Le dématérialisé a du plomb dans l'aile. Prenez la musique. A la fin des années 80, tout le monde relègue les vieux vinyles au placard. Le CD numérique puis l'écoute en streaming deviennent la norme. Et puis, mode vintage aidant, l'industrie du disque remet quelques vinyles en vente.
Résultat, aux USA, cette manne rapporte désormais plus que le streaming. Une hausse de 52 % en une année. Malgré la qualité moindre du son, l'utilisation moins pratique et les prix plus élevés. Ce retour gagnant de notre bon vieux 33 tours doit beaucoup à son statut d'objet. Outre la possession physique de la musique, le vinyle apporte à son propriétaire le plaisir du toucher. Sortir le disque de sa pochette avec précaution, ne pas poser les doigts sur les sillons, nettoyer soigneusement avant écoute, positionner avec délicatesse le bras sur la platine. Tout ce rituel permet de se mettre en condition, de pleinement profiter du moment. Même si quelques snobs ne considèrent le vinyle que comme un moyen de suivre l'air du temps, écouter de la musique de cette manière rend quasi odieuse la playlist sans fin sur un support quelconque et totalement impersonnel.
Ce phénomène rassure particulièrement le gros lecteur que je suis. Comment passer à la liseuse électronique quand on éprouve comme moi autant de plaisir à soupeser un livre avant de l'ouvrir, tâter le papier et en estimer son grammage, humer l'odeur de l'encre ? Pour moi et bien d'autres, la lecture, comme la musique, relèvent aussi et toujours d'un plaisir physique.
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