Georges
est romancier mondialement connu. Christian un raté qui sombre dans
le nazisme. L'histoire de la fratrie Simenon vue par Patrick
Roegiers.
Loin de ne
concerner que l’Allemagne et l'Italie, le fascisme puis le nazisme
ont contaminé toute l'Europe. En Belgique, le plus ardent défenseur
de de la suprématie aryenne était Léon Degrelle, fondateur du
mouvement Rex. Catholique, Wallon, populiste et férocement opposé
aux Juifs, il a plongé dans le moule du Furher. Son mouvement, avant
la déclaration des hostilités, sans déplacer les foules,
remportait un beau succès. En se penchant sur la destinée de
« L'autre Simenon », Patrick Roegiers raconte surtout
cette période trouble de la Belgique. Quand le fanatisme autorisait
la violence. Au milieu des années 30, Léon Degrelle sillonne le
pays. Il tient meeting sur meeting. L'entrée étant payante, il
remplit les caisses de son parti politique.
Dans le
public un certain Christian Simenon, frère de Georges, le déjà
très célèbre romancier, créateur du commissaire Maigret.
Christian est fasciné par les gesticulations de cet homme sur
l'estrade. Le roman plonge le lecteur dans la frénésie de ces
réunions publiques qui parfois ressemblent plus à des combats de
boxe. Il décrit Degrelle : « Rien
n'était spontané dans son attitude. Tout était étudié. Tel un
roué comédien, il implorait paumes ouvertes, menaçait du doigt,
comprimait d'une main son coeur ou tendait vers le ciel l'index de
l'imprécateur. Faussement furieux, il se dressait sur ses ergots et
gérait à la perfection ses effets. (…) Le public frissonnait
d'aise. Les hourras s'amplifiaient. La salle tanguait sous la
verbosité déferlante du pétroleur populiste et carriériste
mégalomane. » Léon Degrelle est un
personnage abject, mais en ces temps troublés, il parvient à
s'imposer.
Un vrai
tueur
Et dès que
la Belgique est envahie par les troupes nazies, il se retrouve en
première ligne pour dénoncer, déporter, emprisonner, torturer et
tuer. Christian Simenon reste en Belgique, contrairement à son frère
qui trouve refuge en France. Mais si le premier collabore ouvertement
avec l'occupant, le second n'est pas aussi irréprochable que ce que
l'Histoire retiendra. Il a fait partie de ces millions d'hommes et de
femmes qui n'ont pas résisté. Sans véritablement collaborer non
plus. Mais presque. Ce qui vaudra à Georges Simenon une brève
interdiction de publier à la Libération.
Le destin de
Christian est plus tragique. Patrick Roegiers revient avec une rare
violence sur le massacre de Courcelles et la participation de
Christian. De simple fonctionnaire de Rex, il devient un tueur.
Consentant. « Et soudain, l'envie de
tuer lui était venue comme une folie nécessaire. Il s'était
désigné pour cette mission. Et il devait l'accomplir. » Dès
qu'il presse sur la gâchette, il sait que c'en est fini de sa vie.
Il bascule de l'autre côté, celui qui lui permet enfin de faire
quelque chose que son frère, lui n'a jamais fait. Sur le papier
Georges a raconté des centaines de meurtres, mais n'a jamais tué.
Christian, si.
Avec des
faits historiques incontestables, Patrick Roegiers a imaginé cet
affrontement indirect entre deux frères rivaux. Mais ce n'est qu'un
roman puisque la fin imaginée par l'auteur belge est différente de
la réalité. Un récit puissant, au style riche et très imagé, qui
dévoile un pan ignoré de l'histoire de l'Europe.
Michel
Litout
« L'autre
Simenon », Patrick Roegiers, Grasset, 19 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire