mardi 31 août 2010

BD - Espace, si convoité


Romancer la conquête de l'espace. Le concept de cette nouvelle série écrite par Régis Hautière devrait passionner tous ceux qui ont encore la tête dans les étoiles. Le premier tome, racontant le lancement de Spoutnik par les Russes, est directement lié avec l'actualité de l'époque : la guerre froide et la lutte pour le pouvoir au sein du politburo. 

Dans le secret le plus absolu, des scientifiques sont réquisitionnés pour mettre au point un lanceur de missile pouvant « déposer » une bombe atomique à 5000 kilomètres de Baikonour. Le chef de projet, Korolev, accepte car il a la promesse, si le projet réussit, d'utiliser la fusée afin de lancer un satellite dans l'espace. Les échecs répétés font suspecter l'action de saboteurs. Un premier meurtre conduit à l'arrivée d'enquêteurs du KGB. 

Une BD solidement documentée, dessinée par Cuvillier au trait réaliste et efficace mais manquant encore un peu de personnalité. L'équilibre entre faits historiques et suspense est parfait. Distrayant tout en étant pédagogique, c'est un peu les Oncle Paul du XXIe siècle.

« La guerre secrète de l'espace » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

lundi 30 août 2010

Roman - Souvenirs de colonies... de vacances

Jean-Baptiste Harang se souvient de sa période « Cœurs vaillants », des scouts catholiques. Des colonies de vacances qui lui ont forgé un caractère.


L'autofiction semble être un peu passée de mode pour cette rentrée littéraire. La tendance du moment ce serait plutôt aux souvenirs-fiction. Raconter son enfance, ou du moins certaines portions de cette dernière, un bon prétexte pour faire dans la nostalgie du temps passé. Le « c'était tellement mieux avant ! », expression détestée par toute personne ayant, en principe, encore plus de temps à vivre qu'il n'en a déjà vécu. Jean-Baptiste Harang admet sa « vieillesse » et ses signes ostentatoires comme surcharge pondérale ou cheveux gris. Mais l'auteur ne fait pas dans la nostalgie, au contraire, il doit se forcer pour se souvenir, « L'oubli est un animal sauvage, furtif, incontrôlable et invisible », de ces étés passés aux Crozets, colonie de vacances située dans le Jura.

La colonie des Cœurs vaillants, patronage du quartier du jeune Jean-Baptiste. Elle était placée sous la responsabilité de l'abbé T. « Pendant les six semaines que nous passions sous son autorité dans le Jura, il régnait en despote et nous étions quelques-uns à ne pas regretter d'être ses préférés. » L'abbé T. devient la figure centrale de ce roman quand Jean-Baptiste Harang reçoit une lettre anonyme. Cela semble être un de ses camarades qui, 40 années plus tard, dénonce l'attitude de l'abbé T. suspecté de pédophilie. L'auteur s'efforce alors de se souvenir et il relate dans ces pages cette période de sa vie, intense, particulière, trouble et formatrice.

Sous la douche

Les Crozets étaient situés loin de toute civilisation. Des bâtiments sans confort, accueillant des dizaines d'enfants. Une vie martiale, au grand air, où la camaraderie remplaçait la famille. Jean-Baptiste s'y est fait des amis pour la vie. Mais il doit se forcer pour se souvenir exactement. Au fil du récit, alors que d'autres lettres anonymes viennent le relancer, des scènes font leur réapparition. Dans les douches communes par exemple, «lorsque l'abbé se baissait pour aider l'un ou l'autre dans ses ablutions, sa soutane y trempait comme une serpillière, rincée comme un œil.»

Jean-Baptiste Harang profite d'un séjour dans le Jura pour retourner aux Crozets. Il décrit les bâtiments, aujourd'hui à l'abandon. Et s'interroge sur ce besoin de souvenir, de retour sur un passé révolu. Il livre alors son sentiment, relativisant ces « révélations », décidant d'oublier définitivement l'abbé T. « Que sont nos vies si elles n'ont d'autre objet que de nous regarder vieillir puis mourir dans le linceul râpeux et humide cousu depuis cette jeunesse dérisoire que nous allons ressasser jusqu'à l'usure de l'oubli ? N'aurions-nous rien fait d'autre que nous souvenir de ce temps lointain où nous étions immortels, entiers, où nous vivions pour un avenir ouvert qui ne fera que se refermer ? » Car, au final, « qui vous impose de vous rappeler ce qui vous encombre?»

« Nos cœurs vaillants » de Jean-Baptiste Harang, Grasset, 16 € (également au Livre de Poche)

 

samedi 28 août 2010

BD - Gil Saint-André en eaux troubles


Personnage emblématique de la collection Bulles Noires de chez Glénat dans les années 90, Gil Saint-André est de retour pour de nouvelles aventures policières. Le brillant et très indépendant chef d'entreprise, à peine remis de ses précédentes déboires dans le Maghreb, est en vacances sur un catamaran voguant dans la mer Egée. Il passe nonchalamment à côté d'un immense yacht. Le temps de voir une belle naïade de plonger dans l'eau turquoise et... d'assister à l'explosion du bateau de luxe. 

Gil récupère la jeune femme qui se révèle être l'héritière d'une dynastie d'industriels français. Héritière car tout le reste de sa famille (et du conseil d'administration) était à bord du yacht. La belle Diane échappera une nouvelle fois à la mort grâce aux réflexes de Gil. Une première partie très musclée, bourrée d'action, laissant la place ensuite aux spéculations. Financières d'abord, amoureuses également, Gil serait-il le nouvel amoureux de Diane se demande la presse people. Avec en toile de fond une vaste manipulation d'un mystérieux donneur d'ordres cherchant visiblement à mettre la main sur la fortune de Diane.

Pour cette reprise, Jean-Charles Kraehn, comme pour le premier tome, assure scénario et dessin. Il semble prendre beaucoup de plaisir à animer ce héros, un peu trop honnête et Français pour être crédible. De la BD de distraction qui marche sur les traces de Largo Winch.

« Gil Saint-André » (tome 9), Glénat, 9,95 €

vendredi 27 août 2010

BD - Libéral et fatal


On en rit, mais on ne devrait pas. Car les libéraux caricaturés (patrons, politiques, banquiers, directeurs de ressources humaines) dans cet album de Pluttark existent véritablement. Dans la vraie vie ils n'ont pas l'air aussi cyniques et méchants, mais pour le fond, faites-leur confiance, ils sont à la hauteur. 

Cette charge sans concession contre les délocalisations, les plans sociaux et autres trouvailles pour engraisser les actionnaires au détriment des employés démonte méthodiquement l'aveuglement de ces technocrates ne vivant plus que par l'intermédiaire de bilans comptables. 

Mais parfois la réalité les rattrape, comme le PDG de cette société d'agroalimentaire, constatant une chute des ventes, expliquant à des actionnaires circonspects, « N’oublions jamais que la qualité est aussi un facteur de croissance. En effet, les études de satisfaction effectuées après le malheureux incident des rillettes au mercure sont formelles : 100 % des consommateurs décédés n'achètent plus nos produits. »

« Libérale attitude », Fluide Glacial, 10,40 € 

jeudi 26 août 2010

BD - Brumes à Smoke City


Deuxième et dernière partie de cette histoire de braquage qui tourne mal. Une bande de malfrats, après quelques années de séparation, se reforme pour un ultime contrat. Le commanditaire, le mystérieux Mr Law, veut une momie exposée dans un musée. Tout se passe bien jusqu'aux dernières pages de la première partie. Les flics étaient au courant de tout et capturent la bande. Sauf Cole Valentine. 

Il se retrouve seul, et sans la momie, au point de rendez-vous avec Mr Law. Cole, qui a plus d'une carte dans sa manche, dévoilera en partie son jeu. Ce thriller écrit par Mathieu Mariolle est noir à souhait. Alambiqué aussi. Il ne ménage pas les coups de théâtre, traitrises, et autres double jeu pour donner du ressort à l'histoire. 

Benjamin Carré, le dessinateur, semble avoir pris un immense plaisir à dessiner cette ville de Smoke City, sombre, brumeuse, inquiétante. Et quand le fantastique entre en jeu, il est encore plus à l'aise avec les démons et autres créatures aussi sinistres qu'immortelles. Une première collaboration entre deux jeunes talents très prometteuse.

« Smoke City » (tome 2), Delcourt, 12,90 € 

mercredi 25 août 2010

BD - Destins, les suites


Ceux qui ont eu la chance de découvrir les trois premiers tomes de la série « Destins » coordonnée par Frank Giroud, se précipiteront sur les deux nouveaux titres parus cette semaine. Rappelons le concept : Le scénariste raconte une première histoire, puis passe la main à d'autres qui imaginent deux suites différentes. A chaque fois, Giroud coordonne et les dessinateurs changent à chaque titre. 

Dans Paranoïa, on retrouve Ellen, l'héroïne. Etudiante aux USA, elle a tué un vigile au cours d'un braquage. 15 ans pus tard, elle a changé d'identité et est devenue la responsable d'une organisation caritative. Son existence bascule quand elle apprend qu'une innocente va être exécutée pour son crime. Deux options s'offrent à Ellen. Elle se livre au FBI, c'est l'album n° 4 « Paranoïa » écrit par Mangin et dessiné par Hulet, elle laisse l'innocente être exécutée, c'est le n° 5 « Le fantôme » de Corbeyran et Espé. 

Si Hulet a eu un peu de difficulté pour couler son trait nerveux dans les personnages existants, l'histoire est prenante. Corbeyran de son côté signe un récit où le fantastique s'immisce discrètement. Les prochains « Destins » sont annoncés pour octobre.

« Destins » (tomes 4 et 5), Glénat, 13,50 € chaque volume 

mardi 24 août 2010

Roman - Les petits secrets de la presse


Dans le genre inclassable, ce premier roman de Jean-Bernard Maugiron bat tous les records. Pourtant, en découvrant les premières pages, on se dit qu'on est simplement dans le genre témoignage sociétal. Le narrateur, Victor, explique au début de chaque chapitre, avec une régularité énervante dans un premier temps, puis suspecte et finalement intrigante : « Je travaille de nuit comme correcteur de presse dans un grand journal régional ». 

Et de nous expliquer les petits secrets de son métier, comment il débusque les coquilles dans les avis de décès, les grands débats avec certains de ses collègues sur « des tournures avec des subjonctifs plus que passés. » Victor est à quelques mois de la retraite. Quand il a débuté au journal, il était linotypiste. Il composait des textes en plomb fondu. Il regrette un peu cette époque. Mais se contente de son petit train-train, lui qui rêvait d'être conducteur de locomotive. En fait, en progressant dans l'intrigue, le lecteur comprend que Victor est un peu perdu. 

Vieux garçon vivant toujours avec sa mère, il s'en occupe quotidiennement. « La petite mère elle bouge plus de son lit, à part quand je la porte sur le fauteuil, devant la télé. Elle pèse pas lourd, rien que de la peau sèche et ridée sur des os et une touffe de poils blancs sur le caillou. Une vraie momie, sauf qu'elle remue encore un peu de temps en temps, par saccade. » Entre la nostalgie d'un temps passé, le poids des ans, les problèmes au travail, sa solitude, on se surprend à vouloir mieux connaître Victor. 

Mais c'est sans compter avec l'auteur. Jean-Bernard Maugiron bouscule l'histoire dans les 20 dernières pages, lui donnant un tour violent et surréaliste, définitivement inclassable.

« Du plomb dans le cassetin » de Jean-Bernard Maugiron, Editions Buchet-Chastel, 11 € 

lundi 23 août 2010

Rentrée littéraire - Un « Bifteck » accompagné de « Fruits et légumes »

Un boucher excentrique d'un côté, une dynastie de primeurs de l'autre : deux romans à savourer pour cette rentrée littéraire.

En apéritif de cette rentrée littéraire 2010, nous vous proposons deux romans à fortes connotations gastronomiques De la viande avec « Bifteck », roman de Martin Provost, des « Fruits et légumes » avec une chronique familiale d'Anthony Palou. Deux livres qui ont également en commun une Bretagne du siècle dernier.


Le héros de « Bifteck » est un jeune boucher de Quimper. Il passe son enfance dans la boutique de ses parents, entre saucisses, carcasses de bœuf et têtes de veau. Adolescent, il aide ses parents, d'autant que c'est en pleine guerre de 14-18. Le jeune héros est tout sauf un beau gosse : « Blond, le front bas, l'œil rond cerné de cils si jaunes qu'ils lui donnaient un regard d'albinos, il avait la bouche molle et le menton fuyant, flasque, déjà triple avant l'âge. Ses bras, dodus et courts, sans coudes, semblaient directement soudés au tronc central, sans articulation, comme ses jambes. » A treize ans, il est défloré par une cliente, à même le carrelage de la boucherie. Il se révèle un amant performant. Très vite le bouche à oreille fonctionne, la légende prend corps : « Un jeune boucher avait le don de faire chanter la chair. »

Durant des mois, André va contenter sa clientèle féminine. Mais à la fin de la guerre, quand les maris reviennent du front, il va devoir assumer ses actes. Il va découvrir un, puis deux bébés sur le pas de porte. Et cela continue. Il en aura finalement sept sur les bras. Pourchassé par un mari jaloux, il prend la fuite, vendant sa boutique pour acheter un bateau et mettre le cap vers cette Amérique qui faisait encore rêver.

La première partie de ce récit, certes iconoclaste, est cependant tout à fait réaliste. Martin Provost, l'auteur, semble changer de plume dès que l'étrange famille se retrouve en mer. Le fantastique et le rêve prennent le pouvoir. Les enfants s'émancipent, André doute. Finalement, après des mois d'errances, ils abordent une île merveilleuse. André l'explore et découvre de bien étranges fruits : « Ces baies gorgées de jus et de sucre n'étaient autres que des cœurs miniatures et vivants, palpitants, pas plus gros que ceux d'un pigeon ou d'un coq. » Un texte sensible est poétique à déconseiller aux végétariens dénués d'imagination. Tous les autres devraient y trouver une pitance réparatrice.

Petits commerces d'antan


Toujours à Quimper, mais quelques années plus tard, le père Coll, un réfugié espagnol, se lance dans le primeur. Il commence modestement en revendant les légumes qu'il cultive lui-même dans un jardin qu'un retraité lui prête. La réussite sera au rendez-vous et c'est cette saga que conte Anthony Palou dans Fruits et légumes. Le narrateur est le petit-fils du père Coll. Il raconte son enfance, dans les années 60 et aussi les débuts de la « Maison Coll ». « Les cageots étaient soigneusement rangés les uns contre les autres et les légumes artistiquement placés façon impressionniste. Le rouge des tomates tout humide de rosée faisait ressortir le corail des poivrons. Le jaune paille des oignons associé au vert des concombres, au pédoncule des aubergines, vision pastorale d'un sentier automnal. (…) Fabuleux architecte, grand-père peignait des natures mortes. » Ce roman nous permet de revivre la réalité de ces petits commerces qui ont fait la prospérité d'une certaine France. 

Un temps aujourd'hui révolu, les grandes surfaces ayant supplanté ces commerçants de proximité pour qui l'accueil et la qualité des produits servis étaient les seules priorités.

« Bifteck » de Martin Provost, Editions Phébus, 11 €

« Fruits et légumes » d'Anthony Palou, Editions Albin Michel, 14 € 

dimanche 22 août 2010

BD - L'écrivain, la libraire et Jean-Claude Denis


Un écrivain en mal d'inspiration, trouve son salut en découvrant dans sa bibliothèque le récit d'un imposteur. Squattant au gré de son imagination, le romancier tente de refaire le parcours de l'usurpateur. Il prend la place d'un spécialiste en allergie en congrès à Bordeaux avant de s'incruster dans un mariage, vivre aux crochets d'un couple d'Anglais pour finalement terminer dans une petite station balnéaire du Médoc, Amélie, tombant amoureux fou d'une belle libraire, Marianne. L'amour lui redonne l'envie d'écrire. Il dégotte une vieille machine à écrire et entreprend la rédaction de sa remise en cause et de ses errances.

Jean-Claude Denis, oubliant la causticité qui était un peu sa marque de fabrique, signe un album très littéraire, dans lequel on devine beaucoup de son itinéraire personnel. Couleurs lumineuses de l'Atlantique et immenses forêts de pins servent de cadre à cette retraite amoureuse.

« Quelques mois à l'Amélie » de Jean-Claude Denis, Dupuis, collection Aire Libre, 15,50 €

samedi 21 août 2010


Ping pong, ping pong. Les chapitres se suivent et ne se ressemblent pas. Un coup c'est elle. Un coup c'est lui. Elle, c'est Lee, 45 ans, avocate qui se dépatouille comme elle peut avec son client Norman accusé de meurtre. Lui c'est le père de Lee, Leonard, 20 ans avant, fourreur juif, smart et snob à Manhattan, arrivé à la force des poignets et super fier de son changement de nom, Weissman, Weiss pour finir en White.

Blancs comme neige, ils le sont évidemment tous selon eux, les clients de Lee. Surtout ce Norman, séducteur en diable, qui en a fait son métier et plume allégrement les femmes tombées dans ses filets. Et si seulement il se contentait de leur argent... Bobette, la pauvre assassinée, n'en demandait pas tant. Mais qu'en est-il de Mary, la copine de Norman, complice malgré elle ou plus encore ? Que va découvrir Lee White en avocate droite dans ses baskets ?

Susan Isaacs est l'auteur d'un beau portrait de femme de l'enfance -déchirure jusqu'à une brillante carrière d'avocate. On aime Lee enfant, on s'attache à l'adulte pleine de doutes, on la suit jusqu'au bout. De quoi ?

« Lily White » de Susan Isaacs, Presses de la Cité et Pocket (paru en 1998) 

vendredi 20 août 2010

Roman - Une vie, des existences


Roman fou ou flou ? Le lecteur en refermant ce court récit, première œuvre de Sibylle Grimbert, ne peut s'empêcher de se poser la question. L'héroïne, Muriel Ortisveiler, apparaît un jour dans une rue. On ne connaît rien de son enfance, elle est simplement devenue nette, visible à ses contemporains. Elle vit dans un hôtel en compagnie d'amis et puis un jour part, disparaît avant de nouveau être "réelle" dans une ville de province. Elle se marie, se range, puis s'efface de nouveau... pour revivre ailleurs, chanteuse puis actrice de théâtre.

D'une force rare, ce premier roman met en équation littéraire la problématique du nouveau départ dans la vie. Et si on faisait comme Muriel ? Disparaître pour mieux exister ?

« Birth days » de Sibylle Grimbert, Stock, 12 € (roman paru en 2000) 

jeudi 19 août 2010

Polar - Cadavre encombrant


Quelle poisse ! Se retrouver avec un cadavre, non pas dans le placard mais dans sa propre camionnette, on avouera qu'il existe des situations plus agréables. Et pas n'importe quel cadavre, celui d'un flic de surcroît ! Bref, Eric Beaulieu, brocanteur (très) moyennement honnête, se retrouve dans la mouise la plus noire. D'autant plus noire qu'il vient aussi de retrouver son papa raide mort dans son fauteuil, étouffé par le sac plastique qu'il s'était fixé sur la tête. Y a des jours où on ferait mieux de rester couché ! Enfin, le seul avantage de la situation, c'est qu'il ne devra plus se cacher (de papa du moins) pour planquer les cinq cents kilos de hasch dans le garage du décédé. Un dernier gros coup, s'était juré Eric et puis je deviens honnête ! C'était sans compter avec l'encombrant colis de la camionnette, qui raidit à vue d'œil et dont il faudra bien se débarrasser...

Difficile de faire plus cocasse que cette histoire ! On se bidonne du début à la fin bien que les questionnements d'Eric finissent par nous interpeller quelque part. Quant à la chute, on n'en dira pas plus mais on s'est régalé !

« L'encombrant » de William Olivier Desmond, Seuil, 15 € (roman paru en 2000) 

mercredi 18 août 2010

BD - Petits trolls énervés


Les petits trolls sont de retour. Et ils ne sont pas contents. Dans le précédent album signé Arleston et Mourier, Gnondpom et Tyneth étaient tombés dans les griffes de Lady Romande, une tortionnaire capturant des orphelins pour ensuite les revendre comme main-d'œuvre à des industriels peu scrupuleux. Mais il n'est pas facile de dresser des petits trolls. Et cela se complique car leurs parents et amis viennent les délivrer. 

L'intrigue n'est certes pas très étoffée mais ce n'est pas ce que l'on recherche dans cette série. L'intérêt réside dans les bagarres, dialogues absurdes et jeux de mots tirés par les cheveux. Et pour une fois, les trolls se feront aider par un humain, Könan le barbare. Un personnage secondaire savoureux, qui en prend plein les dents mais nous fait bien sourire quand même.

« Trolls de Troy » (tome 13), Soleil, 13,50 €

mardi 17 août 2010

BD - Toutes les richesses humaines du Grand Nord


Venue voir l'ancienne mine d'or de son père, Valentine Pitié, 20 ans, riche héritière, se retrouve seule dans le Grand Nord canadien à la suite d'un accident. Elle verra la mort de près, mais l'intervention miraculeuse d'un chasseur inuit, Yakupi, lui redonne espoir. Dès cet instant sa vie va changer du tout au tout. La jeune occidentale va découvrir les mœurs et coutumes de ce peuple ayant su s'adapter à des conditions de vie si rudes. 

Durant de longues semaines, elle va se lier d'amitié (et un peu plus même) avec Yakupi, sa femme, ses enfants et les autres membres de la tribu. La jeune femme, poète dans l'âme, est souvent en admiration devant les paysages vierges. 

Ces mêmes paysages qui permettent à Benn se signer un album d'une exceptionnelle luminosité. Ce dessinateur belge a déjà une très longue carrière mais a pris le risque du récit réaliste. Coup d'essai, coup de maître !

« Valentine Pitié » (tome 1), Dargaud, 15,50 € 

lundi 16 août 2010

BD - People : à eux la honte !


La couverture, sorte de pastiche d'une revue people, n'est pas très engageante pour l'amateur de BD. Adeline Blondieau, le nom de la scénariste, aussi, risque d'en faire fuir quelques-uns. Et pourtant. Nicolin, au dessin, a percé en signant un blog radical et comique. Alors on ouvre, on lit un premier gag, puis un second et on se dit finalement que les aprioris c'est ridicule. Car on se bidonne en lisant ces anecdotes véridiques arrivées à des peoples connus, souvent des connaissances de Blondieau. 

Vous ne pourrez pas rester insensible aux aventures de « l'anaconda » de Pascal Gentil ou aux tracas de papier hygiénique de Bernard Montiel. Le dessin, très caricatural, est atténué par des décors quasi photographiques, renforçant le côté réalité des histoires. Bref, ces gags, prépubliés dans l'Echo des Savanes, sont une des bonnes surprises de l'été.

« Ma vie de People » (tome 1), Drugstore, 9 € 

dimanche 15 août 2010

BD - Les ogres ont trouvé leur maître


Surfant sur la mode des jeux vidéos et de la magie, Michel Rodrigue, déjà dessinateur de Cubitus, ajoute une nouvelle corde à son arc en signant le scénario de cette nouvelle série destinée à un public compris entre 8 et 14 ans. 

Le héros, Karl, est un jeune ado timide, passionné de jeu vidéo. Notamment du tout dernier sorti sur le marché : « Le maître des ogres ». Karl brille dans ce jeu de rôle entre quête mystique et combats violents. Dans la première partie de l'album, le lecteur suit le progression de Karnos, le roi des ogres (vert, armé d'un marteau, plus de 2 mètres au garot...) qui tente de libérer sa fille Phaline. Il est aidé par Karl qui endosse le costume d'un magicien. Mais au moment crucial, l'écran s'éteint d'un coup. 

C'est la belle-mère de Karl qui vient de sévir, il est l'heure de manger. Après le repas, Karl retourne dans sa chambre. Il y découvre sa télévision explosée et deux personnages du jeu en chair et en os sur son lit : Karnos et Phaline. L'imaginaire va alors s'inviter dans la vie très banale de Karl. Karnos, toujours affamé, manquera de boulotter la demi-sœur de Karl avant de se contenter d'un vigile de supermarché. Assez peu discrets, ils auront rapidement la police aux trousses. Karl va sauver la situation... en renvoyant tout le monde dans le jeu, lui y compris. 

En passant du réel à l'imaginaire, les personnages vont devoir d'adapter et surtout craindre une certaine Althéa, sorcière de son état derrière qui se cache un autre joueur. Cette BD plaisante est dessinée par Vicenzo Cucca, un Italien, aux influences très « disneyennes ».

« Le maître des ogres » (tome 1), Le Lombard, 9,95 €

samedi 14 août 2010

BD - Afrique : du rêve à la réalité


Il ne vit que pour l'Afrique. Une Afrique du passé, celle des colonies. Quand la savane regorgeait de fauves que l'on pouvait chasser en toute impunité. Dans son appartement parisien, ses murs sont ornés de masques tribaux, il écoute Joséphine Baker et sa femme de ménage est noire. Charles n'est pourtant pas méchant. Simplement un peu perdu dans le temps et l'espace. L'Afrique, il la rêve. Et un jour, le rêve devient réalité. Il gagne à un concours sponsorisé par Banania. Le premier prix : un voyage organisé. Direction Cotonou au Bénin. L'aventure peut commencer...

Jean-Christophe Chauzy aime dessiner les chaudes ambiances africaines. Il se régale également à montrer ses personnages perdus dans un monde qu'ils ne comprennent pas. Charles ne fait pas exception à la règle. Le continent noir a beaucoup évolué depuis ses lectures de jeunesse. Il se trouve confronté à un tourisme de masse, à des populations urbaines, des fauves apprivoisés et des « tigresses » peu farouches au premier abord, très mordantes dans l'intimité de la chambre. Ecrite par Anne Barrois, cette histoire balance entre nostalgie du temps des colonies et description réaliste d'une Afrique moderne où tous les coups sont permis pour s'en sortir.

« Bonne arrivée à Cotonou », Dargaud, 13,50 € 

vendredi 13 août 2010

Roman - Où une Lolita en écrit l'histoire d'une autre

L'histoire d'une petite provinciale de 20 ans avec des rêves parisiens plein la tête, qui vous scotche au fauteuil comme un « Bubble gum ».


Abracadabrant n'est pas vraiment le mot. Invraisemblable peut-être dans la forme mais le fond colle tellement à la réalité qu'il nous cloue le bec. Quoiqu'il en soit, Lolita Pille, nous écrit une histoire aux rebondissements époustouflants avec une maitrise de la langue française et une justesse de ton remarquables pour la post-adolescente qu'elle est encore. Au temps pour les détracteurs des jeunes qui-ne-savent-plus-écrire ! On trouve ici un style teinté d'un classicisme scolaire de bon aloi mais cependant très perso, avec des tas de références tant littéraires que musicales. Et qui nous prouve qu'on peut encore écrire jeune et branché au participe présent.

La vie n'est pas rose...

Comme pourrait nous le laisser croire la couleur de la couverture ou celle du chewing-gum lambda, de fait, la vie n'est pas facile pour Manon, jeune et belle provinciale qui, comme beaucoup, décide de monter à Paris pour connaître enfin la vraie vie. Fini le noir et blanc de Terminus, le village qu'elle connaît par cœur et à elle le technicolor de la grande ville. Dans la capitale, Manon trouve un petit boulot de serveuse et un studio plutôt minable mais elle y croit : un jour elle sera un mannequin adulé par, les foules et fera la couverture de Elle, Vogue ou autre Cosmopolitan.

Arrive dans le restau où elle se fatigue dur, tel le Prince Charmant des contes de son enfance, le beau et ténébreux Derek Delano, fils à papa milliardaire, qui lui ouvre, si ce n'est son cœur du moins son lit, ainsi que les portes d'une agence de mannequin réputée. De défilé de mode en couverture de magazine, l'image de Manon s'étale à tous les coins de rue. Jusque sur les affiches du film, produit par Derek, qu'elle tourne sous la houlette d'un réalisateur prestigieux en compagnie d'un acteur adoré des foules. Le hic de l'histoire, c'est que plus sa vie prend la tournure dont elle rêvait à Terminus, plus la belle Manon s'étiole.

Alcool, cocaïne, elle ne supporte plus rien ni personne et maigrit à faire peur, perdant à la fois la fraîcheur de sa beauté et le goût à la vie. Cette vie dont elle avait tant rêvé semblerait-elle aussi inconsistante que l'air contenu dans une bulle de chewing-gum ?

Fabienne Huart

« Bubble gum » de Lolita Pille aux éditions Grasset, 18 € (également au Livre de Poche, 6 euros) 

jeudi 12 août 2010

BD - Le pouvoir des livres de la série "Hypertext"


Une série, trois époques. « Hypertext », BD écrite par Sébastien Viaud, permet au dessinateur, Adrien Villesange, d'alterner ambiances futuriste, contemporaine et moyenâgeuse. De nos jours, une journaliste découvre dans les sous-sols de Paris un mystérieux livre très convoité. Plusieurs siècles auparavant, ce même livre semble être au centre de la relation torride entre un moine copiste et une châtelaine. 

Une partie des explications se trouve dans le futur. Notre monde a été frappé par un vaste bug. Depuis, toute la connaissance et le pouvoir repose sur les derniers livres existants. Les bouquinistes sont les rois. Mais des groupes luttent contre ce nouvel ordre mondial. Notamment les femmes du groupe « Hypertext », sortes de terroristes détruisant le plus de livres possibles. 

Cette fiction est une jolie parabole sur le pouvoir des livres. Aujourd'hui ils sont nombreux et peu chers. Profitons-en !

« Hypertext » (tome 2), Delcourt, 12,90 € 

mercredi 11 août 2010

BD - Chasse à l'homme et au lion


Au cœur du Kenya, dans la vallée du Rift, un homme est seul. Il court. A ses trousses, un lion. Chasseur ou chassé, les rôles sont parfois inversé et tiennent à peu de choses. C'est un peu la philosophie de cette nouvelle série écrite de Perrissin et dessinée par Pavlovic. Dans cet immense pays, quelques fermiers blancs ont fait fortune en produisant du café. L'homme en fuite est Sean Munroe. 

Condamné pour le meurtre de sa compagne, il vient de fausser compagnie à ses gardiens. Il est Blanc. Sa femme était noire. Et il a toujours clamé son innocence. D'ailleurs, cette évasion il n'y voit qu'un seul avantage. Il va pouvoir venger la femme qu'il aimait. Si une partie de l'action se déroule dans la brousse, l'autre est centrée sur la plantation Munroe. Le père de Sean, Robert, espère beaucoup de son mariage avec la riche héritière d'un pasteur blanc. L'exploitation n'est pas au mieux et l'apport d'argent frais pourrait empêcher la faillite.

 La série décrit minutieusement cette société sombre et en perdition, vénérant l'argent et attisant les haines entre les communautés.

« Les Munroe » (tome 1), Glénat, 13 € 

mardi 10 août 2010

BD - Miss Annie va vous faire craquer


Il parait qu'il suffit, pour qu'un blog fonctionne sur internet, d'y mettre quelques photos ou dessins de chatons. Si la recette fonctionne de la même façon dans l'édition, ce « Miss Annie » de Flore Balthazar (dessin) et Frank Le Gall (scénario) est promis à un bel avenir. 

Miss Annie c'est le nom de cette adorable petite chatte qui pour l'instant n'a pas encore quitté la maison de ses maîtres. Mais cela ne saurait tarder. Elle a quatre mois et commence à être « mature ». Les premiers chapitres, comme une mise en bouche, content la vie de cloitrée de Miss Annie. 

La petite chatte tourne en rond et fait donc de plus en plus de bêtises. Quand, par miracle, elle découvre une fenêtre entrouverte, elle en profite immédiatement pour sauter sur la branche d'un arbre voisin. Et en avant pour la grande aventure. Elle rencontrera les autres chats du quartier qui vont se charger de son éducation féline. Cette histoire, toute simple, dessinée sans effets, est d'une grande tendresse. 

Ceux qui ont eu une petite chatte dans leur foyer s'y retrouveront certainement.

« Miss Annie », Dupuis, 13,50 €

lundi 9 août 2010

Souvenirs - Pas commode le père Léandri

Bruno Léandri se souvient de son père. Surtout de ses colères et éructations. Un beau récit de la vie des banlieusards des années 50/60.


Cela fait des années que Bruno Léandri hante les pages de Fluide Glacial. Dans le mensuel « d'umour et bandessinées » il signe une nouvelle, parfois un roman-photo dont il est le héros et une rubrique répertoriant trouvailles et inventions loufoques de ces dernières années. Large lunettes, front dégarni, moustache touffue et tombante, Bruno Léandri fait partie de ces iconoclastes qui ont toujours quelque chose à apprendre, à vous apprendre. Dans « Encyclopédie de mon père », il parle de son enfance de banlieusard dans les années 50/60, mais surtout de son père, Pierre. Un portrait tout en colères et en éructations, entre rires et larmes.

« Gueulements intempestifs »

Devenu adulte, vivant de sa plume, Bruno Léandri écrit quelques superbes pages sur son paternel, comme tout le monde devrait pouvoir le faire, histoire de soulager le trou de la sécu de quelques séances chez les psys. Le père Léandri est « soupe au lait ». Il en faut peu pour qu'il sorte de ses gonds. N'importe où, n'importe comment. « Par ses gueulements intempestifs en public, mon père avait la sale manie d'attirer sur lui l'attention des foules et sur nous la honte. » L'opposé absolu de Bruno, le petit dernier, discret, malingre, renfermé. Mais il profitait du spectacle continu qu'était la vie de son père. A l'adolescence, cela s'est compliqué : « Après la puberté, l'hostilité qui s'installa entre mon père et moi connut un paroxysme de deux ans. Je l'ai haï très fort, méprisé, rejeté, agoni d'insultes. Et puis ça s'est calmé peu à peu, les premiers vols planés hors du nid relativisent beaucoup les drames de vermisseaux et de coquilles d'œufs ».

Une France d'antan

Le père Léandri était un comptable qui, en raison de son caractère entier, changeait souvent d'employeur. A l'époque, retrouver une place était chose aisée. Le foyer ne roulait pas sur l'or, mais avait suffisamment pour se payer des vacances au pays, la Corse. Bruno se souvient de la tension qui précédait ces expéditions durant la bagatelle de 48 heures (une nuit de train, une journée à Marseille, une nuit en ferry pour la traversée, et pour finir quelques heures en bus pour rejoindre le village du sud de l'île). Il raconte cette véritable odyssée avec cet humour et cette légèreté qui a fait le succès de ses nouvelles dans Fluide Glacial.

Ce récit, s'il fait la part belle à ce tonitruant papa, est aussi l'occasion pour Bruno Léandri de raconter ses nombreuses madeleines, du cinéma de quartier aux fauteuils de velours rouge, à l'épicier chez qui ont faisait les courses au quotidien, sans oublier les feuilletons radiophoniques et les albums de Tintin reçus en cadeau à Noël. C'est toute une époque qui revit sous sa plume. Il n'a pas son pareil pour nous remettre en mémoire ces petits moments précieux que tout un chacun (de plus de 45 ans) a déjà vécu, de la communion en aube blanche au pique-nique improvisé, un beau dimanche de printemps, avec salade, œufs durs et tranches de jambon au menu. Une France heureuse et simple. Dieu, qu'elle semble loin aujourd'hui...

« Encyclopédie de mon père », Bruno Léandri, Flammarion, 18 € 

dimanche 8 août 2010

Thriller - Enlèvement, basculement, avec « Les quatre fins dernières »

Aucune nouvelle, aucune piste, la petite Lucy Appleyard s'est volatilisée laissant ses parents dans un immense désarroi.


Un sang d'encre -titre de la collection aux Presses de la cité- est bien l'expression qui convient à ce roman d'Andrew Taylor paru en 2003.

Quoi de plus atroce pour une maman d'aller chercher sa fille de quatre ans chez sa nounou et, en lieu et place de l'ambiance tranquille des habituels jeux, de fins de journée, de trouver une maison en pleine effervescence, grouillant de policiers et de voisins. Lucy a disparu.

Dans sa petite tête rêveuse d'enfant de quatre ans, elle a chipé le porte-monnaie de la nounou dans l'intention d'aller s'acheter la boîte de magie tant convoitée.

Trois minutes d'inattention de la nounou et Lucy se retrouve dans la cour de la maison, seule, hésitant à franchir le portail interdit. Juste le temps et l'opportunité qu'attendait Eddie. Depuis plusieurs semaines, avec sa compagne Angel (comme quoi il ne faut jamais se fier aux apparences, même d'un prénom !), il connaît sur le bout des doigts l'emploi du temps de la petite fille et de ses parents. Et même si l'enlèvement n'était pas programmé ce jour-là, il a réussi au-delà de toutes les espérances d'Eddie et Angel la tyrannique.

Remises en question

A partir de ce moment, les policiers sont sur la brèche. Même Michaël, le père de Lucy, policier lui aussi, se lance dans une recherche désespérée malgré l'interdiction de sa hiérarchie, le considérant trop. impliqué pour effectuer un travail objectif. Quant à Sally, première femme pasteur de l'Eglise anglicane de la petite communauté de quartier de Kensal Yale et mère de Lucy, elle se retrouve en proie à des interrogations et des doutes qu'elle n'aurait jamais crus possibles sur l'essence même de sa foi.

Les interventions du parrain de Michaël, ecclésiastique lui aussi et comme la majorité, opposé à l'ordination des femmes, ne font qu'envenimer une situation déjà tendue à l'extrême.

Pour tout arranger, au lieu de les rapprocher dans l'épreuve, les relations entre Sally et son mari se détériorent rapidement, mettant à nu une tension latente depuis plusieurs mois.

Ange ou démon ?

Dans cette histoire a double face - celle des ravisseurs et celle des victimes – les personnalités ressortent avec une virulence teintée d'une palette aux mille nuances, soulignant là tout le talent de l'auteur.

Si l'on a rapidement catalogué Angel parmi les « méchants », Eddie lui est présenté comme un pédophile, certes, et donc condamnable à 200% ; mais par de nombreuses facettes, tant dans son comportement que dans son caractère, l'auteur arrive à le rendre presque sympathique, en tout cas susceptible de provoquer la pitié du lecteur.

Incroyable et d'autant plus dérangeant que l'actualité bien réelle celle-là, n'épargne pas enfants et parents.

On ne peut néanmoins que saluer Andrew Taylor pour la finesse d'analyse des personnalités multiples de tous les protagonistes ainsi que le rythme tantôt lancinant, tantôt haletant de l'intrigue. .

Tel un morceau de musique bien orchestré, les pianissimos s'entremêlent aux fortes pour se terminer en un crescendo fortissimo.

Fabienne Huart

« Les quatre fins dernières » de Andrew Taylor aux Presses de la Cité, 18,90 euros

samedi 7 août 2010

BD - De la volaille à plumer


Avouons-le, parfois, cela fait du bien de se moquer de la maréchaussée. « Les Poulets du Kentucky » a cet effet salutaire car il a pour héros des policiers américains assez calamiteux. Dommage que les auteurs (Richez au scénario et Saive au dessin) n'aient pas francisé leur concept. « Les poulets de la Bresse » auraient été tout aussi marrants, voire plus...

Donc nous sommes au Kentucky, dans une ville moyenne qui ne vit que par et pour l'industrie du poulet, le gallinacée. Les policiers locaux ont fort à faire, notamment l'agent Garcia, une hispanique fière et très à cheval sur les principes. Son premier souci, paradoxalement, c'est son coéquipier, Peeper. Avant tout il est roux. A cette tare suprême, il faut y rajouter le fait qu'il est raciste, fils du gouverneur, idiot, obsédé sexuel et pour finir persuadé que Garcia est sa sœur... Ce duo, classique dans toute histoire comique, fonctionne parfaitement. Il est vrai que Pepper est un condensé de bêtise ambulante et que ses initiatives sont toujours plus foireuses les unes que les autres. 

De la prise d'otages à la demande de rançon en passant par le simple tapage nocturne, il n'a pas son pareil pour transformer la moindre enquête ou mission en catastrophe qui salira l'honneur de la police pour les dix siècles à venir. Les gags sont souvent efficaces et Saive, au dessin, arrondit un peu son trait pour entrer dans le moule d'une école belge (de Marcinelle en l'occurrence) redoutable d'efficacité et de lisibilité.

« Les poulets du Kentucky » (tome 2), Dupuis, 9,95 € 

vendredi 6 août 2010

BD - Léa ne sait plus vivre...


Album très littéraire que cet énigmatique « Léa ne se souvient pas comment fonctionne l'aspirateur ». Beaucoup moins étonnant quand on sait que c'est Corbeyran qui a scénarisé cette belle histoire dessinée par un petit prodige coréen, Gwangjo. 

Une BD littéraire dont le personnage principal est Louis Levasseur. Ce prototype d'écrivain fauché et en mal d'inspiration trouve son salut dans les poubelles de ses voisins. Un soir, il récupère un cahier d'écolier dans lequel Léa raconte ses malheurs. Une maladie en fait. Léa est incapable de se souvenir comment fonctionne les appareils ménagers. De l'aspirateur à la cafetière électrique en passant par le lave-linge. 

Cette jeune épouse au foyer confie au cahier sa détresse. Elle ira même consulter une voyante pour tenter de trouver une solution. Ce qu'il est advenu de Léa, le cahier ne le dit pas, mais Louis va l'imaginer et signera ainsi un best-seller international qui lui permettra de changer de vie. Quelques années plus tard, l'écrivain, par hasard, tombe sur Léa. Il va tenter de la séduire, comme pour s'excuser de s'être enrichi avec ses difficultés. Il découvrira une femme plus complexe que prévue, fière et indépendante. 

Cela aurait pu être une petite bluette dans l'air du temps avec fin heureuse et jolie morale. Corbeyran y met beaucoup plus, s'attaquant à un fait de société qui risque d'en surprendre plus d'un. Ces 128 pages sont dessinées au crayon à papier par un jeune dessinateur maîtrisant à la perfection toutes les nuances de gris de sa palette.

« Léa ne se souvient pas comment fonctionne l'aspirateur », Dargaud, 19 € 

jeudi 5 août 2010

BD - Boiscommun nous donne des murs pour horizon


Dans un futur que l'on ne souhaite à aucun de ses descendants, les hommes et les femmes vivent séparés dans une ville entourée de hauts murs. Cette société, très policée, ne laisse pas la place à l'amour, la compassion, la joie. 

Régulièrement, hommes et femmes sont tirés au sort pour vivre quelques journées ensemble. Si en surface la police du Présideur fait régner la terreur, dans les sous-sols il en est tout autrement. Des « infidèles » entendent redonner espoir à la population en se battant pour qu'enfin vienne le temps de la Cité de l'Arche. 

Cette nouvelle série de Boiscommun est particulièrement riche. Graphiquement d'abord. Il mélange vieille ville et technologie du futur, robots et créatures cauchemardesques. Pour ce qui est du scénario, on découvre les rigueurs de cette société à travers les yeux d'un jeune homme qui est tombé amoureux d'une femme aperçue de loin.

« La Cité de l'Arche » (tome 1), Drugstore, 13,90 € 

mercredi 4 août 2010

BD - Le jour sans du Chevalier maudit


Si vous êtes à la recherche de héros positif et exemplaire, n'ouvrez pas cette BD de Rémy Benjamin (scénario) et Pero (dessin). Par contre, si vous êtes à la recherche de preuves sur la noirceur de l'âme humaine, vous vous délecterez de cette histoire de chevalier maudit. 

Au Moyen Age, Roland, un châtelain, se prépare à partir pour les croisades. Officiellement au nom de Dieu et pour porter la bonne parole, officieusement pour tuer, piller et violer. Il laisse sa femme seule au château. En Croisade, il est accompagné de ses gens, soldats qui vont se fondre dans l'immense cortège. Une croisade qui ne sera pas de tout repos pour Roland, constatant au fil des jours qu'il n'a pas de chance. Accident de chariot, cheval mort, chutes, sans oublier ces oiseaux qui se soulagent sur lui. Rapidement le rumeur court : Roland est-il maudit ? 

Dès les premières défaites cela devient une évidence pour tous. Roland est obligé de fuir, la malédiction augmentant sur le chemin du retour. Une histoire habile et un dessin en devenir sont les atouts de cette BD.

« Un jour sans », Ankama Editions, 12,90 € 

mardi 3 août 2010

BD - Le Tueur de Matz et Jacamon peut-il s'humaniser ?


Le Tueur poursuit son œuvre sur les terres vénézuéliennes. Passé à la solde de Cuba, il abat plusieurs responsables de la junte ayant renversé le président élu. Pour une fois, il semble être du bon côté. Cela ne l'empêche pas de tuer méthodiquement, sans états d'âme. Que cela soit des militaires sanguinaires l'indiffère. Il a pourtant un peu l'impression d'œuvrer pour l'avenir de la planète et de ses habitants. 

Il se trouve que le Tueur est devenu père. Est-ce pour son fils qu'il s'humanise ? Matz, le scénariste, y apporte un embryon de réponse quand il relève que « au XXe siècle, les guerres génocides et massacres ont fait plus de 170 millions de morts. Et la plupart de ces gens ont été tué par de bons pères de famille, sûrs de leur bon droit et de leur force... Parfois même au nom de leurs enfants ». 

La série, toujours dessinée par Jacamon ne fait pas dans la dentelle. « L'homme est-il bon ? » se demandait Moebius. Il est méchant, tout simplement.

« Le Tueur » (tome 8), Casterman, 10,40 € 

lundi 2 août 2010

Roman - Carcans britanniques malmenés par Alan Bennett

La vie en couple entraîne une sclérose des sentiments. Pour Alan Bennett, l'auteur de ce roman, rien de tel qu'un cambriolage pour casser les carcans.

Une plongée vertigineuse dans le quotidien d'un couple anglais : tel est le menu principal de ce court roman d'Alan Bennett. L'auteur, connu pour ses séries télé, pièces de théâtre et désormais romans, décrit la vie de ses compatriotes avec une rare acuité.

Maurice et Rosemary Ransome semblent être les archétypes des Anglais bon teint, stricts et coincés. Le seul plaisir de Mr Ransome est l'écoute de la musique classique. Après une soirée à l'opéra, ils tombent des nues en constatant qu'ils ont été cambriolés. Leur appartement a été vidé. De fond en comble. Jusqu'aux rideaux et au papier toilette... « Le vol d'une chaîne hi-fi est parfaitement banal. Celui d'une moquette l'est moins. »

Exit les habitudes

Passé la surprise, il faut réagir. Alors que Mr Ransome cherche une cabine téléphonique pour prévenir la police (qui ne viendra que 5 heures plus tard), Mrs Ransome attend, « assise le dos au mur à l'endroit où elle se serait normalement allongée si leur lit n'avait pas disparu. » La force des habitudes...

Le quotidien parfaitement réglé et morne des Ransome se trouve donc bouleversé. Le lendemain matin, Maurice, avoué, se fait un point d'honneur à aller travailler comme si de rien n'était. « Il n'était pas lavé, pas rasé, il avait le derrière en compote et s'était contenté pour le petit déjeuner d'un filet d'eau froide, au robinet de l'évier. Toutefois, aucun des arguments qu'aurait pu avancer Mrs Ransome ne l'aurait empêché de se rendre héroïquement à son travail. Elle savait du reste, instinctivement que, même dans ces circonstances sans précédent, son rôle consistait à flatter le noble dévouement de son mari. »

La vraie vie

Alan Bennett brosse avec brio le portrait de ces deux spécimens assez particuliers. Maurice, tout en principe et rigueur, semble inébranlable. Ce n'est pas le cas de Rosemary qui finalement va profiter de cet événement pour sortir de son train-train. Pour remeubler l'appartement, elle va découvrir d'autres magasins, notamment cette épicerie pakistanaise dont elle n'osait pas franchir le seuil et qui se révèle une caverne d'Ali-Baba pour s'assurer un minimum de confort. Par exemple ces poufs, elle dit des « balles de haricots », remplacent avantageusement les vieux fauteuils. Elle va se mettre à cuisiner des curry, porter de fausses perles, envisager de peindre les murs en blanc. Et regarder la télévision l'après-midi. « Affalée sur sa balle de haricots au milieu du parquet dénudé de son salon, Mrs Ransome découvrit qu'elle n'était pas malheureuse, que sa situation présente avait une réalité bien plus grande et que, indépendamment du confort que chacun est en droit d'attendre, ils allaient désormais pouvoir mener une vie moins douillette... » Une prise de conscience augmentant quand ils vont enfin découvrir pourquoi on les a cambriolés.

La force du texte d'Alan Bennett n'est pas dans cette révélation mais bien dans la seconde naissance de Mrs Ransome. De victime passive de sa vie écrite à l'avance elle va se transformer en décideuse dominante. Mr Ransome n'est pas au bout de ses surprises.

« La Mise à nu des époux Ransome », Alan Bennett, Denoël, 12 € 

dimanche 1 août 2010

Fantastique - Terreur au château de Shirley Jackson


« Je m'appelle Mary Katherine Blackwood. » C'est la première phrase de ce roman. Une jeune fille de 18 ans, surnommée Merrycat par sa sœur Constance. Merrycat qui raconte à la première personne leur déchéance. Merrycat que le lecteur n'est pas prêt d'oublier. Séduit dans un premier temps par cette sauvageonne rêveuse, il sera petit à petit terrorisé en découvrant ses véritables pensées et la façon bien particulière qu'elle a de se venger quand on la punit.

Ces deux sœurs vivent dans une grande maison isolée au milieu d'un parc interdit au public. Il est vrai que leurs relations avec les villageois se limitent au strict minimum. Merrycat se contente d'aller en ville deux fois par semaine pour faire des courses. Constance vit cloîtrée dans sa maison depuis des années. Un terrible drame a bouleversé leur vie. Depuis, les

dernières descendantes de la famille Blackwood sont devenues les têtes de turc de toute la contrée. Insultes, humiliations, plaisanteries grasses et quolibets, rien ne leur est épargné. Une ambiance exécrable qui se détériore au fil des pages, augmentant le sentiment d'oppression qui ne peut qu'aboutir à une explosion de violence.

Shirley Jackson a dû mettre beaucoup d'elle-même dans le personnage de Merrycat. Si dans un premier temps elle a essentiellement écrit des livres pour enfant, elle a rencontré un succès considérable aux U.SA dès qu'elle a abordé la littérature d'horreur. Personnage excentrique s'autoproclamant sorcière, on peut également lire d'elle (toujours chez Pocket) « La loterie » et « Maison hantée. »

« Nous avons toujours habité le château.», Shirley Jackson, Pocket, (chronique parue une première fois en février 1999)