samedi 30 juillet 2011

BD - Un héros au sang froid : Synchrone de Delmas et Crosa au Lombard

Policier américain en mission à Paris, Ian Mallory perd sa jeune femme dans un attentat. Alors qu'il vient de monter dans sa voiture qu'elle conduit, un motard s'approche et tire une balle à bout portant sur la conductrice. Elle meurt et la balle finit dans le crâne de Ian qui restera dans le coma plusieurs mois avant de récupérer difficilement tous ses moyens. 

La balle est toujours logée dans son cerveau. Elle a détruit une zone qui empêche désormais Ian d'avoir des émotions. Cinq années plus tard, Ian a changé de vie. Il est devenu écrivain et tente d'oublier. Il retrouve ses réflexes de policier imperturbable quand il découvre la fille adolescente de sa nouvelle compagne dans sa chambre un couteau à la main, son petit ami mort poignardé en plein cœur. 

Ce premier tome d'une série semblant mystérieuse permet également de présenter les différents protagonistes imaginés par Delmas et dessinés par Crosa. Ian en premier lieu mais également une journaliste fouineuse, l'ado rebelle, le flic manipulateur. Un cocktail digne d'un thriller d'Hollywood.

« Trauma » (tome 1), Le Lombard, 11,95 €

vendredi 29 juillet 2011

BD - Anneau magique et comique pour Walter le loup de Munuera chez Dargaud

Si vous avez aimé « Le seigneur des anneaux », cette BD devrait vous faire sourire. Une parodie très décalée avec Walter le loup en héros, le tout signé Jose Luis Munuera. Walter a fait ses premiers pas de héros de BD dans Merlin, imaginé par Sfar avec déjà Munuera au dessin. L'auteur espagnol a décidé de prolonger l'existence de ce loup atypique dans une série propre. Walter est loin d'être la terreur des forêts. Quand il se promène dans les bois, ce n'est pas pour croquer les petites filles mais pour admirer les fleurs... Dans « L'anneau magique », le troisième volet de ses péripéties, il va aider, malgré lui, deux Hochets, des êtres minuscules poursuivis par des méchants, sous les ordres de Sardineman, bien décidés à les tuer. Ils ont pour mission de détruire un anneau magique.

Un humour omniprésent, pas toujours de bon goût mais très efficace, transforme cet album en une franche rigolade idéale pour les coincés des zygomatiques.

« Walter le loup » (tome 3), Dargaud, 10,45 € 

jeudi 28 juillet 2011

BD - Les larmes de l'Autre-Monde, cauchemar des Enfants d'ailleurs

Changement de ton dans la série « Les enfants d'ailleurs ». Si au début cette histoire fantastique de Bannister et Nykko pouvait être lue par les plus jeunes, le tour dramatique des derniers événements la classe presque dans la catégorie des récits d'horreur. Dans le précédent épisode, Rébecca, atteinte d'une maladie mortelle, franchit une nouvelle fois les frontières de l'Autre-Monde en compagnie de Théo et Noé. Maxime se lance à sa recherche. En compagnie du grand-père de Rébecca, le premier à avoir découvert ce monde parallèle, il tombe sur une tribu de zombies dont font partie ses trois amis. Il va tenter de les délivrer.

Le monde imaginé par Nykko est de plus en plus complexe, noir aussi. Baleine des sables avaleuse d'hommes, fleurs mortelles, marais putrides... Un véritable cauchemar où l'esprit d'équipe des enfants est mis à rude épreuve. Certains vont craquer, devenir agressifs, penser que la vengeance peut soulager. Bref une superbe leçon de vie qui permettra aux adolescents de réfléchir sur une morale subtile et pas trop ostentatoire.

« Les Enfants d'ailleurs » (tome 5), Dupuis, 10,45 € 

mercredi 27 juillet 2011

BD - Le Burger ultime selon Arleston et Barbucci

Pour sa première infidélité aux éditions Soleil (Lanfeust, Trolls de Troy...) Arleston n'a pas pris n'importe qui comme dessinateur. Il s'est associé à Barbucci (Monster Allergy, WITCH) pour lancer une série sur la gastronomie aux éditions Glénat. Les deux premiers tomes de Lord of Burger, parus en 2009, ont été redécoupés et réédités pour en faire des albums de 48 pages. 

La nouveauté, le tome 3, entièrement dessiné par Barbucci, raconte la suite des aventures d'Ambre et Arthur, obligés de reprendre le restaurant gastronomique de leur père, Alessandro Caprese, mort après avoir été enfermé dans la chambre froide. Une reprise catastrophique car Ambre se désintéresse de la cuisine et Arthur s'est spécialisé dans les... hamburgers. Ce sont ces derniers pourtant qui vont les sauver. Sélectionnés pour une émission culinaire, ils remportent le gros lot avec une recette de burger au canard qui relance le restaurant. 

Humour très présent, quelques recettes en prime, une intrigue au long cours : ce Lord of Burger a tout pour devenir un succès de librairie.

« Lord of Burger » (tome 3), Glénat, 9,95 € 

mardi 26 juillet 2011

Roman - Dragon, magie, tueuse : trio gagnant

Tueuse de dragons n'est pas une sinécure. Jennifer Strange, la dernière en activité, a des problèmes pour assurer sa charge.

Dans ce monde imaginaire, les dragons ne font plus peur, pas plus que les magiciens ne font rêver. L'univers fantastique mis en place par Jasper Fforde dans ce roman est assez déroutant. Dans les premières pages on suit Jennifer Strange, 16 ans seulement, directrice de l'agence Kazam, dans une intervention de magie pratique. Crise aidant, trois magiciens sont réquisitionnés pour changer, en quelques secondes grâce à quelques passes et formules magiques, toute la plomberie d'une maison. Une intervention éclair qui permettra de remplir les caisses de plus en plus vide de Kazam. Jennifer n'est pas magicienne. Elle supplée la disparition du directeur, M. Zambini. Jennifer est une enfant trouvée confiée à l'agence. Elle est nourrie et logée contre neuf années de « servitude ». On pourrait penser que c'est de l'exploitation, mais comparé aux dortoirs de l'orphelinat, c'est très agréable.

Quarkon et Grizz Crevettes

Par petites touches, en multipliant les portraits de magiciens (Dame Mawgon l'irascible, le Mage Moobin, Plein Tariff, Nasil, spécialiste du tapis volant) ou de personnages secondaires, Jasper Fforde plante ce décor qui fait parfois penser à la folie douce d'Alice aux pays des merveilles. On découvre tout ce petit monde par l'intermédiaire de Jennifer, la narratrice. Elle est en permanence accompagnée de son quarkon, un petit animal fidèle et dissuasif. « D'accord, on dirait un tiroir à couteau, explique-t-elle au nouvel enfant trouvé, Grizz Crevettes, et il a l'air d'avoir envie de te réduire en charpie mais, en fait, il est très gentil. Il ne mange pratiquement jamais de chats. » Grizz Crevettes est un peu le poil à gratter de l'histoire. Encore très jeune, il est cependant supérieurement intelligent et comprend tout, très vite. Notamment que Kazam a des problèmes financiers ou que Jennifer est contestée par certains magiciens.

La sagesse du dragon

La magie, dans ce roman, est décrite comme un talent que tout le monde a plus ou moins. Une seule certitude, elle est en régression, de moins en moins forte. Pourtant, d'un seul coup, elle s'élève vertigineusement. Cela correspond à une prédiction formulée par plusieurs clairvoyants : le dernier dragon, Maltcassion, sera tué dimanche prochain à midi par une certaine Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons en activité.

En moins d'une semaine la vie de la jeune héroïne va basculer. Devenant effectivement tueuse, sa curiosité la poussera à discuter avec le dragon. Elle aura d'abord bien du mal à le localiser le confondant dans un premier temps avec un tas de pierres : « le tas de gravats s'est déplacé et j'ai senti le sol frémir. Le dragon a déroulé sa queue, l'a étirée, puis, s'en servant comme d'une brosse, s'est gratté le dos juste au-dessus des ailes repliées contre son épine dorsale. » Maltcassion, malgré son gigantisme, est loin d'être un monstre assoiffé de chair humaine comme le prétend la rumeur populaire. Le dragon se révèle être un sage plein de bon sens. Pourtant lui aussi admet que Jennifer le tuera dimanche à midi. Une chose que la jeune fille n'envisage pas. Et pourtant...

Jasper Fforde, en truffant son récit d'humour, british ou absurde, tient le lecteur sous son charme. Les amateurs de pure fantasy pourraient être déçus car il n'y a pas de grands combats ni d'exploits légendaires, mais il y gagnent au change car les aventures de Jennifer Strange se révèlent plus profondes, humaines et pleines de sens. Et une fois la dernière page tournée on n'a qu'une envie : retrouver Jennifer et Grizz Crevettes pour de nouvelles aventures. Et les pistes sont multiples, de l'origine de Jennifer, l'enfant trouvée, au mystère de la disparition de M. Zambini.

« Moi, Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons », Jasper Fforde (traduction de Michel Pagel), Fleuve Noir collection Territoires, 15,90 € 

samedi 23 juillet 2011

BD - Le Tueur devient capitaliste

Le Tueur voudrait bien prendre sa retraite. Fatigué d'assassiner sur commande, il a envie de vivre paisiblement près de la femme qu'il aime et de son enfant. Mais pas facile de décrocher. Notamment quand on se retrouve catalogué agent cubain par les « Étasuniens ». Tuer des affreux pour des clients encore plus mauvais, cela forge une conscience politique. 

Dans le précédent album, il semblait avoir choisi son camp. Mais finalement un nouveau contrat (et une entourloupe des Cubains) le pousse à accepter une proposition d'un ancien de la CIA et du lieutenant d'un cartel colombien : créer une société pour exploiter le pétrole cubain. Matz, le scénariste, inverse radicalement le parcours du héros. Même s'il n'était pas spécialement sympathique, il semble devenir ouvertement détestable. Mais cela ne pourrait être qu'une impression.

Cette série, complexe et prenante, n'a jamais été politiquement correcte et encore moins simpliste. Niveau dessin, Jacamon se permet de plus en plus de très grandes cases pour une mise en page dépouillée. On admirera plus spécialement cette fois ses décors désertiques à la chaleur implacable très bien rendue par les couleurs.

« Le Tueur » (tome 9), Casterman, 10,40 € 

vendredi 22 juillet 2011

BD - Séquelles d'expérience dans le tome 2 de "Phoenix" de Gaudin et Peynet

Parfois, dans une série, le tome 2 est l'occasion de livrer quelques clés au lecteur pour qu'il ait envie de d'acheter le titre suivant. Dans Phœnix, Gaudin le scénariste prend tout le monde à contrepied en amenant encore plus d'interrogations. Et paradoxalement, comme dans « Lost », l'excellente série télé, ça marche. 

On est toujours aussi perdu et intrigué, mais loin de vouloir décroché, ces interrogations supplémentaires donnant une furieuse envie de découvrir la suite. 

Il y a des années, un groupe de gamins a été victime d'une expérience alors qu'ils séjournaient sur une île du Pacifique. De nos jours, ils en subissent les conséquences, comme s'ils passaient dans un monde parallèle très comparable à l'enfer. En plus se suivre Jon, un des enfants devenu adulte, cette seconde partie se consacre en grande partie au cas de Mr Fincher. 

Ce vieillard semble dérangé. Il vit d'ailleurs dans un asile. Mais il semble véritablement affolé par les « autres » et craint qu'ils ne prennent sa place. Est-il fou ou victime d'une de ses inventions ? Une psychologue, en creusant dans son passé, découvre que ce scientifique a travaillé pour l'armée américaine. 

Magistralement écrit, dessiné avec brio par Peynet, c'est une des séries les plus prometteuse du catalogue Soleil.

« Phœnix » (tome 2), Soleil, 13,50 € 

mercredi 20 juillet 2011

BD - Violence, pouvoir et religion à "Méridia"

Dans le monde de Méridia, les différentes régions civilisées, en plus de se battre contre les barbares du Nord, doivent régulièrement s'entredéchirer dans des guerres fratricides. La période historique semble correspondre à la Renaissance italienne, avec cependant du fantastique en plus des intrigues. 

Cet univers riche et complexe imaginé par Thierry Gloris, le lecteur le découvre avec les yeux du jeune Lysandre. Ce novice, promis à la fonction de prêtre (ainsi qu'à la castration qui va de pair), est attaqué par des bandits de grands chemins. Ils massacrent la délégation et volent des fleurs de Dorkéïne très convoitées. Lysandre, capturé, est offert en cadeau au chef. On craint pour lui les pires sévices mais Baskia se révèle être son amour de jeunesse.

En plus de la violence, le sexe fait une étonnante apparition dans cette BD décidément hors genre. Un couple de héros ouvertement homosexuels, une prêtresse violée jurant de se venger, des créatures monstrueuses et des batailles sanglantes à l'épée : le lecteur en a pour son argent. D'autant que le tout est dessiné par Joël Mouclier, excellent peintre baroque.

« Méridia » (tome 1), Delcourt, 13,95 € 

dimanche 17 juillet 2011

Roman - Cocktail explosif de stars

Nounou de star, tel est le métier de Sunny Pascal. Il a beaucoup de travail sur le plateau mexicain de « La nuit de l'iguane », film de John Huston.

F.G. Haghenbeck, scénariste de bande dessinée mexicain, signe avec « Martini shoot » un roman aux hommage multiples. A une région du Mexique, à un style de polar, au cinéma hollywoodien et à la science des cocktails. Ces différentes composantes devraient permettre à tout un chacun de trouver au moins un intérêt à la lecture des aventures de Sunny Pascal.

Cet amateur de surf et de tequila gagne sa vie en protégeant les stars du septième art. Une sorte de détective privé intervenant avant le début des ennuis. Et s'il arrive trop tard, sa mission est d'aplanir les difficultés, d'étouffer tout scandale pouvant nuire à la réputation d'un réalisateur, de ses acteurs ou de la production.

D'origine mexicaine, Sunny est particulièrement content quand on lui demande de se rendre à Puerto Vallarta sur le plateau de la dernière production de John Huston, « La nuit de l'iguane ». Il connaît bien la région et va en faire une description paradisiaque. « Évidemment, il n'y a pas de cactus à Puerto Vallarta. Bien au contraire. La végétation est si dense et si verdoyante qu'on se demande pourquoi Dieu n'en a pas donné un peu au reste du pays. Il se peut que cet endroit soit son chouchou : il lui a donné la plage, la forêt tropicale et des belles femmes. Même Dieu est égoïste. » « Si ce Dieu égoïste avait créé Adam et Eve, ils étaient à coup sûr en train de siroter un cuba libre au bar d'un hôtel de Puerto Vallarta. » Un cadre enchanteur, loin de toute civilisation, mais qui ne laisse pas indifférent quelques promoteurs espérant profiter de la notoriété du film pour faire grimper le prix des terrains.

Recettes de cocktails

Sur place, Sunny découvre que l'ambiance est très tendue. John Huston, cigare aux lèvres, dirige ses acteurs d'une main de fer. Et ce n'est pas évident quand on connaît la distribution. Ava Gardner, sublime diva, Sue Lyon auréolée de son succès sulfureux dans Lolita et Richard Burton, alcoolique pourchassé par des dizaines de paparazzis. Et pour cause, l'acteur gallois vit depuis peu avec Liz Taylor qui a fait le voyage et bronze en compagnie de ses enfants sur la plage mexicaine. Bref, entre l'exubérance d'Ava Gardner, les caprices de Sue Lyon, les cuites de Richard Burton et les exigence de Liz Taylor, Sunny est souvent mis à contribution.

Rien de bien grave cependant, ce qui lui permet de passer ses journées au bar de la production à se rincer le gosier de cocktails exotiques dont la recette ouvre chaque chapitre. C'est un des nombreux charmes de ce roman ayant parfois des airs de reportage documentaire : on devient incollable sur les cocktails, leurs compositions et histoires.

Colts en or

Les affaires de Sunny se compliquent quand il découvre que John Huston a offert à chaque vedette du film un colt en or avec des balles en argent. Une de ces balles est retrouvée dans le cadavre d'un membre de l'équipe. Du boulot pour Sunny qui devra également déjouer les plans de voleurs de bijoux, de trafiquants de drogue, sans oublier les tracas occasionnés par la police corrompue. Le héros, souvent plus imbibé que de raison, passe son temps à être victime, comme balloté par des gens bien plus puissants et habiles que lui. Mais il a des atouts : la connaissance du terrain et surtout une inconscience à toute épreuve.

Un polar avec un petit côté rétro, un peu comme ces images en noir et blanc du film de Huston, chef-d'œuvre ayant beaucoup fait pour la renommée touristique du Mexique.

« Martini shoot », F. G. Haghenbeck, Denoël, 13,50 € 

vendredi 15 juillet 2011

BD - Abélard : du petit poussin au coq

Petit poussin deviendra grand. Mais un poussin, c'est naïf, très naïf. Abélard vit dans une minuscule maison au milieu des marais. Il a quelques amis avec qui il joue aux cartes ou va pêcher. Une existence placide. Morne et ennuyeuse aussi. 

Un jour, il croise des « citadins ». Ils sont en vacances. Parmi eux la belle Epilie. Le poussin rougit : coup de foudre immédiat. La belle repartant vers la ville, Abélard décide de la retrouver. Et pour gagner son cœur, il voudrait lui offrir un bouquet d'étoiles. Pour le cueillir il veut aller en Amérique. Il paraît que deux inventeurs viennent de fabriquer une machine qui permet de voler.

Une très jolie série animalière écrite par Régis Hautière (qui change totalement de registre) et dessinée par Renaud Dillies. Ce jeune Français installé en Belgique a un style très personnel. Ses personnages respirent la poésie, sont émouvants et ont des expressions très parlantes malgré leurs becs, groins et autres museaux...

« Abélard » (tome 1), Dargaud, 13,95 € 

mercredi 13 juillet 2011

BD - Princesse russe et blanche


URSS années 60. Perdu dans les steppes enneigées, le Village est un lieu hors du temps. Cette communauté, sanctuaire du marxisme-léninisme, est l'étape obligée des meilleurs agents soviétique. En pleine guerre froide, l'espionnage est un sport dangereux. La recherche des traitres occupe la majeure partie du temps des permanents du Village. Son chef, Fedor Grandcha, est le premier à accueillir la belle Sveltana Macha. 

Elle va être « testée » avant de partir aux USA pour une mission d'infiltration. Fedor tombe immédiatement amoureux de cette belle rousse, aussi belle que la Princesse des neiges, héroïne d'un roman qu'il lisait adolescent. Mais dans le Village, les apparences sont parfois trompeuses et les traitres ne sont pas toujours ceux que l'on croit. 

Écrite par Rodolphe, cette série fleurant bon une certaine nostalgie, est dessinée par Marchal. Son trait réaliste, fin et élégant, fait merveille dans ces campagnes enneigées. Quant à Sveltana, elle est d'une beauté à couper le souffle.

« Le Village » (tome 3), Bamboo collection Focus, 10,40 € 

lundi 11 juillet 2011

BD - "Fête des morts" : horrible tourisme sexuel au Cambodge

Le Cambodge, après avoir été mis en coupe réglée par les Khmers rouges, a retrouvé la liberté. Un nouvel eldorado pour certains profiteurs. Ainsi le tourisme sexuel est devenu une véritable industrie dans plusieurs régions. La police locale reçoit le renfort de quelques fonctionnaires européens, notamment pour faire la chasse aux pédophiles. 

Cette histoire glauque, écrite par Stéphane Piatzszek, est sans concession. On suit un policier français, Serge, dans son combat très dérisoire contre cette horreur. Un homme en colère mais également usé. Il n'a visiblement plus rien en Europe et n'est pas insensible aux charmes des femmes du cru. Il trouve un peu de réconfort dans les bras d'une prostituée, tout en s'infiltrant dans un réseau de pédophiles. Il assiste, écœuré, à la mise aux enchères du pucelage d'une fillette de 8 ans. La goutte d'eau qui va lui faire péter les plombs et le transformer en justicier sans pitié. 

Un long récit à ne pas mettre entre toute les mains, dessiné par Olivier Cinna au trait sombre faisant parfois penser aux ambiances de José Muñoz, illustrateur d'Alack Sinner.

