Autre figure de la résistance indienne face aux soldats américains : chef Joseph. À la tête des Nez-Percés, il espère vivre en paix et en harmonie dans la vallée de la Wallowa, terre de ses ancêtres. Mais des colons convoitent les terres et quand de l’or est trouvé, c’est la ruée.
Il est décidé de transférer la tribu dans une réserve au nord. Refus des jeunes guerriers et c’est la guerre. Chef Joseph fera tout pour trouver un point de chute à son peuple.
Une longue errance durant l’été 1877 racontée avec minutie par François Corteggiani (son ultime scénario, il est mort subitement l'été 2022) et dessiné par Gabriel Andrade. De plus, on retrouve en fin de volume une partie pédagogique avec documents d’époque renforçant encore la légende de ce grand chef indien, poussé à la guerre par les circonstances.« Chef Joseph », Glénat, 56 pages, 14,95 €
Très attendu, le nouvel album de Christian Rossi ne déçoit pas. Il a mis des années à finaliser cette somme colossale (plus de 170 pages !) racontant une partie de la vie du chef indien Géronimo. Un roman graphique grand format, tout en couleur, qui mêle fiction et Histoire.
Le chef Apache prend sous son aile un jeune Indien rejeté par sa tribu. Ensemble ils vont sillonner cette région aride située le long de la frontière mexicaine. Une quête initiatique qui se termine mal, au cours de laquelle Christian Rossi met en lumière les talents de chaman du rebelle.
C’est assez mystique parfois, un peu dans le style des Jean Giraud, le maître absolu du western dessiné, celui avec qui Christian Rossi a longtemps collaboré pour signer les aventures de Jim Cutlass. Une série qui ressort dans une superbe intégrale, cadeau parfait pour les fêtes de fin d'année.
« Golden West », Casterman, 176 pages, 34,90 €.
« Jim Cutlass » (intégrale), Casterman, 448 pages, 59 €
Minuscule hameau de treize maisons dans les Pyrénées catalanes, à quelques kilomètres d'Andorre, Tor a été le théâtre de trois meurtres en moins de dix ans. Un journaliste barcelonais, Carles Porta, revient sur cette incroyable histoire non élucidée qui prend sa source dans un différend entre deux familles qui revendiquent une même partie de la montagne.
Journaliste à TV3 à Barcelone, Carles Porta est envoyé par sa hiérarchie en 1997 pour faire un reportage sur les derniers soubresauts juridiques d'une affaire qui fait grand bruit depuis des années. Dans le petit hameau de Tor, perdu dans une vallée, les différends entre deux membres de la communauté, Sansa et Palanca ont dégénéré en fait divers sanglant. Il découvre l'affaire et va décider d'enquêter longuement. Cela lui donnera la matière pour écrire un livre sur cette incroyable affaire qui remonte à la fin du XIXe siècle.
Car tout débute en 1896 lors de la création d'une société de copropriétaires destinée à éviter que la montagne, très riche en bois et pâturages, devienne communale et passe à l'Etat. Mais en 1976, Sansa, un des copropriétaires, loue la montagne à Ruben Castaner, un Andorran. Palanca, autre copropriétaire, conteste cette décision et cède l'exploitation des bois à deux habitants de Vic. En 1980, ils seront abattus par les gardes du corps de Castaner. La suite est une bataille judiciaire pour déterminer qui est propriétaire de la région qui gagne au passage le titre de "montagne maudite".
Épilogue en 1995 avec la décision de justice donnant à Sansa l'entière propriété de la montagne. Mais quelques mois plus tard, il est retrouvé mort chez lui. "Il a été battu, étranglé et son crâne a été fracassé avec une bûche". Qui l'a tué ? Pourquoi ? Ce rebondissement n'est pas le dernier car un nouveau jugement, en appel, en 2005 du tribunal supérieur de justice de Catalogne confirme que la montagne est un bien communal. Le livre, qui se lit comme un roman, entre clairement dans la catégorie du gonzo journalisme. Carles Porta n'hésite pas à se mettre en scène dans ses investigations. Il raconte comment il parvient, avec les pires difficultés, à questionner les habitants de Tor, hameau où l'omerta est de mise.
Le million de pesetas et l'omerta
Il se met surtout à la recherche d'un témoin capital, Gil José, un ouvrier qui affirme avoir assisté au meurtre de Sansa. Ce seraient deux paumés et anciens contrebandiers qui l'auraient assassiné pour une dette d'un million de pesetas. Un témoignage rapidement remis en cause et écarté par les enquêteurs.
Le journaliste va retrouver ce témoin, longuement le rencontrer et douter de plus en plus. "Devant nous, les moutons paissent, et derrière eux, la Cerdagne s'étend à nos pieds. Un chien semble écouter comme moi la vie de cet homme qui dit avoir vu un assassinat, mais que personne ne croit. Pas même nous. Je ne sais pas pourquoi, mais cet homme pourtant si simple vous plonge dans l'incertitude. Plus j'en apprends sur sa vie, plus les doutes s'installent." Alors vous aussi tentez de vous faire une opinion en revivant ces décennies de convoitise, violence et batailles judiciaires en lisant ce récit paru initialement en catalan en 2005.
"Tor, treize maisons et trois morts" de Carles Porta, Editions Marchialy, 345 pages, 22 €
Ils sont adorables ces deux héros imaginés par Augustin Lebon. Pas forcément fréquentables, mais touchants dans leur façon de ne pas vouloir admettre que malgré les circonstances, ils ont succombé au fameux coup de foudre. Une histoire d'amour dans un cadre particulier puisqu'il frappe en plein Ouest sauvage.
Molly, rousse surnommée à juste titre « La Teigne », est une excellente cuisinière. Elle vit de ce talent dans une petite ville du Nouveau-Mexique. On est en pleine conquête de l'Ouest et les outlaws sont légion. Justement arrive en ville le dénommé Gentil, également connu sous le sobriquet moins reluisant de « Crevard ». Il remarque immédiatement Molly. Pourtant il ne doit pas oublier sa mission. Il doit faire les repérages avant le braquage de la banque locale. Un western humoristique et romantique, avec son lot d'action. Car Gentil va décider de trahir sa bande pour sauver Molly.
Une Teigne qui au passage retrouve les traces de sa mère, partie alors qu'elle était encore un bébé et, c'est plus problématique, une demi-sœur presque chef de la bande de Gentil. La suite de la série sera d'ailleurs axée sur ce trio avec des relents de vaudeville...
« Western Love (tome 1), Soleil, 56 pages, 15,50 €
Eric Toledano et Olivier Nakache signent une love story entre surendettement et activisme écologiste. Un regard tendre et réaliste sur les « perdants » et ceux qui ne se résignent pas.
En ouvrant leur film avec une compilation d’extraits des vœux des présidents de la République (de Macron à Pompidou) soulignant que les Français venaient de vivre « Une année difficile », Éric Toledano et Olivier Nakache ne se doutaient pas que 2023 ferait partie elle aussi ces années compliquées. On ne parle pas de rugby mais plutôt d’inflation et de violence.
Alors une comédie pour se moquer de ces malheurs qui frappent le pays, est-ce bien raisonnable, moral surenchériraient même certains invités permanents aux émissions polémique des chaînes d’info ? La réponse est évidente : oui, il faut rire de nos tracas, se moquer de nos travers et aller au cinéma pour profiter de cette pépite d’humour noir, non dénuée cependant d’une grande sympathie envers les deux losers, grandioses d’idées foireuses, et les militants écologistes, utopistes plus bruyants que violents mais qui pourraient être fichés S dans la vraie vie.
Un gouffre et des ponts
Un des passages du film explique que des ponts illustrent tous les billets en euros. Des ponts comme autant de liens entre des pays ou des humains que tout opposent. Ainsi un gouffre sépare Poussin (Pio Marmaï) et Cactus (Noémie Merlant). Même le viaduc de Millau serait trop petit, pas assez ambitieux.
Pourtant, entre le surendetté chronique et la militante pour le climat, une étincelle électrise leurs deux regards quand ils se croisent à l’ouverture des portes d’un magasin pour le Black Friday. Pourtant le premier guigne un écran plat à prix bradé alors que la seconde veut bloquer les portes du temple de la surconsommation. Finalement Poussin (surnom qu’il s’est trouvé pour intégrer l’organisation écologiste de Cactus) va trouver dans ces actions médiatiques l’occasion de se donner bonne conscience mais aussi de renflouer un peu ses comptes en mettant au point quelques combines peu reluisantes avec la complicité de son ami de galère financière, Lexo (Jonathan Cohen).
Le film, tout en montrant l’action des militants, n’hésite pas à les moquer à travers les réflexions sardoniques des deux escrocs à la petite semaine. Ils restent cependant tous sympathiques, exploit de ce film qui parle de la probable fin du monde mais sans clouer au pilori le moindre coupable. On rit, notamment aux exploits des Pieds Nickelés Pio Marmaï et Jonathan Cohen, au fort potentiel comique, et on est ému par le final, souvenir d’un temps pas si lointain où tout semblait possible dans un nouveau monde. Une année qui finalement, n’était pas aussi difficile que les suivantes.
Halloween approchant, voilà un roman jeunesse (et même une série) qui devrait enchanter les adolescents. Katherine Arden, sans révolutionner le genre, apporte une certaine fraîcheur à ces romans horrifiques à l’ambiance très Stranger Things.
Quatre amis d’une petite ville américaine sont confrontés à un démon, l’homme qui sourit. Dans le 4e épisode, qui se déroule dans une fête foraine où une attraction présente un « squelette, déguisé en clown, avec la mâchoire peinte en rouge, une perruque frisée rouge et des taches rouges sur les pommettes ».
Ollie est prisonnière du monstre. Ses amis, notamment Coco, vont devoir surmonter leurs plus grandes peurs pour tenter de la sauver.
« Effroi à la fête foraine » de Katherine Arden, PKJ, 224 pages, 14,90 €
Trois histoires, trois tons, presque trois genres de cinéma. La comédie humaine de Kôji Fukada sort enfin en France. S’il a affronté le public japonais en 2008, ce n’est qu’en 2023 que les cinéphiles francophones peuvent déguster ce bijou d’analyse de la société japonaise. Et malgré les années, il reste totalement d’actualité, notamment dans les thèmes abordés : l’amour et la solitude.
L’amour entre une jeune femme et son petit ami. Elle pense le retrouver le soir pour profiter d’une pièce de théâtre. Mais il ne vient pas. Rompt même au téléphone. Avec sa place en trop, elle invite une inconnue en instance de divorce qui ne retrouve plus son billet. Une amitié va naître. Elles vont dîner, se confier. La première partie, à l’énigmatique titre de « Chat blanc », parle de mariage, de tradition et de trahison.
On retrouve dans le second acte le mari de la future divorcée. Il a une galerie d’art. Il expose les photos d’une jeune artiste. Ou du moins c’est ce qu’elle croit. Personne ne vient au vernissage. La grande solitude des médiocres. C’est cruel. Tant du côté des amis honteux que de la photographe qui refuse de voir la réalité en face.
Enfin, attendez vous à un choc avec « Le bras droit ». On bascule presque dans le fantastique (après la romance et la critique sociale). Après un accident de la circulation, un homme est amputé du bras droit. Un membre qui continue à le perturber, prenant presque le contrôle de son ancien hôte. Glaçant et très réussi.
Film japonais de Kôji Fukada avec Masayuki Yamamoto, Kanji Furutachi, Minako Inoue.
Souvent agitée, l’histoire agricole en France est aussi peu documentée. Grâce à cet ouvrage coordonné par Michel Bonneau et Pascal Roblin de l’association le Centre de la presse créé en 1993 dans le Cher, les grandes étapes de l’agriculture sont racontées par l’intermédiaire des journaux agricoles locaux.
On constate par exemple qu’après la première guerre mondiale, le manque de main-d’œuvre pousse à la mécanisation. Des articles ou publicités, parues dans La vie à la campagne ou L’Agriculture nouvelle, encouragent ce mouvement. Des éditoriaux de l’époque, des unes et reportages donnent un côté rétro et vintage à l’ensemble.
