Pour
beaucoup d'observateurs, l'élection de 2017 sera une revanche de
2012 entre Hollande et Sarkozy. Geoffroy Lejeune imagine la victoire
d'un outsider : Éric Zemmour.
Faut-il aimer se faire
peur ? Imaginer le pire pour se contenter du raisonnable ? On se pose
forcément la question en refermant ce livre de politique fiction
signé par un rédacteur de « Valeurs actuelles »,
hebdo ouvertement à droite pour ne pas dire à l'extrême droite.
Geoffroy Lejeune se met dans la peau d'un journaliste chargé de
couvrir la campagne présidentielle de 2017. Affecté au staff de
Marine Le Pen, il se réjouit d'être enfin dans le camp qui a toutes
les chances de l'emporter. Mais avant cela il raconte comment, en
coulisses, tout se met en place. Par exemple il détaille la façon
dont Sarkozy l'emporte aux primaires des Républicains et fait le
ménage autour de lui. Il découvre également comment le Front
National se retrouve profondément divisé depuis que sa présidente
décide de la dédiabolisation et surtout de l'inflexion de la ligne
vers un nationalisme protecteur qui doit beaucoup aux idées de
Chevènement. Conséquence, les plus à droite du FN se rebellent.
Le père, mais surtout la nièce, Marion, obligée de quitter le
parti pour désaccord et tentée de se retirer de la vie politique.
Mais un phénomène va la
faire changer d'avis. Quelques conseillers occultes, dont le
sulfureux Patrick Buisson, sont persuadés que les Français ne
veulent pas d'un remake de 2012. Ils font tout pour qu'un outsider
émerge. L'énorme succès de librairie du « Suicide français »
d'Éric Zemmour les persuadent qu'il peut être l'homme de la
situation. Clairement à droite, mais pas trop sectaire, apprécié
par une large frange de la population pour sa façon d'exprimer avec
des mots simples ce que certains pensent sans oser le dire. De plus,
considéré par les autres candidats comme un saltimbanque, il cache
bien son jeu.
Zemmour, du
saltimbanque au président
Buisson se lance dans la
bataille quand il est persuadé que Sarkozy n'a plus aucune chance de
l'emporter, tant devant Hollande que Le Pen, mal conseillé par une
Carla beaucoup trop à gauche selon certains. Le conseiller qui a
enregistré secrètement ses conversations avec l'ancien président
se réjouit de lui annoncer sa décision : « Nous
ne travaillerons plus ensemble, Nicolas, c'est fini. Tu ne peux plus
gagner et je ne te fais plus confiance. Tu as trahi, tu trahiras. »
Sarkozy se montre menaçant mais Buisson a
cette réplique qui éclaire peut-être l'ancien président sous un
jour nouveau : « Je te connais par cœur,
Nicolas. Tu as beaucoup de défauts, mais le pire d'entre eux, c'est
que tu ne sais pas tuer. C'est ta plus grande faille. »
Trop gentil Sarkozy ? Étonnant, mais c'est bien sous cet aspect
qu'il est décrit.
Par contre Hollande est
machiavélique. Il devine l'impact Zemmour. Une division
supplémentaire de la droite qui ne peut que lui être bénéfique.
Sauf si il parvient à coiffer sur le poteau les autres candidats. Il
va alors ratisser très large, de NKM à Marion Maréchal-Le Pen, en
passant par quelques apparatchiks de gauche. Ce texte se lit comme un
thriller, avec trahison et coups de théâtre. Il y a même quelques
morts célèbres. Comme un antidote à ceux qui croient trop vite que
tout est déjà joué.
Michel
Litout
« Une élection
ordinaire », Geoffroy Lejeune, Ring, 18 euros
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