mardi 3 décembre 2024

Cinéma - Le “Grand Tour” de la fuite nuptiale


Film et voyage hypnotiques que ce Grand Tour signé Miguel Gomes. Le réalisateur portugais mélange allègrement les styles dans un long-métrage entre fiction et documentaire. La fiction raconte comment un homme fuit quand sa fiancée arrive pour se marier. Une course-poursuite dans plusieurs pays asiatiques, de Singapour aux contreforts tibétains de la Chine en passant par la Malaisie ou le Japon.

En 1918 à Rangoon, Edward (Gonçalo Waddington) panique. Sa fiancée, depuis 7 ans, Molly (Crista Alfaiate), va débarquer du bateau, en provenance de Londres, pour se marier. Il décide de prendre la fuite. Il saute dans le premier train et part le plus loin possible. Molly va le suivre à la trace dans ce Grand Tour des capitales asiatiques.

La construction du film est, au début, assez déconcertante. Miguel Gomes, avant de tourner les scènes d’Edward et de Molly, en studio au Portugal, a lui même traversé les villes et pays. Et filmé certaines scènes typiques (danses de marionnettes, pandas dans la forêt, pêcheurs sur un fleuve, frénésie de la circulation des deux-roues dans des artères surchargées) pour illustrer la cavale d’Edward et la traque de Molly. 

Mais si les comédiens sont bien dans la bonne époque, début du XXe siècle reconstitué en noir et blanc avec image granuleuse, le reste ressemble à un documentaire. Il faut rapidement accepter ce parti pris de production pour bénéficier pleinement de ce film. Une fois l’effort réalisé, on est plongé dans une réalisation fascinante, où les scènes du réel interpellent judicieusement les parties scénarisées.

Avec les belles performances de deux comédiens principaux. Gonçalo Waddington dans la peau d’un Edward pleutre, perdu et pris dans un maelström frénétique tel un fétu de paille. Crista Alfaiate incarne une Molly déterminée, pressée, désespérément optimiste et joyeuse. Son rire est un véritable enchantement. Œuvre à part, le Grand Tour de Miguel Lopes lui a permis de remporter le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. Récompense méritée pour un créateur exigeant aux propositions aussi originales que talentueuses.

Film de Miguel Gomes avec Gonçalo Waddington, Crista Alfaiate.


lundi 2 décembre 2024

Polar - « LEO », le casse du millénaire en Afrique du Sud

Griessel et Cupido, les deux policiers sud-africains préférés de Deon Meyer s’attaquent à forte partie : des soldats reconvertis dans le braquage.


Rien de tel qu’un bon polar pour découvrir les mœurs de certains pays étrangers. L’Islande n’a plus de secrets pour les fans d’Erlendur et l’Afrique du Sud devient familière pour les lecteurs des enquêtes de Griesel et Cupido, policiers imaginés par Deon Meyer.

Le nouveau roman de cet auteur au style aussi direct qu’efficace, raconte deux histoires en parallèle. D’un côté on retrouve le quotidien de ce duo de flics, beaucoup trop honnêtes pour un pays gangrené par la corruption. Ils ont payé leur zèle en quittant le service d’élite des Hawks pour un commissariat traitant des crimes de la vie quotidienne. Voilà comment ils se retrouvent à constater le décès d’une cycliste dans un parc. Simple chute, attaque d’un animal ou agression ? Malgré leur spleen, ils vont faire leur boulot au mieux et découvrir que derrière cette mort banale se trouve un homme mystérieux, ancien des forces armées devenu mercenaire.
Mercenaires, c’est en faisant ce travail peu recommandable que plusieurs anciens commandos se sont connus. Ils sont sur un gros coup. Très gros. Énorme. Ils ont appris que dans un entrepôt anonyme bien caché dorment des millions de dollars et plusieurs tonnes d’or. Le casse du siècle, presque du millénaire, seconde partie du roman. On en suit les préparatifs par l’intermédiaire de Chrissie Jaeger, blonde athlétique, fille de la brousse, aimant défier les animaux sauvages, notamment les lions.
Avec une science de la narration absolue, Deon Meyer raconte, heure par heure, les préparatifs du casse (il y en a deux en réalité…) et comment les deux policiers mis sur la touche, vont finalement être sollicités pour faire tomber, non pas les braqueurs, mais les propriétaires (et surtout voleurs) de ces milliards spoliés au peuple sud-africain. Un polar, de l’action et pas mal de politique sur les trésors volés de ce pauvre continent africain, du Nord au Sud.
« LEO » de Deon Meyer, Série Noire - Gallimard, 622 pages, 23 €

dimanche 1 décembre 2024

Cinéma - Un “Diamant brut” inspiré par la télé réalité


Montrer qui on est véritablement. Et prendre sa revanche. Deux étapes essentielles pour tous ceux et celles qui espèrent devenir célèbres. De nos jours, le talent n’est plus important. Une personnalité originale, du bagout et surtout peu de pudeur et vous pouvez vous retrouver avec des milliers de followers, aussi renommé qu’un écrivain lauréat du Goncourt ou qu’un comédien primé aux Césars.

Cette exposition médiatique, synonyme de richesse instantanée, fait rêver Liane (Malou Khebizi). A 19 ans, elle rêve de strass, de paillettes et de luxe. Pour y arriver, elle compte sur sa volonté, sa plastique. Fausse poitrine, lèvres pulpeuses, ongles géants : elle travaille son look. Et sent qu’elle est à deux doigts d’y arriver quand une directrice de casting, les nouveaux faiseurs de rois et de reines, la recommande pour intégrer Miracle Island, l’émission de téléréalité qui cartonne. Deux mois au soleil de Miami et la fin de la galère, magouilles et petits vols dans les magasins ou prises de tête avec sa mère.


Le film d’Agathe Riedinger raconte ce temps figé de l’attente. On découvre sa prestation au casting puis comment elle s’occupe avec ses copines, de pures « cagoles » selon la terminaison un peu vulgaire de ce sud. On entre dans l’intimité de cette jeune fille, pas encore femme, mal dans sa peau, jouant un rôle en permanence. Obligée de se montrer forte face aux hommes qui la désirent, juste pour l’asservir. Le film, plongée dans la misère sociale de ce XXIe siècle, est très dur.

Car si la télé réalité est souvent sale, la vraie vie est parfois encore plus abjecte. Un Diamant brut qui permet aussi d’en découvrir un autre, Malou Khebizi, livrant une performance haut de gamme pour ses premiers pas à l’écran.

 Film d’Agathe Riedinger avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond



En vidéo, “Pendant ce temps sur Terre”


Rares sont les réalisateurs français osant s’attaquer à la science-fiction. Jérémy Clapin, repéré après son film d’animation pour adultes J’ai perdu mon corps, a relevé le défi en écrivant et filmant e très énigmatique Pendant ce temps sur Terre. Elsa (Megan Northam), une jeune femme se pose beaucoup de questions après la disparition, en orbite, de son frère, spationaute.

Quand elle croit entendre la voix du disparu, elle comprend qu’il est aux mains de mystérieux extraterrestres. Avec un minimum d’effets spéciaux, le metteur en scène fait passer un message entre poésie et science.

L’édition DVD du film chez Diaphana offre des commentaires audio du réalisateur, un livret et un court-métrage de 2009.