mercredi 31 décembre 2008

BD - Affamées de vie


On en mangerait bien de ces « Croqueuses » imaginées par Karine Bernadou, jeune dessinatrice révélée en 2006 à Angoulême dans le cadre du concours "Jeunes talents". Les Croqueuses ce sont des femmes comme vous en croisez régulièrement dans la vie. Elles sont souvent séduisantes, libérées, amoureuses de la vie et décomplexées. 

Dans des gags en une planche, aux multiples héroïnes, Karine Bernadou nous en présente plusieurs spécimens, de la rondouillette fatiguée des compliments fusant sur son passage, à la revendicative, hurlant son envie de jouissance à son petit ami avachi dans le lit. Il y a aussi les pures intellectuelles, se demandant sans cesse le pourquoi du comment... Cela peut être gentillet, puis trivial et outrancier. 

Pourtant cela reste des scènes de la vie de ces femmes, loin des stéréotypes des années 60 ou 70. Des « Croqueuses » prêtes à se faire une indigestion d'hommes si l'occasion se présente. Une BD tout à fait dans l'air du temps.

« Les Croqueuses », Delcourt, 9,95 euros 

mardi 30 décembre 2008

BD - La stratégie du Mikado

Malheur à celui qui s'attaque à une Tigresse blanche. Encore plus s'il s'agit d'Alix Yin Fu, la pulpeuse héroïne dessinée par Conrad sur ses propres scénarios avec cependant une pincée de Wilbur, de son vrai nom Sophie Commenge, compagne du dessinateur. Personnage issu de l'univers des Innommables, Alix a vécu ses premières aventures sous la plume de Yann. Il s'agit, dans ce nouvel album, du premier titre du second cycle. 

De retour en Chine, Alix va de nouveau tomber entre les mains des nationalistes de Tchang Kai-shek. Une horreur pour cette jeune femme ayant juré fidélité et loyauté à la Chine nouvelle de Mao. Mais parfois, les combats politiques sont tortueux. Elle se retrouvera ainsi associée aux Anglais et à la CIA pour tenter de mettre la main sur le trésor caché des Japonais. 

Une histoire mouvementée, parsemée de vérité historique et de personnages réels. Le dessinateur, au sommet de son art, propose plusieurs planches panoramiques composées d'une seule image.

« Tigresse blanche » (tome 6), Dargaud, 11,50 € 

dimanche 28 décembre 2008

Roman - "L'idiot du village" de Patrick Rambaud


Téléporté dans le temps, le héros de Patrick Rambaud retrouve le Paris du début des années 50. Mais comment vivre au quotidien, sans nostalgie, sa propre enfance ? Tout a commencé par une anomalie dans le journal du jour. Au lieu de découvrir les nouvelles de 1995, le narrateur feuillette un exemplaire de 1953 revenant sur la dernière grève à l'usine de la Régie Renault et du repli des forces vietminh au Laos. Un soir, alors qu'il reçoit des amis, il découvre un chien dans la cuisine. Plus tard c'est une jeune fille habillée comme dans les années 50 qu'il surprend dans sa chambre.

Visions fugitives, inexplicables. Et puis finalement, un jour, il se retrouve dans sa rue mais les bâtiments ont changé d'aspect, les voitures aussi. Plus de doute, il a fait un bond dans le passé.

A ce stade du récit, entre nostalgie et fantastique, Patrick Rambaud ne donne pas de clés au lecteur. Vers où veut-il nous conduire ? Mystère... Mais on ne peut pas s'empêcher d'imaginer nos propres réactions si l'on se trouvait à la place du héros. Comment vivrions-nous une plongée hyper-réaliste dans le monde de notre enfance, surtout en connaissant le futur ? Déambulant dans ce Paris encore populaire, pas encore défiguré par l'urbanisme débridé des années 70, notre héros se trouve quand même très démuni malgré sa belle carte de crédit. Constatant que le phénomène dure, il doit trouver un toit pour s'abriter et un travail pour subsister.

Devenu serveur dans un restaurant des Halles, il reprendra le contrôle de sa vie en discutant en salle avec un habitué du restaurant. Ce journaliste au Figaro suit les rebondissements de la vie politique française. Et le serveur se transforme en voyant extralucide : procès des époux Rosenberg, mur de Berlin, tremblement de terre en Grèce, Dien-Bien-Phuh, il est incollable. Toutes ses prévisions se réalisent et le journaliste l'embauche comme secrétaire particulier. Mais jouer les devins n'a pas que des bons côtés. Il ne peut s'empêcher d'aller traîner du côté de l'appartement de ses parents et revoit sa mère, sachant quelle n'a plus que quelques années à vivre. Il croise également dans la rue sa future femme : une fillette jouant dans un bac à sable. Cette " fantaisie romanesque", selon les termes mêmes de son auteur, est beaucoup plus profonde qu'il n'y paraît.

"L'idiot du village" de Patrick Rambaud Editions Grasset. 16 euros (Le Livre de poche, 5 euros)   

BD - Nom de code : Mata-Hari

Les délinquants, en Suisse, n'ont pas la même envergure que dans nos banlieues. Quand ils décident de se lancer dans une magouille financière, l'unité est le million d'euros. Pour contrer ces voyous en col blanc, la brigade des enquêtes réservées a de très larges possibilités. 

Dans cette troisième enquête imaginée par Daniel Ceppi, c'est Zoé Zemp qui est la première sur le coup. Elle est contactée par un banquier qui s'inquiète d'une récente demande d'un ministre d'Azerbaïdjan : faire transiter par son compte bancaire la coquette somme de 49 millions d'euros. 

Un pactole accumulé par le ministre depuis quelques années en détournant une partie de la vente du pétrole du jeune pays issu de l'ancienne union soviétique. Va débuter un jeu du chat et de la souris, chacun se méfiant de l'autre, la victime pouvant se révéler aussi vicieuse que son bourreau. La démonstration technique des malversations est d'autant plus simple que c'est la très belle Zoé qui s'en charge.

« CH Confidentiel » (tome 3), Le Lombard, 10,40 euros 

samedi 27 décembre 2008

La cité des Jarres, polar islandais

La pluie incessante tombant sur l'Islande est le décor de cette enquête policière, véritable plongée dans un passé trouble signée Arnaldur Indridason.


L'Islande, petit pays perdu dans l'Atlantique Nord, à l'écart des modes et de la frénésie mondiale. Mais cela n'empêche pas ses habitants de se comporter comme le reste des humains sur la Terre. Erlendur, dans les premières pages de ce polar écrit par Arnaldur Indridason, ancien journaliste de 43 ans, se rend sur les lieux d'un crime. Un vieil homme vient d'être découvert dans son appartement en sous-sol, le crâne défoncé par un lourd cendrier. Le meurtrier est parti en catastrophe, en laissant la porte ouverte et un énigmatique message griffonné sur un bout de papier "Je suis LUI".

Avec ses deux adjoints, Erlendur va débuter son traditionnel travail d'investigation. Découvrir l'identité de la victime, ses habitudes, sa famille, ses possibles ennemis et en savoir un peu plus sur son passé. C'est dans cette dernière recherche qu'il va aller de surprise en surprise.

Le dénommé Holberg, chauffeur poids lourd, a déjà eu maille à partir avec la police. Mais c'était il y a très longtemps. Au début des années 60. Une jeune femme avait porté plainte contre lui pour viol. L'affaire avait été classée sans suite. Depuis il vivait tranquillement, sans faire de vagues. Erlendur, écoutant son instinct va pourtant creuser dans cette direction. Cette histoire tragique a pour cadre une Islande noyée sous la pluie. Arnaldur Indridason n'a pas cherché à embellir son pays, au contraire.

Ce polar atypique, par ses personnages et son cadre, finit cependant sur une note d'espoir, preuve que même les pires cauchemars ont une fin.

"La cité des jarres", Arnaldur Indridason, Points, 7 euros

vendredi 26 décembre 2008

Roman - Christopher Priest explore un amour invisible

Le corps meurtri après un attentat, un journaliste tente de se remémorer son dernier amour. Pas évident de se souvenir d'une femme invisible.


