Les histoires d’espionnage ont lentement mais sûrement disparu du paysage littéraire français une fois la Guerre froide morte et enterrée. Pourtant le genre n’est pas totalement tombé dans l’oubli et connaît même une jolie renaissance chez Gallimard dans une collection dirigée par Marc Dugain. Un premier titre très actuel, sur la lutte des services secrets français contre les terroristes islamistes de Daech, avec un clin d’œil à l’Ukraine, l’un des personnages principaux étant originaire de ce pays, carrefour européen de tous les espions depuis des décennies.
Des hommes sans nom est signé Hubert Maury et Marc Victor. Deux plumes qui connaissent particulièrement leur sujet. Le premier a longtemps été militaire puis diplomate, le second, journaliste, a longtemps été en reportage en Afghanistan et au Pakistan. Pour comprendre les enjeux de cette guerre secrète menée par ces « hommes sans nom », les auteurs imaginent les débuts dans la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) d’une jeune Française, Victoire Le Lidec. Une analyste qui sera formée par Nikolaï Kozel, ancien légionnaire intransigeant, son aîné de 20 ans. Ayant fui l’Ukraine avec sa mère, Nikolaï après quelques bêtises, s’est engagé dans la Légion. Il a servi son nouveau pays, est devenu Français et a intégré les services secrets. Une brillante carrière d’officier traitant, ternie par sa dernière affectation en Tunisie. Son meilleur agent infiltré est mort accidentellement en Libye. Depuis il végète à Paris, suspecté par sa hiérarchie d’avoir provoqué cet accident. Nikolaï va accepter d’aller avec sa mère en pèlerinage en Ukraine.
Nous sommes en 2017, le pays redevenu libre est bouillonnant. Il le redécouvre : « Ce qui pourrait définir cet univers physique, ce territoire, ce pays, se dit-il, ce serait une tonalité, une qualité de lumière, une couleur plus ressentie que réelle : une illumination, intense mais subtile, une noblesse sans afféterie, brute, bienveillante, un air, dans tous les sens du terme, l’atmosphère, le climat affectif… qui lui ferait éprouver par l’âme et par la peau, par le cœur et par les yeux, qu’il était bine d’ici. » Mais Kiev n’est qu’une étape vers Kaboul.
Nikolaï est la pièce maîtresse d’une manipulation compliquée mise en place par Victoire. Il va devoir persuader un jihadiste repenti de permettre à une espionne française d’infiltrer une école coranique du Pakistan qui forme des kamikazes femmes. Sur le terrain, l’action s’accélère et se complique car, Victoire le constate à ses dépens, « Le facteur humain n’était pas un mythe. Une bombe à retardement aussi instable que de la nitroglycérine. » Les 50 dernières pages offrent un dénouement plein d’action et de retournements de situations.
Un roman très réaliste, loin de James Bond ou d’OSS 117, beaucoup plus proche de l’excellente série télé du Bureau des légendes.
« Des hommes sans nom » d’Hubert Maury et Marc Victor, Gallimard, 18 €
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