mardi 31 décembre 2024

BD - Une intrépide coboye dans les plaines de l'enfance

Avant de devenir dessinatrice de bande dessinée, Cécile était une fillette pleine d’imagination vivant à la campagne avec sa maman. Le prototype du garçon manqué, admirant les aventuriers de la grande période de la conquête de l’Ouest américain.

Voilà pourquoi, en son for intérieur, elle est avant tout une Coboye. La corde à sauter est reconvertie en lasso, la jolie tête à coiffer offerte par sa mamie en Totem du camp indien, après un scalp traditionnel. Quand sa maman part faire des courses, elle demande régulièrement qu’elle lui achète des bâtons de « dinamit », des « alumetes » et aussi quelques « chouinegom ».

Sous forme de gags en une ou deux images par page, on découvre toutes les bêtises que la fillette a réalisées au grand désespoir de sa maman, rebaptisée le « shérif » dans son monde imaginaire. Un album qui sent bon l’innocence de la jeunesse, magnifiée par des aquarelles lumineuses.

« Coboye », Delcourt, 144 pages, 17,50 €

lundi 30 décembre 2024

Cinéma - Sarah Bernhardt et Lucien Guitry, la divine romance

La grande comédienne Sarah Bernhardt n’a eu qu’un seul véritable amour : Lucien Guitry. Guillaume Nicloux en fait un film brillant avec un rôle époustouflant pour Sandrine Kiberlain.


Monstre sacré du théâtre, première star mondiale française, Sarah Bernhardt était aussi surnommée « La Divine ». C’est ce dernier terme que Guillaume Nicloux a retenu pour le titre de son film. Mais en ces temps où les biopics sont de plus en plus nombreux, il a choisi de ne pas raconter toute la carrière de la comédienne (interprétée par Sandrine Kiberlain) mais la grande histoire d’amour de sa vie.

Femme éprise de liberté, elle faisait partie de ces esprits ouverts qui vivaient au jour le jour, jamais avare de plaisir. Elle a eu des dizaines, des centaines d’amants. Certains très célèbres comme Edmond Rostand. Pourtant, le film explique qu’elle n’en a aimé qu’un seul et unique : Lucien Guitry (Laurent Lafitte). Comme elle, c’est une gloire du théâtre français de cette fin du XIXe siècle. Ils ont joué ensemble La dame aux camélias. Sandrine Kiberlain, au début du film, rejoue la scène finale avec Laurent Lafitte qui lui tient la main.

Amants sur et en dehors des planches, ces deux surdoués vont se découvrir, se perdre puis se retrouver. Une romance au cœur du film de Guillaume Nicloux, racontée par une Sarah Bernhardt, affaiblie après son amputation, à Sacha, le fils de Lucien et futur grand auteur de théâtre et de cinéma. Plusieurs flashbacks jusqu’à la pire journée vécue par l’actrice, celle au cours de laquelle l’amant rompt officiellement avec sa maîtresse car il désire épouser une jeune comédienne.

Avant cela, on découvre leur relation libre et assumée, dans ce Paris en train de se dévergonder et véritable capitale culturelle mondiale. Sarah Bernhardt sublime ses rôles. Certains écrits pour elle. D’autres issus de grands classiques, de Racine à Shakespeare. Dont certains d’hommes, preuve que la grande dame du théâtre a très rapidement trouvé un peu étriqués les personnages féminins proposés.

Féministe avant l’heure, elle s’affiche avec la peintre Louise Abbéma (Amira Casar), collectionne les animaux (du boa au lynx en passant par les rapaces), et on apprend également qu’elle combat l’antisémitisme et pousse Émile Zola à prendre position dans l’affaire Dreyfus.

Personne complexe, torturée par une enfance malheureuse, toujours sur la brèche, exubérante et cherchant sans cesse la lumière, Sarah Bernhardt a marqué son époque. Le film de Guillaume Nicloux la ressuscite en grande amoureuse, capable du pire comme du meilleur pour conserver les faveurs de son amant.

Biopic de Guillaume Nicloux avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar, Pauline Étienne, Laurent Stocker.

dimanche 29 décembre 2024

En vidéo, trois films avec Fernandel restaurés par Pathé

Acteur comique français ayant le plus, et de loin, rempli les salles de cinéma, Fernandel a une longue carrière à son actif. Pathé vient de restaurer trois de ses films datant des années 40 et 50. Des petits bijoux d’humour dans lesquels ce comédien emblématique du Sud, exprime tout son talent.

L’Armoire volante de Carlo Rim date de 1948. On y retrouve également Berthe Bovy et Pauline Carton. Une farce loufoque pleine de rebondissements et surtout un film d’humour noir, à la limite du macabre.

L’Héroïque Monsieur Boniface de Maurice Labro est sorti en 1949. Une histoire cocasse d’étalagiste surpris par la célébrité. Un personnage que l’on retrouve dans Boniface somnambule, toujours de Maurice Labro (1950).

samedi 28 décembre 2024

Fantasy - La quête magique des Héritiers dans « Le secret de Ji » de Pierre Grimbert

Classique de la fantasy française, cette saga de Pierre Grimbert bénéficie d’une édition intégrale parfaite pour faire ses premiers pas dans un univers riche et magique. 


L’île de Ji est un caillou ridicule dans le monde imaginé par Pierre Grimbert. C’est pourtant de là que débute la grande saga publiée il y a 30 ans et dont on peut découvrir une intégrale de plus de 1 300 pages au Livre de Poche. Les héritiers d’une délégation des divers royaumes de ce monde sont pourchassés par des moines assassins, les Züu. Il y a un peu plus d’un siècle, la délégation s’est enfoncée dans un souterrain de l’île, disparaissant durant plusieurs jours. Tous ne sont pas revenus. Traumatisés, les rescapés ont juré de ne jamais raconter ce qu’ils ont vu. Un secret jalousement gardé et transmis aux héritiers.

Au début du roman, six de ces héritiers parviennent à déjouer les attaques. Il y a Grigan, un guerrier, Lana, une prêtresse, Rey, un comédien, Corenn, une responsable politique, Bowbaq, un homme des bois et Léti, une simple jeune fille. Ils sont accompagnés par Yan, pêcheur, fiancé de Léti, la jeune fille. Pourchassés par les tueurs, ils vont vivre des aventures mouvementées et fantastiques.

Notamment quand Yan découvrira qu’il a un don pour la magie. Mais est-ce suffisant quand on est aux prises avec des démons et même un dieu répondant au nom de Sombre et planifiant la mort de tous les humains ?

L’intégrale regroupe les quatre romans constituant le premier cycle. Une quête dans laquelle le lecteur s’identifiera facilement, vibrant en découvrant ce que cache l’île de Ji, frémissant quand Yan rencontrera le dieu Usul, craignant pour la vie de Grigan, attaqué par une cohorte de rats de Farik porteurs d’une maladie mortelle ou riant des plaisanteries de Rey, le boute-en-train de la compagnie des héritiers.

« Le secret de Ji » (intégrale), de Pierre Grimbert, Le Livre de Poche, 1 360 pages, 24,90 €

vendredi 27 décembre 2024

Un livre de poche - « 1Q84 » de Murakami

Le roman, gigantesque, « 1Q84 » est sans doute l’œuvre la plus ambitieuse de Haruki Murakami. Publié pour la première fois en 2009, son ampleur fait qu’il est proposé en trois parties. Un roman de plus de 1 600 pages, écoulé à des milliers d’exemplaires dans sa traduction française.

Pour cette fin d’année, une version collector est proposée par 10/18 avec trois couvertures signées Paiheme. Entre l’an 1984 et le monde hypnotique de 1Q84, les ombres se reflètent et se confondent. Unies par un pacte secret, les existences de Tengo et d’Aomamé sont mystérieusement nouées au seuil de deux univers, de deux ères… Une odyssée initiatique qui embrasse fantastique, thriller et roman d’amour.

« 1Q84 » (trois tomes), 10/18

jeudi 26 décembre 2024

Un collector - "Mamma Maria", best seller de Serena Giuliano

Si vous appréciez les « feel books » et l’Italie, ce roman ne peut que vous séduire. Paru il y a quelques années, après que l’autrice, Serena Giuliano, a percé sur internet, Mamma Mia ressort pour cette fin d’année en version collector. 

Couverture à dominante jaune et tranche de la même couleur (le citron, évidemment), couverture cartonnée : l’objet est indéniablement beau. Et si vous l’avez déjà lu, ce peut être un excellent cadeau pour une connaissance qui pourrait être sensible aux amours de Sofia, l’héroïne et aux autres personnages typiquement italiens de ce café mythique de la côte amalfitaine. 

Et en bonus, un chapitre inédit et la recette du fameux Amalfitano.

« Mamma Maria » de Serena Giuliano, Le Cherche Midi Robert Laffont, 256 pages, 22 €

mercredi 25 décembre 2024

Un beau livre – Planètes dans les mondes de la science-fiction



Ouvrir un livre, encore plus un beau livre richement illustré, c’est l’assurance de voyager. Dans le cas précis de Planètes de Renaud Jesionek, c’est un périple de plusieurs milliards de kilomètres qui est proposé avec l’exploration des planètes dans les mondes de la science-fiction. 

Des chapitres courts, des éclairages scientifiques ou romanesques, une iconographie recherchée : ce livre est renversant. De la Terre à la Lune en passant par le système solaire, les planètes désertes ou recouvertes de zones urbaines, c’est tout l’espace qui est à votre portée.
« Planètes, Voyage dans les mondes de la science-fiction », Renaud Jesionek, Hoëbeke, 168 pages, 30 €

mardi 24 décembre 2024

Un livre de poche - Plus amère que la mort


Il est toujours décevant de ne pas connaître la fin d’un roman. Paru en 2010, Ça aurait pu être le paradis de Camilla Grebe et Asa Traff est resté sans suite. Saluons l’initiative du Livre de Poche qui réédite le premier titre et propose Plus amère que la mort, la suite et fin des aventures de Siri Bergman, psychologue spécialisée dans les violences faites aux femmes. 

Siri et sa collègue Aina rencontrent leurs nouvelles patientes. Kattis, qui a été battue par son petit ami, Malin, la jeune athlète prometteuse agressée par un homme rencontré en ligne… Mais les dangers qui menacent la vie des femmes à l’extérieur ne tardent pas à envahir l’espace protégé qu’elles se sont créé.

« Plus amère que la mort », Le Livre de Poche, 480 pages, 9,40 €

lundi 23 décembre 2024

Un beau livre - Le portrait de Dorian Gray


Benjamin Lacombe, illustrateur de plus en plus coté, inaugure la nouvelle collection de beaux livres de chez Gallimard. Papillon Noir propose de grands textes de la littérature fantastique richement illustrés dans des albums à la facture soignée. Le chef-d’œuvre d’Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray, devient encore plus obsédant avec les tableaux signés Benjamin Lacombe. 

De plus le texte proposé (traduction de Jean Gattégno), est la version non censurée conforme au manuscrit de l’auteur. Dans la même collection, découvrez Les sorcières de Venise, roman écrit par Sébastien Perez et illustré par Marco Mazzoni (27 €)

« Le portrait de Dorian Gray », Oscar Wilde et Benjamin Lacombe, Gallimard, 256 pages, 35 €

dimanche 22 décembre 2024

BD - Sommeil assuré avec ce Pillow Man


Vous avez le sommeil compliqué ? Pourquoi ne pas faire appel aux services de cette jeune start-up qui propose un pillow man pour une nuit reposante ? Littéralement des hommes oreillers sur lesquels on peut dormir sereinement.

Jean, ancien chauffeur routier, la quarantaine bedonnant, est au chômage depuis trois ans. Il a découvert une petite annonce étonnante. Postule et après un test dans un canapé, est embauché. Mais comment dire à sa chérie, Marianne, qu’on va dormir, tous les soirs, chez de riches clientes ? En tout bien tout honneur, mais dans leur lit, leur intimité. Il invente alors un poste de veilleur de nuit.


Imaginée par Stéphane Grodet et dessinée par Théo Calmejane, cette histoire assez déconcertante semble pourtant tout à fait réaliste. La solitude tue. Ou plus sûrement empêche de dormir. Un peu de chaleur sous les draps suffisent à rendre les nuits calmes et reposantes. Jean, assez timide, a des difficultés au début.

Mais son « confort » est tel qu’il est très demandé. bonhomie et gentillesse lui permettent de gagner beaucoup d’argent. De quoi payer la maison de ses rêves à Marianne. Mais comment va-t-elle réagir quand elle découvrira la vérité ?
« Pillow Man », Glénat, 224 pages, 26 €

samedi 21 décembre 2024

BD - Dad, un papa exemplaire

Pour le 11e recueil de gags de Dad et ses filles, Nob, dessinateur et scénariste de cette série vedette du magazine Spirou, dévoile la vie de son héros avant l’arrivée des enfants. Une quarantaine de flashbacks présentés chronologiquement avec d’entrée, un Dad à peine sorti de l’adolescence, déjà papa d’une petite fille sérieuse avant l’heure.

Car notre héros, malgré un métier aléatoire (comédien de casting…), ne peut s’empêcher, dès qu’il tombe amoureux, de concevoir un enfant avec sa belle. Une fille. Tout le temps.

Il y a donc la première, Pandora, intelligente, sérieuse, réfléchie. Elle ne veut pas de petite sœur mais craque complètement face à la mignonerie de la petite blonde Ondine, fille d’une starlette. Enfin arrive dans le foyer Roxane, aussi rousse que sa maman, employée dans une ONG à l’étranger. On rit aux facéties du père et relations parfois compliquées entre les trois sœurs.



Et puis au final, on ne peut retenir une petite larme quand arrive dans le foyer une quatrième fille, adorable Bébérénice, orpheline ayant déjà vécu son lot de malheurs. Une histoire de famille moderne, avec un papa que personne ne renierait.
« Dad » (tome 11), Dupuis, 48 pages, 12,50 €

vendredi 20 décembre 2024

BD - Petit homme, mais remarquable


Fétichiste des souliers et des jolis pieds, Stanislas a trouvé le métier de rêve : vendeur dans un magasin de chaussures pour femmes. Mais sa timidité maladive l’empêche de supporter la clientèle. La patronne relègue le petit homme (1 m 57 seulement) au sous-sol à ranger les stocks.

Le nouveau roman graphique de Zanzim (révélé avec Peau d’Homme) est délicieusement osé. Car Stanislas assume son voyeurisme. Sa vie n’est pas tout rose, mais il est quand même heureux dans sa chambre de bonne en compagnie de son chat et de ses rêves.

Tout change quand il fait un vœu en caressant ses bottines préférées. Fabriquées en peau de vache indienne sacrée, elles exaucent son rêve… à l’envers. Il devient vraiment petit, à peine quelques centimètres. Il va dès lors lutter pour survivre mais découvrir aussi qu’être presque invisible est l’idéal pour voir sans être vu. Démasqué par une des vendeuses, il va être transformé en doudou sexuel avant de tomber amoureux d’une fleuriste. Et finalement réussir à devenir un grand homme.

Une jolie fable très réussie et convaincante, sur le vivre ensemble, les différences et le sacrifice.
« Grand petit homme », Glénat, 144 pages, 25 €

jeudi 19 décembre 2024

Roman - Petites contrariétés fatales dans "Fort Alamo", roman de Fabrice Caro

On est souvent confronté à des situations du quotidien énervantes. Problème, le personnage imaginé par Fabrice Caro dans « Fort Alamo » tue les malotrus qui l’insupportent. 


Les histoires sorties de l’imagination de Fabrice Caro, auteur de Montpellier connu également pour ses BD signées Fabcaro, semblent au début des anecdotes d’un quotidien tout ce qu’il y a de plus banal. Dans Fort Alamo, on suit les déambulations et réflexions de Cyril, simple professeur, marié, deux enfants. Un Français moyen dans toute sa splendeur. Aimant les habitudes, un peu râleur. De ces hommes ou femmes trop bien élevés pour les nouveaux codes de notre société.

Dans les premières pages, il fait ses courses dans un supermarché. Une fois son chariot rempli, il fait la queue. Et sans coup férir, se fait doubler par un inconnu faisant mine de ne pas l’avoir vu. Un peu contrarié le Cyril. Énervé même. S’il osait, il lui dirait ses quatre vérités. Voire un peu plus. De vilaines pensées qui semblent s’exaucer quand le malotru s’écroule en sortant du magasin. Un malaise qui provoque panique chez les employés et fuite de Cyril, mal à l’aise, comme s’il était indirectement le responsable.

Le lendemain, il découvre que l’homme qui l’a doublé à la caisse est mort, foudroyé par un AVC. Le doute commence à le submerger. D’autant que quelques jours plus tard, après une prise de bec avec la proviseur adjointe, cette dernière tombe raide morte dans la salle des profs. Et le soir, en regagnant son petit pavillon, Cyril, excédé par les aboiements du chien des voisins, lui lance un caillou. Il le touche à la cuisse et l’animal s’écroule, muet pour l’éternité.

En quelques pages, Fabrice Caro transforme ce quotidien morne et aseptisé en terreau fertile d’une intrigue presque fantastique. Cyril a-t-il des superpouvoirs ? Pourra-t-il bientôt se fabriquer un costume de « Super-AVC-man » ? Encore faudrait-il qu’il maîtrise son don. Car trop souvent il se retrouve dans des situations où son exaspération atteint des sommets.

Comme cette rencontre dans un grand magasin, quelques jours avant Noël, alors qu’il tente de trouver une idée originale de cadeau pour sa belle-sœur qu’il exècre (il craint d’ailleurs qu’elle ne termine pas le repas de fêtes vivante). Un autre client, smartphone à l’oreille, parle fort avec son interlocuteur. Sans gène. Et Cyril de regretter ces mauvaises manières : « Les boutiques s’ajoutaient à tous ces lieux publics que l’être humain avait fini par rendre infréquentables par sa seule présence, les trains, les salles de cinéma, les rues. Les gens se croyaient dans leur salon partout où ils allaient. Le portable avait abattu les cloisons de l’intime, qui s’était vulgairement déversé dans l’espace public, de sorte que tout lieu était devenu invivable. » Invivable pour Cyril, mortel pour les importuns qui se trouvaient à proximité…

Sous couvert de raconter les affres du quotidien, Fabrice Caro dresse le portrait d’un homme qui, comme l’auteur certainement, se pose trop de questions. Il est dans une mauvaise passe. Persuadé d’être dangereux, il se recroqueville. Encore plus quand sa femme pense qu’il débloque et qu’on apprend qu’il a récemment perdu sa mère. Ce Fort Alamo de Fabrice Caro semble en réalité la description d’une certaine folie ordinaire qui nous menace insidieusement.

« Fort Alamo » de Fabrice Caro, Gallimard, 180 pages, 19,50 € (« Journal d’un scénario » vient de sortir en poche chez Folio)

mercredi 18 décembre 2024

Thriller - « Surfacing », enquêtrices qui parlent aux cadavres

 Jayne et Steelie sont deux médecins légistes et anthropologues employées par la police de Los Angeles pour faire parler… les cadavres.


La meilleure façon de démasquer l’identité un tueur est de demander à la victime. Mais une fois morte, le dialogue est plus que réduit. A moins de trouver les trucs et astuces pour faire « parler » un cadavre. C’est devenu la spécialité de Jayne et Steelie, deux jeunes femmes qui ont ouvert une agence spécialisée dans l’identification des corps. Ces deux enquêtrices, qui collaborent régulièrement avec le FBI pour identifier des victimes et traquer les criminels ont une grande expérience de la mort.

Après des formations d’anthropologues et de médecine (spécialisation en médecine légiste), elles ont travaillé pour l’ONU dans les Balkans et ont vu plus que de raison des charniers. Depuis elles tentent de se reconstruire, évitant les émotions fortes. Un parcours assez identique à leur créatrice, la jeune romancière Clea Koff dont c’est le second thriller.

Tout débute par la découverte d’ossements sur le campus d’UCLA, l’université de Los Angeles par des ouvriers. Nous sommes en 2003 et le cadavre a été enterré depuis presque un an. Jayne et Steelie analyse les restes et découvrent que c’est le cadavre d’un étudiant. Un autre cadavre est retrouvé à proximité. Tueur en série ? Quel lien entre ces deux victimes ?

Les deux jeunes femmes vont rapidement faire avancer l’enquête mais se retrouvent, de ce fait, sur le devant de la scène et le meurtrier aux mystérieuses motivations va les pister. Un thriller très documenté, d’une grande rigueur, avec une intrigue un tout petit peu trop linéaire.

Pour pimenter le tout, Clea Koff greffe sur les péripéties de ses héroïnes une petite guerre des polices et surtout deux histoires d’amour naissantes. Comme quoi, la proximité de la mort au quotidien n’empêche pas de rêver d’avenir radieux.

« Surfacing », Clea Koff, Éditions Héloïse d’Ormesson, 368 pages, 22 €

mardi 17 décembre 2024

BD - Un libertin dans les forêts du Canada sauvage


Le chevalier de Saint-Sauveur, libertin ambitieux rêvant de faire sa place dans la cour, est criblé de dettes. Pour les effacer, il promet à un noble de faire pousser une jeune noble française dans les bras d’un Iroquois. Un plan machiavélique qui l’oblige à rejoindre la Nouvelle-France, de l’autre côté de l’Atlantique.


Alain Ayroles, sous forme de lettres, raconte ce périple épique qui va pousser le vert galant à courir les bois en compagnie de son valet, Gonzague. Des bois dangereux car peuplés de multiples tribus d’Indiens, pas toujours amicales.

Le format nettement plus grand de l’album permet d’apprécier au mieux les planches de Richard Guérineau.
« L’ombre des Lumières » (tome 2), Delcourt, 72 pages, 22,95 €

lundi 16 décembre 2024

BD - Séjour en enfer pour les naufragés du Jakarta

En 1629, des navires de la VOC (Compagnie hollandaise des Indes orientales) quittent l’Europe. Dans la flotte, le Jakarta, avec 300 personnes à bord et une énorme quantité d’or, change de cap. Jéronimus Cornélius, le second, mène une rébellion. Le Jakarta fait naufrage, une partie de l’équipage et des passagers trouve refuge sur des îlots rocheux. Le capitaine tente de rejoindre Java pour y trouver de l’aide.

Cette histoire vraie, racontée par Xavier Dorison, est illustrée par Thimothée Montaigne. Le second et dernier tome, de plus de 140 pages, raconte la survie sur ces îles démunies de toute ressource. Cornélius, avec sa bande, va rapidement éliminer toute opposition et imposer sa loi. Seule Lucrétia Hans, une jeune femme téméraire, ose lui tenir tête.

Dans ce décor minéral entouré d’eau, le dessinateur parvient à varier sans cesse les angles et points de vue. La tension, la peur puis l’horreur sont retranscrites avec brio dans des planches fourmillant de détails.

Un long cauchemar qui reste comme un des pires naufrages de l’histoire de la marine à voile.
« 1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (tome 2), Glénat, 144 pages, 35 €

dimanche 15 décembre 2024

Cinéma - "Leurs enfants après eux", l’histoire ordinaire d’un amour impossible

“Leurs enfants après eux”, film des frères Boukherma, raconte l’amour destructeur de deux adolescents dans la France des années 90.

Tiré du roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt en 2018, ce film, sans doute un poil trop long, restera dans les mémoires pour quelques scènes d’une formidable virtuosité. Celle de la piscine, de la moto en feu ou du slow durant le bal du 14 juillet 1998 sur la chanson iconique de Francis Cabrel, Un samedi soir sur terre où il parle d’une « histoire d’enfant, une histoire ordinaire ». C’est le résumé très succinct de Leurs enfants après eux, nouveau film des toujours inattendus frères Boukherma.

Après avoir tâté de l’horreur pure avec Teddy (entièrement tourné en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales et sorti en 2020), puis de la comédie sanguinolente avec L’année du requin, ils osent la grande saga familiale romantique et sociale.

Est de la France, dans ce bassin sidérurgique sinistré après la fermeture de toutes les aciéries, Anthony (Paul Kircher), 14 ans au début des années 90, s’ennuie comme un rat mort. Le grand ado, aux cheveux longs et rebelles, un peu lunaire et rêveur, sous un blouson de cuir, cache un romantique à la recherche du premier amour. Il est persuadé de le croiser au bord d’un lac.

Steph (Angelina Woreth) bronze avec une amie. Elles invitent Anthony et son cousin à une soirée. Pour s’y rendre, ils empruntent la moto du père, Patrick (Gilles Lellouche). Au petit matin, en plus d’avoir été repoussé par la jeune fille, Anthony découvre que la moto a été volée. Sa vie va alors basculer vers la violence et la vengeance.

Radiographie rigoureuse d’un milieu social gangrené par la crise, le film conserve une grâce innée en suivant la relation, compliquée mais si belle, entre Anthony et Steph. En contrepoint, on retrouve la montée du racisme, la délinquance (Raphaël Quenard au top dans un petit rôle de fou furieux cultissime) et la parenthèse enchantée de 1998 et de l’épopée de l’équipe de France Black blanc beur.

Côté distribution, les jeunes comédiens sont touchants de sincérité, alors que Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche apportent plus de complexité en interprétant ces parents dépassés par les événements mais prêts à toutes les compromissions pour aider leur fils unique. Notamment le père, alcoolique, violent, colérique, incapable de trouver les bons mots pour expliquer combien il aime sa famille. Gilles Lellouche propose une prestation haut de gamme qui ne peut laisser personne de marbre.

Film de Ludovic et Zoran Boukherma avec Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami, Gilles Lellouche, Ludivine Sagnier

 

samedi 14 décembre 2024

En vidéo, “Super papa” avec Ahmed Sylla


La mode est aux comédies gentilles et familiales. Et dans le genre, Super Papa de Léa Lando avec Ahmed Sylla dans le rôle du père moderne n’est pas loin du mètre étalon. Tom adore son fils Gaby (Ismaël Bangoura). Pour lui faire plaisir, il lui offre un livre aux pages blanches.


Un livre magique, qui peut réaliser les rêves du petit garçon s’il les écrit en détail. Reste ensuite au papa débrouillard à réaliser ces rêves. Une comédie familiale qui sort en DVD opportunément avant les fêtes (cadeau !) chez M6 Vidéo, dans l‘air du temps et donnant l’occasion à Ahmed Sylla de conforter son personnage d’humoriste bienveillant et pote avec tout le monde.

vendredi 13 décembre 2024

Thriller - « Octopus » ou l’intelligence des profondeurs

Des pieuvres géantes, devenues mystérieusement intelligentes, menacent la suprématie des hommes. Un thriller scientifique signé d’un expert en la matière : Xavier Müller.

Jamais plus vous ne vous régalerez de petits poulpes grillés sur une plancha après avoir lu Octopus, thriller de Xavier Müller. S’il est compliqué de s’identifier à une pieuvre, c’est pourtant un des animaux les plus intelligents sur Terre, après les humains. On découvre dans ce roman comment, en très peu de temps, tous les animaux ont développé une super intelligence. Cela bouscule l’ordre des choses. Notamment pour les plus doués d’entre eux.

Singes, dauphins, mais aussi pieuvres. Et cet éveil donne l’occasion à des poulpes géants, ordinairement cantonnés au fond de leurs grottes sous-marines au fond de l’océan, de vouloir découvrir le vaste monde. Des animaux gigantesques, de 30 mètres de long, pesant une bonne tonne et aux puissants tentacules.

La confrontation de ces krakens avec les humains est inéluctable. D’autant qu’ils sont très curieux : « tout ce qui était anormal piquait sa curiosité. Nombre de ses congénères se seraient enfuis dans les tréfonds de l’océan, mais ce n’était pas son tempérament. Au contraire, il avait le goût du risque. Aller au-devant des problèmes lui procurait des ondes de plaisir qui remontaient tout le long de ses tentacules. »

Pour essayer de comprendre ces animaux, l’armée américaine fait appel à Margot Klein, une scientifique française experte en langage des animaux. C’est elle qui va tenter de décrypter le langage des poulpes, tenter de comprendre s’ils sont amicaux ou agressifs.

Une belle parabole sur la tolérance, la compréhension de l’autre et l’acceptation des différences. Tout en restant un roman d’action palpitant aux multiples rebondissements.

« Octopus », Xavier Müller, XO Éditions, 396 pages, 21,90 €

jeudi 12 décembre 2024

Un beau livre : L’âge d’or de la pub par Thierry Ardisson


Avant de s’illustrer à la télévision, Thierry Ardisson a créé beaucoup de publicités. Il revient sur cet âge d’or, quand un spot devenait source de discussion autour de la machine à café. Avec Anne Saint Dreux, Ardisson revient sur les grands succès publicitaires du siècle dernier.

De l’utilisation des célébrités de l’époque pour promouvoir une marque (Alice Sapritch et Jex Four) aux musiques emblématiques (Belle des champs de Gotainer) en passant par les mannequins (Myriam, qui a enlevé le haut et le bas sur des affiches Avenir), c’est toute une épopée nostalgique qui est retracée par les auteurs.

« L’âge d’or de la pub », Thierry Ardisson et Anne Saint Dreux, Édition du Rocher, 144 pages, 17,90 €

mercredi 11 décembre 2024

Un livre de poche : Le pire des Noëls

Amateurs de nouvelles noires, Le pire des Noëls va vous plaire. Ce recueil propose 21 textes inédits signés des meilleurs auteurs français actuels. Leur point commun : ils font partie de la Ligue de l’Imaginaire, un collectif qui veut promouvoir et défendre les littératures de l’imaginaire. Parmi les signatures, on retrouve Bernard Minier, Frank Thilliez, Maxime Chattam, Olivier Bal ou Olivier Norek.

