Robert Guédiguian boucle sa trilogie sur le génocide arménien avec « Une histoire de fou ». Récit de la dérive violente d'une génération enragée.
Robert Guédiguian personnifie Marseille. La diaspora arménienne aussi. Le cinéaste engagé à gauche, a plus de mal avec cette notion de racines, de terre natale. Il a pourtant consacré plusieurs films à cette tragédie que constitue le génocide du peuple arménien par la Turquie en 1915. Dans "Une histoire de fou", il semble vouloir refermer la plaie avec ce film débutant en Allemagne en 1921 et se terminant deux générations plus tard, dans le jardin d'une église en ruines dans cette Arménie encore soviétique mais plus pour longtemps. Le film est né d'un constat. Pour les fils de ces réfugiés, ayant échappé par miracle au massacre, la notion d'Arménie "n'existe que grâce au génocide. Nous sommes nés sur une montagne de cadavres." Ce paradoxe, Robert Guédiguian en a fait le cœur du film, avec notamment l'explication de la lutte armée de toute une génération d'exilés.
Thelirian, l'exemple
Le film débute comme un documentaire. En 1921, Soghomon Thelirian, un jeune idéaliste arménien, abat froidement dans la rue Talaat Pacha, principal responsable du génocide. Le procès permet de mettre en lumière ce crime contre l'humanité perpétré en toute impunité en 1915 en pleine guerre mondiale. A la surprise générale, Thelirian est acquitté. La suite se déroule à Marseille durant les années 70. Aram (Syrus Shahidi), étudiant, se revendique de Thelirian. Il accuse ses parents Hovannes et Anouch (Simon Abkarian et Ariane Ascaride) d'avoir abandonné le combat. Avec d'autres jeunes il rejoint l'armée de libération de l'Arménie. Il participe à un attentant en plein Paris. Une bombe tue l'ambassadeur de Turquie. Elle blesse aussi grièvement un cycliste qui passait par hasard. Pendant qu'Aram prend la fuite pour intégrer un camp au Liban, sa mère va tenter de présenter ses excuses au blessé, Gilles Tessier (Grégoire Leprince-Ringuet). Le film raconte la dérive d'Aram et la rage de Gilles. Jusqu'à leur rencontre dans une petite cour d'un hôtel à Beyrouth. "J'essaie d'être tous les personnages à la fois", confie Robert Guédiguian qui endosse à tour de rôle le point de vue des deux protagonistes de l'histoire. Avec pour lien le rôle de la mère, tenu par une émouvante Ariane Ascaride. Sans porter le moindre jugement sur l'action violente des années 70, avec pose de bombes tuant des innocents, Robert Guédiguian reconnaît simplement que c'est depuis cette période que le génocide arménien a commencé à occuper les premières pages des journaux. Si aujourd'hui de nombreux pays ont condamné la Turquie, cette dernière campe sur sa position. "Cette histoire c'est la folie de l'Humanité", considère Robert Guédiguian. D'où le nom de ce film qui replace la tragédie arménienne dans une globalité mondiale.
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