Palme d’or à Cannes, Sans filtre est une féroce satire des dérives de la société capitaliste et consumériste
Le dîner du commandant (Woody Harrelson) va virer à la farce macabre. Plattform-Produktion
Rarement un film aura aussi bien démasqué les dérives de notre société capitaliste occidentale. Sans filtre, de Ruben Östlund, est d’une méchanceté qui n’a d’égale que sa justesse. Un pamphlet féroce qui est reparti de Cannes avec la Palme d’or. Méritée, même si le long-métrage (2 h 30) est parfois inégal.
La première partie, sur la relation déséquilibrée entre deux mannequins (une femme et un homme), tout en abordant le problème des inégalités salariales, inversées dans ce cas précis, est un peu répétitive. Le final, sur une île déserte, avec quelques rescapés d’un naufrage, aurait mérité un film à lui tout seul. Certains regretteront, d’ailleurs, une fin un peu trop ouverte. Reste la prouesse de ce Sans filtre, toute la partie se déroulant sur un yacht de luxe réservé à des croisières destinées aux ultra-riches. On retrouve, à bord, les deux mannequins, par ailleurs influenceurs, Carl (Harris Dickinson) et Yaya (Charlbi Dean Kriek).
Ils vont côtoyer un oligarque russe, fier de clamer partout qu’il a fait fortune en « vendant de la merde » (il commercialise des engrais), le patron très coincé d’une start-up ou un couple de vieillards anglais, charmants, polis et prévenants, si ce n’est qu’ils ont gagné des milliards en vendant des mines antipersonnel à toutes les dictatures de la planète. Sur ce bateau, loin du bruit du monde et surtout des pauvres, les clients ont tous les droits. Quand la femme du Russe décide que les employés doivent aller se baigner, la décision est immédiatement validée par la responsable du personnel.
Un monde feutré, où Carl et Yaya font un peu figure de tâches car, eux, ne sont pas encore riches à millions. La croisière leur est offerte, en échange de photos et de vidéos dithyrambiques. Un seul problème sur ce bateau : le capitaine (Woody Harrelson). Lors du classique et très attendu repas du commandant, il reçoit à sa table les plus riches. Mais ce soir-là, la mer est démontée.
Rapidement, caviar, champagne, poulpe et autres mets raffinés se transforment en jets de vomis à l’effet burlesque absolument réjouissant. Ruben Östlund semble prendre beaucoup de plaisir à filmer ces très distingués capitalistes transformés en simples outres nauséeuses, glissant et roulant tels des ballots à l’abandon dans le roulis de la coursive répugnante de dégueulis et de merde.
Le capitalisme dans toute son horreur. Sans filtre.
Film de Ruben Östlund avec Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Dolly de Leon, Woody Harrelson, Jean-Christophe Folly
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