mercredi 18 septembre 2013

Billet - Lapin meurtrier


#SoutienAuLapin ? Ce mot-dièse ou hashtag caracole en tête des discussions sur Twitter depuis lundi soir. Il a pris la place de #SoutienAuBijoutier. Face à la page Facebook ouverte pour exprimer sa
solidarité avec le bijoutier de Nice (plus de 1,6 million de « likes » en quatre jours), un pastiche a vu le jour. Reprenant la typographie et les arguments de l'original, cela devient « Soutien au lapin qui a tué un chasseur » avec en explication : « Soutenons ce lapin qui ne faisait que son travail ». Lancé dimanche, la page SoutienAuLapin, comme celle du bijoutier, célèbre régulièrement sa progression. Première étape « 38 soutiens. Merci ». Rapidement le buzz fonctionne. Lundi soir plus de 130 000 personnes ont cliqué sur le « j'aime » de la meilleure réponse aux dérives extrémistes de certains soutiens au bijoutier. Mercredi à 10 heures, les 250 000 étaient dépassés. Preuve que l'humour peut aussi être politique. Et vous, plutôt bijoutier ou lapin ? Si vous ne savez pas, faites ce petit test. Allez sur chacune des pages, vous verrez combien de vos amis ont fait le choix. Personnellement le lapin l'emporte, 10 à 3.

Et à ceux qui pensent que c'est ridicule un lapin qui tue un chasseur, relisez vos classiques comme cette « Idées noires » de Franquin parue en 1977 : grâce à « PANDAN-LAGL : la cartouche de sécurité pour les lapins », un chasseur découvrait la joie de recevoir une volée de chevrotines en pleine tête.


BD - Paco les mains rouges, un bagnard aimant

On a beaucoup écrit sur le bagne de Guyane. Inhumain, violent, mortel... Pourtant « Paco les mains rouges », roman graphique écrit par
Fabien Vehlmann et dessiné par Eric Sagot prend le lecteur à contre-pied  C'est une histoire d'amour, une simple romance, belle et tragique. Patrick Comasson, dit Paco, est instituteur. Il a tué un homme. La justice le condamne au bagne à vie. Tout heureux d'échapper à la guillotine, Paco réalise tardivement qu'entre la mort et l'enfer, le choix serait vite fait. 
Dans le bateau conduisant les forçats en Guyane, il se fait tatouer dans le dos un squelette armé d'une faux. Au dessin : Armand, dit la Bouzille, un ancien des Batdaf'. Paco, dès le premier jour au bagne, se fait violer par trois détenus. Le lendemain, il en tue un par vengeance, Pour se faire respecter aussi. L'ancien instituteur devient infirmier pour le bagne et croise de nouveau Armand. C'est dans la moiteur de l'infirmerie qu'il a le coup de foudre. Cette BD, étonnante voire déroutante, est d'une force incroyable.

« Paco les mains rouges » (tome 1), Dargaud, 14,99 €

mardi 17 septembre 2013

Billet - Roucas, Dahan... humoristes en perdition

Ils ne nous font plus rire. Jean Roucas et Gérald Dahan, quasiment simultanément, quittent le cercle des humoristes pour celui des tristes sires. Le premier s'affiche en tête des soutiens de Marine Le Pen à l'université d'été du Front National, le second publie
un tweet raciste et insultant sur Jean-Vincent Placé, leader écologiste. Si le cas de Jean Roucas, chansonnier rarement inspiré, déjà étiqueté « populaire tendance populiste » dans le défunt Bébête Show, n'étonne pas grand monde, le dérapage de Gérald Dahan interpelle. Hier matin, il tweete ce trait d'esprit qu'il croit certainement drôle : « Jean-François Placé on dirait Eva Joly qui reviendrait de Fukushima ». Réplique immédiate de l'intéressé, toujours sur Twitter : « Moi, c'est Jean-Vincent :-) Vous êtes humoriste ? »
En plus du caractère ouvertement raciste de la blague (Jean-Vincent Placé est d'origine asiatique), Dahan se trompe sur le prénom. L'imitateur, connu pour ses canulars téléphoniques, réussit l'exploit de se mettre tout Twitter à dos et permet au sénateur Vert de redorer son blason sur les réseaux sociaux après quelques petits dérapages, comme cette photo où il exhibe fièrement sa pêche du jour, un bar de 47 cm, cliché comparé à celui de Poutine et son brochet. Jean Roucas ne faisait plus rire depuis longtemps. Gérald Dahan est sur la même pente.
Etrange comme certains humoristes vieillissent mal. Finalement, Coluche, Le Luron et Desproges ont eu raison de partir « jeunes ». 
Edit : Gérald Dahan a réagi et garde son tweet en l'état. 

Billet - Lauriers réalité

Enfoncés les Gérard ! Les anti-césars du cinéma ou de la télévision ont du mouron à se faire. Leur suprématie dans la catégorie « cérémonie comique et décalée » sera remise en cause le 9 janvier prochain. A la Cigale, devant des centaines de personnes seront décernés les « Lauriers de cristal », « la première cérémonie de récompense de la télé-réalité ». Oui, ils ont osé. Comme il y a un césar du meilleur acteur, il y aura un Laurier du meilleur « amoureuse et amoureux issus d'une télé-réalité ». On va donc en rire, car pleurer ne servira à rien, surtout pas à remonter le niveau des programmes...
Ces Lauriers, qu'il aurait mieux valu nommer « Chiendents » tant ce genre télévisuel prolifère comme une mauvaise herbe sur les chaînes de la TNT, seront présidés par Vincent McDoom. Un site internet est déjà en ligne. On y découvre les catégories en lice, de présentateur à cuisinier en passant par compétiteur. Il faudra attendre fin octobre pour découvrir les premières listes de nominés. Je me délecte d'avance à choisir entre Morgane, Adixia, Tara et Gaëlle ou Guillaume, Jamel, Charles ou Jordan. Illustres inconnus pour tout humain maîtrisant plus de 200 mots de vocabulaire, ils font rêver les autres. « Pourquoi moi aussi je serai pas dans la télé comme Kevin puisque je suis grave plus beau que lui ? » ne cesse de se répéter le téléspectateur de base de ces programmes.
Personnellement je ne manquerai pas les Lauriers de cristal en janvier car vu la conjoncture, on n'aura pas souvent l'occasion de rire en 2014. 

Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce lundi 16 septembre en dernière page de l'Indépendant.

BD - L'île cauchemar du "Meilleur job du monde" de Bec et Fonteriz

Tout avait débuté comme dans un rêve merveilleux. Doug, jeune trader londonien, est sélectionné pour occuper le meilleur job du monde : garder durant six mois une villa luxueuse sur une île tropicale au large de l'Australie. Le premier tome racontait son arrivée sur l'île et ses premiers émois. Il découvre une vieille K7 vidéo et une pièce secrète. Dans cette villa, il y a quelques années, un ancien nazi a mené des expériences abominables sur des femmes. Le second tome va crescendo dans l'angoisse. Terminée l'image paradisiaque des cocotiers et du sable blanc. La nuit, des fantômes tentent de pénétrer dans la villa et Doug a de plus en plus l'impression d'être observé. Il va même tenter de quitter l'île. En vain. Christophe Bec, scénariste prolifique en cette rentrée 2013, n'a pas son pareil pour planter une ambiance de peur. Fonteriz, dessinateur espagnol, assure, par un trait réaliste solide et efficace, la seconde couche de cette histoire à ne pas lire le soir en s'endormant sous peine de sommeil agité.

