mardi 30 juin 2009

Littérature jeunesse - Selon Christophe Galfard, « La science peut alimenter l’imaginaire »

Avec son « Prince des nuages », Christophe Galfard nous emmène dans l’atmosphère - au sens propre - qui le fascine et dont personne ne sortira indifférent.


Grand, svelte, brun aux yeux tour à tour malicieux ou sérieux, le sourire ravageur, à 33 ans, Christophe Galfard a tout pour séduire. D’autant qu’il ne se contente pas d’avoir la tête bien faite mais également bien pleine ! Bref, impossible de résister à ce scientifique de haut niveau - école d’ingénieurs en France suivi d’un DEA en mathématiques à Cambridge (excusez du peu !) pour finir par un doctorat en physique théorique sous la direction du célèbre astrophysicien Stephen Hawking, grâce auquel il devient spécialiste des trous noirs et de l’origine de l’univers.

Tout le passionne !

Mais la plus grande qualité de C. Galfard reste sans doute son humilité désarmante et aussi son désir de transmettre son savoir. « Cela fait partie d’un être humain que d’essayer de comprendre le monde qui nous entoure » déclare-t-il. Même si vous êtes un parfait néophyte en la matière, il aura le plaisir et la patience de vous expliquer simplement les choses et je puis vous l’assurer, vous vous sentez nettement plus intelligent après son intervention ! « J’adore les histoires, confie-t-il, les raconter, vivre au travers d’elles nous ramènent vers notre réalité. Ce qui me plaît c‘est l’échange parce qu‘en transmettant je reçois énormément aussi ».

Selon lui, « la science est obligatoire parce que les solutions sont basées sur des choses rationnelles ».

N’allez pourtant pas vous imaginer que, comme pas mal de scientifiques, tout le reste lui paraît dérisoire. Son livre le prouve d’ailleurs, où l’on trouve des passages poétiques, d’autres drôles qui forment un parfait équilibre avec les encadrés scientifiques. « J’ai lu beaucoup de poésies. La science est incroyablement poétique. Une des caractéristiques de la poésie est de se retrouver minuscule dans un monde incompréhensible. »

Un roman en symbiose avec la science


Entre le jeune Tristam, le « rêveur » du groupe, son ami Tom et Myrtille, fille du roi des nuages du nord , détrôné par le Tyran, existent une complicité sans faille. Tous vivent dans un village bâti sur un nuage destiné à cacher Myrtille et paradoxalement, on entre dans l’histoire avec une facilité déconcertante, même si chacun sait que s’exiler sur un nuage paraît plutôt allégorique ! Le paradoxe est d’ailleurs toujours présent puisque les habitants y font pousser du riz ! « J’ai beaucoup réfléchi à ce qui pourrait croître sur ce qui n’est finalement que de l’eau et j’ai donc pensé au riz », sourit C. Galfard.

Hélas le Tyran finit par retrouver le nuage et décide de faire non seulement de tout le peuple ses esclaves mais en sus d’interférer sur le climat de la terre pour en faire une arme de guerre. Seule Myrtille se voit proposer par le Tyran lui-même de régner à ses côtés. Quant à Tristam et Tom, ils ont réussi in extremis à s’enfuir avant la capture générale sur une moto libellule programmée pour arriver dans un lieu bien précis. Tristam réussit à emmener un petit paquet soigneusement ficelé par sa mère, quant à Tom, il serre contre son cœur un livre qu’il a découvert quelques jours plus tôt à la bibliothèque « L’art subtil de la guerre des nuages ». Il est persuadé que, grâce à sa trouvaille, il pourra devenir Maître des Vents, battre le Tyran et ainsi sauver son peuple.

Le roman est scandé d’encadrés scientifiques, dosés juste comme il faut pour ne pas lasser le lecteur et extrêmement intéressants. Agrémentés de graphiques, ils sont à la portée des enfants à partir de neuf ans mais les adultes y trouveront aussi leur compte ! Les illustrations de Vincent Dutrait, auquel on doit aussi la couverture, toutes en noir et blanc, sont très expressives et traduisent un petit côté mélancolique qui n’est pas sans rappeler que sur terre - et dans les nuages - il se passe des choses terribles au niveau de l’écologie pour ne citer que celle-là. Et la guerre bien évidemment. « Une terrible vérité venait de le frapper de plein fouet : les batailles, les conflits et les guerres impliquent toujours des enfants ». Mais comme le fait remarquer C. Galfard, « il faut bien commencer par la mélancolie pour trouver la joie ! »

Un travail de chaque instant

C. Galfard ne s’en cache pas, il a beaucoup travaillé sur ce qui est devenu un petit bijou. « Parfois, j’ai du mal, mais j’adore quand même ! La recherche c’est un peu pareil, il faut faire preuve d’une imagination incroyable. La vraie recherche commence là où l’on ne sait plus ce qui se passe. Et mon inspiration est basée à 95% sur la science, le reste vient des lectures et d’un peu d’imagination ». Quand je vous disais qu’il n’avait pas la grosse tête… « Et puis, j’ai adoré faire de petits clins d’œil aux lecteurs mais aussi à moi-même ».

On attend avec impatience la suite dans un an.

Alors, chers parents de vos petites ou grandes têtes blondes, à présent que les vacances arrivent, petit conseil d’initiée, privilégiez le livre de C. Galfard à quelques devoirs de vacances. Ils en retiendront et en retireront certainement beaucoup plus. Et rien de vous empêche de le leur emprunter ! Parce qu’à mon sens, Christophe Galfard est sans conteste un vrai prince des nuages.

Fabienne HUART

« Le Prince des nuages », Christophe Galfard, Pocket Jeunesse, 19 €.

Christophe Galfard a également participé à l'écriture de “Georges et les secrets de l'univers” de Stephen et Lucy Hawking (Pocket jeunesse, 6,90 €) Photo : François Lebel 

lundi 29 juin 2009

BD - Gil Jourdan, un classique encore très moderne


Maurice Tillieux, s'il n'a pas connu le succès considérable de Franquin ou de Hergé, fait pourtant partie des maîtres de la bande dessinée franco-belge. Il était le premier à conjuguer récit policier avec humour. Son héros, Gil Jourdan, bien que datant du milieu des années 50, était incroyablement moderne pour l'époque. Gil Jourdan est de retour, avec son créateur, dans une très belle intégrale dont le premier volume reprend les quatre albums parus entre 1956 et 1960. 

Le jeune détective privé, ambitieux, intrépide et courageux, a l'appui de deux amis, Croûton et Libellule, grands pourvoyeurs de scènes comiques. Le premier est un policier, le second un gangster repenti. Le trio a aussi contribué à la mode des belles bagnoles, souvent fracassées dans de spectaculaires accidents. 

L'intégrale bénéficie d'une riche introduction de 32 pages retraçant, en texte et en images, les débuts de Tillieux.

« Gil Jourdan, l'intégrale » (tome 1), Dupuis, 24 €  

dimanche 28 juin 2009

BD - Amour en noir et blanc


Blanche, jeune femme du XVIIIe siècle, vient de prendre pour époux un noble de 50 ans. Un riche entrepreneur qui ne peut même pas lui consacrer sa nuit de noces. Blanche, toujours vierge, se retrouve quasiment prisonnière dans la vaste demeure de son époux, sur une île battue par les vents de l'Atlantique. Ses voisins, comme ses domestiques, sont exécrables avec elle. 

Seul Toumaï, esclave noir ramené en Europe par l'époux, ne dit pas du mal d'elle dans son dos. A cette époque, les Noirs étaient assimilés à du bétail. Pourtant Toumaï est beaucoup plus humain que n'importe quel insulaire. Blanche va rapidement s'en rendre compte et malgré la chape des interdits et des conventions, ils vont finir dans les bras l'un de l'autre. 

Superbe histoire d'amour, cette parabole sur l'intolérance est signée Thierry Chavant, un auteur mettant son dessin classique au service d'une intrigue forte.

« Blanche » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

samedi 27 juin 2009

BD - Tirs nourris à proximité de Naja


Le monde de Naja n'est fait que de souffrance, de blessures et de morts. Naja est tueuse. Elle travaille pour une mystérieuse organisation qui classe ses employés. Naja est numéro 3. Le personnage principal de ce troisième volet de ses aventures, c'est le numéro 2. Il a un contrat et compte bien le remplir : tuer le numéro 1. 

Pas pour prendre sa place. Simplement pour faire ce pour quoi on le paie. Sans se poser de questions sur le nom du commanditaire ou la raison de l'élimination. Dessinée par Bengal, cette BD est atypique. Quasiment pas de dialogue, mais un texte narratif lancinant, froid. A l'image des trois tueurs lancés les uns contre les autres. 

Morvan signe certainement sa meilleure série, très littéraire et psychologique, même si cela ne cesse de tirer ou découper à chaque coin de case. Le lecteur est comme hypnotisé par cet univers, notamment celui de Naja, la tueuse qui ne fait pas la différence entre souffrance et orgasme.

« Naja » (tome 3), Dargaud, 13,50 € 

vendredi 26 juin 2009

Roman - Confidentialité assurée


Inspectrice de fidélité, tel est le métier de Jennifer Hunter. Elle est engagée par des femmes soupçonneuses et tend des pièges aux maris supposés volages. Ce roman de Jessica Brody, jeune Américaine par ailleurs scénariste, est en cours d'adaptation en série télévisée. Il est vrai que l'infidélité est un filon sans fin. D'autant que les scènes sexy sont nombreuses, Jennifer payant de sa personne pour coincer les fautifs.

L'extrait : « Sans cesser de m'embrasser, il m'a retiré ma veste. Puis il s'est attaqué à mon chemisier, un bouton après l'autre. Je n'ai pas protesté. Le chemisier a glissé et la vue de mon balconnet en dentelle bleu lavande lui a arraché un soupir comblé. Naturellement, c'était flatteur. Comment est-ce qu'il en aurait été autrement ? » (Fleuve Noir, 18,90 €) 

jeudi 25 juin 2009

Roman - Le jade et le rubis


Kate Furnivall, pour son premier roman, signe un pavé de près de 500 pages alliant souffle historique, dépaysement et amour impossible. Chassée de Russie par les Bolchéviques, Valentine se réfugie en Chine en compagnie de sa fille Lydia. Une belle adolescente de 15 ans qui va rencontrer l'amour dans une venelle des bas-fonds de la ville. Coup de foudre pour Chang An Lo, révolutionnaire intrépide ayant choisi le camp de Mao. Sur fond de révolution, les deux amoureux vont devoir choisir entre leur conscience de classe et cet amour absolu.

L'extrait : « D'un geste de la main, Lydia repoussa une mèche de cheveux qui avait glissé de sous son chapeau et, ce faisant, elle notait que l'étranger retenait son souffle et esquissait un sourire. Il tendit la main et elle crut qu'il allait passer les doigts dans sa chevelure flamboyante, mais il désigna simplement le vieil homme qui avait rampé jusqu'au seuil d'une habitation. » (Calmann-Lévy, 20,90 €) 

mercredi 24 juin 2009

Roman - La disparue du désert


Deux jours avant son mariage, Nouf, riche héritière d'une dynastie saoudienne, disparaît. Nayir, guide palestinien connaissant parfaitement le désert est chargé de retrouver la jeune femme, âgée de 16 ans. Zoë Ferraris, dont c'est le premier roman, a longtemps vécu en Arabie Saoudite. Elle a parfaitement cerné les déchirements de cette société, entre envie de modernité et respect des traditions. Nayir, pauvre et pieux, va découvrir les rêves de Nouf, lui donnant l'occasion à lui aussi d'ouvrir les yeux sur un autre monde.

L'extrait : « Nayir fit de son mieux pour oublier son rêve de la nuit. Il avait encore rêvé de Fatima ; il ne l'avait pas revue depuis près de quatre ans, pourtant les rêves étaient plus vivaces à chaque fois. Elle était la seule femme qu'il eût jamais courtisée. (...) Son tempérament calme et le petit rire nerveux avec lequel elle avait salué ses plaisanteries lui avaient donné l'impression que c'était une jeune fille convenable et pudique. » (Belfond, 21,50 €) 

mardi 23 juin 2009

Roman - Les fables de sang


Revivez les intrigues ayant secoué Versailles à la fin du 18e siècle, quand Marie-Antoinette s'imposait face à un Louis XVI rapidement dépassé. Une enquête policière menée par Pietro Viravolta, espion venu de Venise pour servir la reine. Alors qu'un tueur en série sème la terreur dans les jardins de Versailles, Pietro va découvrir la solution de l'énigme dans des fables au goût de sang. Arnaud Delalande parvient parfaitement à retranscrire l'ambiance de la cour et de ce petit monde à part, celui de Versailles.

L'extrait : « Louis regarda de nouveau Marie-Antoinette. Des larmes vinrent perler à leurs yeux. Lorsque les courtisans et leur entourage arrivèrent, se bousculant à leur porte, ils les trouvèrent agenouillés tous deux, qui sanglotaient. Et Louis XVI murmurait : Mon Dieu, gardez-nous, protégez-nous... Nous régnons trop jeunes ! » (Grasset, 18 €) 

lundi 22 juin 2009

Roman - Les quatre saisons


Laurel Corona raconte avec un luxe de détails historiques l'amour fusionnel (tout en restant platonique) de Vivaldi pour une jeune fille virtuose : Maddalena. L'auteur va relater, sur plusieurs années, cette complicité jamais mise en défaut malgré les événements qui vont infléchir leurs destins. Le romantisme est au rendez-vous, avec évocation de spectacles à l'opéra et les audacieuses scènes de carnaval, le roman se déroulant en grande partie à Venise.

L'extrait : « Vivaldi fit glisser son archer sur les cordes de telle sorte que chaque note s'en trouva libérée et que se dégagea la mélancolie que Pellegrina avait refusé d'entendre. Il se tenait de profil et Maddalena ne cessait de le regarder. Quand il ferma lentement les yeux pour s'immerger totalement dans sa musique, elle eut l'impression d'être la seule personne au monde capable de le comprendre. » (Pygmalion, 20,90 €)

 

dimanche 21 juin 2009

BD - Triste futur raconté par Bruno Gazzotti, Ralph Meyer et Fabien Vehlmann


« Des lendemains sans nuages » était paru en 2001. Cette réédition donne une seconde chance à une œuvre passée presque inaperçue mais qui marquait les débuts d'auteurs qui depuis ont explosé. Au scénario Fabien Vehlmann. Il lie des histoires de science fiction par une intrigue plus générale de futur apocalyptique. Depuis il a signé Ian, le marquis d'Anaon et vient de reprendre Spirou et Fantasio. Au dessin deux jeunes aux trajectoires parallèles. 

Meyer a débuté avec Tome dans Berceuse assassine. Depuis il a signé le premier tome de « XIII Mistery » sur la Mangouste. Gazzotti, après avoir animé les pages de l'hebdo Spirou et être l'assistant de Janry, a repris Soda et retrouvé Vehlmann pour la série « Seuls ». Bref, ne boudez pas votre plaisir en redécouvrant les débuts de trois auteurs talentueux. 

De la SF qui s'inspire de Philip K. Dick avec une tentative de modifier le futur pour éviter qu'un tyran ne prenne le pouvoir. Mais cela en vaut-il véritablement la peine ?

« Des lendemains sans nuage », Le Lombard, 14,50 € 

samedi 20 juin 2009

BD - Le réveil de Megan dans le tome 5 de WEST


Après deux cycles permettant de bien présenter les membres de WEST (une sorte de police gouvernementale non officielle), les auteurs se lancent dans un nouveau dyptique centré autour du chef, Morton Chapel et de sa fille, Megan. A New York, au début du siècle dernier, Kathryn Lennox tente de faire sortir Megan d'une léthargie de 15 ans. La jeune femme est dans cet état depuis que son père a tué sa mère. Selon Morton Chapel, sa femme était possédée par un démon, Seth. Lennox, psychiatre formée par Freud ne croit pas à cette histoire fantastique. 

Pourtant elle devra revoir sa copie quand Megan va s'enfuir de l'asile où elle était enfermée et semer la terreur en compagnie d'un mystérieux compagnon. 

Dorison et Nury, les scénaristes, semblent décidés à faire radicalement évoluer l'équipe de WEST. Rien ne sera plus jamais comme avant. Seule constante : le dessin de Rossi, léger, précis et faisant de plus en plus appel à la couleur directe.

« WEST » (tome 5), Dargaud, 13,50 €

 

vendredi 19 juin 2009

BD - Soldats et magie dans "Last Bullets de Lelis et Ozanam


Il s'appelle Lelis. On ne sait pas grand chose de ce dessinateur si ce n'est qu'il est Brésilien. Et talentueux. Phénoménal même. Ses trognes en couleurs directes vous explosent au visage comme autant de grenades dégoupillées. Il semble dessiner sans faire de croquis. Cela donne une puissance supplémentaire à ses planches. Pour sa première collaboration en Europe, il a illustré un scénario d'Ozanam dans la collection Kstr. Un choix qui manque de visibilité mais lui donne toute latitude pour dérouler son art sur plus de 110 pages. 

Les trognes, ce sont des soldats confédérés, faits prisonniers puis évadés. Ils trouvent refuge dans le bayou. Ils sont à la recherche d'un trésor. Un immense trésor. Celui amassé par les lutins, elfes et farfadets vivant cachés dans ce monde magique. D'un côté des brutes absolues, de l'autre des êtres féeriques mais plein de malice. Une opposition d'univers magnifiée par Lelis qui devrait très certainement refaire parler de lui.

« Last Bullets », Casterman, 16 € 

jeudi 18 juin 2009

Un thriller français obscur et terrifiant signé Paul-François Husson

Un enfant non voyant appréhende le monde différemment. Les dangers sont omniprésents. Paul-François Husson le raconte dans « Peur aveugle ».