Mais en plus de découvrir des pères Noëls retors et des réveillons horribles, vous aiderez également l’association Le rire médecin. Car une partie des droits de ce livre permettront de soutenir l’action de cette association qui organise des spectacles de clowns dans les hôpitaux.

« Le pire des Noëls », Le Livre de Poche, 240 pages, 7,90 €

mardi 10 décembre 2024

Georges-Patrick Gleize signe un livre historique sur l’Occitanie


L’Occitanie regorge de célébrités. Certaines ont marqué l’Histoire. D’autres se sont perdues dans les limbes. Georges-Patrick Gleize propose dans ce recueil le destin d’une cinquantaine d’hommes et de femmes qui ont compté mais qui désormais font partie de la cohorte des oubliés. L’Aude et les Pyrénées-Orientales en fournissent un joli bataillon. Qui se souvient, à part les Narbonnais, de Benjamin Crémieux, écrivain mort en déportation ou de Jean Danjou, militaire de Chalabre qui a marqué le corps de la Légion étrangère.

Côté Catalan, Eloi Pino, de Saint-Laurent-de-la-Salanque est plus célèbre à Djibouti quant à André Marty, communiste réfractaire, sa vie n’aura été qu’un long combat contre l’appareil du parti.
« Les oubliés de l’Histoire en Occitanie », Georges-Patrick Gleize, Le Papillon Rouge, 264 pages, 21,90 €

lundi 9 décembre 2024

Un livre de poche - "13 à table" pour aider les Restos du Cœur


Lancée il y a dix ans par les éditions Pocket pour soutenir les Restos du cœur, l’opération 13 à table se poursuit avec de nouveau des nouvelles signées par de grands écrivains français. Un livre acheté, ce sont 5 repas de financés. Cette année, sous une couverture de Catherine Meurisse célébrant l’union qui fait la force, on retrouve au sommaire du recueil des nouvelles tournant autour du thème : dans le même bateau.

Au générique en cette année 2024 14 auteurs aux styles très diversifiés comme Sandrine Collette, Lorraine Fouchet, Karine Giebel, Raphaëlle Giordano, Christian Jacq, Marie-Hélène Lafon, Alexandra Lapierre, Marc Levy, Marcus Malte, Agnès Martin-Lugand, Étienne de Montety, François Morel, Romain Puértolas et Jacques Ravenne.
« 13 à table », Pocket, 240 pages, 5 €

dimanche 8 décembre 2024

BD - "Autopsie" de corps en petits morceaux


Toute enquête policière sur une affaire d’homicide passe par une autopsie. Le personnage principal de cette nouvelle série écrite par Antoine Tracqui et dessinée par Follini et Antiga est Jennie Lund, une jeune médecin légiste à l’institut médico-légal de Göteborg en Suède.

À peine formée, elle doit s’occuper d’une affaire particulièrement sensible et sordide. Dans les bois, des randonneurs ont découvert un homme crucifié sur un arbre. Le tueur lui a coupé les jambes, les bras, le sexe et a retiré ses yeux. A ses pieds, des bouts de chair forment comme un message en langage ancien. D’autres cadavres sont découverts et l’enquête est confiée à l’oncle de Jennie.


Dans des paysages enneigés, entre salle d’autopsie sinistre et lieu de massacre horrifique, l’action est racontée par Jennie, beaucoup plus impliquée qu’elle le croit dans une affaire aux effets dévastateurs. A ne pas mettre entre toutes les mains certaines scènes étant particulièrement gore.
« Autopsie » (tome 1), Oxymore Éditions, 64 pages, 15,95 €

samedi 7 décembre 2024

BD - Une victime peu banale dans "Cosmic Detective"

Pour attraper les méchants, il y a les policiers mais aussi les détectives privés. Un grand classique dans la littérature et BD américaine, revisitée par deux scénaristes de talent : Jeff Lemire et Matt Kindt. Ils ont imaginé les péripéties de ce Cosmic Detective dans un futur lointain et ont demandé à l’Espagnol David Rubin de traduire le récit en superbes planches.

Ce détective, qui travaille pour une agence non officielle, arrive sur la scène d’un crime avant la police. Pour la première fois de sa carrière, il constate que la victime n’est pas un humain mais un… Dieu. Dans cet univers, ces êtres supérieurs, prétendument immortels, sont au-dessus des Humains. Qui a réussi à en occire un ? Avec quelle arme ? Et surtout pourquoi ?

En recherchant la dernière personne ayant vu le Dieu mort, une jeune femme, le détective tombe sur une information capable de faire s’écrouler le monde actuel. Une longue descente aux enfers pour un homme inflexible, partagé entre son devoir et l’envie de simplement profiter de sa famille.
« Cosmic Detective », Delcourt, 192 pages, 23,75 €

vendredi 6 décembre 2024

BD - La loi dans l’Ouest


De marshal à shérif en passant par les agents du FBI, les USA ont toujours apprécié les héros chargés du maintien de l’ordre. Notamment quand ce continent, encore vierge, était livré à toutes les violences, tous les excès. Dans l’Ouest, le vrai, les hommes de loi, les lawmen, sont devenus de véritables légendes.

Tiburce Oger raconte 14 trajectoires de ces rois de la gâchette. Vedettes et autant de dessinateurs réalistes appréciant illustrer ces paysages américains vierges. On va donc croiser des shérifs incorruptibles, d’autres encore plus malhonnêtes que les pires voleurs de bétail, des agents chargés des affaires indiennes et quelques Texas rangers. Sans oublier le juge qui pend, celui qui a finalement le plus de sang sur les mains.


