Bruno Léandri se souvient de son père. Surtout de ses colères et éructations. Un beau récit de la vie des banlieusards des années 50/60.
Cela fait des années que Bruno Léandri hante les pages de Fluide Glacial. Dans le mensuel « d'umour et bandessinées » il signe une nouvelle, parfois un roman-photo dont il est le héros et une rubrique répertoriant trouvailles et inventions loufoques de ces dernières années. Large lunettes, front dégarni, moustache touffue et tombante, Bruno Léandri fait partie de ces iconoclastes qui ont toujours quelque chose à apprendre, à vous apprendre. Dans « Encyclopédie de mon père », il parle de son enfance de banlieusard dans les années 50/60, mais surtout de son père, Pierre. Un portrait tout en colères et en éructations, entre rires et larmes.
« Gueulements intempestifs »
Devenu adulte, vivant de sa plume, Bruno Léandri écrit quelques superbes pages sur son paternel, comme tout le monde devrait pouvoir le faire, histoire de soulager le trou de la sécu de quelques séances chez les psys. Le père Léandri est « soupe au lait ». Il en faut peu pour qu'il sorte de ses gonds. N'importe où, n'importe comment. « Par ses gueulements intempestifs en public, mon père avait la sale manie d'attirer sur lui l'attention des foules et sur nous la honte. » L'opposé absolu de Bruno, le petit dernier, discret, malingre, renfermé. Mais il profitait du spectacle continu qu'était la vie de son père. A l'adolescence, cela s'est compliqué : « Après la puberté, l'hostilité qui s'installa entre mon père et moi connut un paroxysme de deux ans. Je l'ai haï très fort, méprisé, rejeté, agoni d'insultes. Et puis ça s'est calmé peu à peu, les premiers vols planés hors du nid relativisent beaucoup les drames de vermisseaux et de coquilles d'œufs ».
Une France d'antan
Le père Léandri était un comptable qui, en raison de son caractère entier, changeait souvent d'employeur. A l'époque, retrouver une place était chose aisée. Le foyer ne roulait pas sur l'or, mais avait suffisamment pour se payer des vacances au pays, la Corse. Bruno se souvient de la tension qui précédait ces expéditions durant la bagatelle de 48 heures (une nuit de train, une journée à Marseille, une nuit en ferry pour la traversée, et pour finir quelques heures en bus pour rejoindre le village du sud de l'île). Il raconte cette véritable odyssée avec cet humour et cette légèreté qui a fait le succès de ses nouvelles dans Fluide Glacial.
Ce récit, s'il fait la part belle à ce tonitruant papa, est aussi l'occasion pour Bruno Léandri de raconter ses nombreuses madeleines, du cinéma de quartier aux fauteuils de velours rouge, à l'épicier chez qui ont faisait les courses au quotidien, sans oublier les feuilletons radiophoniques et les albums de Tintin reçus en cadeau à Noël. C'est toute une époque qui revit sous sa plume. Il n'a pas son pareil pour nous remettre en mémoire ces petits moments précieux que tout un chacun (de plus de 45 ans) a déjà vécu, de la communion en aube blanche au pique-nique improvisé, un beau dimanche de printemps, avec salade, œufs durs et tranches de jambon au menu. Une France heureuse et simple. Dieu, qu'elle semble loin aujourd'hui...
« Encyclopédie de mon père », Bruno Léandri, Flammarion, 18 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire