samedi 5 décembre 2009

Le destin brisé de la femme accident de Lapière et Grenson



La seconde partie de « La femme accident », un superbe portrait de femme signé Lapière et Grenson était très attendue. Le premier, scénariste de Charly ou du bar du vieux Français, offre un récit dense et social à Olivier Grenson que l'on n'attendait pas dans ce registre. Le dessinateur de Niklos Koda signe des décors industriels (terrils et usines abandonnées) criants de vérité. Mais ce diptyque doit sa réussite au personnage de Julie. Cette jeune femme a grandi dans la misère. Elle fait tout pour s'en sortir. Tout et plus. 

Aujourd'hui elle est devant les jurés, accusée du meurtre de Théo, son petit ami. En parallèle à l'audience, Julie se confie au lecteur, explique son parcours, de la crasse de Charleroi aux restaurants de luxe parisiens, maîtresse d'un riche homme d'affaires. Puis son retour au pays, son investissement dans une boutique avant le drame. 

Une histoire d'amour et de passion, simple et belle à la fois où le dessin en couleurs directes colle parfaitement à l'ambiance de l'intrique.

« La femme accident » (tome 2), Dupuis, 15,50 €

mardi 21 avril 2009

BD - Choc intégral


Quatre albums de Tif et Tondu. Ce ne sont pas moins de quatre albums qui sont regroupés dans ce 5e tome de l'intégrale des héros dessinés par Will sur des scénarios de Rosy, l'inventeur de M. Choc, le méchant de légende de cette série qui a connu son heure de gloire durant les années 60. Sur près de 200 pages vous pourrez déguster les trouvailles graphiques de Will et les intrigues, bourrées de rebondissements de Rosy. 

En préambule, dans une interview, ce dernier explique qu'il aurait voulu changer l'ambiance de la série mais que les lecteurs redemandaient sans cesse du Choc. Cela ne l'empêchait pas de saupoudrer ses récits de fantastique comme dans le dernier titre du recueil, « Le grand combat ».

« Tif et Tondu, intégrale » (tome 5), Dupuis, 22 euros 

jeudi 16 avril 2009

BD - De gros câlins très torrides et à fleur de peau


Arthur et Janet sont jeunes, s'aiment et se le prouvent sans cesse. N'importe où, n'importe comment. Arthur et Janet pourraient être les doubles de Cornette (scénario) et Karo (dessin). Cet bel album d'histoires courtes raconte au lecteur (ou lectrice) le quotidien assez chaud de ces deux tourtereaux. Cela commence par une balade dans une grande ville d'une ancienne dictature communiste de l'Est. Aujourd'hui, les mœurs des habitants sont plus libres. 

Arthur et Janet en profitent pleinement, faisant l'amour dans le couloir d'un grand hôtel, puis dans un jardin public et dans une grange. Une très bonne façon de découvrir un pays sous un jour différent. Les autres récits mettent en vedette soir d'autres partenaires (homme ou femme) voire des ustensiles détournés comme ces ingrédients d'un cake à la banane joyeusement gâchés dans une cuisine. Au final, ce sera salade de fruit car « seule la banane était plus ou moins récupérable... » 

Cette BD, pour un public averti, va au-delà de l'érotisme. Mais si certaines scènes peuvent être qualifiées de pornographiques, elles restent avant tout sensuelles, pleine de désir partagé et d'écoute du partenaire. Et jamais vulgaires.

« Arthur et Janet à fleur de peaux », Drugstore, 13 € 

mercredi 15 avril 2009

Thriller et fantastique - La Sentinelle du Complex

La prédiction de l'avenir est au centre de la seconde partie de la trilogie Complex, signée de Denis Bretin et Laurent Bonzon.


Celui qui connait l'avenir peut dominer le monde. Ce précepte, qui n'a jamais été mis en pratique, est au centre de ce roman, entre thriller et épopée fantastique. « Sentinelle » de Denis Bretin et Laurent Bonzon est la seconde partie de la trilogie « Complex ». L'action débute en 2001. Un prêtre grec, officiant dans une petite chapelle dans les sous-sols du World Trade Center, reçoit tous les matins un appel d'une femme. Angela, vivant seule avec sa fille, a des visions. Elle les raconte et se confie à cette oreille attentive. Le 10 septembre, tôt le matin, Angela téléphone au numéro habituel. Tombe sur le répondeur, débite une longue tirade en une langue ancienne et se met à réciter une liste de 2985 noms. Les identités des 1985 personnes qui trouveront la mort, le lendemain, dans l'attentat des deux tours jumelles. Dans cette liste, le prêtre grec.

Trois ans plus tard, deux agents de la police fédérale chargés d'enquêter sur les attentats découvrent le message sur le répondeur. S'ils comprennent rapidement à quoi correspond la liste de noms, ils ont plus de difficulté pour faire traduire le préambule. Une universitaire va se charger de la traduction de ce texte qui parle des « colonnes jumelles, très hautes, ils vont les toucher de leurs ailes, les deux rapaces envoyés des extrémités de la terre. » Plus loin Angela explique que « l'orgueilleuse aux larges rues va s'agenouiller, la cité aux mille tours, mise à bas, écrasée à terre ». Les deux agents, Andy et Geoffrey se lancent à la recherche de cette femme qui avait prédit l'attentat. Mais ils ne sont pas seuls à tenter de la retrouver. Angela, devenue SDF, à moitié folle, recluse dans un entrepôt, peignant sans discontinuer une fresque représentant le Tsunami qui ravagera l'Asie du Sud-Est quelques mois plus tard.

Le retour de Renzo

Ce début de roman, passionnant, voit également l'intervention, quelques années plus tard, de Crawford, le dirigeant d'une société de conseil, Oracle. Lui aussi est à la recherche d'Angela. Elle semble posséder un pouvoir qui l'intéresse au plus haut point. Il faut en fait attendre presque 150 pages pour faire le lien avec le premier roman, « Eden ». Le personnage principal du premier opus, le commissaire Renzo Sensini qui avait mené l'enquête dans cette affaire de manipulation génétique et d'éco-terrorisme. Il est en Grèce, pour quelques jours de repos. C'est là qu'il retrouve Iva Neves, une « ennemie » tombée sous le charme de ce flic bourru. Bretin et Bonzon vont placer au fil des chapitres leurs pions pour cette gigantesque partie d'échecs de dimension mondiale. 

Des milliardaires avides de pouvoir, des flics dévoués mais dépassés par les événements, une entreprise, Oracle, aux ramifications planétaires et aux buts mystérieux et Renzo Sensini vont être au centre de cette course poursuite pour tenter de « posséder » cette femme, sorte de descendante de la Pythie de la mythologie. Un suspense crescendo pour un roman qui se dévore. On est impatient de connaître la fin, le dénouement. Mais le lecteur n'a pas le don d'Angela...

« Sentinelle », Laurent Bonzon & Denis Bretin, Editions du Masque, 20 euros v

mardi 14 avril 2009

BD - Cité d'la balle, la banlieue passée à la moulinette


Non, Monsieur Relom, ce n'est pas gentil de se moquer des jeunes de banlieue ! Vous ne devriez pas être fier de rabaisser ces jeunes ayant tant de difficulté d'intégration ! Ce couplet moralisateur placé pour se donner bonne conscience, ne boudons pas notre plaisir et rions aux éclats des déboires de cette bande de bras cassés. 

D'autant qu'une fois les gags appréciés au premier degré, on constate que Relom a finalement beaucoup de tendresse pour ces cinq amis, copains à la vie à la mort. Titi, le roux, intelligent et gay, donne une belle leçon de tolérance à sa mère, fonctionnaire de gauche mais pleine de préjugés. 

Et même si au passage ils mettent la ville à feu et à sang, cela part d'un bon sentiment...

« Cité d'la balle », Lombard, 10,40 € 

lundi 13 avril 2009

BD - Petite lucarne dépressive


Klébar, un bâtard taciturne, n'a pas une vie palpitante. Il suit les humeurs de sa maîtresse, Rose, retraitée solitaire accro à la télévision. Sans être géniale, sa vie pépère se déroulait sans encombres. Jusqu'à ce jour funeste où Patrick a été viré par les dirigeants de TF1. 

Patrick c'est PPDA, le présentateur du 20 heures avec qui Rose avait noué une relation intime et fusionnelle. Mo/CDM, le créateur de ces personnages, a poussé jusqu'à l'extrême cette douce folie d'une ménagère complètement déconnectée de la réalité par abus de « lucarne magique ». 

Les gags s'enchaînent, allant crescendo, jusqu'à un dénouement confirmant que ce public est très versatile.

« Klébar le chien » (tome 2), Fluide Glacial, 9,95 € 

dimanche 12 avril 2009

Mes BD souvenirs (8)

La collectionite est une redoutable maladie. Je l'ai donc attrapée à la fin des années 70. Mon virus : les magazines BD. En fait, au début, elle était très limitée, comme mes finances... Encore lycéen, mineur de surcroit, je n'avais pas de revenu. Tout mon argent de poche passait dans l'achat épisodique des mensuels (Pilote, Métal, Fluide, L'Echo, Charlie, Circus, A Suivre...). Pour les hebdos, j'étais abonné. Dès que j'ai travaillé l'été, je suis monté en puissance.


Quand je suis rentré à la fac (rentrée 1980), j'avais suffisamment d'argent pour tout acheter. Une passion que j'ai logiquement transformé en sujet de mémoire à la fin de mes études de journalisme... Les piles n'étaient pas encore très hautes, mais de plus en plus nombreuses. D'autant qu'à l'époque les lancements étaient nombreux. C'était l'âge d'or de ce type de presse. En plus des grands classiques déjà cités sont apparus des titres plus ciblés comme Vécu (BD et histoire), Gomme (mensuel pour adolescents de Glénat), Psikopat (que du Carali au début), Métal aventure, Rigolo (les Humanos au service de l'humour, de Margerin à Jano), Corto ou le très expérimental « Journal illustré le plus grand du monde ». Ce titre avait tenté de révolutionner le concept en imprimant sur du papier journal dans un format gigantesque. Ce n'était pas extraordinaire sauf la prépublication d'une histoire de Comanche. En noir et blanc et surtout au format original des planches de Hermann. J'adorais son trait. Le voir en grand le magnifiait encore plus. Il n'y a eu que cinq numéros en 1982 et 1983. Je les avais tous achetés.


Les années 90 ont été redoutables pour toute cette presse. Les titres ont disparu les uns après les autres. N'ont survécu que Fluide et le Psikopat. D'autres ont tenté de prendre la suite. J'avais beaucoup aimé « Pavillon Rouge » de chez Delcourt. Lanfeust continue (mais est de moins en moins présent dans les kiosques), Tchô surfe sur le succès de Titeuf. Par contre je n'ai jamais accroché aux revues « d'analyses ». Notamment Bodoï, Bédéka et plus récemment « Casemate ». Pourtant, dans les années 80, j'achetais régulièrement « Les cahiers de la BD ».

Durant ces années 80, je ne jurais que par les revues, dédaignant les albums que je trouvais trop chers. C'est en décrochant mon premier job et des salaires corrects que j'ai pu additionner les deux. En plus de compléter mes collections de revues dans les bouquineries, je me suis mis à acheter une dizaine d'albums par mois. Résultat, mon problème (que j'ai toujours d'ailleurs) a été de trouver de la place pour ranger ces milliers de titres.

(A suivre dimanche prochain) 

samedi 11 avril 2009

BD - Variation sur le soldat inconnu


Un album sur la guerre de 14/18 à lire en écoutant de la musique punk. Manu Larcenet au scénario, Daniel Casanave au dessin : le duo propose une aventure rocambolesque du soldat inconnu. 

Ce soldat, officier peu recommandable, ressuscite d'entre les morts. Il se retrouve dans un gigantesque cimetière, obligé de vivre en tête à tête avec le gardien, dernier survivant de notre triste civilisation, amateur de groupes radicaux, du Clash aux Wampas. Ces deux personnalités que tout oppose vont devoir apprendre à vivre ensemble. 

Ce ne sera pas facile, certains cauchemars devront être exorcisés. Inclassable mais brillant, comme toutes les productions de Larcenet, auteur entier qui construit une véritable œuvre, titre après titre.

« Crevaisons », Dargaud, 10,40 € 

vendredi 10 avril 2009

Essai - Les Yé-yés de A à Z


Débuté en 1959, le phénomène yé-yé a 50 ans, un demi-siècle. Les jeunes qui se trémoussaient au début des années 60 sont maintenant retraités. On peut donc sans remord se pencher avec nostalgie sur cette période musicale qui a marqué l'arrivée du modernisme (et du commercial) dans la chanson française. Alain Pozzuoli se propose de guider les fans, histoire de leur rafraîchir la mémoire. Sous forme d'un dictionnaire, il présente les idoles de l'époque, les opportunistes, les éphémères, les groupes et supports ayant aidé à l'éclosion des yé-yés. Le dictionnaire a l'avantage de permettre à tout un chacun de picorer dans cette longue liste de personnalités. 

Certes il y de nombreuses pages sur les stars, de Johnny Hallyday à Claude François en passant par Sheila et Sylvie Vartan, mais l'auteur nous fait également profiter de son savoir immense sur un phénomène qui produisait des « artistes » à la pelle, sortant parfois un 45 tous les trois mois, un peu comme nos vedettes « jetables » de la téléréalité. Ainsi vous découvrirez l'itinéraire éclair d'Hector, un « rocker maudit » surnommé « le Chopin du twist ». Encore plus provocateur qu'Antoine et ses élucubrations, il s'est, au cours d'un reportage, fait cuire un œuf sur la flamme du soldat inconnu. Son principal tube s'intitulait « Je vous déteste ». 

Un « personnage à la Salvador Dali » selon Alain Pozzuoli qui avait pour paroliers Gérard Sire et Jean Yanne. Des chanteurs qui souvent prenaient des pseudonymes, le plus simple possible. En 1967 une certaine Josiane Grizeau se présente au public sous le sobriquet de Céline. Echec. Deux ans plus tard elle est de retour en Séverine. 

Enfin le succès, elle remporte même l'Eurovision en 1971 pour... Monaco. Les yé-yés qui ont même compté dans leurs rangs une religieuse, la fameuse Sœur Sourire en tête des hit-parades en 1962.

Ce dictionnaire propose également des chapitres reprenant les tubes par année, les scopitones marquants ou les films tournés par les chanteurs de l'époque. Un ouvrage très complet, sérieux, un peu pauvre en illustrations (seulement 16 pages de photos sur un total de 576) mais riche en informations et anecdotes en tout genre.

« Dictionnaire des Yé-yés », Alain Pozzuoli, Pygmalion, 22 € 

jeudi 9 avril 2009

BD - Tous tocards !

A en croire Christophe Donner, le PS n'est qu'une écurie de tocards. Mais cela n'empêche pas le joueur de parier. Et gros...


« 20 000 euros sur Ségo ! » Le titre de cette sortie de Christophe Donner donne d'emblée le ton. Associer politique de gauche et jeu d'argent c'est encore plus révolutionnaire que de faire un meeting au Zénith en tunique de soie sauvage. Si Patrick Rambaud se paie notre « fulgurant président », Christophe Donner, lui aussi chez Grasset, préfère attaquer sur sa gauche. Il frappe dans le tas, de Ségolène à Hamon, en racontant les coulisses de ce fratricide congrès de Reims.

En fait, tout commence par une envie de femme. La femme du narrateur qui veut changer les fenêtres de leur appartement. Il faut trouver 20 000 euros. Madame a une idée : « Écris un livre, un livre qui rapporte des sous ! » Plus porté sur les paris hippiques que la politique, le narrateur obtient cependant une avance de son éditeur en lui expliquant qu'il allait raconter, de l'intérieur, le congrès de Reims du parti socialiste.

La curée de Reims

C'est en constatant qu'il y a six motions en concurrence que l'idée lui est venue de parier sur le résultat. Après un rapide tour d'horizon, il se décide et lance la fameuse phrase à son bookmaker anglais. Ce texte, vif et enlevé, alterne les explications savantes sur les humeurs de turfistes (déjà lues dans les précédents livres de Christophe Donner) et des considérations sur la politique, les politiques, les partis et les militants. Avec un final immergé dans le congrès, quand tout le monde espérait le duel Martine – Ségolène.

Au début, avant de se consacrer à ses deux principales héroïnes, il tente de s'intéresser aux autres candidats. Le beau Benoît Hamon n'est pas le plus mal traité. Par contre Bertrand Delanoë en prend pour son grade quand l'auteur analyse un de ses discours : « Fidélité, rénovation, croire, changer l'Europe, justice sociale, plus de démocratie, le maire de Paris appuyait sur chacun de ces mots, comme de nouveaux clous qu'il enfonçait dans sa langue de bois. »

Ode aux banquiers

Alors que la lutte devient plus serrée, que la crise économique mondiale s'accélère, la côte de Ségolène baisse de plus en plus. Bien qu'elle ait la majorité de l'appareil du parti contre elle, les militants se montrent de plus en plus enthousiastes. Comme le narrateur. Il n'est pas convaincu de la pertinence de son programme (ce fils de communiste avoue même qu'il a voté Sarkozy), mais simplement car il est entraîné par le jeu. Il risque gros et n'a qu'un désir pour l'avenir : qu'elle l'emporte. Même à 2 contre 1, il double sa mise. Au détour des péripéties contées par le menu avec force de détails, le narrateur a cette tirade pour défendre les banquiers, en totale opposition avec l'air du temps mais très visionnaire : « Les banquiers sont les gardiens, les bergers de l'économie. Ils veillent sur nous. Seulement, à force de se faire accuser de tous les maux, leur mauvaise conscience se réveille. Déjà qu'à l'état normal ce sont des gens ravagés par le doute, si toute l'opinion se dresse contre eux, c'est fini, ils vont craquer. »

La fin de l'histoire, tout le monde la connaît : Martine Aubry l'emporte avec quelques dizaines de voix d'avance. Pari perdu alors pour Christophe Donner ? Pas sûr, le bougre a plus d'un atout dans sa manche. Ce livre par exemple. Son ton résolument caustique envers le PS et la politique en général devrait lui assurer un petit succès. De quoi payer les « fenêtres en or » tant désirées par sa femme.

« 20 000 euros sur Ségo ! », Christophe Donner, Grasset, 12 € 

mercredi 8 avril 2009

BD - Belle inconnue


Bastien Vivès, à peine 20 ans, s'est fait remarquer avec « Le goût du chlore », histoire d'amour compliquée se passant dans une piscine. Il récidive avec « Dans mes yeux », dessiné en couleurs directes (pastel et crayons de couleurs) au scénario ténu mais prenant. 

Avec en plus un parti pris narratif étonnant, chaque dessin est ce que voit le second personnage de cette histoire de séduction. On a droit à 100 pages de représentations d'une belle étudiante, rousse et parfois futile. Elle rencontre dans une bibliothèque ce garçon que l'on devine. Ils se revoient, se comprennent, s'aiment. 

Bastien Vivès a visiblement pris beaucoup de plaisir en dessinant cette jeune fille inconnue. Les cinq pages durant lesquelles elle danse sont un modèle du genre. Un album innovant à découvrir.

« Dans mes yeux », Casterman, 16 euros 

mardi 7 avril 2009

BD - Hommes bavards


Les hommes aussi tombent amoureux. Tel pourrait être l'autre titre de ce recueil de nouvelles illustrées. Gilles Lahrer raconte, Sébastien Vassant dessine. Une quinzaine de témoignages comme autant de relations possibles entre les hommes et les femmes. 

Chaque récit est précédé d'une explication, face au lecteur, du principal protagoniste. De Massimo, agent commercial à Ferdinand, écrivain, autant de cas particuliers dans lesquels il est possible de se reconnaître. 

Cela va du graveleux au poétique, du pathétique à l'émouvant. Aucune relation ne ressemble à une autre. Les femmes apprécieront, les hommes auront parfois du mal face à ce miroir déformant.

« La voix des hommes qui se mirent », Futuropolis, 22 euros 

lundi 6 avril 2009

BD - Débuts courts de Chester Brown


Chester Brown, avec Joe Matt et Seth, est un des piliers de la BD indépendante nord-américaine. Logiquement, la nouvelle collection des éditions Delcourt reprend « Le petit homme », compilation de ses histoires courtes parues entre 1980 et 1995. Ses premières œuvres, très surréalistes, encore hésitantes, côtoient des récits autobiographiques beaucoup plus longs et aboutis. 

Dans cette dernière catégorie, Helder est un classique, suivi d'un « making of » très instructif sur sa méthode de travail. Le tout est une nouvelle fois mis en abîme par de longues notes commentant ces histoires, les remettant dans leur contexte historique. Un magistral cours de BD et de création.

« Le petit homme », Delcourt, 14,95 euros 

dimanche 5 avril 2009

Mes BD souvenirs (7)


En cette année 1976, j'ai multiplié les chocs graphiques. Et découvert des univers que je ne soupçonnais pas. Exemple les BD publiées dans Métal Hurlant. Le mensuel de science fiction, créé par Moebius, Druillet et Dionnet, alternait déjà récits classiques, souvent en hommage à un âge d'or révolu, et séries résolument futuristes et novatrices. Là aussi c'est une couverture de Solé, un Père Noël évidemment, qui m'a donné l'envie de posséder le numéro de décembre 1976. J'avais feuilleté un peu les précédents numéros, mais de savourer tranquillement ces 100 pages a radicalement changé ma vision de la BD. C'était l'époque où Moebius laissait dériver son imagination au gré des errances de Jerry Cornélius. Un Garage Hermétique qui l'était souvent pour moi aussi mais à la virtuosité graphique inégalée. Et cette pointe de folie qui donnait l'impression qu'on comprenait où l'auteur voulait nous conduire alors qu'en fait ce dernier ne le savait pas du tout...

Il y avait déjà Serge Clerc (mais pas encore Chaland), Montellier, Margerin, Pétillon et Masse. Les histoires de ce dernier me laissaient très perplexe. Dessiné avec une application laborieuse, tout en gros nez et lunettes rondes, ces récits complets présentaient des mondes inquiétants, en marge, où tout un chacun se questionnait. J'étais très réceptif à ces personnages tortueux car très mal à l'aise dans ma peau à l'époque. Masse a toujours été un auteur incompris. Il a d'ailleurs depuis arrêté la BD. Il a également collaboré à (A Suivre) (voir la couverture ci-contre datant de 1984). Certaines de ses histoires se passaient dans une foule compacte où les protagonistes, serrés comme des sardines, suivaient le mouvement, perdant totalement leur libre arbitre. Je me reconnaissais complètement dans ces personnages et cette situation. Depuis, j'ai horreur de la foule.

Dans Métal Hurlant, les dessinateurs de grand talent pullulaient. Si je n'ai jamais accroché à Druillet, par contre je restais des heures devant les planches de Caza, Voss, Macedo ou Jeronaton. Des spécialistes d'un certain réalisme académique, au service d'une imagination débridée. J'ai été un fidèle inconditionnel de la revue. Suivant tous les délires de Philippe Manœuvre. J'avais même réussi à compléter ma collection. Quand la revue a cessé de paraître, en 1987 au numéro 133, il ne m'en manquait qu'une poignée. Métal en quelques années et à peine plus de 100 numéros avait durablement marqué la BD européenne. Je les avait tous regroupés dans un gros carton. Il y a trois ans, au cours d'un énième déménagement, vers la Martinique cette fois, n'ayant pas pu mettre ce carton dans le container, je le laissais en dépôt dans le studio d'un ami. Ce dernier, devant déménager dans l'urgence, sans ouvrir le carton, l'a déposé dans la rue pour s'en débarrasser. D'autres cartons ont suivi, notamment ceux contenant mes fascicules de Tintin des années 1974 à 1980. Quand il m'a appris cela au téléphone, j'ai quasiment tourné de l'œil. Aujourd'hui, près de quatre ans plus tard, j'ai fait mon deuil. Et je me dis qu'un jour, chez un bouquiniste, je trouverai un très beau lot de Métal ou de Tintin, en parfait état...

Si c'est avec Métal Hurlant que je suis véritablement devenu un collectionneur, par la suite ce sont de très nombreux titres que je suivais régulièrement, grossissant sans cesse les cartons de mes déménagements...

(A suivre dimanche prochain) 

samedi 4 avril 2009

BD - Le casting des super-héros


Si aux Etats-Unis les super-héros sont souvent pris au premier degré, en Europe, les auteurs prennent un malin plaisir de se moquer de ces vaillants et invincibles guerriers au service du Bien. Il y a eu le « Captain Biceps » et Tébo et Zep mais avant, dans les années 90, Mauricet, alors jeune dessinateur débutant, avec Janssens au scénario, a proposé dans les pages de l'hebdo Spirou sa version des héros de la loose : « Cosmic Patrouille ». 

Une série éphémère mais qui trottait encore dans la tête de Mauricet. Résultat, en plus de sa série fétiche, « Basket Dunk », il a décidé de reprendre, seul, cette série de gags qui a trouvé refuge chez Bamboo, éditeur qui s'est imposé en peu de temps leader au rayon des BD humoristiques. Le second tome met toujours en vedette Tarentule et Batmec sans oublier Robinou, à la recherche d'une première mission et qui n'a toujours pas le droit de conduire la batbagnole.

Dans cette quarantaine de gags, souvent, deux ou trois membres de la Cosmic Patrouille auditionnent des héros postulant à intégrer cette célèbre armée du Bien. Systématiquement, les vieux de la vieille ne recrutent les nouveaux que pour détourner leur pouvoir. Ainsi le « Moutard fantôme » ne servira que de barbecue pour un pique-nique, Le « Magicien » sera très utile (grâce à se lapins) pour assurer le ravitaillement en viande, « Sergent USA » et son bouclier (transformé en plateau) fera un malheur au poste de serveur, enfin « Bête-à-cornes » se révèlera (grâce à ses sens surdéveloppés, notamment l'ouïe) un radar mobile tout bénéfice pour la police. 

Une série très réussie qui n'est pas spécialement réservée aux amateurs de comics américains.

« Cosmic Patrouille » (tome 2), Bamboo, 9,45 € 

vendredi 3 avril 2009

Thriller - Le festin des anges

Le commissaire Edwige Marion, flic mais également mère, se retrouve face à un pédophile. Un polar signé Danielle Thiéry.


On a beau être commissaire principal, pas évident de s'imposer au sein d'un nouveau service. Surtout quand on arrive de province et que l'on est une femme. Edwige Marion a déjà vécu quelques aventures sous la plume de Danielle Thiéry dans la région de Lyon. Grand changement avec ce roman puisque la jeune femme vient de prendre le commandement de la police des gares. Des centaines d'agents sous ses ordres, quelques fortes têtes et peu d'enquêtes passionnantes.

Dans les premières pages, le lecteur découvre le quotidien de ces policiers de base, obligés de se coltiner tous les paumés de la capitale qui profitent de ces lieux de passage pour tenter un mauvais coup et se fondre dans la foule. Prostituées, trafiquants de drogue, resquilleurs, tagueurs et squatters échouent régulièrement dans les locaux en sous-sol du nouveau royaume d'Edwige Marion. Cette dernière a bien du mal à s'intégrer.

Professionnellement et humainement. Avec sa fille adoptive, Nina, elle a trouvé un appartement dans un quartier peu sûr. Et c'est un soir, en sortant d'un cours de théâtre, que Nina et une amie, Ange-Lou, se font agresser par un mystérieux homme conduisant "un gros 4x4, tapis dans l'ombre épaisse, tous feux éteints. L'obscurité ne permettait pas de distinguer son conducteur, mais Nina eut l'intuition qu'il n'était pas au volant. Ange-Lou s'était figée, agitée de tremblements. Quelque chose claqua derrière elles. Elles tournèrent la tête en même temps, les jambes fauchées par la peur. L'homme en noir braquait sur elles un petit fusil qu'il tenait d'une seule main. Il fit deux pas en avant et se retrouva si près d'elles que Nina perçut son odeur. Déplaisante." Le "méchant" fait peur. L'auteur, également commissaire divisionnaire dans le civil, a particulièrement soigné la description de "l'enfoiré" comme le surnomme rapidement Edwige Marion. Mêlée personnellement à cette affaire, Edwige découvrira que l'enquête est confiée à Kerman, flic ambitieux qui fut son amant. Pas à pas, on suit la progression des policiers, fourmis besogneuses visionnant des heures de vidéo surveillance, questionnant les voisins... Au final on se retrouve avec un dénouement qui offre son lot de surprises et de rebondissements. Un bon polar à la française, alternant les passages techniques et ceux beaucoup plus psychologiques.

"Le festin des anges" de Danielle Thiéry. Editions Anne Carrière. 20 euros 

jeudi 2 avril 2009

BD - Terreur en forêt


Si l'on feuillette distraitement cet album, on pourrait penser à une BD pour enfants, entre Sibylline, pour le côté animaux de la forêt, et Olivier Rameau pour les petits personnages ronds et insouciants. Il faut arriver à la page 6 pour comprendre que non seulement c'est un récit adulte, mais qu'en plus on se trouve en présence d'une histoire sortant véritablement de l'ordinaire. 

En fait, c'est tellement original et inhabituel que déflorer le principe du récit, ce coup de théâtre de la page 6, enlèverait beaucoup au plaisir de la découverte. Cette chronique sera donc volontairement peu informative. Sachez cependant que le scénario est de Fabien Vehlmann et le dessin de Kerascoët, sur une idée de Marie Pommepuy (la moitié de Kerascoët, pseudonyme d'un couple de dessinateurs). 

L'histoire d'une petite fille et de son monde imaginaire, en rose bonbon, où les princesses sont belles et coquettes, les princes charmants et valeureux. Une fillette qui voit défiler les saisons, du joyeux printemps au rude hiver. « Jolies ténèbres » se lit d'une traite, mais la « digestion » est plus longue... Certainement la BD la plus remarquable de ce début d'année.

« Jolies ténèbres », Dupuis, 16 € 

mercredi 1 avril 2009

BD - Hôtel oppressant


Le blizzard souffle sur un petit hôtel perdu au cœur du Nebraska en 1898. Trois hommes descendent du train et vont se réchauffer dans la bâtisse. Parmi eux, Svante Jonasson, un Suédois. Il est aussi inquiet que les deux autres voyageurs car l'endroit ne respire pas la sérénité. L'accueil est glacial. L'ambiance se détend quand le propriétaire des lieux propose une partie de poker. Le Suédois refuse de jouer, ne daignant même pas de donner son nom. 

Svante, à l'attitude très étrange, se met à délirer et affirme haut et fort qu'il va mourir avant la fin de la nuit. Une nuit tumultueuse qui ne fait que commencer. Ce roman graphique de 100 pages est l'adaptation d'une nouvelle de Stephen Crane. 

Devant la table à dessin on retrouve Christophe Gaultier, dessinateur de la série « Guerres civiles » avec Morvan et Ricard au scénario. 

Gaultier qui parvient à donner du mouvement et du corps à ce huis-clos oppressant et pesant. Des planches très sombres, qui font la part belle aux tronches des principaux protagonistes, le Suédois notamment, maigre, les cheveux longs et filasses, yeux exorbités, à la limite de la folie.

« Le Suédois », Futuropolis, 18 € 

mardi 31 mars 2009

BD - Le zoo de Bilal


Étrange futur que celui décrit par Bilal dans son nouvel album, "Animal'z", paru chez Casterman. Un grand coup de froid, dérèglement climatique à l'envers, a rendu les terres invivables. Seuls quelques privilégiés ou chanceux survivent sur des petits bateaux. Cet album raconte l'errance d'un groupe de ces survivants. Des hommes à l'agonie face à des animaux ayant en partie réussi leur adaptation. 

Bilal, dans ces 100 pages d'une virtuosité toujours inégalée, aborde le thème de la mutation génétique. Et si pour survivre, il suffisait de se réincarner, provisoirement, en dauphin ? Certains des personnages sont des cobayes, découvrant leurs mutation en cours. Notamment la belle Kim, attiré par les bêtes, les comprenant. On croise également, dans cet univers gelé, un sous-marin nucléaire échoué, une famille de cannibales et deux duellistes solitaires. L'auteur aime truffer ses dialogues de citations, toutes pertinentes. 

Reste le dessin. Couleurs directes, sur un fond gris bleu. Beauté des personnages, perfection des animaux. Chaque planche se laisse admirer longuement. Comme une plongée au cœur du futur. Tout simplement magistral.

« Animal'z », Casterman, 18 € 

lundi 30 mars 2009

Roman - Cinquantenaire branchée

Comment retrouver l'amour quand on a plus de 50 ans ? Ariel Ricaud a la solution : les sites de rencontres sur le net. Mais gare aux désillusions.


Charlotte est amère. Charlotte est seule. Charlotte risque de déprimer. Pourtant l'héroïne de ce roman d'Ariel Ricaud a tout pour être heureuse. Grande bourgeoise totalement à l'abri du besoin, elle a longtemps conjugué réussite professionnelle et familiale. Patronne d'une agence de communication, elle gère une petite équipe de jeunes femmes modernes et efficaces. Elle est aussi toujours dans le coup. Malgré ses 58 ans elle « assure » : svelte et sportive, elle en fait 15 de moins. Pourtant Charlotte est seule depuis près d'un an. 

Après 25 ans de mariage, trois enfants et deux petits-enfants, son médecin de mari l'a quittée pour une plus jeune rencontrée au cours de ses interminables parties de golf. Si dans un premier temps elle a compensé en travaillant d'arrache-pied, force est de constater que cette solitude commence à lui peser. Ses soirée en tête à tête avec une tranche de jambon (régime oblige) deviennent de plus en plus pénibles.

Flashée par Bel Ami

Tout changera quand elle reviendra d'un déjeuner d'affaire et découvrira ses employées regroupées devant l'écran de l'ordinateur d'Isabelle. Cette trentenaire, cherchant toujours le grand amour, s'est inscrite sur un site de rencontres, « Love-paradise.com ». Ses discussions avec divers prétendants passionnent ses collègues. Dans un premier temps, Charlotte juge sévèrement cette pratique : « Vous êtes vraiment des gamines ! Quelle idée saugrenue, vous avez du temps à perdre, Isabelle, jeune et jolie comme vous êtes, vous n'avez sûrement pas besoin d'Internet pour vous trouver un mari. » Mais, solitude aidant, Charlotte va se laisser prendre au jeu et s'inscrire, en secret, sur le site. Rapidement elle sera « flashée », se lançant dans des discussions virtuelles qui remplaceront ses soirées solitaires. Et deux des prétendants vont faire le forcing pour la rencontrer. Deux grosses déceptions car même à 50 ans passés, la priorité des hommes reste de coucher, rapidement, avec leur conquête.

Différence d'âge

Ariel Ricaud, dans cette première partie du roman, décrit avec justesse ces nouvelles pratiques de rencontres amoureuses. Son récit bascule quand Charlotte, malgré les premiers échecs, se laisse séduire par un « Bel Ami » érudit, énigmatique et patient. Derrière le pseudo de cache Alex, à peine 40 ans, presque trop beau. Ariel Ricaud bascule dans le roman psychologique, avec les interrogations d'une femme tentée de refaire sa vie avec un homme beaucoup plus jeune qu'elle. Mais est-ce le grand amour ou le piège d'un gigolo astucieux ?

Le lecteur se laisse porter par les états d'âme de l'héroïne partagée entre son bonheur fou de l'instant et ces apparences qui passent mal auprès de sa famille et de ses connaissances professionnelles. Si la première partie est tout à fait dans l'air du temps, la seconde est plus profonde et universelle, plongeant ses racines dans une question vieille comme la nuit des temps : une femme peut-elle aimer un homme qui pourrait être son fils ?

« Love-Paradise.com », Ariel Ricaud, Fleuve Noir 19 € (« Vivement demain », précédent roman d'Ariel Ricaud, vient de paraître en poche chez Pocket) 

dimanche 29 mars 2009

Mes BD souvenirs (6)

Encore adolescent de la campagne, sans conscience politique ni ouverture au monde, j'ai en grande partie découvert la vie dans les BD. Pour jeunes dans un premier temps. Du premier degré, très agréable, idéal pour mon envie d'évasion d'un quotidien qui me semblait forcément étroit. Interne, dans un lycée technique donc fréquenté par 98 % par des mâles acnéiques, rapidement les discussions ont porté essentiellement sur le sexe. Un sujet sur lequel j'avais tout à apprendre. Et ce n'est pas auprès des nombreux obsédés avec qui je partageais le dortoir que je me suis éveillé mais en lisant des revues dont je n'imaginais même pas l'existence trois mois plus tôt : L'Echo des Savanes, Pilote ou Fluide Glacial.

Le mercredi, je traînais dans les librairies et maisons de la presse. Pour acheter Spirou et découvrir quantité d'autres titres. Certains, au début, me brûlaient les doigts car les couvertures étaient particulièrement suggestives. Gros seins, verges en érection, les mœurs étaient libres et s'affichaient. Premier gros choc avec l'Echo des Savanes. Je me décidais d'acheter un exemplaire en cette fin d'année 76 en raison d'un dessin de Solé. Un body-builder, tous muscles dehors, gonflait un biceps en forme de sein. A l'intérieur, tout me semblait extraordinaire.

L'œil attiré par les dessins plus classiques, je dévorais une parodie d'Alice au pays des merveilles de Wallace Wood. « Malice au pays des merveilles » mettait en scène une héroïne aux formes de femme épanouie, entièrement nue. Quand elle se penchait pour cueillir une fleur, un lapin libidineux au sexe énorme la prenait par derrière. J'apprenais par la suite le parcours compliqué et la fin tragique de ce dessinateur talentueux de Mad. Marcelé aussi dessinait des femmes aux formes épanouies, moins fermes mais tout aussi suggestives. Au sommaire également une histoire complète de Jack Palmer, première époque. Dans les numéros suivants, je plongeais dans l'histoire la plus parano de toute la BD : « L'hôpital » de Ted Benoit. Il était loin de Blake et Mortimer à l'époque. Un malade, hospitalisé pour un petit bobo, en sortait, plusieurs mois plus tard, amputé de divers membres. J'avoue n'avoir rien compris aux BD de Mandryka, le rédacteur en chef de l'époque.

L'Echo des Savanes qui l'année suivante ouvrait ses pages aux punks de Bazooka. Là non plus ne je comprenais pas tout (voire rien du tout, car finalement il n'y avait peut-être rien à comprendre...) mais cela me plaisait. Je m'intéressais à autre chose qu'à la ligne claire... Au lycée, loin de la cellule familiale, je lisais ces BD underground, audacieuses, dures et osées. De retour à la maison, les week-ends, je reprenais mon habit de petit garçon, rêvant sur des histoires plus classiques, presque plus de mon âge. Je ne les rejetais cependant pas, ce n'était pas un style à la place d'un autre. En fait je cumulais, rallongeant sans cesse mes lectures (je continuais à lire un ou deux romans par semaine), découvrant alors que mon nom me collais de plus en plus à la peau : oui je serai celui qui « lit tout ».

En même temps que l'Echo des savanes, je découvrais les autres titres de BD adultes. Chacune dans son genre, toutes aussi passionnantes les unes que les autres. Avec une petite préférence pour Métal Hurlant et sa SF très novatrice.

(A suivre dimanche prochain) 

samedi 28 mars 2009

BD - Bocal story


Mieux que Prison break ! La série de gags de Nicolas Poupon, « Le fond du bocal » propose l'existence au quotidien dans un univers carcéral pire que le plus malfamé des bagnes américains. Les héros, en plus d'être enfermés dans un espace minuscule, sont exposés à la vue de tous. Des héros rouges, une prison de verre : bienvenue dans la vie trépidante des poissons rouges ! 

Pas évident de se renouveler vu la petitesse du décor. Et pourtant, l'auteur multiplie les idées et les trouvailles. Sans se répéter, il fait vivre ce petit univers de l'absurde. Comment ne pas rire quand un des personnages téléphone pour proposer un don d'eau et d'expliquer son plan d'évasion : « Une fois dans le Canadair, on le détourne vers la mer... » Quitter le bocal, c'est une obsession pour ces pauvres poissons. Des gags thématiques regroupés sous la rubrique « Dans l'enfer de Bocalcatraz ».

Publiés il y a quelques années (de 2001 à 2007) aux éditions du Cycliste, la série bénéficie d'une seconde chance chez Drugstore. Les deux premiers tomes parus à un mois d'intervalle sont une parfaite mise en bouche.

« Le fond du bocal » (tomes 1 et 2), Drugstore, 10 € 

vendredi 27 mars 2009

BD - Les 7 derniers


« Sept prisonniers » clôt la série ayant pour point commun ce chiffre. Ces prisonniers s'embarquent pour le centre pénitentiaire ultime : la Lune. 

Sept hommes et femmes condamnés à perpétuité dans ce qui va se révéler un véritable enfer. Depuis quelques années, les détenus ont pris le pouvoir dans la prison. Trois clans se sont formés et ils se livrent une guerre acharnée. Les sept nouveaux, menés par un milliardaire, ont pour objectif de découvrir un secret vieux de plusieurs millions d'années, caché dans une grotte préhistorique. 

Les coups de théâtre vont se multiplier au cours de ces 56 pages écrites par Mathieu Gabella et dessinées par Patrick Tandiang. Pour un final particulièrement sombre. Oui, cette Lune est bien l'Enfer tant redouté.

« Sept prisonniers », Delcourt, 14,95 € 

jeudi 26 mars 2009

BD - Fils du désert


Tykko est ramasseur de brouzes (excréments de kamles, sorte de chameau) dans l'oasis de Mubarre sur Troy. Un métier ingrat et qui ne suffit pas à soigner sa mère, malade. Juste avant de mourir, elle lui apprend que son père était un pirate des sables. Tykko, seul, va s'engager dans une caravane pour tenter de retrouver une jeune fille qui lui est apparue en rêve. Mais au détour d'une dune, c'est son père qui va réapparaître. 

Le premier tome de ces "Légendes de Troy" permet à Kéramidas de donner sa vision graphique du monde imaginé par Arleston. Le scénariste qui a reçu l'aide, pour ces séries dérivées, de Mélanyn. Une légende moins humoristique que la série principale, plus dramatique et grave.

« Tykko des sables » (tome 1), Soleil, 12,90 euros 

mercredi 25 mars 2009

BD - Mexique libre


Le Mexique, durant les années 20, a été un formidable pays d'espoir et de liberté. Un Eden pour des artistes voulant casser des carcans trop rigides en Europe ou aux Etats-Unis. Denis Lapière, le scénariste a proposé à Pellejero, dessinateur du très remarqué "Un peu de fumée bleue", d'illustrer l'histoire d'amour entre le photographe américain Edward Weston et Tina Modotti, fille d'émigrés italiens. 

Edward a laissé femme et enfants aux USA pour vivre pleinement avec sa maîtresse. Il photographie ce pays toujours au bord de la révolution, découvrant des artistes géniaux et torturés. 

Passion et politique font bon ménage dans ces 56 pages qui sont également un hommage aux peintres "muralistes" de cette époque.

« L'impertinence d'un été » (tome 1), Dupuis, 14,50 euros 

mardi 24 mars 2009

BD - Cédric presque marié...


Dans « Je veux l'épouser ! », 23e titre de la série, Cédric est de nouveau aux prises avec sa jeune voisine Lily. Cette petite rouquine espiègle est tombée amoureuse de Cédric. Mais pour ce dernier, la différence d'âge est beaucoup trop importante : elle a deux ans de moins que lui, bref c'est une « petite ». Mais Lily ne va pas abdique, au contraire. Elle va envahir la vie de Cédric, occultant sa relation contrariée avec Chen, sa copine de coeur. Un nouveau personnage imaginé par Cauvin et Laudec pour donner un côté un peu plus humain à la série. Car Lily vit seule avec sa mère. Dans une histoire, Cédric tente de savoir pourquoi le papa de Lily est absent. Il ne l'apprendra pas et cette absence devrait être un des thèmes du prochain album.

Lily qui exaspère Cédric mais qui au final l'émouvra profondément au cours d'une histoire de Noël très symbolique. Un album au ton un peu plus sérieux, mais avec quand même une bonne dose d'humour comme ce gag faisait un parallèle hilarant entre les mauvaises notes de Cédric et le trou dans la couche d'ozone. On y retrouve tout le génie de Cauvin, toujours prompt à s'inspirer de l'actualité du moment.

« Cédric » (tome 23), éditions Dupuis, 9,45 € 

lundi 23 mars 2009

Jeunesse - Les aventures de Pitikok


Christian Heinrich et Christian Jolibois, déjà comblés avec les aventures des P'tites Poules lancent un nouveau héros toujours destiné aux plus jeunes, à partir de 4 ans. Pitikok est un peu l'ancêtre des P'tites Poules.

Au cœur d'une Amérique encore inexplorée, il est une sorte d'Indien intrépide rencontrant de nombreux animaux. Deux albums au format carré, mettant en valeur les superbes illustrations de Christian Heinrich, paraissent simultanément.

Dans « Pitikok et la plume magique », le jeune volatile participe à une course folle pour récupérer une plume magique prisonnière d'un arbre biscornu. La plume permettra à celui qui la délivrera d'exaucer tous ses vœux. Repoussé par le vent du désert, Pitikok s'accroche à ce qu'il croit être une racine. C'est en fait la queue d'un serpent qui accepte de l'aider dans sa quête. Il devront franchir de nombreuses épreuves avant de finalement réussir à découvrir cet arbre sec et désagréable. Chaque épreuve permet à l'enfant de découvrir un chiffre tout en comprenant l'intérêt de l'entraide. Une complicité qui sera récompensée en fin d'histoire.

L'autre volume, « Pitikok et la forêt enrhumée », se passe au printemps. Alors que les premiers bourgeons apparaissent dans la forêt, Pitikok rencontre un jeune raton-laveur affamé. Les deux amis vont être confronté à un géant de glace qui ne veut pas abdiquer malgré la fin de l'hiver.

Ces deux petits albums de 32 pages, aux histoires universelles, enchanteront les plus jeunes. Le personnages principal, un petit coq rouge très sympathique, est particulièrement réussi. A noter les dessins de Christian Heinrich, particulièrement mis en valeur sur des pleines pages et dans un format un peu plus grand que les P'tites Poules.

« Pitikok et la forêt enrhumée », « Pitikok et la plume magique », Pocket Jeunesse, 6,50 € chaque volume. 

dimanche 22 mars 2009

Mes BD souvenirs (5)

En quittant le collège, j'abandonnais également la campagne. Terminé le collège de Langon, gros bourg du bordelais à 10 km de Sauternes, le village que nous habitions à l'époque, pour Talence, banlieue sud de Bordeaux. Surtout, je devenais interne, ne revenant chez mes parents que le week-end, après les cours du samedi matin. Ce fut un choc. A tous les points de vue. Inscrit dans une filière technique, le niveau ne volait pas très haut. Mais je ne boudais pas mon plaisir d'une certaine indépendance. Je découvrais une grande ville en ce mois de septembre 1976. Bus de ville, train, bibliothèque... et librairies. A la bibliothèque, le mercredi après-midi, j'empruntais des classiques à tour de bras que je dévorais le soir au cours des interminables heures d'études. Et en chemin, je m'arrêtais dans les diverses maisons de la presse. Et je découvrais qu'il n'y avait pas que Tintin, loin de là.

 


Spirou était systématiquement présenté à côté de mon hebdomadaire favori. Je n'ai pas résisté à le feuilleter. En deux ou trois librairies, je lisais l'exemplaire en entier. C'était devenu mon rituel du mercredi après-midi. Et dès que j'ai pu, je l'ai acheté. Mon maigre argent de poche allait prioritairement dans l'hebdo de Marcinelle qui venait de franchir le cap du numéro 2000. Et le sommaire était particulièrement riche et prestigieux. Un Spirou, bien évidemment (l'Ankou de Fournier) et d'autres séries comme Isabelle, Tif et Tondu, Natacha, Archie Cash ou les Tuniques Bleues qui m'ont également marqué. Mais le gros choc, le déclencheur, ce fut le Docteur Poche de Wasterlain. C'était sa première histoire. Le dessin de Wasterlain était à l'opposé des autres BD, très rondes et soignées. On avait parfois l'impression que sa plume avait accroché le papier, le trouant presque. Et l'histoire, fantastique, mystérieuse, poétique, me fascinait, notamment les mannequins prenant vie. J'ai pris l'histoire en cours (débutée en août) mais j'ai adoré.

Côté gags, j'avais l'occasion de redécouvrir les vieux Gaston (Le coin des classiques), les premiers Agent 212 et Boule et Bill. Les récits complets étaient déjà trustés par Cauvin qui signait les Mousquetaires (Sandron) et Boulouloum et Guiliguili (Mazel). Mais tout n'était pas exceptionnel. Je n'arrivais pas à accrocher au dessin laborieux de Devos et de son Génial Olivier. Je passais sans les lire les Paul Foran et autres séries espagnoles...


 Je devenais cependant fidèle et au fil des mois j'ai eu d'autres coups de cœur. En priorité pour Bidouille et Violette. Cette petite histoire d'amour contrariée, un peu en décalage avec les autres séries, me parlait car j'avais pile poil l'âge et le physique du héros. Je n'ai pas pleuré (on ne peut pas pleurer quand on vit en internat), mais l'émotion était bien réelle. J'ai une admiration sans borne pour Bernard Hislaire. Par la suite, j'ai acheté les albums, mais il m'en manque un (le tome 2, Les jours sombres) et je n'ai jamais trouvé l'intégrale parue chez Glénat (quand elle est sortie, j'étais en Polynésie, loin de tout...)

J'ai découvert Spirou dans les librairies, mais il y avait quantité d'autres revues BD à l'époque. Dites adultes, ce que je n'étais pas. Mais les couvertures de Solé (pour Pilote, Métal, Fluide Glacial ou l'Echo des Savanes) attirèrent mon œil. J'allais me déniaiser avec des récits de Franc, Wallace Wood, Pétillon ou Lauzier.

(A suivre dimanche prochain) 

samedi 21 mars 2009

BD - Love Lovemidou !


Nouveau personnage dans la série humoristique Krän Univers. Lovemidou est serveuse dans un bar de la ville de Torgnol. Régulièrement elle sert des bières à Krän et Kunu. En présence de ces deux grands guerriers, elle ne demande qu'à apprendre. La ravissante jeune femme va se révéler une fière guerrière, pleine de ressource. Son épée, longue de deux mètres et large de 40 centimètres, va faire de sérieux dégâts dans les trolls, gobelins et autres "méchants". Elle a également un sortilège de pétrification qu'elle va expérimenter sur ses deux amis : le "Nichonus pétrificus". En clair, montrez votre poitrine (si possible jeune et généreuse comme celle de Lovemidou) à deux guerriers et vous aurez 10 bonnes secondes d'avance...

Hérenguel, le créateur de Kran, a décidé de décliner son personnage de barbare ignare sous forme de gags en une ou deux planches. Il en a confié la réalisation graphique à Pierre Loyvet qui prouve, de planche en planche, qu'il est arrivé à la hauteur de son maître. Si l'héroïc fantasy trop sérieuse vous ennuie, savourez "Krän Univers", vous serez vengé et rirez à coup sûr.

"Krän Univers" (tome 3), Vents d'Ouest, 9,40 euros 

vendredi 20 mars 2009

BD - Lointaine Altaïr-3


Il y a un avant et un après Leo en bande dessinée de science-fiction. Le créateur d'Aldebaran a conquis un important public avec ses histoires de planètes isolées, sauvages, inhospitalières. Son imaginaire, sans limite, s'est mis au service d'autres dessinateurs. 

Il signe le scénario de "Terres lointaines", dessiné par Icar, nouveau pseudo de Francart (Jeepster) qui a simplifié son trait. Une femme, accompagnée de ses deux enfants, jeunes adultes, débarque sur Altaïr-3. Une plongée dans l'inconnu pour ce trio, d'autant que le mari n'est pas au rendez-vous. Dans cette ville de colons, dure et hostile, la mère trouve du travail dans un restaurant, le fils, Paul, se lance à la recherche de son père. 

Il se liera d'amitié avec un extraterrestre, un stepanerk, sorte de scorpion géant, protecteur attentif. Paul se joindra à une expédition pour se rapprocher le plus du dernier endroit où son père a été vu vivant. 

La première partie, urbaine, laisse la place à la seconde relatant l'expédition où on retrouve toute la pâte de Leo, avec végétation mystérieuse, bêtes énigmatiques et danger omniprésent.

"Terres lointaines" (tome 1), Dargaud, 10,40 euros 

mercredi 18 mars 2009


Qui était Cassio ? Qui l'a tué en 145 ap. JC ? Sa vengeance peut-elle encore être d'actualité de nos jours ? Ces questions, le lecteur se les pose tout au long des deux premiers tomes de cette série prévue en quatre titres. 

Desberg, le scénariste, a particulièrement soigné les transitions entre les événements de l'époque et leur redécouverte par une archéologue, Ornella Grazzi. En découvrant en Turquie le premier puzzle de l'énigme, elle est persuadée que Cassio, jeune et brillant avocat, par ailleurs médecin, a été assassiné par quatre personnes. Mais était-il vraiment mort ? 

Elle en doute en découvrant un texte désignant son premier meurtrier. Le premier tome, réédité pour l'occasion avec de nouvelles couleurs, plate l'ambiance. 

Le second, toujours dessiné par Reculé, dévoile un peu plus la personnalité du héros. Sous des dehors de jouisseur aimant les femmes et tous les plaisirs de la vie, il est surtout attaché au triomphe de la vérité et à l'accomplissement de sa vengeance. Une double intrigue : historique et policière.

"Cassio" (tomes 1 & 2), Le Lombard, 10,40 euros 

mardi 17 mars 2009

Science-fiction - Quand les héros doutent...