« Fête des morts », Futuropolis, 18 € 

dimanche 10 juillet 2011

Roman - Retour sur un massacre misogyne à Montréal

Un homme a tué 14 étudiantes de Polytechnique à Montréal en 1989. Un fait-divers qui a marqué un pays. Elise Fontenaille le raconte.

« Vous êtes des femmes, vous faites des études scientifiques, vous allez être ingénieures... vous allez prendre la place des hommes, vous êtes des féministes, je hais les féministes. » Ces paroles sont de Gabriel Lacroix, un jeune Canadien. Il les prononce en tenant en joue une dizaine d'étudiantes. Il a fait irruption en ce 6 décembre 1989 dans une salle de classe. Il a ordonné aux hommes de quitter la pièce. Puis, quand il est seul avec ses futures victimes, il leur a tiré dessus, à bout portant, avec son fusil. Un carnage. Il a continué sa tuerie dans la grande école québécoise, ne tirant que sur les filles.

Cet « Homme qui haïssait les femmes » a réellement existé. Elise Fontenaille, romancière canadienne, a enquêté pour savoir ce qui provoqué sa folie meurtrière. Elle débute son récit par la description détaillée de ce carnage.

Dans le cœur

Ainsi, quelques secondes avant que la police ne se décide enfin à intervenir, Gabriel vient une nouvelle fois de faire feu sur une femme. « La fille, qui est seulement blessée, gémit et supplie qu'on l'aide... Il se baisse, calmement, pose son fusil, s'agenouille devant elle, sort un couteau de chasse de la poche intérieure de sa veste, le lui plonge droit dans le cœur... Une fois, deux fois, trois fois... Jusqu'à ce qu'elle soit tout à fait morte. » Ensuite, il se tire une balle dans la tête. Fin du massacre, début de l'affaire.

L'auteur, avant de détailler le parcours du tueur, raconte comment le mouvement féministe canadien radical a fortement influencé la société. Sortant de plusieurs décennies d'un catholicisme tout-puissant, le pays a tenté de rattraper son retard. « Au Québec, les féministes sont des guerrières. Elles sont bien plus vindicatives que leurs consœurs européennes, trop souvent dans la séduction, le dialogue : des féministes en dentelles. C'est comme ça qu'on les juge, souvent, ici. » Face aux revendications des femmes est né un mouvement masculiniste qui a rapidement tenté de récupérer la figure de Gabriel Lacroix pour le transformer en icône et en martyr.

Un père violent

Gabriel Lacroix et sa mère Pauline sont évidemment omniprésents dans ce roman. Cela donne des clés pour comprendre. Même s'il semble très illusoire de prétendre connaître la vérité. La mère de Gabriel, très croyante, a épousé un Algérien, musulman de surcroit. La lune de miel n'a jamais eu lieu. Un père absent, violent quand il réapparaît. « L'enfant grandit, les coups ne cessent pas, au contraire, ils redoublent, le père cogne l'enfant autant que la mère. Par la terreur qu'il exerce, il empêche Pauline de protéger son fils, il l'empêche de consoler l'enfant terrifié. Plus l'enfant hurle, plus les coups redoublent ; il frappe de préférence à la tête, là où ça fait le plus mal, sous les yeux de sa mère tétanisée. » Père violent et timidité maladive : ces deux pistes sont convaincantes. Du moins elles permettent de mieux cerner la psychologie de Gabriel.

Reste qu'il manque le facteur déclencheur, celui qui a poussé un jeune homme à transformer des mots, « Je n'aime pas les féministes » en actes barbares conduisant inexorablement à sa propre mort. Et une dernière question nous taraude en refermant le roman : qui Gabriel a-t-il essayé de tuer en abattant ces innocentes ?

« L'homme qui haïssait les femmes » d'Elise Fontenaille, Grasset, 14 € (disponible au format pôche au Livre de Poche) 

samedi 9 juillet 2011

BD - Carl Barks, l'autre père de Donald Duck

Une intégrale en 24 tomes ! L'empreinte de Carl Barks dans l'imaginaire des jeunes Américains est très certainement sous-estimée en France. Cet auteur complet a animé durant plusieurs décennies les aventures de Donald et de son entourage. C'est lui qui a inventé Picsou, Gontran et les Castors Juniors qui sont en couverture de cette troisième livraison. 

Vous pourrez lire, sur 380 pages, une vingtaine d'histoires menant nos héros de l'Amazonie à l'Alaska en passant par Donaldville en pleine période d'Halloween. La richesse de l'univers mis en place par Barks dépasse l'entendement européen. Cet inlassable créateur a magnifié un monde à peine ébauché par Walt Disney. 

Cette édition ultime de son œuvre (il est décédé en 2000) est complétée par des présentations très complètes de chaque histoire, la replaçant dans le contexte de l'époque, donnant certaines clés aux Européens sur les légendes d'outre-Atlantique.

« La dynastie Donald Duck » (tome 3), Glénat, 29 € 

mardi 5 juillet 2011

BD - "Les Petits Hommes" de Seron chez Dupuis, un trésor des années 70


Longtemps cantonnés aux second rôles dans les pages de Spirou, les Petits Hommes ont finalement réussi à s'imposer comme héros à part entière et ont quitté les histoires courtes pour des récits au long cours. Ce troisième volume de l'intégrale propose les planches dessinées par Seron entre 1973 et 1975. L'équivalent de quatre albums normaux, soit plus de 230 pages dont nombre d'inédites. 

Dans le dossier de présentation, il est expliqué que Seron, tout en s'améliorant côté dessin, désirait de plus en plus s'émanciper des scénarios un peu trop classiques de Mittéï. Il voulait mettre un peu plus de fantastique, de technique et aussi améliorer le rôle des femmes. Il animera seul les histoires suivantes, se permettant des innovations graphiques très en avance sur son temps. 

C'est un véritable trésor des années 70 injustement tombé dans l'oubli.

« Les Petits Hommes, l'intégrale » (tome 3), Dupuis, 24 € 

lundi 4 juillet 2011

BD - Avec Vernal, Hermann et Franz : Jugurtha for ever

La BD historique a connu ses heures de gloire quand lire un hebdo jeunesse permettait également de s'éduquer. A la fin des années 60, Hermann est sollicité pour illustrer la vie de Jugurtha, un Numide s'étant opposé aux Romains.

Le scénario, très documenté, est de Jean-Luc Vernal. Deux premières histoires qui ont marqué les lecteurs de Tintin réclamant sans cesse de nouvelles aventures de Jugurtha. En 1975, Vernal a donc cédé aux sirènes des fans et écrit la suite des exploits de ce rebelle, totalement imaginaire cette fois. C'est Franz qui a assuré la continuité graphique. 

Le premier tome de cette intégrale reprend les quatre aventures initiales. On appréciera plus particulièrement « L'île de la résurrection », histoire emblématique d'une certaine utopie très en vogue dans les années 70.

« Jugurtha, l'intégrale » (tome 1), Le Lombard, 24,95 € 

vendredi 1 juillet 2011

BD - Il était une fois, la vie triste d'un "Montreur d'histoires" africain


Ceux qui réduisent Zidrou à l'Elève Ducobu (dont l'adaptation au cinéma vient de sortir sur tous les écrans de France) passent à côté d'un scénariste à l'univers beaucoup plus vaste et riche. Régulièrement il signait dans les pages du journal Spirou des histoires courtes entre nostalgie et tendresse. On sentait les prémices de ces récits complets au long cours qui lui donnent une autre dimension. Il y a eu Lydie (Dargaud) et aujourd'hui « Le montreur d'histoires ».

Dans un pays d'Afrique de nos jours, un marionnettiste surnommé « Il était une fois », sillonne les pistes. Il amène rêve et bonheur dans les villages. Un expert dans cet art, bien qu'il n'ait plus de mains. Le souvenir douloureux d'un vieux contentieux avec un chef de la police qui règne en maître tout puissant sur une ville. Et pour revoir la femme qu'il aime, « Il était une fois » revient en ville, au risque de perdre encore plus.

Un album d'une centaine de pages, dessinées par Raphaël Beuchot découvert dans le cadre du Prix Raymond Leblanc 2008.

« Le montreur d'histoires », Le Lombard, 19,50 €