« Le meilleur job du monde » (tome 2), Soleil, 13,95 €


lundi 16 septembre 2013

BD - L'Australie, l'autre désert de "Down Under"


Au palmarès des pays au fort potentiel d'évasion, l'Australie arrive dans le top 3. Le Pays-continent, immense, sauvage, à la faune et à la flore si particulières, est souvent à l'honneur dans la bande dessinée franco-belge. « Down Under » raconte la période où les colons découvrent les formidables ressources minières du désert, le Bush. Durant quelques décennies, la région est devenue le nouveau Farwest. Et dans le rôle des Indiens, les Aborigènes ont connu le même destin. 
Nathalie Sergeef, la scénariste belge, raconte plusieurs destins, du colon de base au jeune orphelin Blanc recueilli dans une tribu. Sans oublier les chercheurs d'or et les tueurs prêts à se vendre aux plus offrants... Fabio Pezzi, le dessinateur, parvient à retranscrire dans ses cases épurées toute la beauté du pays. Son dessin rappelle parfois celui de Palacios, le créateur de MacCoy, autre western chaud et brûlant.

« Down Under »(tome 2), Glénat, 13,90 € 

dimanche 15 septembre 2013

BD - Glace rouge en Patagonie avec Esteban de Matthieu Bonhomme


La Patagonie, la Terre de Feu... ces terres extrêmes marquent la limite de l'exploration puis de la colonisation de l'Amérique du Sud. Les envahisseurs sont arrivés un peu plus tard que les Conquistadores, mais ils y ont pratiqué la même politique de massacre des autochtones. La saga d'Esteban imaginée par Matthieu Bonhomme raconte en partie cet épisode peu reluisant de l'histoire de l'Humanité. 
A la fin du 19e siècle, le jeune « natif » a déjà vécu bien des aventures. On le retrouve, pour la cinquième et dernière partie du premier cycle, en fuite en compagnie de bagnards. Ils viennent de s'échapper de la prison d'Ushuaïa en kidnappant la femme du directeur. Acculés dans une crique, au pied d'un glacier géant, ils vont s'allier avec les Indiens pour garder leur liberté chèrement acquise. 
De l'action, du drame, des retournements de situation, pas mal de violence et un peu d'amour : le cocktail imaginé par Bonhomme est savamment dosé. Et comme il dessine tel un dieu, l'album est un des incontournables de la rentrée.

« Esteban » (tome 5), Dupuis, 12 €

samedi 14 septembre 2013

Billet - Éloge de la laideur

Marre des chatons « cromignons » et des pandas encore plus « lol » que des peluches ? Le net est inondé de photos d'animaux doux et attendrissants. Envie de laideur, de gluant, de flasque ? Allez sur le site uglyanimalsoc.com vous ne serez pas déçu. Cette association anglaise a lancé un grand concours sur internet pour élire l'animal le plus laid de la planète. Des milliers de participants ont voté à une écrasante majorité pour le blobfish. Ce poisson des grands fonds ressemble à un gros tas de morve dégoulinant, ses petits yeux noirs surmontent un nez en patate et une bouche tombante. A côté, Eléphantman pourrait concourir à Miss Monde ! Le blobfish, tout comme son pote le kakapo de Nouvelle-Zélande - second animal le plus moche selon le sondage- est en voie d'extinction. Le but n'est pas de se moquer de ce que l'on pourrait considérer comme des erreurs de la nature mais d'alerter l'opinion sur le danger de disparition de tout un pan de la faune mondiale. On ne vous demandera pas d'adopter un blobfish dans votre aquarium, juste de dénoncer certaines pêches intensives dont ils font les frais. Idem pour le kakapo, gros perroquet incapable de voler - il n'en reste plus qu'une petite centaine. Dans le top 10 on retrouve également l’axolotl, salamandre transparente éternellement à l'état larvaire ou la grenouille-scrotum qui porte bien son nom... J'arrête là les horreurs, mes deux chats se font des mamours dans un panier en osier. C'est « cromignon », faut vite que je les photographie et publie le cliché sur mon Facebook...




vendredi 13 septembre 2013

Billet - Miley Cyrus, vilaine petite dévergondée

Une nouvelle icône de la toile est en train d'éclore. Nom : Cyrus. Prénom : Miley
. Particularité : ancienne star Disney en plein dévergondage. La série Hannah Montana a fait rêver des millions de fillettes. L'héroïne de cette série américaine, simple collégienne lambda la journée, se transformait, la nuit, en star de la chanson. Dans le rôle-titre Miley Cyrus, adolescente gracile aux mimiques mutines et à la voix aiguë  Pas très bonne actrice (et je suis gentil) ni excellente chanteuse. Mais un père manager qui drive sa carrière artistique de main de maître. Devenue adulte, Miley comme tous les enfants stars tente de survivre à sa notoriété. Et prend, à 20 ans, un virage radical pour se maintenir dans le peloton de tête. Terminée la gravure de mode sage, place à Miley la dévergondée. La métamorphose passe par internet. Quelques photos sexy faussement volées, un passage terriblement hot aux MTW Awards pour déclencher les foudres des associations familiales catholiques et le moment est venu de lancer le dernier étage de la fusée : un clip scandale assuré de faire du « clic ». Opération réussie. Madonna peut se retirer dans une maison de retraite, Lady Gaga se rhabiller, Britney Spears se raser une seconde fois la tête : elles sont mortes « virtuellement ». Miley gagne haut la main de titre de « scandalous girl » du moment. Dans ce clip, en petite culotte ou entièrement nue, elle chevauche une énorme boule de démolition en action. Difficile de faire plus torride. Même Mickey ne doit pas en croire ses oreilles... Et redouter l'arrivée prochaine d'une sextape !

jeudi 12 septembre 2013

Roman - Vieux Canadiens solitaires


Dans les forêts du grand Nord, une photographe découvre deux ermites octogénaires. Un roman tendre et émouvant sur l'oubli, la fin de vie et la solitude.

La solitude se mérite. Elle se choisit aussi. « Il pleuvait des oiseaux », premier roman publié en France de la québécoise Jocelyne Saucier se lit comme une retraite spirituelle quand on se retire dans une cabane perdue au fond des bois. Ces forêts, immenses, hostiles, sauvages, sont omniprésentes dans le récit.Dans ce Nord canadien encore à la frange de la civilisation, il est possible de se faire oublier. Une photographe, à la recherche des derniers témoins des Grands Feux du début du siècle, tombe sur une communauté bien cachée. Communauté c'est beaucoup dire puisqu'ils ne sont que deux très vieux messieurs, Tom et Charlie. Il y a peu ils étaient trois. Mais l'un d'entre eux est mort récemment.Âgés de plus de 80 ans, ils choisissent de vivre en ermites pour ne plus être à la charge du système. Pour la liberté également. « Ils avaient laissé derrière eux une vie sur laquelle ils avaient fermé la porte. Aucune envie d'y revenir, aucune autre envie que de se lever le matin avec le sentiment d'avoir une journée bien à eux et personne qui trouve à y redire. » Leurs baraques de rondins, cachées dans les bois, avec vue sur un lac, ne sont connues de personne. Excepté deux jeunes de la ville voisine chargés de les approvisionner en produits divers et nécessaires en échange de la surveillance de leur plantation... de cannabis.

Nouvelle arrivante
L'arrivée de la photographe va révolutionner leur petit train-train. D'autant qu'elle reviendra avec une autre âme en quête d'un endroit paisible pour finir ses jours. Une femme.
Marie-Desneige, évadée d'un asile psychiatrique, encore plus âgée que Tom et Charlie, fait une entrée remarquée dans la petite communauté. « La petite vieille était vraiment minuscule, de la taille d'une enfant de douze ans, très fragile, une poupée de porcelaine, et ne bougeait qu'à petits gestes. » Le fragile équilibre va-t-il disparaître ? Avec des précautions infinies, Jocelyne Saucier raconte cette rencontre. Elle alterne les points de vue, de l'enthousiasme de la photographe au scepticisme de Tom en passant par l'émerveillement de Marie-Desneige. Tout en prenant le temps de raconter l'incroyable histoire du troisième larron, le mort, traumatisé par les Grands Feux durant son enfance, celui qui le premier a découvert cet endroit.
Ce texte sensible fait la part belle aux souvenirs, au temps qui passe, inexorablement. On ne sort pas indemne d'un récit où l'on ne peut que se projeter en fonction du nombre théorique d'années que l'on pense encore passer sur terre.
« Il pleuvait des oiseaux », Jocelyne Saucier, Denoël, 16 € (disponible au format poche chez Folio)