On retrouve quelques habitués (c’est le 4e titre de la série) comme Corentin Rouge, Laurent Hirn, Laurent Astier ou Dominique Bertail et quelques nouveaux dont Richard Guérineau, Xavier Besse ou Alain Mounier.
« Lawmen of the west », Bamboo - Grand Angle, 120 pages, 19,90 €

jeudi 5 décembre 2024

BD - Révélations pour Soda après une Résurrection sous la plume de Dan Verlinden


 Dix ans. Il aura fallu dix ans pour connaître la suite du tome 13 des aventures de Soda, le flic new-yorkais qui se déguise en pasteur pour ménager sa mère cardiaque. Intitulé Résurrection, il voyait l’arrivée d’un nouveau dessinateur : Dan Verlinden. L’épisode suivant, Révélations, était en cours d’écriture quand le scénariste, Tome, meurt subitement. Après quelques années de doute, les enfants de Tome confient les notes de leur père à Zidrou et Falzar pour écrire la conclusion de l’histoire.

Voilà pourquoi cette suite a mis dix ans à voir le jour. Dans un New York post-attentats du 11 septembre, la surveillance vidéo est devenue omniprésente. Caméras à tous les coins des rues, mais aussi drones. Soda n’apprécie pas spécialement mais continue son boulot et quand il apprend qu’un attentat va sans doute être commis dans le métro, il entre en action.

Dans la suite tant attendue, on découvre que les terroristes ne sont pas ceux que l’on croit, que le 11 septembre cache beaucoup de mensonges d’État. L’histoire semble un peu déconnectée de la réalité, mais on apprécie avant tout les dessins de Dan Verlinden. Ancien assistant de Janry, il a une maîtrise absolue de l’univers sombre imaginé par Tome. Et on constate qu’en dix ans, il a peaufiné son trait et ses mises en page.

Il aurait été un excellent repreneur, mais finalement, Soda va rester dans le giron de Bruno Gazzotti, le dessinateur de la série depuis le tome 3. Il a récemment relancé son héros avec le renfort d’Olivier Bocquet au scénario.
« Soda » (Résurrection & Révélations), Dupuis, 48 pages, 13,50 €

mercredi 4 décembre 2024

Cinéma - Deux frères se retrouvent “En fanfare”

La pratique de la musique, classique ou populaire, est omniprésente dans ce film d’Emmanuel Courcol. Un trait d’union entre deux frères qui apprennent à se connaître.


Tout réussi à Thibaut Désormeaux (Benjamin Lavernhe). Ce chef d’orchestre réputé enchaîne les grandes salles et compose. Une vie de rêve et de passion. Jusqu’à la découverte d’une leucémie. Une greffe de moelle devient urgente. Il demande à sa petite sœur. Mais elle n’est pas compatible. Pire, le chirurgien découvre qu’ils n’ont aucun lien de parenté. Thibaut a été adopté. Une vérité qui bouscule son quotidien, ses certitudes. Et lui permet de nouveau de faire des projets. Il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin). Reste à le convaincre de devenir donneur.

Le début du film d’Emmanuel Courcol mélange mélodrame (découverte de la maladie) puis comédie (deux frères de milieux sociaux totalement différents). Mais là où d’autres auraient réduit leur propos à un enchaînement de situations comiques et cocasses, le réalisateur livre une œuvre fine et aboutie, avec l’utilisation de la musique pour raconter l’histoire et le rapprochement de ces deux hommes privés d’une enfance commune. Pour réussir ce grand écart, le jeu des comédiens est essentiel. En confrontant Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin, le réalisateur accomplit un tour de force génial.

Car tout semble opposer ces deux inconnus aux parcours si différents. A la base ils ont la même mère, incapable de s’occuper d’eux. Thibaut tire le bon numéro en intégrant une famille qui détecte très tôt un petit génie de la musique. À l’opposé, Jimmy va de famille en famille avant de se stabiliser dans le foyer d’un mineur du Nord. C’est là qu’il va faire sa vie, employé dans une cantine scolaire, divorcé, père d’une adolescente. Il a pourtant un point en commun avec Thibaut : l’oreille absolue. Il l’utilise chichement en participant à la fanfare du village. Il joue du trombone, adore la trompette et se débrouille au piano.

Sur fond de lutte sociale, de paupérisation des anciennes régions industrielles et de mise en avant de la solidarité et de la joie de vivre typiques du Nord, En fanfare est une ballade sublime entre grande musique, jazz et variétés. Une renaissance pour le chef d’orchestre, un peu déconnecté de la vraie vie à cause de son succès, une seconde chance inespérée pour Jimmy, incapable d’avoir suffisamment confiance en lui pour exploiter ses talents.

Une histoire de rédemption, joyeuse et émouvante, un grand film ou l’on retrouve deux géants déjà honorés récemment au cinéma : Ravel et Aznavour.

Film d’Emmanuel Courcol avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco

 

mardi 3 décembre 2024

Cinéma - Le “Grand Tour” de la fuite nuptiale


Film et voyage hypnotiques que ce Grand Tour signé Miguel Gomes. Le réalisateur portugais mélange allègrement les styles dans un long-métrage entre fiction et documentaire. La fiction raconte comment un homme fuit quand sa fiancée arrive pour se marier. Une course-poursuite dans plusieurs pays asiatiques, de Singapour aux contreforts tibétains de la Chine en passant par la Malaisie ou le Japon.

En 1918 à Rangoon, Edward (Gonçalo Waddington) panique. Sa fiancée, depuis 7 ans, Molly (Crista Alfaiate), va débarquer du bateau, en provenance de Londres, pour se marier. Il décide de prendre la fuite. Il saute dans le premier train et part le plus loin possible. Molly va le suivre à la trace dans ce Grand Tour des capitales asiatiques.

La construction du film est, au début, assez déconcertante. Miguel Gomes, avant de tourner les scènes d’Edward et de Molly, en studio au Portugal, a lui même traversé les villes et pays. Et filmé certaines scènes typiques (danses de marionnettes, pandas dans la forêt, pêcheurs sur un fleuve, frénésie de la circulation des deux-roues dans des artères surchargées) pour illustrer la cavale d’Edward et la traque de Molly. 

