Robert Crumb, souvent considéré comme le pape de la BD underground américaine, prend ses lecteurs à contre-pied en proposant une ambitieuse adaptation graphique de la Genèse. Mais il ne s'agit en aucun cas d'un virage mystique de cet auteur américain, chantre de la nature installé depuis une dizaine d'années en France, dans un petit village des Cévennes. Surtout connu pour ses personnages féminins plantureux et dominateurs, il a simplement voulu proposer une adaptation d'un « texte puissant avec plusieurs strates de sens qui plongent profondément dans notre conscience collective, notre conscience historique. » Et face à l'ampleur de la tâche, il a préféré se tenir au plus près de l'original, préférant laisser certains passages « dans leur état d'imprécision alambiquée plutôt que de trafiquer un texte aussi vénérable. »
Le résultat est d'une richesse étonnante. Graphique en premier lieu. Crumb n'a rien perdu de son trait, rond, où de multiples hachures donnent tout le relief de ses personnages. Dieu semble toujours courroucé, les hommes fautifs et piteux. Les femmes, et elles sont très nombreuses dans la Genèse leur rôle de procréatrice étant sans cesse mis en valeur, sont responsables du péché originel mais sont aussi les appuis fidèles de ces hommes et femmes dont les vies ont façonné notre monde.
En signant cette Genèse, Robert Crumb fait la grande bascule côté public. Car ceux qui ont aimé les élucubrations de Mr Natural, BD irrévérencieuse, libertaire et libertine, ne seront certainement pas sensibles à cette adaptation fidèle d'un texte ayant traversé les siècles, même si Crumb explique que la « Bible n'est pas la parole de Dieu mais la parole des hommes. »
« La Genèse » de Robert Crumb. Denoël Graphic. 220 pages. 29 euros
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