dimanche 20 octobre 2013

Romans - Écrits familiaux


Même après le célèbre « Famille, je vous hais » de Gide, les témoignages font recette. Exemple avec Géraldine Danon, Arthur Loustalot et Nicolas Clément.

La famille, entière et exclusive, est au centre de ces trois livres pourtant très différents. Si Géraldine Danon raconte son périple dans les glaces de l'Antarctique, Nicolas Clément emmène le lecteur au bord de la folie meurtrière avec une fille décidée à venger sa mère de la violence du père alors qu'Arthur Loustalot, dans un style étonnamment imagé, enferme ses personnages dans un appartement exclusivement féminin mais hanté par la présence masculine. La cellule familiale, heureuse, aliénante ou détruite permet à ces trois auteurs de raconter ce qui fera toujours avancer le monde : la filiation et l'héritage.


Actrice dans sa jeunesse, Géraldine Danon a vécu superficiellement. Du moins c'est l'impression générale laissée après la lecture de son périple, en famille et en voilier, dans les glaces de l'Antarctique. La jolie blonde aux rôles parfois déshabillés a laissé la place à une maman de rêve. Sa vie a basculé après sa rencontre avec Philippe Poupon, le navigateur. Deux enfants (en plus de Loup d'un précédent mariage) et l'envie de partager la découverte de notre planète avec eux. Dans « Le continent inconnu », elle raconte comment la Fleur Australe, leur maison voilier, part à la conquête du pôle Sud. Un périple dans des endroits déserts, préservés mais très inhospitalier et dangereux. Est-ce un lieu pour des enfants ? Oui s'ils sont sous la responsabilité d'un père navigateur hors pair et d'une mère attentive. Le livre, agrémenté de deux cahiers photos, raconte la région mais aussi, et surtout, les réactions des enfants et les doutes des parents. Dépaysant et instructif, un voyage immobile pour le lecteur alors que la tribu Danon-Poupon est déjà repartie pour un nouveau périple.

Papa violent

Nicolas Clément dont c'est le premier roman place lui aussi la famille au centre de « Sauf les fleurs ». Marthe, la narratrice, est une adolescente presque heureuse dans une ferme d'une région montagneuse. Elle passe ses journées entre école, animaux et câlins complices avec son petit frère. Le problème de Marthe c'est le père. Il est violent. Notamment avec la mère, victime amoureuse. Et un jour le pire arrive. La mère meurt sous les coups du père... Famille éclatée. Le cadet est placé dans une famille d'accueil, Marthe avec son premier amour part aux USA. Mais un jour elle reviendra. Elle retrouvera son père... Style acéré, phrases chocs, tension perpétuelle, ce court texte ne laisse pas indifférent. Marthe c'est un peu la figure générique de toutes les victimes lassées de subir.

Maman folle

Une mère amoureuse d'un mari absent est au menu de « La ruche » d'Arthur Loustalot. Femme à la dérive, elle a heureusement ses trois filles pour placer des garde-fous à sa démence destructrice. Car si l'amant est parti, depuis elles restent toutes les quatre dans ce petit appartement décrit minutieusement par l'auteur. Il raconte par le menu les tâches ménagères des unes et des autres. Une plongée dans la trivialité du quotidien, comme pour mieux exorciser cette descente dans les bas-fonds de l'aliénation. Un roman dur, âpre, où la jeunesse et l'insouciance sont mises à mal par cette désespérance maternelle. Trois livres différents, opposés tout en étant complémentaires. Car s'il y a des familles heureuses, d'autres sont déchirées et certaines sont condamnées.

« Le continent inconnu », Géraldine Danon, Arthaud, 19,90 €
« Sauf les fleurs », Nicolas Clément, Buchet Chastel, 9 €
« La ruche », Arthur Loustalot, Lattès, 16 €



samedi 19 octobre 2013

BD - Espions en bleu par Cauvin et Lambil chez Dupuis


Blutch et Chesterfield, les héros des increvables Tuniques Bleues de Cauvin et Lambil, quittent une nouvelle fois l'uniforme de l'armée nordiste pour une mission en civil. Les deux soldats, toujours à la recherche de la gloriole pour l'un, de la planque tranquille pour l'autre, acceptent d'endosser le costume d'espions. Ils sont chargés d'infiltrer la bande d'esclavagistes menée par le cynique Capitaine Miller. Basée sur des faits historiques avérés, l'histoire raconte comment ces renégats harcèlent les Nordistes au cœur du Colorado. L'action se déroule en grande partie dans la montagne et une mine abandonnée, l'occasion pour Lambil de truffer ses vignettes de scènes animales bucoliques. Comme si, avec le temps, il fuyait la compagnie des hommes. Il est vrai que les chamailleries incessantes de Blutch et Chesterfield pourraient être pénibles si elles n'alimentaient avec bonheur l'essentiel du ressort comique de la série.
« Les Tuniques bleues » (tome 57), Dupuis, 10,60 €

NET ET SANS BAVURE - Trésor de geek made in Apple

Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez en 1983 ? Personnellement j'achevais mes études de journalisme et ne pensais pas une seconde au futur me contentant du présent.
D'autres, plus visionnaires, ont laissé une trace indélébile. En 1983, Steve Jobs, jeune créateur d'Apple, participe à Aspen, dans le Colorado, à l'International Design Conference dont le thème est « L'avenir n'est plus ce qu'il était ». Un raout de crème de geeks au cours duquel Jobs imagine ce qui deviendra, près de 30 ans plus tard, l'iPad. A la fin du séminaire, chaque participant doit choisir un objet, le sceller dans une poche en plastique étanche et déposer le tout dans un tuyau d'acier long de 4 mètres. Cette « Time capsule », trésor de 1983, est enfouie dans un terrain près d'Aspen. Au fil des années, la localisation exacte de la Time capsule se perd.
Diggers, une émission de National Geographic Channel se lance à sa recherche. Et la déterre fin septembre. Si certains ont déposé un téléphone (à cadran), les cassettes VHS des débats ou six bières, Jobs a choisi la souris de son ordinateur. En 1983, le Macintosh n'est pas encore commercialisé et Steve Jobs espère beaucoup en Lisa (du prénom de sa fille), un ordinateur de bureau doté d'une interface graphique et d'une souris. Lisa, trop cher, tombe dans les oubliettes. Mais la souris est toujours là.
Et comme aux USA tout se termine par une question d'argent, certains sont prêts à mettre des milliers de dollars si ce fossile informatique est mis aux enchères.

Chronique parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant

vendredi 18 octobre 2013

NET ET SANS BAVURE - Cœur de Glass à la mode Google

Elles seront LE gadget geek de 2014. Encore expérimentales, les Google Glass n'en finissent pas de faire parler d'elles. Testées par quelques chanceux, elle dévoilent chaque jour de nouvelles possibilités.
Ainsi Google vient de déposer un étonnant brevet lié à ces lunettes du futur. Étonnant car il s'agit d'accomplir un simple geste. Vous avez déjà remarqué ces starlettes ou sportifs qui, pour exprimer tout leur amour envers leurs fans, forment un cœur avec les mains. Ce cœur, avec les Google Glass deviendra l'équivalent d'un « like » sur les réseaux sociaux.
En balade, les binocles du futur sur le nez, vous tombez en admiration devant un paysage majestueux, type Canigou ou Cité de Carcassonne. Vous placez les mains devant vous et instantanément vos abonnés à Facebook ou Google+ savent que vous « aimez » ça. Vous discutez avec quelqu'un. Le moteur de recherche intégré aux lunettes l'identifie, vous branche sur sa page perso. Plus la peine de cliquer, un signe cœur et vous voilà ami avec lui. Le problème (il y a toujours un mais) : accepter de se montrer en public avec des lunettes ridicules et de faire des gestes tout aussi idiots... Dans la zone commentaires de l'article, un certain Arnaud ose un politiquement incorrect "Pour ceux qui ont qu'un bras, ça sera pas de bras, pas de like." Dans la même veine, au niveau des gestes explicites, j'en connais un autre (qui ne nécessite qu'une main et qu'un seul doigt) qui permettrait enfin de dire simplement « Je n'aime pas » ! Mais avec les Américains puritains, c'est pas demain la veille.

Chronique "Net et sans bavure" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Peur parisienne chez Delcourt


Alors que prolifèrent depuis quelques temps les BD régionalistes, Delcourt lance une collection consacrée aux maléfices parisiens. Et en découvrant ce premier épisode écrit par Pécau et dessiné par Dim D. on se dit « Mais pourquoi on n'y a pas pensé avant ? » Car Paris, capitale de légende, regorge de contes et histoires fantastiques, d'autant plus faciles à mettre en scène que les lieux sont souvent conservés en l'état. Le décor est prestigieux, reste à trouver des personnages un peu accrocheurs et des intrigues basées sur des histoires encore en vogue. 
Challenge relevé avec brio par les deux auteurs. Un vieux flic très influent est à la tête du BAP, Bureau des affaires publiques. Il a sous sa responsabilité un commissaire, sceptique et bougon mais efficace. Pour cette enquête, ils embauchent Victor, jeune spécialiste en sciences occultes et escroc à la petite semaine. Ils vont tenter de mettre fin à la malédiction de la tour Saint-Jacques en pleine rénovation. 56 pages denses et passionnantes, qui distillent entre les scènes d'actions quelques infos sur le passé de la capitale de façon encore plus ludique que les monologues de Lorant Deutsch.

« Paris maléfices » (tome 1), Delcourt, 14,30 €

jeudi 17 octobre 2013

NET ET SANS BAVURE - Le baromètre du mauvais sommeil des Français

La nuit dernière, réveil en sursaut. Comme souvent ces derniers jours, un cauchemar récurrent me tire des bras de Morphée (cliché à deux balles pour chroniqueur fatigué). Le sombre rêve tient en deux mots : "pas d'idée !" Pas la moindre idée de sujet pour la chronique de demain. Alors comme d'habitude, je me lève... et me précipite sur le PC, me connecte à Internet, surfe frénétiquement... rien.
Ma mission de divertissement public au quotidien me semble compromise quand j'ouvre le dossier spam de ma "boîtamail". Bingo ! Une agence de communication m'envoie "le baromètre sommeil des Français". Voilà comment un cauchemar vous offre une idée sur un plateau !
Le site spécialisé MySommeil propose aux internautes de déterminer leur qualité de sommeil. Après compilation de quelques milliers de tests, le verdict vient de tomber. Pour le 3e trimestre 2013, l'indice des participants est de 35 soit un "assez mauvais sommeil". Pas tout à fait réveillé, je réponds aux questions et découvre sans surprise que j'ai un sommeil "moyen", indice 40. La 3e question me demande si je suis gêné par des réveils durant mon sommeil. Je réponds trois fois oui. En plus du cauchemar, je dois rajouter les dix fois où ma femme me secoue en pleine nuit car je ronfle. Je me plains d'un mauvais sommeil avec mon petit 40 mais je devrais m'en réjouir. Elle, sur une échelle de 0 (très mauvais sommeil) à 100 (excellent sommeil) doit atteindre le - 1 000 à cause de moi.

Chronique "Net et sans bavure" parue ce jeudi matin en dernière page de l'Indépendant. 

NET ET SANS BAVURE - Galères de vacances dans les pires commentaires reçus par un voyagiste

Il est loin le temps des vacances. Repos, farniente... Vous envisagez peut-être de profiter des congés scolaires, la semaine prochaine, pour passer quelques jours sous le soleil des tropiques. Avant de prendre votre billet, allez quand même fureter sur le net à la recherche d'avis. Parfois édifiants.
Méfiez-vous des commentaires trop dithyrambiques, souvent faux et achetés. A l'opposé, faut-il vraiment se fier à ceux de vacanciers décidément idiots ?
Le Huffington Post américain les a compilés dans un article sur les réclamations les plus bizarres des clients de Thomas Cook Voyage. L'Espagne est une belle destination touristique. Son seul défaut : il y a trop d'Espagnols. Pour l'une, « le réceptionniste parlait espagnol, la nourriture était espagnole. Personne ne nous a dit qu'il y aurait autant d'étrangers. » « Nous avons eu des problèmes avec les chauffeurs de taxi car ils étaient tous Espagnols ».
Une maman, de retour d'un séjour dans les mers chaudes proteste : « Personne ne nous a dit qu'il y aurait des poissons dans l'eau. Les enfants avaient peur. »
Ce touriste n'a pas apprécié la nourriture proposée : « Presque tous les restaurants servent des plats au curry. Je n'aime pas la nourriture épicée. » Alors, fallait pas aller à Gao en Inde...
La dernière montre le penchant des Américains pour les procès. « Mon fiancé et moi avons demandé des lits jumeaux à la réservation. Or nous avons eu un lit kingsize. Aujourd'hui nous vous demandons le remboursement du séjour car vous êtes co-responsable de ma grossesse. »

Chronique parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.

NET ET SANS BAVURE - Stajière* aux manettes

Se moquer des erreurs des autres n'est guère charitable alors qu'on en commet soi-même. A l'Indépendant on en laisse passer quelques-unes. Enaurmes* parfois. Et elles restent, car imprimées. Vous retrouvez les plus savoureuses dans notre dossier Bol d'Air de fin d'année, un must.
Dans le Canard Enchaîné, les coquilles sont collectées dans la célèbre rubrique « Rue des petites perles ». Anxieux, je la parcours chaque semaine en espérant ne pas m'y retrouver épinglé...
Les chaînes d'info en continu proposent aussi du texte à lire. Des télex éphémères, au bas de l'écran, souvent composés à la hâte. La légende veut qu'à iTélé c'est un stagiaire qui s'y colle. Résultats : quelques aberrations à se rouler par terre. Souvent corrigées dans la minute, elles sont très fugaces. Pour s'en délecter il s'agit d'ouvrir l'œil. Aujourd'hui -gloire à internet- vous les retrouvez durablement sur un blog intitulé simplement « Le stagiaire d'iTélé », dans des captures écran des meilleures approximations de ces derniers mois. Petit florilège pour la postérité : « Accident de train à Jean-Jacques* de Compostelle », « 100 détenus en grève de la fin* », « De notre correspondante à Londres (Etats-Unis*) » . Enfin savourez cette dernière, digne d'une réplique de Bérurier dans les enquêtes de San-Antonio : « C'est tellement facile de trouver un bouquet missaire*. »
* Il fallait lire, dans l'ordre : stagiaire, énormes, Saint-Jacques, faim, Grande-Bretagne, bouc-émissaire.

Chronique "Net et sans bavure" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Racines introuvables pour Jung dans "Couleur de peau : miel"


Retour au pays natal pour Jung. Jeune orphelin de Corée du Sud, il a été adopté par une famille belge. C'était il y a 40 ans. Dans la troisième et dernière partie de cette autobiographie dessinée, il revient enfin en Corée. Le premier tome, en remportant un formidable succès critique et populaire, a ouvert de nouvelles perspectives pour le dessinateur. Il a développé, en parallèle aux albums, un documentaire sur sa quête d'identité. Ce retour en Corée du Sud est en grande partie lié à la réalisation du film. Jung avoue ne pas se sentir véritablement prêt. Mais production oblige, il s'embarque pour l'Asie et sur place une équipe l'attend, filme ses premiers pas, ses rencontres, son émotion, ses déceptions. Quelques chapitres sont essentiellement consacrés au « making of » du documentaire. D'autres racontent les doutes, la solitude dans un hôtel, cette perte de racines. Une nouvelle fois l'émotion est au rendez-vous. Jung a cependant décidé de refermer la page et c'est la dernière fois que vous pourrez assister aux dialogues entre Jung, gamin de 5 ans, et Jung, dessinateur de BD adulte en plein doute.

« Couleur de peau : miel » (tome 3), Soleil Quadrants, 17,95 €

lundi 14 octobre 2013

NET ET SANS BAVURE - La prison pour un simple bisou

Trois adolescents marocains
viennent de passer trois jours en prison. Leur crime : le garçon et la fille se sont embrassés sur la bouche devant leur collège et un ami, auteur de la photo, l'a publiée sur leur profil Facebook. Un simple baiser d'amoureux. Comme il s'en donne des millions chaque jour dans le monde entre jeunes de 14 et 15 ans. Un bisou, pas plus. Au Maroc c'est direct la prison et un procès pour « atteinte à la pudeur ». Si le Maroc a la réputation d'être très tolérant, il reste une chape religieuse difficile à briser. Il est interdit de s'embrasser en public dans un pays islamique. Samedi, après un appel relayé Facebook, quelques personnes ont organisé un « kiss-in » à Rabat en soutien aux jeunes accusés. Des couples se sont embrassés devant le Parlement. Mais pas longtemps car des contre-manifestants leur ont jeté des chaises trouvées sur une terrasse...

La Turquie aussi a la réputation d'être plus tolérante. Mais il ne faut pas aller trop loin dans le décolleté plongeant. La présentatrice d'une émission de variétés l'a appris à ses dépens. Sa robe noire, échancrée sur le devant, laissait deviner la courbe des seins. Un membre influent du parti au pouvoir a trouvé son attitude extrême car, en plus de dévoiler un brin de peau, elle dansait et souriait. Pas de prison pour Gözde Kansu, mais la porte. Sur le champ. Virée avec pertes et fracas par sa direction. Noëlle Noblecourt, une des premières speakerines françaises, licenciée en 1964 pour avoir dévoilé ses genoux, doit bien rigoler... 

Chronique "Net et sans bavure" parue en dernière page ce lundi en dernière page de l'Indépendant.