Malaise chez les super-héros. Ces handicapés d'une autre dimension se posent beaucoup de questions dans ce roman d'Austin Grossman.


Il est loin le temps de Superman, super-héros infaillible, toujours prêt à rendre service sans se poser de questions. De même, les "méchants" de cet univers, toujours en quête d'un pouvoir absolu, n'ont que rarement expliqué cette soif de vengeance. Austin Grossman dans "Un jour je serai invincible" aborde le genre comme un s'il s'agissait d'un roman psychologique. Il va imaginer toute une bande de héros, bons ou mauvais, et leur triturer l'intellect pour tenter de découvrir pourquoi ils ont choisi un camp plutôt qu'un autre, comprendre ce qui les fait avancer.

L'auteur se penche plus spécialement sur le cas du Docteur Impossible. Le méchant absolu. Au début du roman il est en prison. Comme souvent dans son existence. Car s'il a des pouvoirs extraordinaires et une imagination débordante pour tenter de devenir le maître du monde, ses plans foirent toujours au dernier moment. Notamment quand entrent en jeu les "bons", menés par CoreFire.

L'arrivée de Fatale

Emprisonné, le Docteur Impossible attend la bonne occasion pour se faire la belle. Etre méchant, c'est avant tout être patient et discret. Alors qu'il répète une millième fois son plan dans sa tête sans rien laisser paraître, l'escouade des héros positifs est inquiète. CoreFire a disparu. Le groupe d'une petite dizaine d'individualités va se renforcer avec l'arrivée d'une ancienne militaire, mi-humaine, mi-ciborg : Fatale. Gravement blessée, elle a été sauvée et "améliorée". «  Il me semblait symboliser à la perfection ce que j'étais devenu : une femme toute neuve, mystérieuse, sexy, cybernétique et dangereuse » explique Fatale qui est une des narratrices de ce roman. C'est elle qui va décrire les relations parfois tendues entre Damoiselle, Blackwolf ou Lily, la seule ayant débuté méchante (elle a même été la maîtresse du Docteur Impossible) pour finalement changer de camp.

Fatale qui a longtemps admiré les super-héros, est très impressionnée d'être devenu l'une des leurs. Des super-héros bien différents du début. « Certains d'entre eux ne portent même plus de masque. Ils ne s'encombrent plus d'identité secrète genre cadre classe moyenne ; ils sortent avec des stars, participent à des galas de charité. Même leurs pouvoirs sont plus cools : vivacité, fluidité, non-linéarité. Adieu les montagnes de muscles, place à de nouveaux pouvoirs relevant surtout du style. »

L'origine du Docteur

A l'annonce de l'évasion du docteur Impossible, c'est le branle-bas de combat chez les super-héros. D'autant que CoreFire, le meilleur d'entre eux, est toujours introuvable. Le docteur, de son côté, doit tout reprendre à zéro. Car être un super-méchant, cela signifie souvent ne pas avoir d'amis et devoir se débrouiller seul. On le suit dans cette quête insensée : devenir le maître du monde. Et l'auteur, par petites touches, grâce à des flashbacks, explique pourquoi cet étudiant insignifiant, a basculé du côté obscur et mis sa formidable intelligence au service d'une vengeance sans fin. On découvre ainsi comment il s'est choisi son surnom. C'était au tout début de sa carrière. Son premier braquage pour avoir les liquidités nécessaires à l'achat du matériel indispensable à ses expériences. « Les humiliations s'accumulent et vous savez que jamais vous ne pourrez les venger toutes, même si vous êtes infiniment supérieur à vos persécuteurs. Votre ego est ailleurs, invisible, inconnaissable. Impossible. "Je suis le Docteur Impossible !" Je criais littéralement. »

Un roman qui fascine par la complexité des personnages, loin d'être lisses et manichéens. Il y a beaucoup de souffrance et de gamberge, avec un zeste d'humour typiquement britannique pour détendre l'atmosphère et faire au final un objet littéraire unique.

"Un jour je serai invincible", Austin Grossman (traduction de Jean-Daniel Brèque), Calmann-Lévy, 19,90 euros


lundi 16 mars 2009

BD - Petiot, vie et morts


La France n'a rien à envier aux USA en matière de serial-killers. On se souvient de Landru et cet album de Rodolphe (scénario) et Jeanne Puchol (dessin) nous remet en mémoire un autre assassin célèbre : le docteur Petiot. 

Il a débuté sa "carrière" dans un gros bourg de l'Yonne. Jeune médecin il a rapidement une bonne clientèle et parvient même à se faire élire maire. Mais déjà une odeur de mort persiste derrière son passage. Femmes de ménages disparues, patients évaporés : les premières disparitions et mises en cause l'obligeront à trouver refuge à Paris, dans les années 30. Il y fera fortune et augmentera son activité durant l'occupation allemande. 

Le sinistre docteur Petiot fera croire à de pauvres malheureux qu'il va leur faire passer la ligne de démarcation. Ils ne verront que la chaudière du tueur, finalement jugé et exécuté à la Libération. Le premier tome d'une nouvelle série sur les grands « Assassins ».

« Assassins » (tome1), Casterman, 10 € 

dimanche 15 mars 2009

Mes BD souvenirs (4)


Abonné à Tintin, je recevais chaque semaine ma dose de BD que je dévorais consciencieusement. Le magazine arrivait plié, entouré d'une bande de papier où était notée l'adresse. Je les empilais dans un coin de ma chambre. Les couvertures me faisaient particulièrement rêver. J'avais pris l'habitude, tous les deux mois, d'étaler tous mes numéros sur le plancher de la pièce. Il me tardait que tout soit recouvert. Aujourd'hui, il me faudrait une sacrée surface...

En 1976, Tintin a été brièvement racheté par les propriétaire du Journal de Mickey. Une nouvelle formule qui a bénéficié de la prépublication de "Tintin et les Picaros" mais qui proposait également nombre de séries américaines. Une évolution de courte durée, les séries phares du Lombard reprenant le dessus, tout en gardant en permanence la présence de Tintin, en couverture et à l'intérieur avec la reprise des premières aventures du célèbre reporter.


Mon premier choc graphique aura été la découverte de Hermann. Notamment "Objectif Cormoran", aventure de Bernard Prince se passant en Méditerranée. Le héros, après avoir fui à la nage son bateau à la nage, tente d'escalader une falaise. Il se coupe la main. Une scène si réaliste que j'en ai frissonnais de douleur en la découvrant. Le dessin d'Hermann avait une incroyable force d'évocation. Un auteur que je suis toujours, sans jamais avoir été déçu. Comanche, toujours dans Tintin, puis les albums de Jeremiah ou de Bois Maury quand j'ai eu assez d'argent pour me les payer. J'ai quasiment toute sa production. Même les "Nic"...

Tintin proposait à cette époque du très bon (Jonathan, Rork, Bernard Prince) mais aussi des séries moins ambitieuses qui cependant me procuraient beaucoup de plaisir. Notamment les Casseurs de Duchâteau et Denayer. Ces deux flics américains, très inspirés des séries télé, étaient des casse-cou passionnés de bagnoles. Denayer prenait visiblement beaucoup de plaisir à dessiner ces bolides se fracassant les uns contre les autres. Et comme il dessinait vite, la série était présente presque à tous les numéros.

Les éditions du Lombard ont décidé de mettre en valeur ce fond du catalogue, source de nostalgie pour toute une génération. Le premier volume de l'intégrale vient de sortir le mois dernier. Ces intégrales redonnent une seconde vie à ces séries oubliées (Nahomi, Adler...) Souvent dotées de présentations détaillées et riches de dessins inédits, elles sont en plus économiques. Bref de très beaux objets qui deviennent de plus en plus indispensables dans toute bibliothèque BD digne de ce nom.

(A suivre dimanche prochain)