vendredi 30 septembre 2022

Cinéma - Liaison passagère entre parenthèses

Le cinéaste Emmanuel Mouret poursuit son étude de l’amour dans cette « Chronique d’une liaison passagère ».

L’amour paraît si simple, si facile, quand Emmanuel Mouret en parle. Ce cinéaste de l’intime explore sans cesse les rapports si complexes et pourtant évidents entre hommes et femmes. Devenu spécialiste de la comédie romantique intellectuelle, il trouve toujours de nouveaux angles pour raconter cette fusion admirable, fruit d’un coup de foudre inattendu. Dans son nouveau film, Chronique d’une liaison passagère, il se frotte à l’adultère. Ce qui pourrait ressembler à un gros mot pour certains, est en réalité pour lui une forme comme une autre de ces relations amoureuses vieilles comme le monde.

Simon (Vincent Macaigne), est un homme marié. Quand il rencontre Charlotte (Sandrine Kiberlain) à une soirée, il lui parle essentiellement de son épouse et de ses enfants. Cela ne l’empêche pas de rappeler et de lui donner rendez-vous dans un bar, un soir. Ils boivent, discutent, boivent beaucoup, discutent encore plus et, comme une évidence, finissent dans le lit de Charlotte.

Clin d’œil à Bergman 

Malgré une culpabilité écrasante, Simon découvre un équilibre inattendu dans cette relation uniquement basée sur le sexe. Charlotte, plus mystérieuse (elle est divorcée et elle aussi a des enfants que l’on ne verra jamais), tente de dédramatiser la situation. Pour elle, il suffit de profiter de ces moments à deux. Sans se poser de questions, en admettant que ce n’est qu’une liaison passagère, une amourette entre parenthèses. Dans des dialogues enlevés, justes et de moins en moins théâtraux (gros défaut des premières réalisations d’Emmanuel Mouret), on suit la progression de cet amour, conscient que sa fin programmée risque de faire de gros dégâts.

A l’un comme à l’autre. Cette envie de plaisir différent pousse même le couple à s’inscrire sur un site pour tenter une expérience à trois. Ce sera avec Louise (Georgia Scalliet), petite épouse délaissée, fragile, qui va les émouvoir plus que de raison quand elle déclare avec sincérité au couple : « Vous êtes beaux ».

Ce film très abouti, permet aussi au spectateur de retrouver une ambiance à la Bergman, un extrait de Scènes de la vie conjugale venant rappeler que Charlotte et Simon, pour beaucoup, sont comme mari et femme. Et si l’amour dure trois ans selon certains spécialistes, combien dure un amour à trois ?

Film d’Emmanuel Mouret avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet

 

Cinéma - Attachantes « Canailles »

Plus qu’une simple comédie, au-delà d’un banal polar, Canailles de Christophe Offenstein est un film de personnages. Ils sont trois à graviter autour de cette intrigue à rebondissements. Premier à entrer en scène, Antoine (François Cluzet), vieux braqueur de banque. Le hold-up tourne mal, il doit abandonner ses complices, blessé à la jambe, mais lesté d’un butin de 2 millions d’euros. Avant l’attaque, il croise la route de Lucie (Doria Tillier), policière en galère. Elle voudrait être mutée pour se rapprocher de sa fille, interne. Adolescente qui est pom-pom girl pour le club de base-ball d’Elias (José Garcia), par ailleurs très lisse professeur d’histoire dans cette ville de province.

Dans sa cavale, Antoine trouve refuge chez Elias. Sous la menace de son arme, il l’oblige à l’héberger, à le soigner. Pour Elias, trop propre pour être honnête, ce n’est pas de veine. Il aimerait balancer le voyou, mais ce dernier a un moyen de pression infaillible contre ce petit prof qui cache bien son jeu.

L’essentiel du film, souvent sur le ton de la comédie, raconte la cohabitation entre le voleur, sorte de Robin des Bois des temps modernes, anarchiste invétéré, et l’enseignant, maniaque du rangement, pétri d’habitudes, peureux et surtout frustré. José Garcia et François Cluzet affichent une parfaite entente dans cette partie du film.

Mais rapidement la tension policière reprend le dessus. Lucie a une piste et va poser quelques questions au prof. Le petit équilibre est sur le point de se briser. La morale va-t-elle l’emporter ? À moins que le titre Canailles (au pluriel) ne donne une indication sur l’issue de l’histoire. Un film maîtrisé, au scénario très abouti, parfait pour un moment de détente jubilatoire avec des personnages tout sauf banals.

Film de Christophe Offenstein avec François Cluzet, José Garcia, Doria Tillier
 

jeudi 29 septembre 2022

De choses et d’autres - La nouvelle cigale

Quand il était petit, Benjamin Castaldi a sans doute séché les cours de récitation des fables de La Fontaine. Ou il n’a absolument rien compris. Par exemple, dans la Cigale et la fourmi, tout le monde comprend qu’il vaut mieux être travailleur et économe que volage et dépensier.

Pas Benjamin Castaldi qui a déballé récemment ses gros problèmes d’argent. Il a des dettes colossales. Plusieurs centaines de milliers d’euros. Chroniqueur dans l’émission de Cyril Hanouna, il a tenté de faire pleurer dans les chaumières en expliquant qu’il était « en fin de vie financière ».

Non mais, franchement, il croit qu’on va le plaindre ? Alors que la moitié de la France voit son pouvoir d’achat devenir aussi faible que le débit des rivières après cet été caniculaire, on devrait s’émouvoir de ses déboires ?

Des dettes contractées quand il a continué à vivre comme un nabab alors que TF1 l’avait mis au placard et réduit son salaire. Salaire qui restait quand même mirobolant pour la grande majorité des hommes et femmes qui ont trop longtemps ânonné sa phrase gimmick du temps du Loft « C’est que du bonheur ! » Envolé le bonheur, place aux emmerdes et aux huissiers.

Et certains journaux de rappeler qu’à une époque, Benjamin Castaldi ne pleurait pas sur sa fortune, il la dilapidait tous les soirs au casino ou en louant des hélicoptères pour se déplacer plus vite. Et oui, très cher (c’est de moins en moins vrai) Benjamin Castaldi, vous comprenez maintenant la morale de la fable ?

« Nuit et jour à tout venant
Je dépensais, ne vous déplaise.
Vous dépensiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Remboursez maintenant. »

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 15 septembre 2022

De choses et d’autres - Une émotion planétaire

Des trémolos dans la voix, certains commentateurs patentés de l’actualité royale ont souligné que la mort de la reine Elizabeth II a provoqué une « émotion planétaire ». Et de justifier l’adjectif en détaillant tous les pays membres du Commonwealth.

En entendant l’énumération des nations (Canada, Inde, Australie, Afrique du Sud et d’autres moins importantes), je tique quand arrive, dans la liste, le Mozambique ou le Gabon. Que font dans cette liste d’anciennes colonies britanniques un pays qui a conquis son indépendance face aux Portugais ou le Gabon où tout le monde parle français ? Une erreur ?


Non, le Commonwealth est une structure complexe qui, contrairement à l’empire britannique, a tendance à s’étendre. Avant, pour adhérer, il fallait être une ancienne colonie et surtout considérer le roi, ou la reine d’Angleterre comme son chef de l’État. Après l’indépendance de l’Inde, des républiques ont pu rester membres. Mieux, on peut désormais adhérer à la structure sans avoir aucun lien direct avec la couronne.

Voilà pourquoi le Mozambique (depuis 1995) ou le Gabon (depuis moins de trois mois) font partie du « machin » anglophone. Une bonne occasion pour ces pays d’augmenter leur visibilité diplomatique.

Au passage, c’est peut-être une idée à souffler aux indépendantistes catalans : demander son adhésion au Commonwealth pour faire la nique à l’Espagne qui a déjà l’écharde Gibraltar dans sa botte. Par chance, une place s’est libérée il y a peu. La Barbade, après un référendum, a décidé de quitter cette union et de rompre définitivement avec cette ultime survivance d’un passé colonial et esclavagiste.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 14 septembre 2022

mercredi 28 septembre 2022

De choses et d’autres - L’adieu au Mondial

Peu banale la position prise par le Quotidien de la Réunion. Ce journal a décidé de ne pas couvrir la coupe du monde de football se déroulant au Qatar. Au nom des valeurs défendues par ce journal lancé, il y a près de 50 ans, pour apporter du pluralisme dans l’information de ce département d’outre-mer de l’océan Indien. Pas un article, pas de publicité des sponsors, rien. Boycott complet.

Pour le journal, « Cette Coupe du monde cristallise des atteintes intolérables à la dignité et aux libertés humaines, elle a piétiné les droits des travailleurs et des minorités et balayé le respect de l’environnement. » Cette décision radicale va forcément mécontenter des lecteurs, mais elle sera peut-être suivie d’autres prises de conscience de l’indécence de la situation.

Déjà, des personnalités ont nettement pris leurs distances avec ce mondial. Vincent Lindon et surtout Eric Cantona, icône légendaire du milieu du ballon rond, ne veulent pas en entendre parler. Mais il ne faut pas rêver. Il se trouve encore de très nombreux influenceurs pour glorifier le pays, ses pratiques, son fric qui coule à profusion. Et quoi qu’il arrive, les millions d’euros de retombées font que la compétition se déroulera.

Libre à chacun de se positionner. Personnellement, j’ai la chance de peu m’intéresser au sport. Je me contenterai de rire et me moquer des quelques scandales qui émergeront à la marge de la compétition. Car si je suis totalement hermétique au génie footballistique des millionnaires en culottes courtes, je me réjouis quand ils dépassent les bornes, genre sextape, chantage, maraboutage ou grève dans un bus.

Je suis confiant, même en hiver, même au Qatar, une ou deux affaires viendront écorner l’image de ce sport déjà bien dévalorisé.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 16 septembre 2022

De choses et d'autres - Qui est la reine des abeilles ?

En boucle sur la mort de la reine Elizabeth II et sa succession, les télés en continu ne savent plus quoi raconter pour attirer le chaland. Alors, quelques petites anecdotes et infos insolites permettent de boucher une minute dans cette longue logorrhée flagorneuse.

Mais tout occupés à leur mission de glorification d’une pratique moyenâgeuse par chance morte (décapitée) et enterrée, en France, les Stéphane Bern en herbe n’ont même pas conscience que, très souvent, cela ridiculise la fonction royale.


Ainsi, quand un petit reportage montre l’apiculteur de la famille royale mettre du tulle noir autour des cinq ruches de Buckingham, on croit le summum du ridicule atteint. Non, il y a pire, puisque le même apiculteur, après avoir frappé sur les ruches, déclare : « La maîtresse est morte, mais ne partez pas. Votre nouveau maître sera bon avec vous ». Que l’on parle à son chien, j’admets. Mais à des abeilles… j’ai comme un doute. Et puis, pourquoi « votre maîtresse » pas « votre reine » ? Car, s’il y a bien des créatures vivantes sur terre qui fonctionnent autour d’une reine, ce sont bien les abeilles. Sauf qu’il y a autant de reines que de ruches. De toute manière, reine des abeilles, voilà un rôle que Charles aura toutes les difficultés à reprendre.

Par contre, il est devenu, depuis samedi, roi des cygnes. Il a aussi en charge les dauphins, les baleines et… les esturgeons. Compréhensible dans le dernier cas ; n’oublions pas que ce poisson est à l’origine du caviar, un mets réservé aux ultra-riches dont faisait partie la reine, ceux dont en France on refuse de taxer les bénéfices exponentiels issus des différentes crises que traverse la planète depuis trois ans.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 13 septembre 2022

mardi 27 septembre 2022

Rentrée littéraire - Inquiétants perroquets du futur


Ce roman futuriste de Pia Petersen se déroule aux USA et en France au temps du Covid. La vengeance des perroquets parle du danger des intelligences artificielles et de ces armes de destruction massives que sont les algorithmes. Une artiste est embauchée par un ponte de la Silicon Valley, Palantir. On devine un mégalomane fabriqué avec des morceaux de Musk et de Zuckerberg.

Il demande à la jeune peintre de lui faire son portrait. Elle va donc entrer au cœur du système, voir les pratiques de la multinationale et comprendre, avec l’aide d’un universitaire, comment cette entreprise manipule l’opinion. On découvre ainsi l’existence de perroquets stochastiques : « Leur apprentissage intuitif du langage repose sur la répétition et l’imitation de nos tournures de phrases, collectées sur les réseaux. »

Le résultat, influencé par les codeurs, donne cette nouvelle société de plus en plus impossible à vivre pour les gens un peu épris de liberté. Le roman fait carrément peur. Les perroquets ont déjà pris le pouvoir…

« La vengeance des perroquets » de Pia Petersen, Equinox Les Arènes, 21 €

De choses et d’autres - Un (presque) éloge royal

Je m’étais promis de ne pas écrire une ligne sur la mort d’Elizabeth II. Mais impossible de passer à côté. Pas sur l’événement en lui-même qui reste une toute petite anecdote à côté de la guerre en Ukraine, de l’inflation, du réchauffement climatique et même de l’élimination des Dragons ou la seconde défaite d’affilée de l’USAP.

Ce qui me frappe, c’est la folie qui déferle sur les chaînes d’information en continu. Depuis trois jours, elles déblatèrent sans fin sur la mort d’une vieille dame de 96 ans. Dans ma rue, une autre mamie de 96 ans a tiré sa révérence. Plus discrètement. Je l’ai appris car sa descendance organisait un vide maison ce week-end.

La différence entre les deux c’est que l’une d’entre elles a vécu modestement, élevant ses enfants tout en travaillant durement. Une vie populaire à mettre en opposition avec une existence royale. Pourquoi en faire tant pour quelqu’un qui n’a jamais bossé de sa vie, est née riche, n’a connu ni la faim ni le froid alors que l’autre, malgré les difficultés du quotidien, n’a jamais failli à sa tâche ?

Une injustice selon moi, farouche partisan de la République, Français fier de la Révolution qui a mis fin à la royauté et aux privilèges iniques de la noblesse.

D’ailleurs je ne comprends toujours pas pourquoi des hommes et des femmes vouent une telle admiration à d’autres qui sont souvent plus bêtes qu’eux mais dont l’arbre généalogique (le pedigree si l’on veut être méchant), est simplement connu depuis des siècles. Alors à contre-courant, loin de la déférence généralisée, entendons le (presque) éloge royal de quelques-uns : « La reine est morte, vive la République ! ».

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 12 septembre 2022

lundi 26 septembre 2022

De choses et d'autres - Une BD sur le Brouhaha de la vie quotidienne

Nouvelle BD hilarante dans la collection Pataquès de chez Delcourt. Arthur Levrard explore la vie quotidienne des Français, dans le Brouhaha de leurs rapports souvent abscons. Des gags en une planche, six dessins au trait très simples, agrémentés de couleurs simples, délavées.

La force des petites histoires est concentrée dans ces dialogues, les fameux brouhahas qui polluent notre quotidien, que l’on n’entend plus. Pourtant, il y a des pépites au cœur de ces situations du quotidien. Comme cette discussion à la machine à café d’une entreprise.

Deux employés bavardent. Le premier demande à son collègue de résumer le projet sur lequel il travaille. Il est réticent et finalement avoue : « L’idée serait que j’assassine, chaque matin, un membre de ton entourage, afin d’effectuer un classement de tes proches d’après l’intensité de tes hurlements face à leur cadavre. » Humour noir d’une rare efficacité.

Comme cet homme, perdu dans la foule à contre-courant, hurlant « Je suis malheureux » sans provoquer la moindre réaction du troupeau de moutons. Quelques pages plus loin il crie « J’ai envie de crever » sans plus d’effets. Mais à la fin de l’album, quand un de ses voisins propose une bière pong, tout le monde accepte avec joie…

« Brouhaha », Delcourt, 13,50 €

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 17 septembre 2022

BD - Rire en travaillant


Le monde du travail a radicalement changé en quelques années. Métiers émergents, télétravail, management agressif… On est loin du boulot pépère qui durait toute une vie. Beaucoup regrettent. D’autres s’éclatent dans ces rapports sociaux différents. Germain Huby, auteur de BD, y trouve une source d’inspiration infinie.

Dans son dernier recueil de gags intitulé « Métro, boulot, boulot », il raconte par l’absurde ce monde du travail en mutation. Comme cet ouvrier en dépression, car il comprend, à rebours, qu’il a fait le travail d’un robot, durant des années, sur la chaîne de production. Jusqu’à se demander s’il n’est pas lui-même un robot. Le plus ridicule reste ce père qui se déguise en influenceuse mode et se filme quand il constate que sa fille, encore adolescente, « touchait cinq fois son salaire mensuel à chaque post ».

La boucle est bouclée quand, aux Tuileries, un sans-papier africain tente de vendre une petite tour Eiffel à un couple de Chinois. Réponse du mari : « J’en ai déjà des comme ça ! C’est celles que je fabrique à Zhejiang ! »

« Métro, boulot, boulot », Delcourt, 12,50 €

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 10 septembre 2022

dimanche 25 septembre 2022

De choses et d’autres - Des chiffres et des lettres

Me voilà encore bien énervé. La faute à ces maudits captchas qui apparaissent dès qu’on doit aller sur un site un peu sécurisé. Énervé pour deux raisons. La première, j’ai été incapable de déchiffrer le message en lettres et chiffres aléatoires déformés. Au troisième essai, impossible d’aller plus loin.

Énervé aussi par la justification donnée pour placer ces captchas : « Pour vérifier que vous n’êtes pas un robot, reproduisez les lettres ci-dessus. » Bien évidemment que je ne suis pas un robot. Pour qui vous me prenez, satanée suite logicielle composée de 0 et de 1 !


Et au summum de ma colère, je me dis que c’est un comble : pour empêcher que les robots ne se fassent passer pour des humains, on exige des humains qu’ils prouvent ne pas être des robots. C’est l’inverse qui devrait être mis en place. Il faudrait initier des captchas que seuls les robots pourraient résoudre. Ainsi, indirectement, ils avoueraient ne pas être des humains mais de sophistiqués programmes informatiques.

Nous, bêtes organismes vivants à l’intelligence limitée, on passerait l’étape du captcha et tout serait plus simple.

Raisonnement par l’absurde qui n’a que peu de chance d’être efficace. Et puis ce n’est pas parce que moi je n’arrive pas à déchiffrer ces codes que d’autres n’y trouvent pas du plaisir.

D’ailleurs, si vous aimez reproduire des chiffres et des lettres déformés, vous avez peut-être l’occasion d’envisager une reconversion professionnelle. Des sociétés (pas forcément très honnêtes), embauchent des humains pour passer l’étape du captcha. Ensuite, un robot prend le relais et pirate les comptes que vous avez ouverts. Un bon résumé de l’avenir de l’Humanité : devenir les serviteurs de robots tout puissants.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 19 septembre 2022

De choses et d’autres - Silence, on achète !

Connaissez-vous le principe de l’heure calme ou heure silencieuse ? Elle n’existe malheureusement pas dans les commerces que je fréquente. Et je le regrette. J’ai appris, récemment, sur les réseaux sociaux, l’existence de ces temps si particuliers, mis en pratique dans certaines enseignes de la grande distribution.


Durant une heure par jour, les lumières sont tamisées, la musique et les annonces micro coupées, les appareils de nettoyage restent au garage. On peut donc faire ses courses au calme, dans le silence, sans agression extérieure. Si l’initiative s’adresse au départ aux personnes autistes, de même qu’à ceux et celles qui ne supportent pas les lumières crues et le bruit, elle emporte l’adhésion de la grande majorité des clients.

Beaucoup, en découvrant cette atmosphère différente, plus zen et détendue, admettent à quel point effectuer ses courses dans un grand bazar bruyant peut être éprouvant. Je crois que la discrétion qui entoure ces heures calmes est voulue par tous ceux qui en profitent. Comme on ne divulgue pas un coin à champignons, ils veulent préserver ce moment unique.

Car si tout le monde se rue au magasin à ce moment, une autre sorte d’agression fera monter le stress : la foule.

Le plus étonnant, selon les témoignages des habitués, est de constater que même les clients parlent d’une voix feutrée. Comme si tout devait contribuer à préserver ce niveau sonore bas, cette ambiance douce.

Je ne sais pas si je serais plus prompt à acheter dans un magasin en pleine heure calme, mais il est sûr que je serais beaucoup moins pressé de quitter les rayons qu’en temps ordinaire.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 9 septembre 2022

samedi 24 septembre 2022

De choses et d’autres - Relaxation de saison

Philippe Delerm, en son temps, avait décrit dans un adorable petit livre ces « plaisirs minuscules » qui nous font tant aimer la vie. A sa façon, j’ai constaté que mon panthéon des moments agréables est souvent constitué de renaissance et de redécouverte liées aux saisons.

 Tout commence début janvier, quand je constate, émerveillé, que les jours commencent, enfin, à rallonger. Ensuite, c’est une succession de retrouvailles, comme si le cycle éternel des saisons permettait d’adoucir le temps qui passe. Dans l’ordre, les premiers mimosas, les asperges sauvages, qui devancent le printemps, le muguet de mai, les cerises rouges et gorgées de jus sucré, les melons (première fleur de l’Aude, les meilleurs), l’arrivée des touristes…


Mais, ce que j’attends le plus, chaque année, paradoxalement, ce sont les premières noix fraîches, en vente dans les magasins spécialisés. Elles sont arrivées la semaine dernière. J’en ai acheté une vingtaine, soigneusement choisies (il faut qu’elles soient encore un peu humides) et je me suis immédiatement mis à la tâche. Car, ce que je préfère dans les noix fraîches, ce n’est pas de les déguster, mais de les décortiquer.

Il faut délicatement casser la coquille pour en retirer les cerneaux intacts. Avec un couteau effilé, j’entreprends alors de décoller la peau très amère qui recouvre la chair blanche. Un travail minutieux, de patience. Le meilleur exercice de relaxation que je n’ai jamais pratiqué.

Avec une satisfaction encore plus importante quand je parviens à conserver la noix en entier. Je considère, alors, cet exploit aussi phénoménal que si j’avais escaladé le Canigou. Et vous, quelle est l’occupation du quotidien qui vous permet de retrouver instantanément calme et sérénité ?

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 20 septembre 2022

BD - L’or de Dali


Seconde partie de l’histoire de Salvador Dali et la guerre d’Espagne. Pas un biopic mais une œuvre de fiction dans le cadre de la collection Jour J qui utilise les ressorts de l’uchronie pour revisiter notre passé. Grâce à Dali, les Franquistes sont sur le point de perdre la guerre.

Mais le peintre est enlevé dans sa maison de Cadaqués et torturé. Il ne dira rien et parviendra même à s’évader pour aller mettre en lieu sûr l’or des Républicains. Une histoire surréaliste avec des homards, des espions russes, quelques anarchistes et de méchants nazis s’affrontant de Lisbonne à Perpignan.

Le scénario est signé Duval et Pécau avec une mise en images par un dessinateur Brésilien réaliste très talentueux : Arlem Renato.

« Jour J » (tome 47), Delcourt, 14,95 €

vendredi 23 septembre 2022

BD - Maya, petite fille seule face à l’infini de l’univers


Maya est une petite fille de 8 ans absolument adorable. Juste un peu trop éveillée pour son âge. Elle pose beaucoup de questions sur l’univers, Dieu, la vie en général.

Pour y répondre, c’est Léonardo, son meilleur ami, encore plus intelligent qu’elle ou son oncle Eugène.

Des questions qui sont comme autant d’interrogations sur ses parents, disparus depuis des années dans un accident d’avion. Mais comme les corps n’ont jamais été retrouvés, Maya doit vivre avec l’incertitude. Imaginées par Adam (dessinateur du très ludique Game Over), ces histoires courtes en une ou deux planches sont d’une étonnante profondeur.

Et le final vous donnera des frissons. Aussi sûr que l’univers est sans limite !

« Maya », Glénat, 14,50 €

jeudi 22 septembre 2022

De choses et d’autres - Études frigorifiques

On se demande parfois à quoi ça sert de faire de longues études. Dernier exemple en date, la décision prise par la direction de l’université de Strasbourg. Face à l’envolée du prix de l’énergie, et pour faire des économies sur la facture, il a été décidé de fermer tout le campus durant deux semaines supplémentaires, cet hiver.

Dans le genre « on est très intelligent, on a bac plus 8, mais on gère au jour le jour », il n’y a pas pire. Même un élève de CP aurait pu prendre une décision aussi simpliste. Résumé simplement : « Le chauffage coûte trop cher ? On coupe le chauffage ! »


Oui, mais du coup, on supprime aussi tous les cours en présentiel. Avouons, cependant, que pour beaucoup de jeunes, c’est une aubaine. En plus des deux semaines de fin décembre, ils se retrouvent avec sept jours de bonus (du lundi 3 janvier au dimanche 8) pour récupérer des excès des réveillons. Et ils auront encore une semaine en février où les portes de l’université resteront fermées.

Cela ne suffira pas, il a donc été décidé que le chauffage sera rallumé le plus tard possible et réglé sur un petit 19°.

L’an dernier, un scandale avait secoué le campus de Bordeaux, car les radiateurs des cités universitaires étaient à peine tièdes. Cette année, si rien n’a été fait pour remédier au problème, le même organisme girondin recevra des lauriers du gouvernement pour ces quelques degrés d’économisés.

Problème, c’est au détriment des étudiants qui ne pourront que moins bien étudier dans la froidure hivernale. Reste la solution extrême qui va, forcément, être un jour mise sur la table : placer les grandes vacances de novembre à février compris et travailler tout l’été. À condition d’installer des climatiseurs dans les facs, canicule oblige.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 21 septembre 2022

Roman - Les « Commencements » de Catherine Millet


Comme elle le fait remarquer dans ce nouveau « roman », Catherine Millet n’a qu’un seul thème inspirant : elle-même. Ces Commencements racontent ses débuts dans la vie, quand encore à peine adolescente elle a découvert la puissance de l’amour, est entrée dans le milieu journalistique et de l’art contemporain, a quitté ses parents pour vivre en autonomie.

Un texte parfois un peu décousu, avec une multitude d’hommes, d’amis, d’amants, qui lui permettent de pleinement découvrir la vie libre, libertine. Il y a cependant moins de détails explicites que dans ses précédentes autobiographies.

On découvre dans ces pages l’intellectuelle, celle qui se rêvait poète et qui redoutait aussi de devenir adulte. « L’adolescence, c’est la période où l’on hésite à sortir de l’enfance, je n’avais pas envie de perdre le privilège d’être celle qui se contente de regarder et qu’on tient à l’écart sous prétexte qu’elle ne peut pas comprendre. » La petite Catherine va donc grandir et on va découvrir dans son sillage l’effervescence de ce Paris des années 60 et 70.

« Commencements » de Catherine Millet, Flammarion, 20 €

BD - Outlaws, histoire des rebuts de l'espace


Orbital est une série de SF qui remporte depuis des années un beau succès en librairie. Au point que le scénariste, Sylvain Runberg, propose une variation dans ce même univers. C’est Kristina, la jeune sœur de Caleb, qui est au centre de l’intrigue. Fugitive, elle arrive clandestinement sur une ferme qui exploite des animaux. Elle va devoir subir de nombreuses brimades pour survivre.

Car les Humains, dernière espèce à avoir rejoint la Confédération, sont considérés comme le rebut de l’espace.


Dessinée par Éric Chabbert, cette histoire sur le racisme ordinaire est très prometteuse. On apprécie particulièrement le début d’amitié entre Kristina et Zachary, un amalgame, issu de l’union d’une mère humaine et d’un père maloïde.

« Outlaws » (tome 1), Dupuis, 14,95 €


mercredi 21 septembre 2022

Cinéma - Une mère en manque et “Les enfants des autres”

Les semaines se suivent et se ressemblent, en ce moment, pour le cinéma français. Après Revoir Paris, bouleversant film sur la reconstruction des victimes d’attentats terroristes, c’est Les enfants des autres qui va remuer les spectateurs. Avec un point commun : la présence en tête d’affiche de Virginie Efira. La comédienne belge avait placé la barre très haut avec le premier film (sorti le 7 septembre), avec cette réalisation de Rebecca Zlotowski, elle parvient à maintenir le niveau de son jeu et apporte, en plus, un rayonnement intérieur, tout au long de l’histoire, la transformant en boule d’émotion qui emporte tout sur son passage.

A la prochaine cérémonie des Césars, il faudra remplacer la catégorie meilleure comédienne par César du meilleur film avec Virginie Efira en vedette.

Rachel (Virginie Efira) est une femme active. Professeur de français dans un lycée, elle vient de rencontrer Ali (Roshchdy Zem) à son cours de guitare. Deux quadras, une nouvelle histoire d’amour. Ali, récemment divorcé, a la garde de sa petite fille (5 ans), une semaine sur deux. Rachel va tenter de jouer les mères de substitution auprès de Leila. Un rôle ingrat. La fillette est méfiante, réclame souvent sa maman. Pire, elle voudrait que ses parents se réconcilient et vivent avec elle tout le temps. Alors Rachel va espérer avoir un enfant avec Ali. Mais son gynécologue lui explique clairement que le temps lui est compté. Elle a un peu trop attendu.

Toutes les maternités 

Le film de Rebecca Zlotowski explore, grâce au personnage de Rachel, toutes les facettes de la maternité. L’intrigue nous apprend que Rachel a perdu sa mère dans un accident de voiture. Autre thématique, celle de la petite sœur de Rachel, qui se retrouve enceinte alors qu’elle n’a pas terminé ses études. Que faire ?

Autre problématique, celle de la maladie. Rachel croise, au cours de judo de Leila, une autre maman. Malade. Quelques mois plus tard ,c’est le papa qui récupère la copine de Leila. Dans ce tourbillon de relations mère - enfant, Rachel tente de trouver sa place, elle qui n’a jamais connu cette joie de la maternité. Virginie Efira, dans une performance d’actrice de très haut niveau, parvient à faire toucher du doigt aux spectateurs toutes les émotions, envies et déceptions qui traversent le corps et l’esprit d’une maman en manque.

Film de Rebecca Zlotowski avec Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni

 

Double littéraire dans le roman "Quelque chose à te dire" de Carole Fives chez Gallimard


Peut-on admirer l’œuvre d’un écrivain sans s’en inspirer quand on a soi-même des velléités d’écriture ? Cette question est au centre du roman subtil et parfois machiavélique de Carole Fives. Quelque chose à te dire est une réflexion assez poussée sur le processus de création littéraire. Un texte court, percutant, repéré par les jurés du Goncourt puisqu’il fait partie de la première sélection du plus prestigieux prix littéraire français.

Elsa Feuillet est une jeune romancière lyonnaise. Divorcée, elle s’occupe de son fils une semaine sur deux. Elle a déjà publié quelques romans. Sans grand succès. Alors qu’elle se trouve en plein marasme, l’inspiration lui échappant, elle apprend la mort de Béatrice Blandy, son autrice préférée. Habitués des prix littéraires, les romans de Béatrice sont des best-sellers. Une grande des lettres françaises. Elsa lui avait d’ailleurs dédié son dernier roman, mettant une phrase d’un de ses romans en exergue.

Nouvelle histoire d'amour

Aussi c’est avec étonnement mais aussi une certaine fierté qu’elle est contactée par Thomas, le mari de Béatrice. Il veut rencontrer Elsa pour la remercier. Thomas pas insensible au charme provincial d’Elsa. Et cette dernière, subjuguée de découvrir le lieu où son idole a écrit tous ses livres, se surprend à trouver bien du charme à ce riche producteur de cinéma de 20 ans son aîné. Une histoire d’amour se noue.

Mais Thomas n’est pas totalement dupe quand il s’exclame « Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c’est ma femme ! Je n’existe pas, je ne suis rien pour vous ! C’est Béa que vous cherchez à travers moi ! » Reste qu’Elsa change de vie, retrouve le plaisir de vivre à côté d’un homme prévenant.

Avec un bémol, elle ne se sent pas à la hauteur face à l’absente : « Elle se sent moche, son regard triste, marron yeux de cochon, sa mine de chien battu. Elle est banale, toute en demi-teintes, morose. Le contraire de Béatrice avec son regard azur, ses cheveux noirs, une fille qui avait du peps. » La bascule du roman intervient quand Elsa découvre un manuscrit inachevé de Béatrice. Que faire avec cette pépite ?

L’histoire imaginée par Carole Fives se transforme en thriller psychologique avec la création littéraire en toile de fond. Un texte édifiant sur les difficultés des artistes face à certaines sources d’inspiration.

« Quelque chose à te dire » de Carole Fives, Gallimard, 18 €

mardi 20 septembre 2022

De choses et d’autres - Le plan 10 %


Sorti mercredi, un film japonais interroge sur la fin de vie. Plan 75 raconte comment la société, dans un proche avenir, donne la possibilité aux hommes et femmes de plus de 75 ans d’en finir. Comme actuellement on reçoit des appels de démarcheurs pour utiliser nos droits à la formation, dans le film des commerciaux tentent de persuader des vieillards d’en finir, même s’ils sont en bonne santé. Un enjeu financier, une économie de la mort.


La France fait partie des derniers pays européens où l’euthanasie est quasiment impossible. Mais le gouvernement a décidé d’avancer sur le sujet. Un esprit tordu (moi en l’occurrence), pourrait voir une sorte de synergie horrible entre le film (de fiction, il faut le préciser) et la volonté du président Macron de réduire la consommation d’énergie des Français de 10 %.

Quand il dit que « la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas », j’imagine un message subliminal. Car, devinez qui représente 10 % de la population française, actuellement ? Tout simplement tous ceux qui ont plus de 75 ans. Pour être sûr de réduire cette consommation d’énergie de 10 %, au lieu de baisser le chauffage, ne pas envoyer de vidéos de chatons à ses amis ou arrêter de regarder les plateformes de streaming, le plus simple serait d’éradiquer tous ces « inutiles » de plus de 75 ans.

Les économies seront immédiates, et sans doute au-delà du 10 % escompté, car c’est bien connu, on devient plus frileux avec l’âge.

Une logique comptable macabre qui, par chance, n’effleurera pas l’esprit de nos dirigeants. De toute manière, le film japonais, s’il est très sombre au début, montre ensuite la richesse de nos anciens et leur utilité dans la société. Mais qui peut en douter ?

Billet parue en dernière page de l’Indépendant le 8 septembre 2022

De choses et d’autres - Un drôle de don pour la science

Tout le monde peut contribuer à l’avancée des connaissances médicales. Prenez la grande opération intitulée « French Gut », lancée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, les hôpitaux de Paris et AgroParisTech. En faisant un petit don que vous envoyez par la poste, vous pourrez permettre aux chercheurs français de radiographier une des choses les plus mystérieuses du corps humain : son microbiote.

Dit comme ça, c’est assez enthousiasmant. Dans les faits, le romantisme du bénévolat est beaucoup moins évident. Car le don qui permettra de faire avancer les chercheurs sur la compréhension du microbiote est un peu rebutant. En clair, si vous acceptez de participer à l’étude, il faut 100 000 volontaires, vous recevrez un kit pour expédier, par la Poste, un petit échantillon de vos… selles.


Un peu de votre caca dans une boîte hermétique (on l’espère vraiment sécurisée pour le confort de ces pauvres facteurs déjà mis à rude épreuve) et on saura un peu mieux de quoi est constitué ce magma de bactéries qui pullulent dans les intestins. Une véritable faune sauvage, inconnue et aux pouvoirs insoupçonnés.

Ne dit-on pas que les intestins sont notre second cerveau ?

Et si, en réalité, comme dans les mauvais films de science-fiction, nous n’étions que des corps dépourvus de volontés, commandés par une armada d’aliens microscopiques bien au chaud et à l’abri dans nos tripes ?

