toulouse, la Guyane ou Paris. Pour clore le tout, un texte sur la tauromachie.

« Il·lusió Col·lisió », Trabucaire, 112 pages, 20 €

Cinéma - “Scandaleusement vôtre”, insultes réjouissantes

Des lettres anonymes très vulgaires sèment la zizanie dans une petite bourgade anglaise. Tout semble désigner comme coupable la dévergondée Rose. Qui pourtant n’y est pour rien…

Énorme embrouille entre les deux voisines et amies, Rose (Jessie Buckley) et Edith (Olivia Colman).  STUDIOCANAL
Dans la galaxie des jurons et autres insultes, il y a la logorrhée du capitaine Haddock, bien gentille au final, et les immondices déversées en rafales par Rose (Jessie Buckley), une des héroïnes de Scandaleusement vôtre, film britannique tout en finesse malgré la verdeur des dialogues de Thea Sharrock. Juste après la fin de la première guerre mondiale, dans cette bourgade anglaise en bord de mer, Rose vit dans une petite maison, mitoyenne avec celle d’Edith (Olivia Colman). La première, jeune, mère d’une adorable gamine, aime la vie, les pubs et parle fort en jurant sans vergogne. La seconde, vieille fille bigote, vit toujours avec ses parents, va à la messe tous les dimanches et personnifie la bonté chrétienne. Edith et Rose, paradoxalement, sont devenues amies. La première voudrait « adoucir » le tempérament de la seconde alors que Rose aimerait plus prosaïquement que son amie se décoince un peu. Une relation qui vire au vinaigre. Rose dit ses quatre vérités à Edith. Qui lui pardonne mais ne lui adresse plus la parole. 

Les choses auraient pu en rester là, mais Edith commence à recevoir des lettres anonymes. Pas piquées des hannetons les missives. Edith y est traînée dans la boue avec force de mots insultants, positions scabreuses et allusions graveleuses. C’en est trop pour Edward (Timothy Spall) le père d’Edith. Il porte plainte. La police, pas futée, arrête Rose et l’envoie en prison malgré ses dénégations. 

Passant sans cesse de la pure comédie à la critique sociale, le film est particulièrement malin. Il rend surtout très sympathiques ces deux femmes que tout oppose. Et très désagréables les hommes de leur entourage, autoritaires et prétentieux. Cette histoire, tirée de faits ayant réellement agité le Royaume, est surtout une bonne occasion pour dénoncer le sort des femmes durant cette période. On en prend conscience quand la première femme policière de la région, Gladys Moss (Anjana Vasan) alerte sa hiérarchie face à ce qui a tout l’air d’une grossière erreur judiciaire. Mais elle serait tout juste bonne à préparer le thé de ses collègues, bêtes et obtus. Bien que Gladys soit beaucoup plus instruite qu’eux. Elle va d’ailleurs rapidement découvrir la véritable coupable en comparant les écritures. Une démonstration éclatante qui lui vaudra immédiatement… une mise à pied par son chef. Obstinée, avec quelques amies de Rose et d’Edith, elle décide de mener une enquête sur le terrain et imaginer un piège implacable pour prendre la coupable sur le fait. On retrouve un peu l’esprit d’Agatha Christie et des suffragettes dans ce film qui pourrait convertir au wokisme nombre de mâles dominants.   

Film de Thea Sharrock avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan, Timothy Spall





mardi 12 mars 2024

Polar - « Le silence des nonnes » après des hurlements d’horreur

 Seconde enquête de la commissaire Priya Dharmesh, flic d’origine réunionnaise imaginée par Marie Capron. Un polar très gore où ça meurt et ça mord… 

Certains romans policiers ne font pas dans la dentelle. Pour dénoncer la noirceur du monde, rien de tel qu’un bon massacre. Une course à l’horreur parfois malsaine. Sauf si elle est doublée d’un humour corrosif. Ou d’un discours politique progressif. Il y a un peu de tout cela dans Le silence des nonnes, second roman ayant pour héroïne le commissaire Priya Dharmesh. Cette petite femme d’origine réunionnaise, célibataire mais sur le point d’adopter la petite Lison (la rescapée de sa première enquête, La fille du boucher), est appelée avec son équipe dans un monastère parisien.

Douze nonnes se sont enfermées dans une pièce et refusent d’en sortir. Une fois la porte ouverte, les policiers découvrent un abominable massacre : « Je suis happée, raconte Priya, narratrice du roman, par la vision des vêtements sanguinolents éparpillés sur les marches de l’estrade. Ils semblent avoir été arrachés par un démon, découvrant des fleurs de chair éventrée sur des peaux diaphanes. […] Des mâchoires béantes vomissent un sang encore frais. Il m’est impossible de dénombrer les corps dans cette imbrication de membres déchiquetés. Partout, des plaies fleurissent dans cette mêlée humaine qui semble s’être livrée à une barbarie inouïe. » Les nonnes se sont entredévorées, victimes d’une drogue de synthèse déclenchant un cannibalisme irrépressible. Les créateurs de ce poison, deux jeunes idéalistes, sont capturés par la CIA qui va tenter d’utiliser le produit pour déclencher le chaos en Europe.

On retrouve parfois des airs de San-Antonio de la grande époque dans ce polar extrême. Le machiavélisme des méchants semble le seul adversaire de Priya. Sa détermination à faire triompher la vérité sera rudement mise à l’épreuve quand les politiques lancent la machine à fabriquer du récit, l’autre nom des mensonges d’État.

Un polar mené tambour battant, entre action, horreur et critique sociale. Du grand art qui distrait et fait réfléchir.

« Priya - Le silence des nonnes », Marie Capron, Viviane Hamy Éditions, 352 pages, 21,90 €

lundi 11 mars 2024

Un album jeunesse : Raptors rigolos


Ils ont des dents affûtées et sont toujours affamés. Parmi les dinosaures, les carnivores sont souvent caricaturés comme de très méchants bougres. Séverine de la Croix a décidé de les transformer en petits rigolos dans cette nouvelle série pour les plus jeunes. Les Férociraptors, surnom des vélociraptors, sont trois : Prune, Cassis et Myrtille.

Dans cette première aventure dessinée par Julien Flamand, ils tentent de dérober (pour le manger), l’œuf d’un autre dinosaure. Mais s’attaquer à un futur bébé de ptérodactyle, de tricératops voire de T-rex est très risqué. On rit bien de leurs déboires, notamment quand ils doivent se contenter, au final, de l’œuf de coco.

« Les férociraptors », Jungle Splash !, 40 pages, 8,95 €

dimanche 10 mars 2024

Des poèmes de jeunesse signés Philippe Salus


Ancien journaliste, Philippe Salus s’est reconverti dans l’édition. Il a publié les ouvrages des autres mais ces poèmes sont de lui. Des œuvres de jeunesse qu’il a décidé de sortir de l’oubli. « Poèmes lointains, rémanences de l’adolescence et de la jeunesse d’un auteur aujourd’hui sexagénaire », selon sa propre définition, ils sont illustrés de photos de Bruno Grégoire.

L’auteur a présenté son livre dans le cadre de la manifestation « Printemps des poètes », le dimanche 17 mars à la librairie Victor et Madeleine à Canet-en-Roussillon.

« Poèmes pour ne pas dormir », Philippe Salus, Obsidiane, 64 pages, 14 €


samedi 9 mars 2024

Francis Cabrel, Ibrahim Maalouf, Olivia Ruiz... Pour les 20 ans de son album "L'Amour parfait", Cali revisite ses chansons avec de nombreux artistes


Premier morceau, C'est quand le bonheur, est confié à Francis Cabrel. "Avec Francis Cabrel on ne se voit pas beaucoup mais c'est un camarade. J'ai eu la chance de faire la préface de sa biographie et il y a quelques années on avait chanté tous les deux sa chanson "Encore et encore" qui est très rythmique et on l'avait faite piano-voix. Il m'avait dit à l'époque "J'adore cette version car je redécouvre mes mots". Alors je lui ai proposé C'est quand le bonheur, et j'ai redécouvert mes mots. Je me suis rendu compte qu'il se l'était complètement appropriée. Il l'a tellement incarnée que les gens me disent, c'est une chanson de Cabrel en fait."  

Calogero - Elle m'a dit. "À l’origine c'est une voix féminine qui chante, mais j'entendais trop Calogero le faire. Il a été d'accord car il adore la chanson." 

Stephan Eicher - Pensons à l'avenir ."Il y a 20 ans, Stephan Eicher m'avait dit qu'il adorait cette chanson. Je lui ai proposé et j'ai pleuré car il m'a fait un beau cadeau.". 

Charlelie Couture - Il y a une question. "Il m'a fait une Charlelie, magnifique. Il part dans d'autres mélodies avec sa voix éraillée."

Ibrahim Maalouf - J'ai besoin d'amour. "Sur cette chanson, ce n'est pas un chanteur qui me répond mais la trompette d'Ibrahim Maalouf."  

Olivia Ruiz - Dolorosa. "Olivia crache toute sa fougue dans cette chanson d’amour cruelle."

Dominique A - Tes désirs font désordre. "Sur fond de boîte à rythmes il prend possession de mes mots amers et cyniques qui ne lui ressemblent pas."

Adamo - C'est toujours le matin. "Adamo c'est le plus gentil, le plus tendre des chanteurs. On a passé une journée en studio magnifique. Il y a 20 ans je chantais pour une fille, là on est un duo de garçons alors on a transformé la chanson : c'est mon meilleur ami et c'est moi qui lui vole sa femme, c'est moi le traître, le félon."

Benabar - Le grand jour. "Avec Bénébar, nous nous sommes amusés comme les deux acolytes, que nous sommes dans la vraie vie, sur une chanson faussement cruelle."

David Linx - Fais de moi ce que tu veux. "Ce chanteur de jazz, saupoudre le titre d’une sobriété inattendue."

Bernard Lavilliers - Différent. "Lavilliers m'a fait un beau cadeau. À la fin de la chanson, je lui ai demandé de déclamer le poème de John Donne, le poème inscrit au Perthus, au passage emprunté par les Républicains espagnols." 

Elliott Murphy - Tout va bien. "Elliott Murphy c'est la même génération de Springsteen. À 74 ans il fait encore des tournées à fond. Je l'ai croisé dans la rue et je me suis presque agenouillé pour lui demander s'il était d'accord d'aller chanter avec moi. Ce sont des petits miracles pour moi".

Peter Kingsbery - L'Amour parfait a state of grace. "T'imagines, la voix de Cock Robin ! Il m'a fait une version adaptée en anglais. Sa voix suave et subtile offre à l’album un final tout en grâce."

Sans oublier deux titres en bonus, Pascal Obispo pour Les choses défendues et Coco Caliciuri, la fille de Cali, qui chante avec son père une seconde version de L'amour parfait.

vendredi 8 mars 2024

Un témoignage : Le cinéma, 50 ans de passion

 


Nicolas Seydoux a longtemps présidé Gaumont. Il livre dans ce récit le témoignage d’un des patrons de cet art, également secteur économique essentiel en, France. Il revient sur son parcours, les grands succès (Le Grand Bleu, Intouchables…) mais surtout raconte les hommes et femmes qu’il a eu la chance de croiser.

Des portraits parfois intimistes des grands du cinéma français comme Alain Poiré, Luc Besson, Jean Reno ou Daniel Toscan du Plantier. Il ne se met pas spécialement en avant, se présentant simplement comme un patron désireux de faire fructifier cette marque exceptionnelle aussi ancienne que ce cinéma qui a fait sa renommée mondiale.

« Le cinéma, 50 ans de passion », Nicolas Seydoux, Gallimard, 450 pages, 27 €

jeudi 7 mars 2024

Un album jeunesse : Les cheveux de papa

 

Ce petit livre malicieux de Jörg Mülhe plaira à tous les jeunes papas qui ont des problèmes de calvitie naissante. Comment expliquer à ses enfants qu’on perd déjà des cheveux, comme Papi, même si lui est vieux, très vieux ?

L’auteur de cet album imagine que les cheveux de papa sont des petits rigolos ayant soif d’aventures, bien décidés à découvrir la vie par leurs propres moyens. Ainsi, un matin, dans la salle de bains, ils ont quitté le crâne de papa et se sont envolés par la fenêtre.

Il a bien essayé de les rattraper, mais ils ont toujours été plus rapides. Mais qui sait, peut-être reviendront-ils un jour ?

« Les cheveux de papa », L’École des loisirs, Pastel, 68 pages, 12 €

mercredi 6 mars 2024

Cinéma - Le “Bolero”, l’œuvre qui éclipse la vie de Ravel

 Gros plan sur la vie de Maurice Ravel, compositeur du Bolero, filmé par Anne Fontaine et interprété par Raphaël Personnaz. Un film sur un air devenu universel. 


Cinq fois candidat au prix de Rome. Cinq échecs. Pourtant Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) était déjà considéré comme un très grand compositeur. Cela donne lieu dans Bolero, film d’Anne Fontaine, à une scène finalement assez joyeuse. Avec quelques amis dont Cipa Godebski (Vincent Perez), ils trinquent « à l’échec ! »

Maurice Ravel, éternel perdant ? Il se serait contenté de cette étiquette, mais en 1928, pour la danseuse Ida Rubinstein (Jeanne Balibar), il compose un morceau de 17 minutes : le Bolero, devenu depuis l’air de musique le plus connu dans le monde.

Pour raconter la vie de Maurice Ravel, Anne Fontaine a donc décidé de placer le Bolero, et sa création, au centre du film. Longtemps, Ravel repousse ce travail de commande. C’est à la demande insistante de sa muse, la femme qu’il semble aimer secrètement, Misia Sert (Dora Tillier), qu’il accepte de se mettre à la tâche. Dans sa maison refuge, en contemplant la nature, il pose les premières notes sur la partition. Puis passe au piano, imagine cette ritournelle lancinante et la répète de façon crescendo. Il n’en sera jamais totalement satisfait : pas d’âme, juste une expérience d’orchestration.

