jeudi 9 février 2023

BD - Mystère en Écosse

Avec une régularité de métronome, Léo et Rodolphe proposent la suite des aventures de Kathy Austin, espionne anglaise globe trotteuse dans cette immédiate après-guerre.

Après le Kenya, la Namibie et l’Amazonie, elle se retrouve en Écosse. A priori pour se reposer et régler des affaires familiales. Notamment prendre possession d’une maison reçue en héritage, mais notre héroïne découvre que la demeure a brûlé. En fait Kathy attire les ennuis et les phénomènes mystérieux. 

Dans le second épisode de ce cycle dessiné par Marchal, elle se réveille à l’hôpital du petit bourg perdu de la lande écossaise. En pleine nuit, elle a croisé la route d’un mystérieux visiteur au visage déformé. Un double choc. Visuel mais aussi physique puisqu’elle st tombée sur la tête.

La suite de son enquête (elle a totalement abandonné l’idée de se reposer…), la met sur les traces d’amateurs de crop circles, ces étranges inscriptions directement gravées dans les champs. Elle devra également se méfier d’espions soviétiques, cachés dans les grottes de la localité, occupés à découvrir le secret d’un mystérieux objet. Sans oublier l’arrivée de plusieurs inconnus, comme venus d’une autre dimension, perdus mais bien décidés à mener leur mission à bien.

Un album rondement mené, bourré de péripéties, mais qui au final apporte plus d’interrogations que de pistes pour comprendre ce qui se trame dans ce Scotland, terre de toutes les légendes. Vivement la suite !
«Scotland» (tome 2), Dargaud, 12,50 €

BD - Mascarade US dans « New Hope » de Cee Cee Mia et Jalo chez Dupuis

Bien qu’habitant à Carcassonne depuis de longues années, Cee Cee Mia, scénariste de plus en plus productive dans le milieu de la BD, aime situer ses histoires aux USA. Il est vrai qu’elle connaît bien l’Amérique pour y a voir vécu et travaillé quelques années dans sa jeunesse.

Sans surprise donc, sa nouvelle série pour adolescents, se déroule sur un campus et aborde le cas assez incongru pour les lecteurs francophones des fraternités secrètes, heureusement popularisées par quantité de série télé destinées aux adolescents. Isabella, l’héroïne de New Hope, série dessinée par l’Espagnol Jalo, n’a pas une vie très satisfaisante. Elle vit avec sa mère et son frère. Un frère placé sur un piédestal, le meilleur, le seul qui trouve grâce aux yeux de sa maman qui se sacrifie pour son confort.

Alors qu’il doit intégrer l’université, il tombe gravement malade. Un traitement expérimental de l’hôpital de New Hope pourrait le sauver. Mais difficile d’intégrer le groupe test. Ce serait plus simple si la demande venait de la fraternité Epsilon qui règne sur le campus de la ville. Le directeur de l’hôpital est un ancien qui ne peut rien refuser aux nouveaux membres. Alors Isabella va se faire passer pour un garçon et intégrer Epsilon pour obtenir le sésame.

Le premier tome de cette BD, long de plus de 110 pages, plante le décor et dresse le portrait des différents protagonistes. Isabella et son double masculin, la meilleure amie de cette dernière, le chef d’Epsilon, violent et macho, la mafia qui gravite autour et les politiciens corrompus. Dans un monde assez peu reluisant, Isabella devra avoir une incroyable volonté pour ne pas perdre son humanité.

«New Hope» (tome 1), Dupuis, 14,90 €

BD - Dans « Colossale », Jade veut du muscle, pas un prince charmant

Si les amateurs de BD ne connaissent pas Jade, héroïne de Colossale, ce n’est pas le cas de milliers de lecteurs de webtoon. Nouvelle façon de publier des récits dessinés, le net revient aux bases du feuilleton hebdomadaire. Depuis 2020, Rutile (scénario) et Diane Truc (dessin et couleurs) proposent chaque dimanche un chapitre inédit de Colossale. Un succès considérable (6 millions de vues) qui a donné l’idée aux éditions Jungle de convertir les images numériques en pages de papier imprimé.

Le premier tome, copieux avec ses 200 pages, vient de sortir et permet aux amateurs classiques de BD de plonger dans ce monde entre romance, sueur et émancipation. La romance car Jade, jeune fille de très bonne famille (tout se passe chez les aristocrates) est courtisée par quelques héritiers. Et sa mère peut absolument la placer. La sueur car Jade, ce qu’elle veut avant tout, c’est du muscle. Elle veut être forte et passe de longues heures à soulever de la fonte en produisant des litres de sueur. Émancipation enfin car c’est une femme qui veut casser les codes de son milieu très réactionnaire.

Ce cocktail, saupoudré de nombreux traits d’humour, se révèle finalement très sympa. Et les grands dessins dans des pages déstructurées, s’ils sont un peu déstabilisants au début, permettent surtout de mieux apprécier le travail graphique de Diane Truc.

«Colossale» (tome 1), Jungle, 16,95 € (22,95 € l’édition collector)


mercredi 8 février 2023

Polars – Georges Simenon encore et toujours

Il n’est jamais trop tard pour redécouvrir Georges Simenon. Et même de le lire pour la première fois pour les jeunes générations. Le romancier n’est pas près de tomber dans l’oubli puisque les éditions Omnibus-Presses de la Cité viennent de rééditer dans une nouvelle présentation tous les « romans durs » du créateur de maigret.

Les huit premiers volumes sont en vente (de 1931 à 1952), les quatre derniers sortiront le 2 mars (1953 à 1972). L’occasion aussi de découvrir des entretiens inédits de cinéastes ou de romanciers. On lira avec curiosité les appréciations de Patrice Leconte ou Jean Becker. Didier Decoin intervient à double titre. En tant que romancier mais également fils d’Henri Decoin, qui a transposé au cinéma trois romans durs de Simenon.

Didier Decoin qui souligne que les romans de Simenon sont « des livres tendus où il n’y a pas de perte de temps, où il ne reste pas de miettes sur la table. Quand on dit que Simenon va à l’essentiel, on voit bien que cet essentiel, c’est le cœur de l’être humain. »

« Les romans durs », Simenon, tomes 1 à 8, Omnibus Presses de la Cité, entre 31 et 33 € chaque volume

BD - Les filles hors normes du monde de Daniel Clowes

Considéré comme un des auteurs underground américain le plus marquant de sa génération, Daniel Clowes bénéficie d’une réédition de quasiment toute sa production dans une collection qui lui est entièrement dédiée. Sous le titre générique de « La bibliothèque de Daniel Clowes », les lecteurs d’aujourd’hui pourront redécouvrir des œuvres des années parues ces dernières 30 années.

On ne peut que vous conseiller de débuter avec ce Ghost World publié initialement entre les années 1993 et 1997 aux USA. Des récits complets qui donnent une bonne idée de la mentalité d’une certaine jeunesse hors normes. 

Enid et Rebecca sont deux jeunes filles qui se posent beaucoup de questions. Elles sont toujours au lycée, envisagent vaguement de rejoindre l’université, vivent au jour le jour, entre sorties dans des librairies branchées, repas dans des restaurants atypiques et soirées passées à discuter de leurs envies de faire l’amour pour la première fois.

Enid, brune, rebelle et un peu punk, toujours dans la provocation et l’exagération. Rebecca, blonde comme les blés, discrète, suiveuse, peu sûre d’elle. Leurs dialogues sont édifiants pour cerner les tourments dans lesquels elles se débattent au quotidien. Mais cette BD de 80 pages vaut aussi pour les rencontres qu’elles font dans les rues de leur petite ville. Un couple de supposés satanistes, un néo nazi qui tente de faire la promotion de la pédophilie, un médium extralucide ou cette amie d’enfance qui tente de devenir comédienne mais qui se contente, pour l’instant, de petits rôles dans les clips de propagande d’un candidat républicain.

Une Amérique hors normes, dans toute sa diversité et sa folie. Le monde de Daniel Clowes.

«Ghost World», Delcourt, 18,95 €.

BD - Un clandestin sur les routes de France

Pierre Maurel, originaire de Sallèles-d’Aude et longtemps Carcassonnais, est désormais une valeur sûre de la bande dessinée. Sa série « Michel » (éditions de l’Employé du mois) a régulièrement été sélectionnée parmi les albums finalistes à Angoulême. C’est à Angoulême encore qu’il a présenté sa dernière production, un roman graphique paru chez Glénat. L’arme à gauche raconte le parcours de Mario, un vieux monsieur qui vit à l’écart dans un cabanon. Il ne descend au village que pour acheter quelques vivres. Mais l’essentiel de sa nourriture il la braconne ou la chaparde dans les jardins. Une vie à l’économie.

Discrète surtout. Car Mario est un ancien militant de l’extrême gauche italienne. Quand l’engagement politique passait aussi par le maniement des armes, le racket et les enlèvements. Bedonnant et moustachu, sous une éternelle casquette d’ouvrier, Mario apprend qu’une de ses camarades de lutte vient de mourir. Il décide de se rendre à ses obsèques. Mais comme il n’a pas de voiture, il voyage à pied. Il va croiser dans son périple un jardinier accueillant, des réfugiés apeurés et des chasseurs remontés.

L’album met en parallèle cette marche dans la France actuelle et la jeunesse de Mario, quand il découvre le militantisme politique jusqu’à cette fuite de l’autre côté de la frontière après une dénonciation. Un livre d’une centaine de pages tout en nuances. L’auteur ne juge pas son personnage principal ni son engagement. Il constate simplement que parfois la jeunesse houleuse permet d’avoir une vieillesse plus apaisée.

«L’arme à gauche», Glénat, 17,50 €


mardi 7 février 2023

Fantasy - Les exploits de Tress de la mer Émeraude, roman inédit et « secret » de Brandon Sanderson

Certains écrivains, durant le confinement, ont redoublé d’activité. Comme si l’enfermement était la meilleure solution pour booster sa production. Brandon Sanderson, déjà assez prolifique en temps normal, a profité des circonstances pour se lancer dans un grand projet constitué de quatre romans secrets.

Et face à l’inconnu économique de la pandémie, il lance une opération de financement en ligne. Résultat, plus de 41 millions de dollars recueillis, record absolu. En janvier dernier, le premier titre est sorti aux États-Unis et simultanément en France, en grand format au Livre de Poche.

Tress est une jeune fille impétueuse et amoureuse. Elle voudrait se marier avec le fils du Duc de sa petite île perdue en pleine mer Émeraude. Mais Charlie est kidnappé par une sorcière. Tress, de simple laveuse de fenêtres, va devoir se transformer en héroïne capable de voguer aux quatre coins du monde et affronter mille dangers pour son bien aimé.

Ce monde merveilleux, entre fantasy, Moyen Âge et science-fiction, enchantera tous les amateurs de littérature de l’imaginaire. Tress fait partie de ces femmes fortes qui marquent les esprits. Et rendez-vous en avril pour le second roman puisque Brandon Sanderson a promis de publier les quatre ouvrages durant l’année 2023.

« Tress de la mer Émeraude », Brandon Sanderson, Le Livre de Poche, 24,90 €

De choses et d’autres - Février au sec

Pourquoi faire comme tout le monde quand on a la possibilité de choisir en pleine conscience ? Même si des millions de Français ont arpenté les rues mardi pour réclamer l’abandon du projet de réforme des retraites, qui vous empêche de manifester, aujourd’hui, jeudi et de faire grève, demain, vendredi ?

Dans le même ordre d’idée, je suis toujours réticent à participer aux actions décrétées nationalement, voire au niveau de la planète parfois. Pas envie d’être dans le mouvement, tel un mouton suivant le troupeau. Voilà pourquoi, mardi, dernier jour de l’opération Dry January, j’ai largement arrosé mon repas du soir de différentes boissons alcoolisées. Je peux me le permettre, car en décembre, j’ai peu abusé.

Santé !

Et depuis hier, mercredi 1er février, je me suis lancé dans mon très personnel Dry February. Pas une goutte d’alcool durant un mois. Notez au passage l’astuce consistant à choisir le mois le plus court pour prendre ces bonnes résolutions qui demandent quand même de gros efforts et une bonne dose d’abnégation.

De même, portant habituellement barbe et moustache, j’ai failli tout raser le 1er novembre, début du Movember. Je dois encore remercier mon épouse qui m’en a dissuadé au dernier moment : d’après elle, et j’ai tendance à la croire, cela me vieillit de 10 ans. Une opération réservée aux hommes puisqu’il s’agit de se laisser pousser la moustache et récolter des fonds pour vaincre des maladies particulières, cancer de la prostate par exemple.

Et pour couronner ma volonté d’aller à contre-courant, je me prépare à fêter Noël le 1er mai et défiler en faveur des travailleurs le 25 décembre. Sauf si ma femme, toujours vigilante, obtient de me faire interner avant.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 2 février 2023

De choses et d’autres - Ingéniosité chinoise

La Chine a longtemps traité la pandémie du Covid 19 d’une manière radicalement différente de la grande majorité des autres pays frappés par le virus. Au moindre signe de contamination, un confinement strict était décidé. Par ville ou quartier. Et les déplacements quasi impossibles.

Mais la grosse force du « zéro covid » était la politique de test intensive. Au point que, depuis une année, des milliers de petits abris de quelques mètres carrés avaient été construits dans toutes les villes de l’immense pays. Cela permettait aux Chinois de se faire tester rapidement et sans devoir aller trop loin. Mais quand le gouvernement a décidé de mettre fin, du jour au lendemain, à cette politique très restrictive, ces centres de tests sont devenus inutiles.

En plus de mettre des milliers de « testeurs » au chômage, les petites cabines sont restées, inoccupées, sur le domaine public. Vides mais pas longtemps. Elles ont rapidement été reconverties en mini-échoppes, petites bibliothèques de quartier ou en comptoirs de streetfood.

Autre problème, des dizaines de constructeurs se sont retrouvés avec un stock de cahutes sur les bras. Ne sachant pas quoi en faire, certains les ont tout simplement mises en vente, sur le net, sur un site qui fonctionne comme LeBonCoin.

On peut donc acquérir, à un prix de départ d’une centaine de yuans (environ 14 euros), ces petites constructions amovibles où l’on ne peut pas tenir à plus de trois, mais qui bénéficient de larges baies vitrées, avec deux trous pour y fixer les gants utilisés par le laborantin lors des tests.

Si le transport ne coûtait pas si cher, j’en achèterais bien une. Elle serait parfaite reconvertie en serre d’appoint dans la cour.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 21 février 2023

lundi 6 février 2023

DVD et blu-ray – Aventures à la française avec Jack Mimoun

Superbes décors, cascades impressionnantes, trésor légendaire : quand un humoriste français décide de revisiter le film d’aventures genre Indiana Jones, il ne lésine pas sur les moyens. Mais il sait aussi que sa meilleure chance de rencontrer le public est de caser entre les scènes d’action un maximum de gags. Malik Bentalha, au scénario, à la réalisation (aidé de Ludovic Colbeau-Justin) et dans le rôle principal s’en tire avec les honneurs.

Son Jack Mimoun et les secrets de Valverde manque un peu d’originalité, mais offre de grands moments d’un comique absolu. Son personnage d’aventurier à la petite semaine, affabulateur et manipulateur, est déjà une source de situations humoristiques puissante. Mais en intégrant dans le film Jérôme Commandeur et François Damiens, il prend carrément le risque de perdre la vedette. Dans les rôles d’un producteur télé pleutre et d’un pilote d’hélicoptère frappadingue, les deux rigolos explosent le niveau des rires.

Vraie comédie, presque film d’aventures, espérons que Jack Mimoun reviendra pour une seconde quête. Sa sortie en vidéo chez Pathé offre en bonus un petit documentaire sur les coulisses du tournage en Thaïlande. Pas toujours de tout repos : météo capricieuse, bestioles énervées et surtout un Jérôme Commandeur toujours au taquet pour faire éclater de rire ses partenaires.