Un panorama passionnant sur le dynamisme de cette presse agricole encore très présente dans bien des régions.
Le fantastique poétique manque d’intérêt pour les adolescents. Ce qu’ils veulent, passé la puberté, c’est se faire peur. Le démon de Bolingbroke est exemplaire dans cette catégorie. L’action se déroule dans une petite ville américaine, notamment un collège où les clans se regardent tels des chiens en faïence, Val et Lanie font bande à part.
Elles sont toutes les deux dans la même classe de 4e, sont amies depuis longtemps et se passionnent pour des sujets assez incongrus. Logique quand on sait que Val est autiste Asperger et que Lani semble la bipolaire typique.
En proposant un travail sur les événements extraordinaires du passé de la ville, elles ne se doutent pas qu’elles vont réveiller un démon qui a longtemps terrorisé Bolingbroke. Val et Lanie vont avoir fort à faire pour terrasser l’Ojja-Wojja. Une histoire effrayante écrite par Magdalene Visaggio de New York et dessinée par Jenn St-Onge de Toronto. Un scénario très contemporain où les références à Star Wars ou Stranger Things sont légion.
On soulignera l’exceptionnelle qualité du dessin de Jenn St-Onge. Ses personnages respirent l’intelligence, les décors sont très réalistes et quand elle s’attaque aux démons, c’est comme si elle sortait l’artillerie lourde. Sans compter son travail très judicieux sur les couleurs. Le type d’album où l’on regrette rapidement que les planches ne bénéficient pas d’un format deux fois plus grand pour en apprécier tous les détails.
« Le démon de Bolingbroke », Jungle, 192 pages, 16,95 €
Tel un western lapon, Sisu, de l’or et du sang de Jalmari Helander, propose une longue vengeance. Un chercheur d’or (Jorma Tommila), ancien soldat finlandais, est aux prises avec un commando nazi qui en veut à ses pépites.
Sur la steppe déserte, le vieux combattant va méticuleusement éliminer les méchants. Si le scénario n’a rien d’extraordinaire, ce film de série finlandais vaut surtout pour les effets spéciaux et l’interprétation. Jorma Tommila, sans le moindre dialogue, campe un Rambo nordique à la puissance mille. Face à lui, un officier nazi (Aksel Hennie) odieux, qu’on adore détester.
La sortie en vidéo chez M6 s’accompagne d’un long making of et d’un reportage très complet sur la fabrication des effets spéciaux.
Ce roman n’est pas de toute première jeunesse mais reste passionnant près de deux siècles après sa parution. Si Les mystères de Paris d’Eugène Sue, enfin disponibles en poche, n’a pas pris une ride, c’est en raison de son audace dans le style feuilleton. De plus, il racontait la vie dans la capitale sans édulcorer les mauvaises mœurs.
De plus, en raison de sa parution au quotidien, les rebondissements étaient permanents, le suspense entretenu avec art. Alors le moment est venu de remettre en avant ce texte qui a inspiré les plus grands.
Plongez, vous aussi, dans les aventures de Fleur-de-Marie et du Prince Rodolphe, succombez à leur passion, vibrez à leur malheur.
« Les mystères de Paris », tome 1 et 2, 10/18, 7,90 € le volume
Il ne mesure pas plus de 3 centimètres de haut. Ambre est un tout petit garçon, perdu dans une grande ville. Il vit seul dans un appartement abandonné et n’a qu’une envie : aller à l’école pour en apprendre plus sur le monde qui l’entoure. Mais sa taille l’empêche de se mêler aux autres enfants. Des géants, dangereux. Sa petite vie va basculer quand il rencontre sur une plage Lua, une tortue marine.
Cette dernière, avec qui il peut parler, lui explique qu’il existe au milieu de l’océan une île qui accueille les enfants différents comme lui. Il y a même une école. Ambre, accepte sa proposition et après des mois de navigation atteint enfin le rivage de cette île où tout est possible.
Écrit et dessiné par Jason Pamment, un Australien reconnu dans le milieu de l’animation, séduit par son imaginaire sans limite. Car sur l’île, Ambre va rencontrer d’autres spécimens tout aussi petits et étranges que lui. Un lézard, arrogant et expert en mimétisme, une hirondelle qui se prend pour un pélican, une salamandre si fière de ses jolies branchies ou un rocher, muet mais très agile. Sans compter les différents « monstres » qui peuplent l’île.
Un bestiaire extraordinaire qui semble sans fin et devrait passionner les plus jeunes, toujours prompts à inventer des animaux fantastiques.
« Ambre et l’île des créatures perdues », Jungle, 288 pages, 17,95 €
« Le syndrome des amours passées », film d’Ann Sirot et Raphaël Balboni avec Lucie Debay, Lazare Gousseau, Nora Hamzawi, Florence Loiret-Caille.
Film belge, Le syndrome des amours passées fait partie des rares réalisations de cette fin d’année 2023 qui sort un peu du convenu. Écrit et réalisé par un couple de jeunes réalisateurs, le film raconte la quête d’enfant de Sandra (Lucie Debay) et Rémi (Lazare Gousseau).
Elle approche de la quarantaine et craint rater la dernière occasion. Ils sont suivis par un scientifique qui ramène d’un congrès aux USA un nouveau protocole : Pour débloquer la situation, il faut que chaque composante du couple refasse l’amour avec tous ses partenaires passés. Les consentants uniquement… Sandra et Rémi vont aller puiser dans leurs souvenirs pour en tirer une liste plus ou moins importante. Plus d’une vingtaine pour madame, seulement trois pour monsieur. Ce premier déséquilibre est une première source de gags pour un film qui au début ne fait pas dans la dentelle. Car Sandra y va franco pour aligner les soirées libidineuses débloquantes.
Pour Rémi, c’est plus compliqué. Parmi les trois, il y a sa sœur (Nora Hamzawi). Exactement, la fille de l’homme avec qui sa mère a refait sa vie. Mais qu’il considère désormais comme sa sœur. Et sa dernière petite amie avant Sandra ne répond pas à ses sms, mails et autres coups de téléphone. Alors pour rééquilibrer le deal, Sandra lui conseille de rencontrer des femmes sur des sites.