Mais si les comédiens sont bien dans la bonne époque, début du XXe siècle reconstitué en noir et blanc avec image granuleuse, le reste ressemble à un documentaire. Il faut rapidement accepter ce parti pris de production pour bénéficier pleinement de ce film. Une fois l’effort réalisé, on est plongé dans une réalisation fascinante, où les scènes du réel interpellent judicieusement les parties scénarisées.

Avec les belles performances de deux comédiens principaux. Gonçalo Waddington dans la peau d’un Edward pleutre, perdu et pris dans un maelström frénétique tel un fétu de paille. Crista Alfaiate incarne une Molly déterminée, pressée, désespérément optimiste et joyeuse. Son rire est un véritable enchantement. Œuvre à part, le Grand Tour de Miguel Lopes lui a permis de remporter le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. Récompense méritée pour un créateur exigeant aux propositions aussi originales que talentueuses.

Film de Miguel Gomes avec Gonçalo Waddington, Crista Alfaiate.


lundi 2 décembre 2024

Polar - « LEO », le casse du millénaire en Afrique du Sud

Griessel et Cupido, les deux policiers sud-africains préférés de Deon Meyer s’attaquent à forte partie : des soldats reconvertis dans le braquage.


Rien de tel qu’un bon polar pour découvrir les mœurs de certains pays étrangers. L’Islande n’a plus de secrets pour les fans d’Erlendur et l’Afrique du Sud devient familière pour les lecteurs des enquêtes de Griesel et Cupido, policiers imaginés par Deon Meyer.

Le nouveau roman de cet auteur au style aussi direct qu’efficace, raconte deux histoires en parallèle. D’un côté on retrouve le quotidien de ce duo de flics, beaucoup trop honnêtes pour un pays gangrené par la corruption. Ils ont payé leur zèle en quittant le service d’élite des Hawks pour un commissariat traitant des crimes de la vie quotidienne. Voilà comment ils se retrouvent à constater le décès d’une cycliste dans un parc. Simple chute, attaque d’un animal ou agression ? Malgré leur spleen, ils vont faire leur boulot au mieux et découvrir que derrière cette mort banale se trouve un homme mystérieux, ancien des forces armées devenu mercenaire.
Mercenaires, c’est en faisant ce travail peu recommandable que plusieurs anciens commandos se sont connus. Ils sont sur un gros coup. Très gros. Énorme. Ils ont appris que dans un entrepôt anonyme bien caché dorment des millions de dollars et plusieurs tonnes d’or. Le casse du siècle, presque du millénaire, seconde partie du roman. On en suit les préparatifs par l’intermédiaire de Chrissie Jaeger, blonde athlétique, fille de la brousse, aimant défier les animaux sauvages, notamment les lions.
Avec une science de la narration absolue, Deon Meyer raconte, heure par heure, les préparatifs du casse (il y en a deux en réalité…) et comment les deux policiers mis sur la touche, vont finalement être sollicités pour faire tomber, non pas les braqueurs, mais les propriétaires (et surtout voleurs) de ces milliards spoliés au peuple sud-africain. Un polar, de l’action et pas mal de politique sur les trésors volés de ce pauvre continent africain, du Nord au Sud.
« LEO » de Deon Meyer, Série Noire - Gallimard, 622 pages, 23 €

dimanche 1 décembre 2024

Cinéma - Un “Diamant brut” inspiré par la télé réalité


Montrer qui on est véritablement. Et prendre sa revanche. Deux étapes essentielles pour tous ceux et celles qui espèrent devenir célèbres. De nos jours, le talent n’est plus important. Une personnalité originale, du bagout et surtout peu de pudeur et vous pouvez vous retrouver avec des milliers de followers, aussi renommé qu’un écrivain lauréat du Goncourt ou qu’un comédien primé aux Césars.

Cette exposition médiatique, synonyme de richesse instantanée, fait rêver Liane (Malou Khebizi). A 19 ans, elle rêve de strass, de paillettes et de luxe. Pour y arriver, elle compte sur sa volonté, sa plastique. Fausse poitrine, lèvres pulpeuses, ongles géants : elle travaille son look. Et sent qu’elle est à deux doigts d’y arriver quand une directrice de casting, les nouveaux faiseurs de rois et de reines, la recommande pour intégrer Miracle Island, l’émission de téléréalité qui cartonne. Deux mois au soleil de Miami et la fin de la galère, magouilles et petits vols dans les magasins ou prises de tête avec sa mère.


Le film d’Agathe Riedinger raconte ce temps figé de l’attente. On découvre sa prestation au casting puis comment elle s’occupe avec ses copines, de pures « cagoles » selon la terminaison un peu vulgaire de ce sud. On entre dans l’intimité de cette jeune fille, pas encore femme, mal dans sa peau, jouant un rôle en permanence. Obligée de se montrer forte face aux hommes qui la désirent, juste pour l’asservir. Le film, plongée dans la misère sociale de ce XXIe siècle, est très dur.

Car si la télé réalité est souvent sale, la vraie vie est parfois encore plus abjecte. Un Diamant brut qui permet aussi d’en découvrir un autre, Malou Khebizi, livrant une performance haut de gamme pour ses premiers pas à l’écran.

 Film d’Agathe Riedinger avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond



En vidéo, “Pendant ce temps sur Terre”


Rares sont les réalisateurs français osant s’attaquer à la science-fiction. Jérémy Clapin, repéré après son film d’animation pour adultes J’ai perdu mon corps, a relevé le défi en écrivant et filmant e très énigmatique Pendant ce temps sur Terre. Elsa (Megan Northam), une jeune femme se pose beaucoup de questions après la disparition, en orbite, de son frère, spationaute.

Quand elle croit entendre la voix du disparu, elle comprend qu’il est aux mains de mystérieux extraterrestres. Avec un minimum d’effets spéciaux, le metteur en scène fait passer un message entre poésie et science.

L’édition DVD du film chez Diaphana offre des commentaires audio du réalisateur, un livret et un court-métrage de 2009.