Si proches de nous. Si loin aussi. Les cités ou quartiers défavorisés sont à quelques pas de nos villes resplendissantes arborant mobilier urbain moderne et bacs de fleurs parfaitement entretenus. Zones de non-droit pour certains, ce sont surtout des impasses, des culs-de-sac, pour leurs habitants. Comme une prison à l'air libre, la case réinsertion en moins... Le cinéma nous permet de plonger dans ces endroits ignorés, abandonnés. Souvent caricaturaux, les films noircissent le trait. Ou tentent d'embellir cette laideur absolue. "Divines" de Houda Benyamina, auréolé de la Caméra d'or au dernier festival de Cannes, a parfois des airs de documentaire. Pourtant ce sont bien des actrices professionnelles qui portent cette histoire forte et prenante.
Drogue et religion
Dounia (Oulaya Amamra) est surnommée la Bâtarde. Sa mère, vivant dans un camp de roms, multiplie les aventures. Le père ? Un homme de passage, à l'identité inconnue. L'adolescente de 16 ans, pour survivre à cette réalité, se forge une carapace. Dure, méchante, intransigeante, elle est le plus souvent habillée comme un garçon, tête cachée par une capuche. Sa meilleure amie, Maimouna, (Déborah Lukumuena) cache elle aussi ses cheveux. Mais pas pour la même raison. Cette grande et forte noire, à la candeur touchante, fille d'imam, va régulièrement à la mosquée vêtue de la burqa. Mais au lycée, en situation d'échec comme 80 % de ses camarades, elle se dévergonde, notamment au contact de Dounia, obsédée par l'envie de gagner de l'argent. Beaucoup d'argent, le signe de réussite ultime dans les quartiers. Ce ne sera pas avec son BEP d'hôtesse d'accueil qu'elle pourra se payer des vacances à Phuket. Alors elle regarde autour d'elle et constate que certains s'en sortent plutôt pas mal. Comme Rebecca (Jisca Kalvanda), plus grosse dealeuse de la région. Au culot, avec le renfort de Maimouna, elle propose ses services à cette femme tigresse, collectionnant les amants "bogosse" aux abdos de fer comme d'autres les pin-up aux lèvres refaites. Le film raconte dans le détail cette plongée dans la délinquance, l'argent facile et les risques inhérents.Dounia prendra beaucoup de coups dans l'aventure, mais ne déviera jamais de son but qu'elle chante sur l'air d'Abba : "Money, money, money !" Une apologie de l'argent qui dérange parfois mais qui semble prégnante dans ce milieu. Comme si la possession matérielle (voiture, parfum, chaussures de marque) était le seul but capable de faire bouger ces jeunes depuis trop longtemps à la dérive. Même l'amour (Dounia tombe sous le charme d'un jeune danseur) ne parvient pas à la remettre sur le "droit" chemin.
Tel un uppercut, "Divines" ne laisse pas le spectateur intact. Gare à la redescente en sortant de la salle.
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Guerrière et féline
Oulaya Amamra, dans le rôle de Dounia, crève l'écran du début à la fin. Un personnage complexe à faire vivre car traversé d'une multitude d'émotions et de transformations physiques. Au début du film, elle est un garçon manqué, arrogante parfois, provocatrice, toujours à la limite dans un milieu éducatif qu'elle rejette en bloc. La jeune actrice a longtemps été élève de Houda Benyamina quand elle animait des ateliers de théâtre dans ces cités si bien racontées dans "Divines". La réalisatrice a longtemps hésité à l'engager, la trouvant top jeune, trop fragile. Finalement elle s'est imposée à force de persuasion et de préparation "En plus de sa folie et de sa puissance, elle a apporté à Dounia un sens de l'humour et une gentillesse qui étaient embryonnaires dans les précédentes étapes d'écriture", se souvient-elle. Pour Oulaya Amamra, "Dounia, c'est une guerrière, mais elle aussi est féline ! Quand elle va devoir vaincre ses peurs, elle va être obligée de se féminiser." On découvre sous la capuche du sweet une femme capable de séduire, de donner le change et d'utiliser sa meilleure arme, sa beauté, pour arriver à ses fins. Un travail de comédienne comme on en voit rarement dans le cinéma français. Encore très jeune Oulaya Amamra voudrait maintenant intégrer le conservatoire. Une envie de théâtre qui lui donne des airs d'Isabelle Adjani, quand elle alternait films de Truffaut, succès comme "La gifle" et grands classiques à la Comédie française.
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