Déjà auréolé par le Cristal du film d’animation au festival d’Annecy, « Avril et le monde truqué », long-métrage de Christian Desmares et Franck Ekinci, est la transposition de l’univers graphique de Jacques Tardi (Adèle Blanc-Sec, Brindavoine) sur grand écran. Mais au lieu de se contenter de l’adaptation d’une BD déjà existante, le scénariste, Benjamin Legrand, a pioché dans les ambiances, personnages et époques mises régulièrement en images par le dessinateur connu également pour son adaptation de Nestor Burma.
L’action se déroule à Paris, forcément, celui du début du siècle dans une version uchronique, tendance steampunk. Dans cette France toujours dirigée par la descendance de Napoléon III, le moteur à vapeur règne encore en maître absolu. Les savants n’ont pas encore découvert l’électricité ni mis au point le moteur à explosion. Logique, tout esprit un peu imaginatif est enlevé par une mystérieuse organisation. Comme si l'évolution était condamnée à faire du surplace. En fait tout a commencé en 1870, quand un savant présente à l’empereur un sérum de son invention capable de transformer les soldats en hommes invincibles.
Une explosion plus tard, la face du monde est changée. Pas de guerre entre la France et la Prusse, plus de développement technique et l’épuisement des ressources en charbon. La suite de l’histoire se déroule en 1941, sous le règne de Napoléon V, l’arrière petite-fille du savant cherche toujours à recréer la formule du vaccin alors que la police, dont l’inénarrable inspecteur Pizoni, est sur ses traces.
Matou bavard
Avril (Marion Cotillard à la voix), orpheline, vit seule avec son chat Darwin (Philippe Katerine), matou malin doté de la parole à la suite d’une autre expérience ratée, dans un appartement secret aménagé au sommet d'une statue équestre grandiloquente. Elle cherche ses parents et son grand-père, disparus après une descente de police. Le scénario, bourré de rebondissements, fait la part belle aux décors d’un Paris imaginaire, avec deux tours Eiffel, transformées en gare de départ d’immenses paquebot-téléphériques. Mais il y a également nombre d’autres inventions dans ce film qui surfe de Verne à Hergé en passant par Conan Doyle, la fin du film se déroulant dans ce fameux monde truqué, au plus profond des entrailles de la Terre.
L'histoire, pleine de rebondissements, bénéficie d'une animation à la limite de la perfection, tout en respectant le trait de Tardi. Même si le dessinateur s'est retiré du projet trop chronophage pour ses autres projets, l'équipe a rendu avec fidélité le style incomparable du créateur d'Adèle Blanc-Sec. La preuve que le film d'animation, loin d'être l'apanage des multinationales américaines, peut s'adresser à tous les publics sans trahir l'esprit de son créateur.
Aussi une œuvre de papier
« Histoire d'un monde truqué, Casterman, 136 pages, 25 euros.
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