Mais lors de la première du ballet, c’est un triomphe. Maurice Ravel, déjà célèbre (il faisait régulièrement des concerts aux quatre coins du monde), devient une star planétaire. Mais pour un seul morceau qui éclipse tout le reste de son œuvre. Le film aborde aussi cet aspect de sa carrière, cannibalisée par ces 17 minutes géniales. Géniales car on ne peut s’empêcher, au cours de sa création puis de son interprétation dans le film, de succomber à sa simplicité, sa virtuosité.

Le Bolero a été qualifié de charnel, d’érotique. L’inverse de la vie quasi monastique de Maurice Ravel. Il n’avait qu’une seule épouse : la musique. Anne Fontaine a cependant voulu faire sentir au spectateur combien ce créateur était sensible et délicat. Quelques scènes entre Raphaël Peronnaz et Doria Tillier sont d’une rare sensualité.

Amour platonique, peut-être causé par la trop grande importance de la mère de Ravel dans sa vie. Les amateurs de psychanalyse y trouveront matière à réfléchir. Ce qui est sûr, c’est que Ravel, une fois le Bolero mis en orbite, a lentement décliné, atteint d’une maladie du cerveau. Il ne pouvait plus composer, mais la musique était toujours présente dans sa tête. De nouveaux Boleros que l’on n’aura jamais la chance d’apprécier.

Film d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Vincent Perez, Emmanuelle Devos
 

 

Cinéma - “La salle des profs”, reflet d’une société en perdition

Film d’lker Çatak avec Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak, Leo Stettnisch


Que se passe-t-il dans cette salle des profs d’un collège allemand ? Solidarité et concorde ont déserté le lieu. Carla (Leonie Benesch), jeune prof de maths, nouvellement affectée, découvre que tout le monde se surveille. Il y a des vols. Chez les élèves et les profs.

Elle tend un piège et filme la voleuse. La première pièce d’un puzzle machiavélique qui va transformer le collège en véritable poudrière. La salle des profs d’Iker Çatak, sélectionné pour l’oscar du meilleur film étranger, inaugure un nouveau genre, le thriller scolaire.

Carla se retrouve acculée. Elle se met à dos ses collègues mais surtout toute la classe d’Oskar (Leo Stettnisch), le fils de la présumée voleuse, mise à pied temporairement. Le film devient de plus en plus oppressant, la position de Carla intenable, celles d’Oskar et de sa mère encore plus délicates.

Une réalisation au cordeau qui bénéficie d’une interprétation magistrale, notamment de Leonie Benesch qui aurait sans doute mérité, comme Sandra Hüller, d’être nominée comme meilleure actrice.

 

Cinéma - Le saxo majeur de “Blue Giant”

Un film japonais d'animation (tiré d'un manga) de Yuzuru Tachikawa racontant la formation d'un groupe de jazz. 


Tiré du manga de Shinichi Ishizuka édité en France Chez Glénat, Blue Giant est le genre de réalisation qui va passionner les amateurs de jazz et sans doute créer des vocations. Pas forcément de musiciens, mais de nouveaux amateurs de cette musique qui a su au fil des décennies traverser les frontières et conquérir toutes les civilisations. Au Japon, le jazz ressemble presque à une religion. Les adeptes sont ceux qui vont dans les clubs, le clergé les musiciens.

Dai, jeune prodige du saxo, décide de quitter sa province pour tenter sa chance à Tokyo. Hébergé chez son meilleur ami, Tamada, il va faire des petits boulots la journée et répéter, seul devant le fleuve, tous les soirs. Ce qu’il aime dans le jazz, ce sont les solos d’improvisation. En allant dans un club, il croise la route de Yukinori, pianiste expérimenté. Ils ont le même âge, décident de répéter ensemble dans un club qui n’accueille plus de public. Manque un batteur. Dai va proposer le poste à Tamada, totalement novice mais enthousiasmé par l’idée. Le goupe Jass vient de naître et le film Blue Giant raconte sa progression jusqu’au sommet en moins de deux ans.

Si la première partie est un peu laborieuse (découverte de Tokyo, rencontre des membres, premières répétitions), la suite est véritablement enthousiasmante. Les longues scènes au cours desquelles le groupe joue à l’unisson sont un bonheur rarement atteint dans une fiction. Et les effets graphiques et de couleurs amplifient d’autant l’impression d’osmose entre les trois jeunes artiste, la musique, le public et les spectateurs qui se trouvent catapultés au cœur de ce jazz en images.