On est souvent confronté à des situations du quotidien énervantes. Problème, le personnage imaginé par Fabrice Caro dans « Fort Alamo » tue les malotrus qui l’insupportent.
Les histoires sorties de l’imagination de Fabrice Caro, auteur de Montpellier connu également pour ses BD signées Fabcaro, semblent au début des anecdotes d’un quotidien tout ce qu’il y a de plus banal. Dans Fort Alamo, on suit les déambulations et réflexions de Cyril, simple professeur, marié, deux enfants. Un Français moyen dans toute sa splendeur. Aimant les habitudes, un peu râleur. De ces hommes ou femmes trop bien élevés pour les nouveaux codes de notre société.
Dans les premières pages, il fait ses courses dans un supermarché. Une fois son chariot rempli, il fait la queue. Et sans coup férir, se fait doubler par un inconnu faisant mine de ne pas l’avoir vu. Un peu contrarié le Cyril. Énervé même. S’il osait, il lui dirait ses quatre vérités. Voire un peu plus. De vilaines pensées qui semblent s’exaucer quand le malotru s’écroule en sortant du magasin. Un malaise qui provoque panique chez les employés et fuite de Cyril, mal à l’aise, comme s’il était indirectement le responsable.
Le lendemain, il découvre que l’homme qui l’a doublé à la caisse est mort, foudroyé par un AVC. Le doute commence à le submerger. D’autant que quelques jours plus tard, après une prise de bec avec la proviseur adjointe, cette dernière tombe raide morte dans la salle des profs. Et le soir, en regagnant son petit pavillon, Cyril, excédé par les aboiements du chien des voisins, lui lance un caillou. Il le touche à la cuisse et l’animal s’écroule, muet pour l’éternité.
En quelques pages, Fabrice Caro transforme ce quotidien morne et aseptisé en terreau fertile d’une intrigue presque fantastique. Cyril a-t-il des superpouvoirs ? Pourra-t-il bientôt se fabriquer un costume de « Super-AVC-man » ? Encore faudrait-il qu’il maîtrise son don. Car trop souvent il se retrouve dans des situations où son exaspération atteint des sommets.
Comme cette rencontre dans un grand magasin, quelques jours avant Noël, alors qu’il tente de trouver une idée originale de cadeau pour sa belle-sœur qu’il exècre (il craint d’ailleurs qu’elle ne termine pas le repas de fêtes vivante). Un autre client, smartphone à l’oreille, parle fort avec son interlocuteur. Sans gène. Et Cyril de regretter ces mauvaises manières : « Les boutiques s’ajoutaient à tous ces lieux publics que l’être humain avait fini par rendre infréquentables par sa seule présence, les trains, les salles de cinéma, les rues. Les gens se croyaient dans leur salon partout où ils allaient. Le portable avait abattu les cloisons de l’intime, qui s’était vulgairement déversé dans l’espace public, de sorte que tout lieu était devenu invivable. » Invivable pour Cyril, mortel pour les importuns qui se trouvaient à proximité…
Sous couvert de raconter les affres du quotidien, Fabrice Caro dresse le portrait d’un homme qui, comme l’auteur certainement, se pose trop de questions. Il est dans une mauvaise passe. Persuadé d’être dangereux, il se recroqueville. Encore plus quand sa femme pense qu’il débloque et qu’on apprend qu’il a récemment perdu sa mère. Ce Fort Alamo de Fabrice Caro semble en réalité la description d’une certaine folie ordinaire qui nous menace insidieusement.
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