Il a peur du « Monstre-Lumière ». Dans ses pires cauchemars, Mattieu se fait attaquer par cet être imaginaire représentant toutes ses angoisses face à une possible guérison. Mattieu est aveugle, mais pourrait retrouver la vue après une greffe de la cornée. Un gamin d'une dizaine d'années est au centre de ce thriller français très psychologique.

A 18 mois, Mattieu a perdu la vue dans un accident de voiture. Sa mère également. Elle était au volant. Julien, son père, inventeur farfelu, a vu sa vie basculer. Il a retrouvé l'amour, quelques années plus tard, auprès d'Alice, chirurgien qui soigne Mattieu. Alice, elle aussi durement frappée par les aléas de la vie. Encore un accident de la circulation. Elle conduisait. Si elle est sortie indemne de la collision, ce n'est pas le cas de son mari ni de son fils, tous deux décédés. Julien et Alice, deux écorchés vifs, ont trouvé dans leur parcours commun des raisons pour se soutenir, s'aider, s'aimer.

Une fois les personnages présentés, Paul-François Husson déroule son roman qui se déroule en deux jours et deux nuits. Ce sont les vacances. La famille recomposée (il y a également Isabelle, la sœur aînée de Mattieu, adolescente rebelle et protectrice) part faire du camping au bord du Lac Noir. Un lieu essentiel pour Julien. C'est là, 11 ans auparavant, qu'il a conçu Mattieu avec sa première femme. Il est persuadé que dans ce site chargé de symbole, Mattieu va retrouver la vue. Alice l'a opéré quelques mois auparavant. S'il doit redevenir un voyant, c'est maintenant.

Attaque nocturne

Dès les premiers instants, dans la voiture, l'auteur décrit ce climat tendu, où chacun se méfie de l'autre. Julien tient la destination secrète, Mattieu fait de plus en plus de cauchemars, Alice est sur les nerfs à cause de son travail, Isabelle aurait préféré aller à la mer. Les embouteillages ne font que compliquer les choses. Un premier accrochage avec un camping car fait monter la pression. L'énervement se transforme en peur. D'autant que dans les toilettes d'une aire d'autoroute, Mattieu se fait attaquer. Quelqu'un essaie de lui crever les yeux. Il est persuadé qu'il s'agit du Monstre-Lumière qui hante ses nuits. Seul, dans un endroit qu'il ne connait pas, le jeune aveugle est à la merci de son agresseur : « Immobile, l'enfant fit un effort considérable pour ne pas sombrer dans une panique qui l'avait souvent humilié. Courageux, il fit deux pas hésitants, trébucha sur des câbles, resta un instant en suspens, avant de s'étaler de tout son long. » Mais ce n'est que le début de ces deux jours de terreur. Arrivé au Lac Noir, la petite famille découvre un endroit désert et abandonné. Une panne d'essence au bord de la route leur fait passer une nuit éprouvante. Une nuit peuplée de monstres et d'agresseurs imaginaires. Comme si les cauchemars de Mattieu prenaient vie. L'angoisse et la terreur vont s'installer, les véritables personnalités des uns et des autres se révéler.

Un final haletant et plein de surprises boucle ce thriller français porté par le personnage de Mattieu, magnifique portrait d'enfant trouvant des ressources inespérées dans le souvenir de sa mère.

« Peur aveugle », Paul-François Husson, Editions Anne Carrière, 19,50 € 

mercredi 17 juin 2009

BD - Boris Vian intime dans "Piscine Molitor"


50 ans après la mort de Boris Vian, Hervé Bourhis (scénario) et Christian Cailleaux (dessin) retracent en 72 pages passionnantes, la vie et l'œuvre de cet écrivain qui refusait de se laisser enfermer dans un art. Des déboires financiers de ses parents à sa vie brillante et un peu dissolue de ses années de gloire, les auteurs nous font découvrir un homme dévoré par la passion de créer. Parfois au détriment de sa famille : il a rejeté ses enfants, sources de dispersement de son inspiration. 

Une vie entre passion nocturne et ennui du travail de fonctionnaire. Très tôt frappé par une maladie cardiaque, Boris Vian a beaucoup fréquenté la piscine Molitor les derniers mois de son existence. Il était persuadé qu'en restant longtemps en apnée au fond de l'eau, son cœur guérirait...

« Piscine Molitor », Dupuis, 15,50 euros 

mardi 16 juin 2009

BD - Taillefer à la guerre


Plus le temps passe et plus la guerre de 14/18 inspire les scénaristes français de bande dessinée. Après Tardi et Morvan, c'est Xavier Dorison qui propose sa vision de ce grand affrontement. Tout en dénonçant cette immense boucherie, il donne un tour plus fantastique à sa série, « Les Sentinelles », dessinée par Enrique Breccia. 

Quelques savants, s'appuyant sur les progrès de la mécanique, ont greffé à des soldats volontaires des membres d'acier. Reste à trouver une source d'énergie. Ce sera Gabriel Féraud qui mettra au point une pile au radium. 

Il pourra la tester en devenant Taillefer, sorte d'Ironman de l'armée française, très efficace pour enfoncer les lignes allemandes. Les deux premiers tomes paraissent simultanément.

« Les Sentinelles » (tomes 1 et 2), Delcourt, 14,95 euros 

lundi 15 juin 2009

BD -Pèlerinage gitan


Le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer est le plus grand rassemblement des gens du voyage en Europe. Des milliers de Gitans se retrouvent fin mai pour une cérémonie religieuse devenue une véritable attraction touristique pour la région. 

Le reportage dessiné de Kkrist Mirror est pourtant à l'opposé absolu de ces clichés vus et revus. L'auteur a participé à quatre pèlerinages. Il s'est imprégné de cette ambiance, regardant ces hommes et femmes persécutés des siècles durant. Il a retrouvé dans les portraits cette fierté mise en avant dans la préface de Tony Gatlif. 

Une BD très personnelle suivie de plusieurs textes inédits sur le peuple rom, toujours illustrés par cet auteur ayant déjà signé « Tsiganes », toujours chez EP Editions.

« Gitans », Emmanuel Proust Editions, 19,90 euros 

dimanche 14 juin 2009

SF - Fondation, la totale

Les éditions Folio SF proposent, au format poche, les cinq titres du cycle de Fondation d'Isaac Asimov. Un chef-d'oeuvre de la science-fiction.


Dans le Cycle de Fondation (qui a reçu, en 1966, le prix Hugo de « la meilleure série de tous les temps »), Isaac Asimov imagine le futur de l'humanité. Il commence avec l'effondrement d'un empire galactique qui se décompose. Les trois premiers tomes, écrits entre 1951 et 1953, composent le coeur du cycle. Les deux derniers opus ont été rajoutés en 1982 et 1986. Voici les résumés fournbis par l'éditeur des cinq volumes :

FONDATION

En ce début de treizième millénaire, l'Empire n'a jamais été aussi puissant, aussi étendu à travers toute la galaxie. C'est dans sa capitale, Trantor, que l'éminent savant Hari Seldon invente la psychohistoire, une science nouvelle permettant de prédire l'avenir. Grâce à elle, Seldon prévoit l'effondrement de l'Empire d'ici cinq siècles, suivi d'une ère de ténèbres de trente mille ans. Réduire cette période à mille ans est peut-être possible, à condition de mener à terme son projet : la Fondation, chargée de rassembler toutes les connaissances humaines. (416 pages, 5,50 €)

FONDATION ET EMPIRE

Tandis que les crises qui secouent l'Empire redoublent de violence et annoncent son effondrement définitif, la Fondation devient de plus en plus puissante, suscitant naturellement convoitise et visées annexionnistes. C'est alors qu'apparaît un mystérieux et invincible conquérant, surnommé le Mulet, que le plan de Seldon n'avait pas prévu... (432 pages, 6 €)

SECONDE FONDATION

La Fondation est désormais aux mains du Mulet, un mutant imprévisible capable de manipuler les esprits et d'imposer sa volonté à quiconque. Avec ses pouvoirs et les immenses ressources que lui procurent la Fondation, il s'est donné pour objectif d'étendre sa domination aux ultimes vestiges de l'Empire défunt. Mais déjà une nouvelle légende prend forme : il existerait une seconde Fondation, consacrée aux sciences mentales, œuvrant de façon occulte pour garantir l'accomplissement des desseins du légendaire Hari Seldon... (432 pages, 6 €)

FONDATION FOUDROYÉE

Cinq siècles après l'établissement des deux fondations, alors même que la Première Fondation n'a jamais été aussi puissante, un nouveau protagoniste semble entrer en jeu, œuvrant dans l'ombre à l'insu de tous. Peut-être tient-il entre ses mains le devenir de l'humanité tout entière... (640 pages, 7 €)

TERRE ET FONDATION

Tout porte à croire que le légendaire berceau de l'humanité se trouve au cœur d'un vaste plan à l'échelle galactique, destiné à garantir en coulisses la pérennité de la civilisation : une synthèse parfaite entre le matérialisme de la Première Fondation et le mentalisme de la Seconde. (688 pages, 7,60 €)

Ces titres, qui peuvent se lire indépendamment les uns des autres, sont également proposés dans un élégant coffret à 32,10 euros.

samedi 13 juin 2009

BD - Rubine, aussi belle que Natacha


François Walthéry a la réputation d'être lent. Très lent. Un dessinateur exceptionnellement doué, mais trop pointilleux, méticuleux. Après avoir usé ses fonds de culottes aux studios Peyo, il a volé de ses propres ailes en lançant Natacha : la première héroïne ouvertement sexy tout en étant publiée dans un journal pour la jeunesse. Elle a remporté un beau succès, et c'est pour qu'elle soit plus présente dans les pages de Spirou qu'il a pris des assistants pour dessiner les décors. Mittéï, Laudec, Jidéhem et même Will.

Natacha existe toujours, mais n'est plus la priorité de Walthéry. Il préfère se consacrer aux aventures de Rubine, flic américain à la plastique tout aussi rebondie que Natacha. Mais même là, Walthéry est au service minimum. Normalement, il se contente de dessiner l'héroïne. Mais dans le 11e titre de la série, « Photo de classe », il semble que Di Sano, le nouveau dessinateur, ait tout réalisé. Cela n'enlève rien à l'intérêt de l'album qui bénéficie toujours des scénarios denses et plein de rebondissements de Mythic. La belle Rubine, filmée 24 h/24 par une équipe de télévision pour faire la promotion de la police de Chicago, va enquêter sur une histoire de chantage. Dix ans auparavant, un adolescent est mort noyé dans un lac gelé. Une cassette vidéo prouve qu'il a été poussé par ses camarades. Des élèves devenus adultes, riches, et qui doivent payer pour cette faute de jeunesse. Une intrigue qui se double des agissement machiavéliques d'une riche famille bourgeoise. Ce nouveau cycle verra sa conclusion dans le prochain titre, « Lac Wakanala ».

« Rubine » (tome 11), Le Lombard, 9,45 €


P. S.
Pour les nostalgiques de Natacha, les éditions Dupuis reprennent les aventures de la belle hôtesse de l'air dans des intégrales richement documentées. Le 3e tome, récemment paru, reprend les « Voyages dans le temps » dont les excellents « Instantanées pour Caltech » et « Les machines incertaines ». (Dupuis, 18 €) 

vendredi 12 juin 2009

BD - Le Petit Spirou en best of


Comment bonifier le succès d'une série bien installée ? En proposant des compilations permettant de faire patienter les lecteurs avides de nouveautés. Après avoir testé la formule avec Cédric, les éditions Dupuis récidivent avec Le Petit Spirou, héros culotté du au talent de Tome et Janry. « Le Petit Spirou présente » comptera cinq volumes mettant en vedette cinq personnages-clés de la série. 

Les deux premiers titres viennent de sortir et mettent à l'honneur M. Mégot, les prof de gym et Grand-Papy. Trois autres suivront prochainement, Mademoiselle Chiffre, Vertignasse et les copains puis Suzette et autres amours du Petit Spirou. Ces albums à petit prix (7,50 euros) sont composés d'une trentaines de gags et d'une histoire complète. Dans le premier on retrouvera toute la force comique de M. Mégot, le prof de gym le plus idiot de la planète. 

Des compilations qui offrent en plus la possibilité aux amateurs de dessin de suivre l'évolution du trait de Janry car il y a plus de 15 ans d'écart entre les premiers gags et les récents.

« Le Petit Spirou présente » (tomes 1 & 2), Dupuis, 7,50 € 

jeudi 11 juin 2009

BD - Histoire de bougies


Cela ressemble au cadeau idéal à offrir à un ami pour son anniversaire. Ces albums très marketing, pas toujours très réussis. Mais Jim, sur un sujet qui pourtant s'y prête, a choisi la difficulté. Au lieu d'accumuler les gags et poncifs sur le thème, il débute son album sur une réflexion sur l'âge et le temps qui passe. 

Le héros, Benji, a 29 ans. Pour un jour encore. Demain, il fête ses 30 ans. Une fête qui l'angoisse car pour lui c'est le début de la fin, les prémices de la vieillesse. Ses amis vont organiser une fête surprise, mais il va l'ignorer, passant une soirée déprimante en compagnie de sa voisine, une retraitée fan de « Questions pour un champion ». 

La fête aura finalement lieu, ailleurs, et avec quelqu'un d'autre en vedette, car il n'y a pas que Benji qui prend une bougie de plus en pleine figure chaque année. Une histoire fluide, entre humour, nostalgie et désespoir. Le dessin très gros nez et caricatural augmente les effets. Et cela se termine en happy end. Enfin presque...

« Et paf ! Un an de plus en pleine figure ! », Soleil, 9,95 € 

mercredi 10 juin 2009

BD - L'élève Ducobu fait relâche


Le seul intérêt de l'école, selon l'élève Ducobu, c'est que cela justifie les vacances d'été. Et il faut bien deux mois complets pour permettre au plus grand cancre de la BD franco-belge de récupérer de ses brimades quotidiennes, interros surprises et autres punitions. 

Ce quinzième recueil de gags du héros imaginé par Zidrou et dessiné par Godi paraît en juin. Intitulé « Ça sent les vacances ! » il est fidèle aux précédents. Ducobu, toujours aussi nul, invente quelques astuces pour copier sur Noémie Gratin, la bonne élève, seule consolation de l'instituteur Latouche mis à rude épreuve par les trouvailles du héros. 

Car si Ducobu ne sait pas (et ne saura jamais) combien font 6 x 7, il parviendra malgré tout à obtenir la réponse par mille subterfuges aussi inventifs que farfelus, souvent dignes des plus grands savants et scientifiques. Ducobu n'est pas idiot. Simplement fainéant et surtout hermétique à cette façon de transmettre le savoir. 

Ducobu en fait rire certains, il devrait en faire réfléchir d'autres, notamment du côté du corps enseignant.

« L'élève Ducobu » (tome 15), Le Lombard, 9,45 € 

mardi 9 juin 2009

Thriller - "La bête" : dérangeant et bestial

Ce polar suédois de Roslund et Hellström plonge le lecteur dans l'horreur de la pédophilie et de la vengeance aveugle.


Pour faire un bon thriller, l'intrigue compte beaucoup. Mais les personnages peuvent parfois rattraper une histoire un peu trop simple. C'est un peu le cas de ce roman suédois. L'histoire, on la devine assez rapidement au bout d'une trentaine de pages. Mais le dénouement attendu intervient en milieu d'ouvrage. Toute la force du bouquin réside dans cette seconde partie, s'éloignant du roman policier classique pour marcher sur les platebandes de la psychologie et des faits de société.

Roslund et Hellström, le deux auteurs, commencent par bien présenter les différents protagonistes. Avec un prologue qui fait froid dans le dos. On suit Bernt Lund dans sa chasse aux petites filles. Comment il parvient à accaparer l'attention de deux amies rentrant d'un entraînement de gymnastique, sa méthode pour les mettre en confiance pour mieux les violer et les massacrer après.

Evasion et récidive

C'était il y a dix ans. Aujourd'hui, Lund est en prison. Le « pointeur » comme le surnomme les autres prisonniers n'éprouve aucun regret. Il n'est pas guéri. Au contraire, il n'a qu'une idée, qu'une envie : recommencer. Lund placé à l'isolement mais qui profite d'une consultation chez un médecin à l'extérieur de la prison pour s'évader.

Au même moment, on suit les destinées des autres protagonistes qui vont se retrouver mêlés à l'histoire de Lund. Fredrik Steffansson, écrivain, récemment divorcé, habitant avec sa fille Marie, âgée de cinq ans. Le commissaire Ewert Grens, bourru et taciturne, ne vivant que pour son travail, Sven Sundkvist, son adjoint ; il devait fêter ses 40 ans en compagnie de sa famille. La petite réunion attendra. Un flic calme et à l'écoute mais de plus en plus dégoûté par un métier trop exigeant.

Et puis il y a la vie dans la prison. Lillmasen, violent et bagarreur, est le prisonnier modèle. La prison c'est son monde. Il a essayé, mais ne peut plus vivre à l'extérieur. Il a une haine viscérale des pointeurs ayant été lui même victime d'un oncle pédophile. C'est d'ailleurs à cause de lui qu'il a fait son premier séjour derrière les barreaux. Il s'était vengé avec un pic à glace. Il n'avait pas tué l'oncle mais fait le nécessaire pour qu'il ne viole plus les petits garçons.

Le malheur du père

Toute une galerie de personnages qui vont se croiser, se rencontrer, se tuer. Cela commence par Lund. Assis sur un banc à l'entrée d'un jardin d'enfant, Fredrik, en y conduisant Marie, le salue, croyant avoir affaire à un parent. Quelques heures plus tard, Marie se fera accoster par le monsieur à qui son papa à dit bonjour. Elle lui fera confiance... Marie avait cinq ans. Son autopsie, décrite avec réalisme par les auteurs, donne une exacte idée de l'ampleur de l'horreur et du malheur qui frappe Fredrik. Persuadé que Lund va recommencer, il décide de se mettre en chasse. De le trouver avant la police pour l'éliminer, pour protéger les futures victimes.