Christopher Priest fait partie de ces écrivains de science-fiction qui n'ont pas besoin d'engins spatiaux pour vous faire voyager dans des mondes inconnus. Dans « Le glamour », il développe son intrigue autour de l'invisibilité et de l'oubli. Richard Grey est un journaliste anglais. Cameraman réputé, il a filmé des guerres sans jamais être blessé. La mort, il l'a frôlée dans une rue de Londres. Une voiture piégée. Un simple attentat. Il était au mauvais endroit au mauvais moment. « Quelque chose m'a frappé aux reins, me projetant en avant. Il n'y a eu aucun bruit, mais j'ai violemment heurté l'encadrement en briques d'une vitrine ; le verre épais s'est brisé, les éclats m'ont arrosé. »

Le début du roman se déroule dans une maison de repos. Grey, grièvement blessé, se remet lentement. Bassin fracturé, brûlures, coupures : son corps est meurtri. Son esprit encore plus. Il a totalement oublié ce qu'il a fait les derniers mois. Une amnésie partielle très perturbante.

Vacances enchantées

Quand il reçoit la visite d'une certaine Sue Kewley, il est incrédule. Cette belle jeune femme, graphiste, affirme qu'elle était sa petite amie. Grey a beau se torturer les méninges, il ne se souvient de rien. Sue va alors lui raconter leur rencontre et les quelques semaines vécues ensemble. C'est la troisième partie de ce livre qui parfois prend des airs de romance de vacances.

Sue et Grey se rencontrent dans un train, en France. Il part en vacances, elle rejoint son petit ami, Niall, sur la côte d'Azur. Coup de foudre mutuel, ils font de multiples escales (Nancy, Dijon), s'aimant dans des hôtels impersonnels, profitant de cet anonymat. Mais plus ils se rapprochent de la Méditerranée, plus Sue est anxieuse. Elle ne veut pas que Grey rencontre Niall. Elle veut rompre seule. Grey accepte tout en se demandant à quoi peut ressembler cet homme présenté comme un écrivain fantasque et possessif.

Invisible et libre

Une belle histoire d'amour qui tourne au cauchemar quand Grey pense que Sue est folle. Elle parle seule dans la rue. Elle explique alors au cameraman incrédule que Niall est un « glam ». Le glamour qui permet à un être de se rendre invisible du commun des mortels, les « viandeux ». Elle même a été invisible dans sa jeunesse. Niall l'a séduite, notamment par sa philosophie de la vie : « Il considérait l'invisibilité comme la liberté, un avantage sur les normaux, un moyen de les espionner, de les spolier, de les dominer. » Sue va donc plonger dans le glamour avec lui, « le glamour était devenu un sanctuaire qui me protégeait du monde dur et où je me suis réfugiée. »

Sa rencontre avec Grey va tout changer. Mais elle devra faire deux fois le chemin, le persuader et se persuader qu'une vie normale est possible.

Roman fantastique allant crescendo, « Le glamour » tout en nous faisant rêver, nous ouvre des horizons nouveaux. Il est si tentant d'y croire pour expliquer ces mille petites incohérences de la vie. Trouvez les « glams » et vous expliquerez l'inexpliquable...

« Le glamour », Christopher Priest, Denoël, 21 €

jeudi 25 décembre 2008

BD - Deux doubles vies

Le second tome de cet « Atlantide Experiment » fonctionne comme le premier. Deux personnages, à des milliers de kilomètres de distance, vont vivre une expérience fantastique identique et se retrouvent dans la dernière planche, en Grèce. Aux Antilles, Betty Boren, riche, jeune et belle, va tenter d'aider un ami ayant la mafia russe aux trousses. Au même moment, en Australie, Jayden Paroz, malgré sa timidité maladive, tente de séduire la serveuse du Blue Note Café. S'il avait gagné au Loto ce serait plus simple. Or, un billet gagnant, il sait où il y en a un. Ces deux récits, rythmés et bourrés de péripéties, s'entremêlent au gré des pages, les deux personnages principaux glissant dans le temps pour se retrouver en Grèce. Mosdi, le scénariste, mélange les genres, donnant à Colak, le dessinateur, nombre de possibilité de s'exprimer graphiquement.

« Atlantide Experiment » (tome 2), Soleil, 12,90 €