La thérapie pour avoir un enfant va lentement mais sûrement avoir de graves conséquences sur l’équilibre de ces deux amoureux fous. Le spectateur rit un peu moins, se questionnant sur ce faux libertinage, parfois liberticide. Un film réjouissant, torride parfois, poilant (dans tous les sens du terme) et qui au final se termine par une jolie pirouette très positive.
Comment donner l’envie aux plus jeunes de sortir de leur chambre pour aller à la découverte de la faune de la région ? Ce joli album de Magali Bardos est une partie de la solution.
Elle raconte en 44 pages illustrées de jolies aquarelles, l’aventure de trois jeunes cavaliers à la recherche des animaux de la forêt des Pyrénées. Ils cherchent l’ours, mais découvrent surtout des traces de martre, de sanglier, de cerf ou de renard.
Les animaux omniprésents dans l’ouvrage puisque ce sont eux qui racontent le périple des petits humains. Une découverte de la nature environnante ludique et intelligente. Ce livre a reçu le soutien d’Occitanie Livre & Lecture.
« Sur les traces de l’ours » de Magali Bardos, L’école des Loisirs - Pastel, 15 €
Déclinée en quatre tomes comme les quatre saisons, la série Le temps des Ombres est une remarquable variation sur le thème d’une malédiction s’abattant sur une petite communauté. Dans ce monde imaginé par David Furtaen et mis en images par Pauline Pernette, deux adolescents vont devoir oublier leurs différends pour tenter de sauver les habitants de leurs villages.
Mycène croit au pouvoir des plantes. Apprentie herboriste, elle concocte des potions pour soigner. Roch, esprit scientifique, fait la même chose, mais rationnellement. La tradition contre la modernité. Mais un même but : sauver les villageois victimes d’un mystérieux mal. Ils semblent pris dans un cocon sombre, devenant de véritables zombies. Le second tome, L’été de feu, vient de paraître et décrit le périple de Mycène et Roch à la recherche d’une vieille femme qui aurait le remède au mal des Terres d’Ombre.
Beaucoup de poésie dans ce récit initiatique, non dénué d’humour mais aussi de drames et de critiques indirectes de notre propre société. Une jolie découverte à mettre entre toutes les mains des jeunes à partir de 10 ans.
« Le temps des Ombres » (tome 2), Éditions de la Gouttière, 88 pages, 15,70 €
Patti Smith, chanteuse et poétesse américaine, a régulièrement cité Rimbaud en exemple. C’est donc tout naturellement qu’elle intègre la luxueuse collection « Grande Blanche illustrée » en proposant une soixantaine de photos, dessins documents ou textes inédits en regard des poèmes de Rimbaud parus dans Une saison en enfer.
Un beau livre permettant de redécouvrir sous une approche très actuelle ces textes parus il y a 150 ans. Patti Smith qui signe également, textes et photos de son quotidien dans Un livre de jours (Gallimard, 400 pages, 26,50 €)
« Une saison en enfer », Rimbaud et Patti Smith, Gallimard, 45 €
Deux romans français présentent des histoires d’amour quelconques mais aussi remarquables, au final, que les grandes romances. Amour contrarié avec Dominique Barbéris, amour simple et linéaire selon François Bégaudeau.
Ecrire sur l’amour en 2023 ! Quelle drôle d’idée alors que les actualités ne nous parlent que de guerre, massacres, génocides, enlèvements, attaques au couteau et exécutions sommaires. Pourtant on a trop tendance à oublier le formidable pouvoir de l’amour sur l’équilibre de nos sociétés. Aimez et vos envies de meurtres, ou de vengeances, passeront au second plan. Saluons donc ces deux écrivains qui pour la rentrée littéraire française consacrent l’entièreté de leurs ouvrages à ce thème sans doute rebattu mais essentiel qu’est l’amour. Un amour impossible avec Dominique Barbéris, un amour simple et linéaire sous la plume de François Bégaudeau.
À Douala, Madeleine n’arrive pas à l’intégrer dans la communauté des colons français. Nous sommes au début des années 60, le Cameroun est sur le point d’accéder à l’indépendance. Madeleine, Nantaise, mère d’une petite fille, mariée à un Breton travailleur et taciturne, croise la route d’Yves Prigent, un aventurier, séducteur, un peu espion et homme de main de la Françafrique. C’est la nièce de Madeleine, Dominique Barbéris, qui tente dans ce roman intitulé Une façon d’aimer (toujours dans la dernière sélection du Goncourt), qui tente de comprendre pourquoi ce coup de foudre, évident, n’a pas eu de suite.
Car à cette époque, rares étaient les épouses qui osaient tromper leur mari.
Alors Yves se contentera d’une cour assidue et respectueuse, Madeleine profitera de quelques moments en sa compagnie, mais au final la passion ne sera pas au rendez-vous. Un roman nostalgique sur les relations entre hommes et femmes. L’occasion aussi de faire revivre les colonies françaises dans leur crépuscule.
Amour compliqué d’un côté, amour simple et linéaire de l’autre. François Bégaudeau, en signant L’amour (présent dans la seconde sélection du Renaudot), court roman percutant, a voulu raconter une histoire qui arrive à des milliers de Français chaque année, et ce depuis presque la nuit des temps. Un homme, une femme, une rencontre, une union et une vie passée à se côtoyer, pour le meilleur comme le pire. Jacques Moreau séduit Jeanne au début des années 70.
Après quelques baisers furtifs au cours des fêtes de village, ils passent aux choses sérieuses dans la chambre de l’hôtel où travaille, de nuit, Jeanne. Enceinte, elle décide de se marier avec Jacques
. Ce dernier est tout content. Et c’est parti pour cinquante ans de vie commune racontée avec humour et lucidité par un François Bégaudeau toujours aussi parfait quand il faut décrire la vie simple des gens d’aujourd’hui.
On rit des manies de Jeanne et des défauts de Jacques. Eux, font des efforts pour les supporter. Et finalement sont heureux dans leur vie que certains qualifieraient d’étriqué, mais qui est en réalité pleine et épanouissante. Il y aura des crises, des remises en question mais ils seront ensemble jusqu’au bout.
L’émotion fait une arrivée remarquée dans la dernière partie du roman, quand seule la mort parvient à les séparer temporairement. Juste temporairement.
« Une façon d’aimer » de Dominique Barbéris, Gallimard, 208 pages, 19,50 €
« L’amour » de François Bégaudeau, Verticales, 92 pages, 14,50 €
Quel rapport entre la chirurgie et Goya ? Réponse dans "Les alchimies", roman de Sarah Chiche, où la folie occupe une place prépondérante.
La folie n’épargne pas les hommes et femmes les plus intelligents. Bien au contraire serait-on tenté de constater en refermant le roman Les alchimies de Sarah Chiche. Une folie cachée, secrète, mais destructrice. Encore plus quand elle prend sa source dans les études et la profession des protagonistes de cette histoire : la médecine.
Camille Chambon, petite, autoritaire, déterminée, est une médecin légiste reconnue. Elle a suivi la voie de ses parents, lui déjà légiste, elle officiant dans un cabinet de médecine générale. Le début du roman est une plongée dans le malaise hospitalier. Des services épuisés, sans moyens, devenus rachitiques en raison des démissions. Face à la tempête, Camille fait face. Mais tout va déraper quand elle reçoit un email concernant… le crâne de Goya.
Le roman bascule alors entre l’Histoire, l’horreur et cette folie qui aura bercé l’enfance de Camille. Ses parents ont passé des années à chercher le crâne de Goya, disparu après son inhumation à Bordeaux. Une quête qui les a conduits sur des chemins dangereux pour obtenir des résultats. Ils en sont morts. Un accident de plongée en Espagne.
Camille va retrouver une de leur connaissance et le roman se transforme en quête épique et malsaine. On comprend mieux le mal-être de Camille quand ses parents, découvrant qu’ils s’aiment, décident qu’ils « travailleraient ensemble, chercheraient ensemble le crâne de Goya, auraient un enfant, mais un seul, pour avoir le temps de s’en occuper, qu’il ne fasse pas obstacle à leur carrière. Un petit monstre d’intelligence qu’ils nourriraient patiemment pour le conduire à son tour, non pas à une ambition, car l’ambition c’est vulgaire, mais à l’accomplissement de son destin. »
Un roman au style souvent flamboyant, percutant, bourré de références et de suspense. Passionnant pour tous les curieux des errements causés par la folie humaine.
La découverte d’une poupée dans la mer en Islande relance de vieilles enquêtes. Des affaires pour la psychologue Freyja et le policier Huldar, imaginés par Yrsa Sigurdardottir.
Une bonne série policière nordique passe souvent par l’invention de héros récurrents attachants. Yrsa Sigurdardottir maîtrise parfaitement le sujet quand elle lance son duo composé d’une psychologue, Freyja et d’un policier, Huldar. ADN, paru en 2018 en France, rencontre un succès immédiat. Résultat, le cinquième titre de la série vient de paraître.
Au centre de l’intrigue, une poupée. Elle est repêchée au large des côtes islandaises par un pêcheur amateur lors d’une sortie dominicale en compagnie d’une collègue et de sa fille, Rosa. Prise dans le filet, la poupée est assez effrayante : « La bouche était à peine entrouverte, les lèvres de plastique ne se touchaient pas. On aurait dit que le visage était resté figé pour l’éternité à l’instant où le bébé allait poser une question. […] Autour du cou, la poupée portait une fine chaîne dont le médaillon disparaissait sous une carapace de crustacés. »
Quelques mois plus tard, la mère de Rosa trouve la mort chez elle. Une nuit, alors que la poupée disparaît. La fillette va aller de foyer en famille d’accueil, persuadée que la poupée maléfique a tué sa mère. Le roman commence véritablement quand, de nos jours, Huldar et Freyja se retrouvent pour enquêter sur une possible affaire d’abus sexuels dans un foyer pour jeunes en difficulté. Foyer qui aurait accueilli récemment Rosa. Mais cette dernière a disparu depuis quelques semaines.
Où est-elle ? Quel rapport avec l’enquête ? Qui détient aujourd’hui a poupée ? Une multitude de questions que le duo, toujours aussi complice mais n’osant pas aller trop vite dans leur relation personnelle, va devoir résoudre. Non sans découvrir d’autres affaires suspectes comme l’assassinat d’un SDF ou la mort de deux touristes retrouvés en mer, exactement là où la poupée est apparue des années auparavant.
Un thriller tentaculaire, dressant un instantané criant de vérité d’une certaine Islande gangrenée par la drogue et les problèmes psychologiques de la jeunesse.
Leçon de ténacité et de cinéma, Les guerres de Lucas est un roman graphique d’une rare intensité. Laurent Hopman, le scénariste, raconte comment Georges Lucas, étudiant à peine sorti de la fac, se lance dans le plus grand projet de film de science-fiction jamais imaginé sur Terre. Renaud Roche, illustrateur reconnu dans le milieu de l’animation et du story-board, apporte son trait léger et précis pour donner du corps à ce qui ressemble à une longue bataille où l’inventeur de l’univers de Star Wars est seul face à une armée de sceptiques toujours prompts à dénigrer son « délire d’adolescent » et à faire capoter le projet.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, les deux auteurs ont expliqué d’où vient le jeune Lucas, mauvais élève à l’école, tête brûlée, uniquement intéressé par les histoires qu’il s’invente à longueur de journée. Un doux rêveur, légèrement asocial aussi, mais qui est capable à tous les sacrifices pour arriver à son but. Surtout, il a une vision parfaite de ce qu’il désire obtenir au final.
Même s’il reprend, presque en intégralité et près d’une dizaine de fois le scénario de son film, il sait à l’avance qu’il est en train de construire une nouvelle mythologie, celle du XXIe siècle qui est désormais aussi connue que l’Odyssée ou la légende du Roi Arthur.
Truffé d’anecdotes, ce récit pourrait devenir un livre de chevet de bien des cinéastes ou créateurs en devenir. La preuve que l’obstination alliée au talent paye.
« Les guerres de Lucas », Deman Éditions, 208 pages, 24,90 €
Isabel et Marc Cantin, écrivains installés dans les Pyrénées-Orientales dans le Vallespir, nous font découvrir la vie authentique des Indiens Embéras de Colombie.
En imaginant la vie de Majina, jeune Indienne Embéra (tribu vivant dans la forêt équatoriale en Colombie), Isabel et Marc Cantin ont voulu un peu boucher un trou dans l’existence d’Isabel. Élevée en Bretagne, mariée à Marc et vivant désormais en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales, Isabel est une Embéra. Mais bébé, elle a été adoptée et n’a jamais parcouru la forêt vierge à la recherche de citrons ou d’autres trésors encore plus extraordinaires. Elle a redécouvert son peuple d’origine une fois adulte et signe avec ce roman, Le jaguar aux yeux d’or, un roman initiatique sans doute le plus personnel.
La vie de Majina est simple. Toute tracée. Membre de la tribu des Embéras, elle ne va plus à l’école et doit aider sa mère aux taches ménagères. Voilà pourquoi on la découvre dans les premières pages en train de cueillir des citrons sauvages qu’elle revend une misère en ville Car dans cette Colombie gangrenée par la corruption et les pseudo-révolutionnaires, les Indiens sont les laissés-pour-compte de la Nation.
Quand un jaguar lui vole le butin de sa chasse, Majina se rebelle, tente de reconquérir son butin et, après une longue poursuite, découvre ce qui pourrait définitivement améliorer l’ordinaire de la petite communauté. Mais est-ce bien raisonnable. Et surtout, cela ne va-t-il pas attiser des convoitises, déchirer les familles ?
Une histoire simple et en grande partie véridique, fable destinée aux adolescents sur l’utilité de continuer de cultiver son jardin, même s’il est caché dans une clairière entre des arbres centenaires, presque inaccessible et peuplé d’une myriade d’animaux tous plus venimeux les uns que les autres.
« Le jaguar aux yeux d’or » d’Isabel et Marc Cantin, Talents Hauts éditions, 224 pages, 14,90 €
Il a fait hurler de terreur des générations de spectateurs. Sa cape noire doublée en rouge a longtemps hanté les cauchemars des malheureux qui ont découvert son personnage au cinéma. Bela Lugosi est le comte Dracula. Un acteur qui incarne le vampire parfait, au point que toute sa carrière est marquée par l’image de ce buveur de sang à l’accent si particulier. Bela Lugosi nouveau titre de la collection de portraits de cinéma des éditions Glénat.
Philippe Thirault signe le scénario et c’est Marion Mousse qui couche sur papier cette existence vouée au 7e art. Avant d’être célèbre aux USA, Bela Lugosi est un comédien reconnu dans son pays d’origine la Hongrie. Il a brillé au théâtre, dans des rôles romantiques, s’est marié et a été un syndicaliste actif. Un peu trop engagé à gauche. En 1919 il est obligé de s’exiler en Allemagne. Puis aux USA, sans savoir parler anglais. C’est là qu’il prend ce pseudonyme et endosse une première fois la cape de Dracula sur les planches de Broadway.
Ensuite c’est le film de Tod Browning en 1931 et une célébrité qui le met financièrement à l’abri durant quelques années. Drogue et alcool vont lui gâcher la vie. C’est cette partie du roman graphique la plus intéressante. On comprend ainsi comment ce seigneur du cinéma tombe si bas qu’il se retrouve à jouer les faire-valoir d’Ed Wood, réputé (souvent à juste titre), comme le plus mauvais cinéaste de toute l’histoire du 7e art.
Un récit qui n’échappe pas à l’émotion dans les dernières pages. Car ce formidable destin aurait pu être bien plus satisfaisant si Bela Lugosi avait été mieux conseillé à un certain moment de sa carrière. L’acteur n’est plus de ce monde, mais Dracula hantera pour toujours les cauchemars de milliards de Terriens.
Éveiller les plus jeunes aux sciences et dangers qui menacent notre planète : telles sont les missions de la série de romans des Petits explorateurs de SJ King. Les deux premiers tomes viennent de sortir. Les enfants chargés de protéger la terre vont partir au fond de l’océan pacifique à la recherche des baleines perdues puis dans l’espace pour mieux comprendre la course des comètes.
Des romans qui permettent aux jeunes lecteurs de s’imaginer dans la peau de ces explorateurs en herbe. Mais aussi et surtout de comprendre combien l’équilibre écologique de notre si belle planète est fragile et à protéger de toute urgence.
« Les petits explorateurs » (tome 1 et 2), PKJ, 128 pages, 6,20 €
Un mystérieux tableau, attribué à Dalí, plusieurs meurtres, à Barcelone et Collioure : Laurence Haloche raconte la Côte Vermeille des années 80 dans ce polar intitulé « L’ombre du temps ».
Collioure est la cité des peintres de la côte catalane. Dans ce roman policier se déroulant en 1985, la découverte d’un tableau attribué à Salvador Dalí provoque un enchaînement d’événements qui prennent leur source dans les années 60 à Madrid, voire quelques années plus tôt. Le premier chapitre raconte comment en ce jour de Noël de 1963, dans un quartier chic de Barcelone, un couple est retrouvé assassiné dans sa villa. Un gynécologue de renom et sa femme. 22 ans plus tard, à Collioure, le commissaire Marianne De Puech, récemment nommée à Perpignan, prépare les obsèques de sa mère. Un tracas pour cette femme qui a sacrifié sa vie privée pour sa carrière. D’autant qu’elle doit également surveiller les écarts de sa sœur, mère de deux enfants, aussi dilettante que Marianne est rigoureuse.
Tableau de jeunesse
A ça s’ajoute l’arrivée de son ancien amour de jeunesse, journaliste de passage à Collioure pour réaliser un documentaire sur la Retirada et la transformation temporaire du château royal en prison. La coupe est pleine ? Non car elle doit également enquêter sur le meurtre d’un religieux espagnol, retrouvé égorgé dans sa chambre d’hôtel. Sans compter l’affaire du tableau de Dalí. C’est sa sœur qui lors d’une émission sur France 3 a prétendu que la toile intitulée « Des anges au-dessus d’un volcan », dans la famille depuis des années, exposée au bar des Templiers, est un Dalí. Une effervescence médiatique dont se serait bien passée la cité balnéaire en pleine fête de la Saint-Vincent et son célèbre feu d’artifice. Un spectacle et une foule qui désespèrent la policière : « Ce déluge d’éclats de couleurs avait toujours profondément ennuyé Marianne. À quoi bon viser les étoiles à coups de pétards aussi tonitruants que vantards ? Elle préférait à ce cirque pyrotechnique le jaune du soleil aveuglant à midi, le rouge d’un crépuscule incandescent, les reflets d’argent qu’allume la lumière sur la mer… Une déflagration naturelle qui avait été pour tant d’artistes de renom une attraction autrement plus inspirante. »
Pour l’intrigue de son premier roman policier, Laurence Haloche, journaliste au Figaro, multiplie les pistes et rebondissements, mais ressuscite surtout la vie typique (et agitée) du Collioure des années 80. Le tout à travers les yeux de Marianne, femme flic en plein doute personnel. Son retour dans sa région natale est plus compliqué qu’elle ne le croyait. Son couple se délite, sa sœur semble de plus en plus compromise dans des affaires louches et ce prétendu tableau revient trop souvent sur le devant de la scène. C’est notamment cette toile que le religieux retrouvé assassiné voulait voir et expertiser.
Dalí et Collioure, le rapprochement est étonnant. Le lecteur en déroulant les fils de l’enquête menée par Marianne, découvrira que ce n’est pas tant la toile, une œuvre de jeunesse de Dalí, que le cadre qui intéresse le religieux. Que ce tableau occupe une importance capitale dans la vie de la mère de Marianne et qu’il explique bien des ombres dans la vie de ses parents, des réfugiés républicains espagnols. En mêlant la grande Histoire à celle très personnelle de Marianne, Laurence Haloche transforme son polar en réflexion profonde sur l’hérédité et la famille.
Pas pratique à amener avec soi en randonnée pour découvrir les plantes répertoriées dans ses 350 pages, ce beau livre, presque une encyclopédie, permet d’identifier, connaître et utiliser les plantes sauvages. Rédigé par Cathy et Emmanuel Roggen, il enchantera les amateurs de dessins grâce aux centaines d’illustrations signées Lorenzo Dotti.
Certaines plantes vous étonneront par leurs vertus, d’autres vous effraieront en raison de leur toxicité. Ne manquez pas le chapitre consacré aux aphrodisiaques qui pourraient toutes appartenir aussi à celui des utiles et des médicinales.
« Les plantes sauvages, Salamandre, 352 pages, 49 €
Plus récent que 1984 mais encore plus effrayant, le roman Le passeur de Lois Lowry est adapté en bande dessinée par P. Craig Russell. Un pavé de 184 pages, très fidèle au texte initial, parfaitement adapté au récit qui passe par la perception, ou pas, des couleurs de la vie. Dans ce futur, la société est totalement aseptisée. Les émotions sont contenues, les existences rectilignes. La famille est identique partout. Un couple, deux enfants, un garçon et une fille. Tout le monde travaille et quand le corps lâche, il est délié. En clair, euthanasié sans la moindre hésitation.
Pour comprendre l'horreur de ce monde, les auteurs racontent comment Jonas, à ses 12 ans, est désigné comme futur receveur de mémoire. C'est lui, et lui seul, qui connaîtra le passé, saura qu'avant les hommes et femmes avaient des émotions, des sentiments. Que le monde n'était pas gris et terne, mais rempli de couleurs, de senteurs, de musique...
Il va mettre en péril son existence en tentant de sauver un bébé agité. Ce nourrisson dort mal la nuit. Alors la communauté décide de le délier. Un roman glaçant d'effroi, comme si le totalitarisme froid et macabre des nazis avaient gagné toute la société.
On referme la BD inquiet. Mais il suffit de regarder une fleur, ou un tableau, voire d'écouter un morceau de musique (n'importe lequel) pour se dire qu'on a encore de la marge.
"Le passeur" adaptation du roman de Lois Lowry par P. Craig Russell, Philéas, 184 pages, 21,90 €
Après Picasso, Julie Birmant et Clément Oubrerie s’attaquent à un autre géant de la peinture espagnole : Dalí. Le 1er tome de cette trilogie raconte sa vie « Avant Gala ».
Se lancer dans une biographie dessinée de Dalí est forcément synonyme de challenge graphique excitant pour l’illustrateur. Clément Oubrerie a relevé le défi et s’en tire avec plus que les honneurs, proposant quelques planches avec des visions « daliniennes » du plus bel effet. Il s’était déjà attaqué au monde du jeune Picasso (Pablo, quatre tomes chez Dargaud) avec la même complice, la scénariste, Julie Birmant.
Le premier tome de cette trilogie (tome 2 en avril 2024, tome 3 en octobre 2024) raconte la jeunesse de Dalí (Avant Gala). De Figuèras à Madrid en passant par Paris, les auteurs montrent un jeune homme très lunatique, parfois pleutre, souvent extravagant, perdu dans ses pensées, toujours original. Si son père accepte de l’envoyer faire les Beaux-Arts à Madrid, c’est pour honorer la mémoire de sa femme, la mère tant aimée de Dalí. C’est là qu’il rencontre ses premiers amis artistes, Federico Garcia Lorca et Luis Bunuel. Bunuel qui lui ouvrira les portes de Paris, capitale des surréalistes.
Le jeune Dalí, encore sans moustache mais déjà très torturé par son image publique, va s’épanouir parmi ces fêtards dans limites. Même si son rigorisme, sa vénération pour certains anciens, va rapidement le détourner de la bande où un certain Picasso commence à se faire un nom.
L’album vaut aussi pour les nombreuses anecdotes de jeunesse, quand il était à Figueras, déjà obnubilé par quelques figures, des mantes religieuses aux horloges. Julie Birmant, sans véritablement donner les clés de la psyché de Dalí (mais qui oserait s’attaquer à un tel chantier), permet en plusieurs petites touches de définir l’Homme qui deviendra le grand peintre puis le parfait exploiteur de son engouement populaire pour devenir riche à millions. Mais ce sera le propos Des tomes suivants.
Sous une superbe couverture de Charles Burns, Damien MacDonald propose une vaste étude sur l’art de la bande dessinée. Il se penche sur son anatomie en disséquant une centaine d’originaux célèbres de la BD occidentale du XXe siècle. On trouve presque autant d’exemples issus des comics américains que des BD européennes.
De Bernie Wrightson à Moebius, de Charles Schulz à Uderzo, vous pourrez redécouvrir des planches exceptionnelles, avec des commentaires savants et circonstanciés sur leur beauté mais aussi leur signification dans notre monde contemporain. Avec quelques titres de chapitre assez énigmatiques comme « La troisième oreille » ou « Le squelette symbolique ».
« Bande dessinée, anatomie d’un art », Damien MacDonald, Flammarion, 256 pages, 29 €
De plus en plus d’auteurs français se lancent dans le manga. Terminées les 48 pages en couleur, couverture cartonnée, place au petit livre souple en noir et blanc de plus de 200 pages.
Silence de Yoann Vornière est le parfait exemple de l’adaptation du format à une histoire plus européenne. Dans un futur apocalyptique, les derniers humains sont obligés de vivre cachés pour ne pas devenir les victimes des monstres qui occupent la nuit perpétuelle.
Lame, jeune guerrier, avec son amie Ocelle, va tenter de sauver sa communauté. Mais ils devront affronter sangliers à tête de feu, souris à dents et autres esprits chantant. De la magie, des combats, de la bravoure : un cocktail rondement mené pour une belle réussite tricolore.
Un film puissant pour montrer (sans voyeurisme), la monstruosité de la pédophilie avec l’exemple de Gabriel Matzneff.
Durant de trop longues années, Gabriel Matzneff, écrivain français, s’est cru intouchable. Il a transformé ses perversions et déviances sexuelles de pédophile en matière brute pour alimenter ses romans et journaux, complaisamment publiés par des maisons d’édition parisiennes. Il a fallu la libération de la parole des femmes pour qu’il soit enfin inquiété. Tout a commencé par la publication du récit Le consentement de Vanessa Springora en 2020. Elle racontait comment, à 13 ans, manipulée par cet homme brillant en société, elle est tombée amoureuse de Matzneff, a succombé à son emprise.
Comment ce dernier a profité d’elle, la transformant en objet sexuel, puis l’a jetée, tel un jouet usé. Le film de Vanessa Filho est fidèle au récit. Il raconte dans le détail comment Vanessa (Kim Higelin), intelligente, passionnée de littérature, s’est retrouvée dans le viseur du chasseur Matzneff (Jean-Paul Rouve).
Car il a beau parler d’amour éternel, de sentiments, l’écrivain imbu de sa personne n’est qu’un prédateur. Il aime le gibier, jeune, tendre. Séduire l’adolescente est un véritable challenge pour lui, qu’il utilise pour noircir des pages de son journal et alimenter un roman. Vanessa, flattée qu’on s’intéresse à elle, devient sa chose. Elle n’a que 14 ans quand il s’affiche avec elle dans les dîners en ville.
On est un peu interloqué en voyant comment, à l’époque, le sulfureux romancier était accueilli en star dans les soirées ou les émissions littéraires. Comme cet extrait d’Apostrophes au cours duquel Bernard Pivot semble fasciné par ses « écarts ». Heureusement, une des invitées, la regrettée Canadienne Denise Bombardier, a osé parler du sort des jeunes filles séduites, les « victimes ».
Jean-Pierre Rouve méconnaissable
Car Vanessa n’est pas sortie indemne de cette relation. Elle mettra longtemps à se reconstruire. Encore plus pour oser raconter ce passage de son existence. Le livre avait marqué à sa sortie. Le film apporte un plus aux écrits. On voit le manipulateur à l’œuvre, ses techniques, sa monstruosité. Il faut saluer le travail des deux comédiens. Kim Higelin joue parfaitement l’écartèlement de Vanessa entre cette attirance doublée d’une certaine répulsion quand elle découvre les véritables motivations de Matzneff.
Quant à Jean-Paul Rouve, ancien comique des Robins des Bois, si marrant en Tuche, il prouve que la comédie est un genre qui mène à tout, même aux rôles dramatiques les plus compliqués.
Lydia (Hafsia Herzi), sage femme, a participé à la naissance de centaines d’enfants. Une jeune femme dynamique et positive. Alors qu’elle s’apprête à fêter l’anniversaire de sa meilleure amie Salomé (Nina Meurisse), son petit ami lui annonce qu’il l’a trompée. Lydia a l’impression que son existence s’effondre. Sa force, juste apparente, disparaît en un instant. Une longue chute, fil rouge de ce film sensible et très humain d’Iris Kaltenbäck.
Son amitié avec Salomé pourrait la sauver. Mais au contraire, c’est ce qui va l’entraîner vers son nadir. Car entre les deux amies, comme reliées, les émotions sont souvent contraires. Quand Salomé est heureuse, Lydia déprime.
Or Salomé, le soir de son anniversaire et de la rupture de Lydia, apprend qu’elle est enceinte. Lydia, retrouvant ses réflexes professionnels, va soigneusement s’occuper de la grossesse de Salomé, volontaire pour mener l’accouchement. Une naissance agitée. La petite fille a failli mourir. Sauvée par les gestes experts de Lydia. Est-ce cette péripétie qui a touché au plus profond Lydia ? Ou sa rencontre avec un ancien amant de passage, Milos (Alexis Manenti) ?
De normale, son attitude va devenir atypique, provoquant un bouleversement dans son existence et celles de ses proches. Comme une chute inéluctable pour trouver une fausse solution à une situation intenable.
Film français d’Iris Kaltenbäck avec Hafsia Herzi, Alexis Manenti.