Le roman glisse alors vers l'analyse de ce besoin de vengeance, de l'utilité de la peine de mort et, d'une façon plus générale, de l'efficacité de la justice. Avec cet exemple qui peut transformer un père de famille meurtrier en héros de toute une nation.

« La bête », Roslund et Hellström, Presses de la Cité, 20,50 € 

lundi 8 juin 2009

BD - Hommes contre bêtes dans "Le bois des vierges"


En créant un pole BD, les éditions Robert Laffont avaient lancé des séries très prometteuses. Mais au bout d'une année, l'éditeur généraliste jetait l'éponge. Heureusement les éditions Delcourt ont repris le fond et proposent une nouvelle édition de la BD la plus remarquée à l'époque : « Le bois des vierges ». 

Au scénario, Jean Dufaux a signé un conte entre Roman de Renart et la Belle et la Bête. Il a offert ce récit à Béatrice Tillier qui a magnifiquement illustré cette histoire universelle de guerre entre les races. Au début du premier tome, pourtant, tout semble s'arranger. Les hommes ont fait la paix avec les bêtes de grande taille. La belle Aube va d'ailleurs épouser Loup de Feu. Mais au cours de la nuit de noces, l'animal est assassiné par sa jeune femme. La vengeance des bêtes sera sanglante. Aube s'enfuira, trouvant refuge dans le Bois des vierges. 

Des années plus tard, la guerre fait toujours rage. La paix pourrait passer par la réconciliation des anciens protagonistes. On est en admiration devant les dessins criant de réalisme de Béatrice Tillier.

« Le bois des vierges » (tome 1), Delcourt, 13,95 € 

dimanche 7 juin 2009

BD - Le retour indirect de Jessica Blandy


Il est des héroïnes BD dont il est difficile de faire le deuil. Mais ce ne sont que des créatures de papier totalement dépendantes du bon vouloir de leur créateur. Dans le cas de Jessica Blandy, c'est le scénariste, Jean Dufaux, qui a souhaité mettre fin aux aventures de la belle. Au grand regret du dessinateur, Renaud. C'est ce dernier qui a fait le forcing pour retrouver l'ambiance de cette BD alliant violence, érotisme et fantastique. 

Dufaux a donc repris du service, pour trois tomes, proposant au lecteur de cheminer sur « La route Jessica ». Dans le premier opus, « Daddy », les différents personnages sont tous à la recherche de Jessica Blandy. La dernière piste passe par son psychanalyste. Mais ce dernier ne restera que peu de temps en vie. Séduit puis massacré par Agripa, cette dernière bénéficie de l'aide de son père adoré, Soldier Sun, tout aussi expéditif pour faire taire les témoins gênants. Un retour magistral, sans Jessica (sauf lors de quelques flashbacks), mais avec tous les ingrédients de la série originelle.

« La route Jessica » (tome 1), Dupuis, 13,50 €

samedi 6 juin 2009

BD - Les Schtroumpfs aussi ont droit aux congés payés


Cela sent les vacances. Alors que les beaux jours sont de retour et que les grandes vacances sont de plus en plus proches, voici une jolie parabole sur le sujet, à la sauce Schtroumpfs. Tout débute quand le Schtroumpf bricoleur est sur le point de craquer pour surmenage. Le Grand Schtroumpf lui propose de prendre quelques jours de repos. Et pour que la coupure soit forte, il lui demande d'aller faire du camping au bord d'un lac, à la montagne. 

C'est là que le petit héros, toujours inventif et habile de ses huit doigts, se construit une cabane. A son retour il décide de faire découvrir sa construction à des amis. Et rapidement, le lieu enchanteur et reposant se transforme en second village, « Schtroumpfs les bains », où il fait bon de ne rien faire. Reste à trouver des volontaires pour travailler et servir les amateurs de farniente... 

Le scénario d'Alain Jost et Thierry Culliford est illustré par Pascal Garray, fidèle au trait de Peyo.

« Les Schtroumpfs » (tome 27), Le Lombard, 9,45 € 

vendredi 5 juin 2009

Roman - Musicienne envoutante


Méfiez-vous des professeurs de piano. Pierre, écrivain pour la jeunesse, marié, un enfant, a tout pour être heureux. Quelle idée lui a pris de se remettre au piano. Il répond à une petite annonce et se rend à Paris pour son premier cours. Il attendant une « dame lourde, poudrée », il se retrouve devant une beauté répondant au prénom de Sarah : « D'abord je n'ai vu que ses yeux, luisants immenses, d'un jaune pâle incroyable, deux yeux de félins au fond des miens. Puis son sourire chaleureux qui n'allait pas avec ses yeux ». Tourneboulé par cette première leçon, il sort de la seconde dans un état second : « Soudain, une certitude éclate en moi : le coup de foudre ! Merde... Dire que je n'y avais jamais cru ! »

Ce court roman de Claudie Pernusch au style vif et direct est un bel exercice de virtuosité. L'écrivain, ayant essentiellement œuvré pour la littérature jeunesse, se permet quelques scènes croustillantes entre deux adultes consentants prêts à tout expérimenter sous couvert d'amour fou. Pierre se découvre dominateur, Sarah docile et mystérieuse. Un relation fusionnelle qui ne peut pas durer. Pierre est prisonnier de sa vie de famille trop bien réglée, Sarah trop attachée à sa liberté. Une histoire triste ? Non, une histoire de tous les jours, éphémère et forte, comme les orages qui accompagnent tous les coups de foudre.

« Le cartable à musique », Claudie Pernusch, Albin Michel, 14 € 

jeudi 4 juin 2009

Nouvelles - Les pollueurs de vie

Quarante portraits, quarante « insupportables ». Vous en avez certainement dans vos relations. A moins que vous n'en soyez un vous aussi...


Ce petit livre pourrait devenir, dans quelques dizaines d'années, un témoignage criant de vérité sur les années 2000. Un nouveau millénaire qui a vu le développement de l'individualisme, de la solitude, du culte de la réussite et surtout de l'apparence. Sven Ortoli, journaliste et écrivain, s'est associé à Michel Etchaninoff, professeur de philosophie pour dresser le portrait de cette génération en quarante personnages, caricaturaux, typiques, bien de notre temps.

Ces sont les Insupportables car leurs avis ou attitudes sont entre l'abject et le répugnant. Vous en connaissez certainement certains exemplaires. Et attention car parfois vous pourriez vous reconnaître (en partie ou en totalité) dans ces textes courts. De « La reine du monde », impériale sur les trottoirs en conduisant sa poussette à « L'amoureux du monde », bavard impénitent, sachant tout sur tout et qui fait fuir tout le monde avec ses connaissances encyclopédiques.

Je glande donc je suis

Parmi les portraits les plus réussis, retenons le paresseux d'entreprise. Avant de le suivre dans une matinée de non-travail, découvrons comment les auteurs le décrivent : « Il est universel. Publique ou privée, multinationale ou régionale, aucune entreprise n'échappe à sa présence : c'est le ninja de la flemme, le Napoléon de la cosse, l'experts n° 1 dans l'art de ne rien foutre ; au nom de la fin de toutes les illusions, excepté celles qu'il entretient à son sujet. » Chaque portrait débute par cette présentation générale. Mais ensuite les deux auteurs donnent de la chair et du liant à ces exemples tous théoriques. Et pour donner encore plus de corps à l'ensemble, les Insupportables se croisent, parfois, au gré d'une réunion de travail ou d'un dîner en ville.

Souvent c'est dans la bourgeoisie que les pires spécimens se trouvent. Il est vrai que rien ne vaut un peu d'aisance pour malmener ses congénères. Ainsi « L'esclavagiste soft » trouve normal d'employer, au noir, Lovely, une Philippine, 10 heures par jour, sept jours sur sept. Une grande bourgeoise qui n'a qu'une inquiétude : que cette nounou servile et illettrée ait trop d'influence sur ses enfants. Comment est-elle arrivée là : « Julienne, la Capverdienne d'avant, déclarée, se servait dans le frigo et tombait malade toutes les deux semaines. Un calvaire. A peine si elle ne menaçait pas de se mettre en grève. Avec Lovely, c'est plus facile : elle vient même quand elle a 40 de fièvre. »

Irréprochable et immonde

Des portraits qui prêtent souvent à rire. On les plaindrait presque. Pourtant il y a également des monstres dans cette galerie. « L'irréprochable » détonne un peu dans ce livre. Pourtant c'est là aussi bien vu et certainement plus fréquent qu'on ne le pense. Cet irréprochable, père de famille exemplaire, a son jardin secret. Chaque mercredi après-midi, alors que femme et enfants sont sortis, il s'enferme dans son grenier et se plonge dans son monde virtuel. Il surfe sur les sites internet montrant des petites filles « qui font des choses vilaines, très vilaines. Et en général il coupe le son parce qu'il n'aime pas les cris. Quelquefois, quand il a fait sa petite affaire, il se regarde dans la glace et se trouve un peu limite. Mais enfin, il mate, c'est tout ! Ça compte pour du beurre. » Celui-là, il est un peu plus qu'insupportable.

« Les insupportables », Sven Ortoli et Michel Etchaninoff, Seuil, 15 € 

mercredi 3 juin 2009

BD - Bataille médiévale


« Les aigles décapitées », dernière série encore existante des débuts de la collection Vécu, propose dans ce 21e tome de suivre, dans le détail, le siège d'un château fort au Moyen Age. Michel Pierret qui assure scénario et dessin explique avec force détails les différents plans des armées du roi pour faire tomber le château de Noirlac. 

Hugues, le héros de la série, va mettre ses compétences au service des agresseurs pour obtenir la libération de son fils, Sigwald. Cette très bonne série, imaginée par Patrice Pellerin, était dessinée à la base par Jean-Charles Kraehn. 

Au 4e volume il en prend les rênes seul, avant de confier le dessin à Pierret au n° 6. Ce dernier a « récupéré » le scénario depuis le tome 17, après un court intérim d'Eric Arnoux. Tous ont la particularité d'être avant tout des dessinateurs.

« Les aigles décapitées » (tome 21), Glénat, 9,40 € 

mardi 2 juin 2009

BD - La nuit des aigles


Wayne Shelton a lui aussi connu une « reprise » (voir note d'hier). Mais pour une fois ce n'est pas le dessinateur qui a passé la main, Denayer est toujours fidèle au poste, mais le scénariste, créateur de la série, qui a choisi son successeur. Wayne Shelton, imaginé par Jean Van Hamme, vit désormais des aventures écrites par Thierry Cailleteau. Ce dernier a conservé la personnalité du héros (un aventurier, âgé mais intrépide) tout en étoffant l'univers dans lequel il évolue. « La nuit des aigles » se déroule essentiellement en Argentine, dans un village bavarois reconstitué par des Nazis en fuite. Ils vont tenter de faire ressusciter Hitler en personne. Le héros veille, mais il a fort à faire...

« Wayne Shelton » (tome 8), Dargaud, 10,40 € 

lundi 1 juin 2009

BD - Alix en Bretagne

 


A ce rythme, la série Alix créée par Jacques Martin, va battre le record de reprise au niveau des dessinateurs. Cette fois c'est Ferry qui signe le 28e tome des aventures du jeune Romain, sur un scénario de Patrick Weber. 

Ferry, le dessinateur de Ian Kalédine, au style très personnel, ce qui explique sa difficulté à se fondre dans ce moule graphique contraignant. Heureusement pour lui, cet épisode se déroule en Bretagne et il se « lâche » un peu graphiquement en dessinant des Celtes beaucoup plus sauvages, barbus et chevelus que les sages Romains. Alix est en mission pour tenter d'éviter une nouvelle guerre. Mais ce sera peine perdue et la puissance impériale fera plier ces irréductibles Bretons. Album intéressant mais loin de la série originale.

« Alix » (tome 28), Casterman, 10 €