J’ai trop d’imagination, ou alors c’est ma parano qui me fait gamberger. Mais si au final ma théorie foireuse est reprise par des complotistes (« Avec les reptiliens, ce sont les microbiotes qui commandent le monde »), j’aurai au moins laissé une trace sur cette terre. « Trace de pneu » ricane mon moi primaire scatologique.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 22 septembre 2022

lundi 19 septembre 2022

De choses et d'autres - Seconde main


Le marché de la seconde main explose en France depuis quelques années. Grâce aux plateformes. Ebay a longtemps été leader du secteur. Jusqu’à l’arrivée du Bon Coin et de Vinted.

Mais il ne faut pas croire que seuls les particuliers peuvent profiter de cet engouement pour la revente de produits d’occasion. L’État aussi en tire de substantiels bénéfices. Et directement car régulièrement, des objets saisis pour rembourser des dettes (notamment fiscales), sont proposés dans des ventes aux enchères un peu particulières.


L’une d’entre elles est organisée le 4 octobre à Lyon. Elle est remarquable car parmi les plus de 210 lots proposés aux acheteurs (sur place ou sur le net), deux d’entre eux attirent de nombreuses convoitises.

Les lots 31 et 32 sont certains de trouver acquéreurs car ils proposent ce qui est quasiment impossible à trouver depuis une année : une PlayStation 5 ! À court de composants électroniques, le fabricant de la console de jeu n’en écoule que quelques unités à la fois, généralement à des privilégiés lors de vente sur invitation. L’État va donc démocratiser la vente des PS5. Enfin, pour deux exemplaires seulement grâce à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.

Et si jouer ne vous intéresse pas, vous pourrez frimer avec quelques objets de luxe saisis à d’autres frimeurs un peu moins honnêtes : une Chevrolet Corvette coupé (14 000 €), un tableau de Zaho Chun (6 000 €), des bagues en or très vulgaires (1 600 €) ou une Rolex Submariner (6 000 €, que si vous avez moins de 50 ans).

Et pour les moins riches, il vous reste le lot 62 : trois flacons de parfums « de luxe » pour 50 € seulement.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 23 septembre 2022

Cinéma - “Revoir Paris”, thérapie pour tenter de revivre

Comment se reconstruire après avoir été blessée dans un attentat terroriste ? Réponse dans ce film exceptionnel d’Alice Winocour.

Alors que le procès de l’attentat de Nice s’est ouvert cette semaine, quelques jours après le verdict de ceux de Paris, ce film d’Alice Winocour permet de se replonger dans cette ambiance qui a longuement tétanisé la France. Librement inspiré des actions terroristes contre des terrasses de café et le Bataclan, Revoir Paris est une plongée dans la tête d’une des victimes, Mia (Virginie Efira).

Attention, on ne ressort pas de ce film intact. La force de l’interprétation, la justesse des réactions, la beauté de certaines réactions risquent de durablement vous rester en tête. La réalisatrice, directement impliquée dans les attentats de Paris (son frère était au Bataclan), a fait un choix radical pour raconter l’horreur. « Ce n’est pas tant l’attentat lui-même qui m’a intéressé, explique-t-elle dans le dossier de presse, mais les traces qu’il a laissées chez les victimes. Aucune d’entre elles n’a une vision globale de l’attaque, mais seulement des bribes, des images désordonnées, comme les fragments d’un miroir éclaté. »

Les premières minutes montrent la vie parisienne de Mia. Au guidon de sa moto, elle va travailler et retrouve, le soir, son compagnon, médecin. Il doit partir en urgence à l’hôpital. Elle rentre seule. Comme il pleut, elle s’arrête dans une brasserie attendre la fin de l’orage. C’est là que sa vie bascule. Les premiers tirs, une blessure au ventre, puis un grand trou noir.

Rencontre avec les autres victimes 

Trois mois plus tard, elle ose revenir à Paris. Mais ne se souvient plus de la soirée fatale. Juste quelques flashes. Des images fugitives. Une fête d’anniversaire dans la salle où elle buvait un verre en attendant, deux jeunes touristes asiatiques croisées sur le chemin des toilettes. Les pieds du terroriste, quand elle se cache sous les tables renversées, les balles qui claquent.

Pour tenter de se réapproprier sa vie, son passé, Mia revient à Paris, va sur les lieux de l’attentat, rencontre des membres de l’association des victimes, dont Thomas (Benoît Magimel), celui dont on fêtait l’anniversaire. Lentement, comme à reculons, Mia va se souvenir, retrouver des détails, comprendre ce qu’elle a fait. Comment elle a pu survivre, avec qui elle s’est cachée. Presque une enquête policière dans une mémoire bloquée.

Virginie Efira, dans ce rôle compliqué, entier, signe une de ses meilleures prestations. L’ancienne animatrice télé belge s’est métamorphosée depuis quelques années en brillante comédienne. Cette nouvelle prestation la place très largement au-dessus de toutes ses consœurs. Un film inoubliable, très éloigné de tout manichéisme, qui paradoxalement, malgré le sujet, redonne espoir dans la vie et envie de revivre, tout simplement.

Film français d’Alice Winocour avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin.

 

dimanche 18 septembre 2022

BD - Corto Maltese chez les nazis


Présent à Perpignan pour le FID, Ruben Pellejero signe son quatrième album des nouvelles aventures de Corto Maltese. Le beau marin ténébreux est à Berlin au cœur des années 20. Hitler commence à faire parler de lui et une secte du nom de Consul distille son antisémitisme.

Corto apprend que son ami Steiner est mort. Il va tout faire pour retrouver son meurtrier et le venger. Entre Berlin et Prague, il rencontre des espions communistes, de belles comédiennes et des astrologues illuminés.

Le scénario de Canales est ancré dans l’Histoire et Pellejero, doucement mais sûrement, s’affranchit de la simple copie de Pratt pour donner plus de puissance et de personnalité à son dessin. De mieux en mieux.

« Corto Maltese » (tome 16), Casterman, 17 €

Cinéma - Un futur très visitable

La série imaginée par François Descraques, « Le visiteur du futur » se décline aussi au cinéma dans un long-métrage hilarant.


De la science-fiction française réussie ! Il y a longtemps que le spectateur exigeant dans ce genre périlleux n’avait pas eu l’occasion de ressortir heureux d’une salle obscure. Le visiteur du futur de François Descraques, en plus d’être fidèle à la série télé d’origine, offre intrigue intelligente et multitudes de gags, le tout avec des décors soignés et des effets spéciaux réussis.

Tout débute par une catastrophe dans une centrale nucléaire française. Renard, le visiteur du futur (Florent Dorin), tente de l’empêcher. En vain. Alors il décide de tout faire pour annuler la construction du complexe. Il va tenter d’influencer Gilbert (Arnaud Ducret), le député qui a lancé ce projet « d’avenir ».

Exactement comme la fille du politique, Alice (Enya Baroux) qui, elle, a la fibre écolo. Mais la brigade temporelle veille. Alors Renard, le père et la fille s’échappe dans le futur, sur cette terre ravagée qui n’en a plus pour longtemps.

Ribambelle d’excellents seconds rôles 

On apprécie dans ce film le ton encore très gamin de la série. Les héros sont désopilants, avec une mention spéciale au docteur Castaforle interprété par Slimane-Baptiste Berhoun. Mais tous les seconds rôles valent le détour. On trouve, d’ailleurs, dans la distribution, une ribambelle de rigolos patentés, souvent méconnaissables mais toujours hilarants.

Ouvrez l’œil pour repérer McFly et Carlito en ingénieurs totalement dépassés face à une situation d’urgence, Kyan Khojandi en clodo alcoolo, Marc Risso en barman spécialiste en jus de chaussette, Davy Mourier en marchand de gros, (« Mais vous vendez quoi ? Des gros ! ») M. Poulpe en mangeur d’enfant, Simon Astier en fonctionnaire servile ou David Marsais en délateur décomplexé.

Rajoutez quelques zombies (des lents mais aussi des rapides), des flics ignares et un peu d’émotion pour un final presque larmoyant et vous avez un bon film, abouti, qui ne se prend pas au sérieux tout en faisant passer un message aux générations futures : le nucléaire c’est bien aujourd’hui, mais dans le futur, ça risque de sérieusement craindre.

Film français de François Descraques avec Florent Dorin, Arnaud Ducret, Enya Baroux
 

samedi 17 septembre 2022

BD - La touchante tendresse de Monsieur Léon


C’est un petit bonhomme terne et insignifiant. De ceux que personne de remarque dans les transports en commun. Un discret qui vit sa vie sans bruit, bien à l’abri derrière les murs de son deux-pièces. Pourtant monsieur Léon mérite bien qu’Arnaud le Gouëfflec et Julien Solé lui consacrent tout un album de BD.

Car Monsieur Léon cache bien son jeu. Il aime les vieilles ritournelles d’antan, pratiquer le tango et autres danses de salon, jouer au golf nu dans son salon ou porter secours aux poissons rouges dépressifs. Surtout, Monsieur Léon, en cette période de confinement, est capable de braver les forces de l’ordre et l’interdiction de circuler, juste pour plaire à sa voisine, la si timide et prude Mademoiselle Sophie.

Parues dans Fluide Glacial, ces petites histoires complètes sont plus poétiques qu’humoristiques. Elles racontent un monde moins mercantile que notre quotidien. Julien Solé, au dessin, excelle dans le mariage entre noir et blanc et couleurs éclatantes. Un dessinateur qui sait alterner les styles, toujours à l’affût d’expérimentations graphiques. Julien Solé qui fait partie des auteurs présents à Perpignan ce week-end dans le cadre du festival de la BD.

« Monsieur Léon », Fluide Glacial, 13.90 €


Cinéma - « Le Tigre et le Président », un film sur Paul Deschanel, le président lunaire

Biopic historique sur l'affrontement entre un politique iconoclaste et le grand Clemenceau. 


Il y a les petites histoires et la grande Histoire. Le Tigre et le Président, premier film de Jean-Marc Peyrefitte fait parfaitement la synthèse de ces deux façons de raconter le passé. D’un côté Clemenceau, homme d’État dont on aime encore aujourd’hui se référer, de l’autre Paul Deschanel, éphémère président de la République dont on ne se souvient que d’une chose : il est tombé d’un train.


Pourtant, ce film porté par deux grands comédiens (Jacques Gamblin est Deschanel, André Dussollier est Clemenceau), montre une tout autre réalité. Clemenceau, revanchard, cynique et assoiffé de pouvoir veut devenir président de la République. mais il se fera battre au Congrès par Paul Deschanel, farfelu, poète, visionnaire.
Or, en 1920, Deschanel représentait le futur radieux d’une France qui voulait s’émanciper. Il voulait donner le droit de vote aux femmes, abolir la peine de mort, interdire le travail de nuit. Pourtant, en 2022, il ne reste rien de sa pensée, avant-gardiste pour l’époque. Comme si cet homme était trop en avance sur son temps.

Le film, un peu didactique par moments, nous permet de le redécouvrir. En réalité de le découvrir tout court pour la majorité des Français.

Film français de Jean-Marc Peyrefitte avec Jacques Gamblin, André Dussollier

vendredi 16 septembre 2022

BD - Barney Stax, le détective privé du pire


Le mythe du détective privé à la Marlowe a encore de beaux jours devant lui. Question dérision, l’album de James et Guerse est un bijou d’humour. Généralement, Barney Stax n’a absolument rien à faire de ses journées.

Mais quand une jolie blonde débarque dans son bureau et lui demande de suivre son mari pour comprendre pourquoi il ne la trompe pas (elle est nymphomane et paiera Barney en nature), il ne se doute pas qu’il est en train de plonger dans une guerre secrète entre CIA et KGB. Car le mari, plombier de son état, est en réalité un espion. Dialogues hilarants, situations cocasses, chutes incongrues, rebondissements abracadabrantesques : Barney Stax va regretter d’avoir dit oui.

« Barney Stax », Fluide Glacial, 13,90 €