Maggie, héritière d'une riche famille d'industriels, revient passer l'été à Sand Island, dans la maison de son enfance. Un roman anglais de Terry Gamble.
Onze ans déjà que Maggie n'a pas mis les pieds dans la maison de famille située sur les rives du lac Michigan. Riche héritière, elle fuit les rencontres avec ses cousins et autres membres de la famille et réalise des documentaires aux quatre coins du monde avec Ian, son inséparable partenaire et ami, qu'elle appellera d'ailleurs à la rescousse, étouffée qu'elle est par la pesanteur familiale.
Mais cette fois, elle ne peut décemment pas fuir parce que sa mère, victime d'une attaque cérébrale, est entre la vie et la mort. Soignée avec amour par Miriam, son infirmière, Madame Addison, muette et paralysée, ne semble plus communiquer qu'avec celle qui prend soin d'elle jour et nuit. Et laisse Maggie, dont les rapports avec sa mère ont toujours été « difficiles », reste complètement démunie face à cette vieille dame que plus rien ne semble atteindre. « Je m'arrête en chemin rendre visite à maman. Vêtue de son négligé, elle se tient adossée aux oreillers face à la fenêtre. L'un de ses yeux est fermé, l'autre ouvert. Son profil reste majestueux malgré son visage décomposé. Je voudrais remettre ses traits en place puis m'installer auprès d'elle, un verre et une cigarette à la main, le temps de bavarder un peu. Ma mère a toujours savouré les anecdotes sur le compte des autres. »
Le clan Addison
Toute la famille s'est rassemblée pour un été qui sera peut-être le dernier dans la maison de leur enfance. Dana, la sœur de Maggie, fait un peu office de pilier de la famille, son mari Philippe suit le mouvement, tandis que toute la bande de cousins, Sedgie, acteur alcoolique, Derek, sculpteur de talent, Adèle qui cherche sa voie dans le mysticisme, Jessica, fille adoptive de Dana, qui en est à la période piercings et tatouages et Beowulf, seul cousin de la même génération que Jessica. La tribu se réunit au cours des repas mais le reste de la journée, se forment des petits groupes ou des couples (fraternels, quoique...), qui se remémorent les bêtises et les joies de leur enfance et abordent souvent des sujets beaucoup plus intimes, voire sérieux, qui remettent en question la façon de vivre de chacun. Par exemple, Jessica et Maggie parlent d'enfants qu'elles n'ont pas (encore). « Nous sommes tous convaincus de notre supériorité – persuadés que le fruit de nos entrailles échappera Dieu sait comment à la banale réalité des autres. On se croit digne d'enfanter un être supérieur, transcendant. Pas une once de trivialité dans notre couple. Rien de superficiel chez nos enfants. Notre œuvre aura un impact, du sens. »
Terry Gamble, bien qu'Américain, nous régale avec une délicatesse très « british » de ces conversations sans fin, les unes teintées de nostalgie des étés enfuis, d'autres portant sur le sens de la vie de chacun, ce qui n'est pas toujours une découverte facile à avaler. Et passe d'un personnage à l'autre, d'une situation à une autre avec une dextérité que peuvent lui envier bon nombre d'écrivains. Les étés de Sand Island vous plongeront dans une vie familiale riche et dense. Vous vous délecterez de jongler avec le présent et le passé et vous vous sentirez des atomes crochus avec au moins un des personnages, trouvant dans chacun des côtés profonds, enthousiastes, d'une pure gentillesse, sympathiques, chaleureux et toujours attachants. Liste non exhaustive pour un roman délicieux.
« Les étés de Sand Island », Terry Gamble, Calmann-lévy, 20,90 euros
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire