mardi 12 janvier 2010

BD - Golden City : touchée coulée...


Le 8e tome de la série Golden City s'ouvre avec une découverte qui fera mal au cœur de tous les fans de la série : la cité vient d'être retrouvée par 3000 mètres de fond. Touchée, coulée... Le reste de l'album, par d'astucieux retours en arrière, nous apprendra comment l'impensable a pu avoir lieu. 

Pecqueur, le scénariste, a donc décidé de prendre des risques avec son jouet, imaginé il y a une dizaine d'années avec Malfin, le dessinateur. Mais si la ville flottante du futur, abritant les plus riches de ce monde est détruite, il n'en est pas de même pour les nombreux personnages de cette saga aux multiples ramifications. Ainsi si une partie de l'action se déroule sur Golden City, l'autre nous explique comment Amber, aidée de Mifa, va libérer deux jeunes enfants tombés entre les griffes de trafiquants d'organes. 

De l'action, des trouvailles futuristes, des méchants qui le sont vraiment, de jolies filles qui ont du cran... Le cocktail utilise des ingrédients classiques mais l'ensemble tient la route et se révèle toujours aussi passionnant.

« Golden City » (tome 8), Delcourt, 12,90 €

samedi 9 janvier 2010

Humour - Un chat pas si crétin...


Parfois, l'inspiration vous pend au bout du nez. Prenez Simon Tofield, directeur artistique dans une société d'animation anglaise, il s'est inspiré de ses trois chats, Hugh, Jess et Maisie, pour raconter les péripéties de son chat imaginaire. 

Un gros matou, en permanence affamé. Il a plusieurs solutions pour se remplir l'estomac. Attendre que son maître daigne s'apercevoir que sa gamelle est vide ou tenter de retrouver ses instincts de chasseur et tenter d'attraper une souris ou un oiseau. La quête de nourriture est donc la principale action de ce recueil de gags muets. C'est souvent excellent quand le chat s'en prend à son maître qui visiblement n'a pas tout compris à la psychologie féline. 

Désopilant aussi les astuces trouvées par le chat pour tenter de gober les oiseaux. C'est simple, dessiné d'un trait simple, efficace et très réussi. Pas étonnant si ce chat, en plus du papier et d'internet, va bientôt s'animer sur les petits écrans.

« Simon's cat », Fleuve Noir, 14,90 €

vendredi 8 janvier 2010

BD - Le Père Noël et les stars dans "Himalaya Vaudou de Fred Bernard et Rochette


Sorti en septembre dernier, cet album de BD est certainement le plus étrange et le plus déconcertant de l'année 2009. Sur 100 pages, les auteurs ont développé une sorte de fable sinistre sur l'évolution de l'Humanité. Une vision qui prend tout son sel en ce moment, alors que le sommet de Copenhague a accouché d'une souris. 

Tout débute sur les pentes d'un sommet de l'Himalaya. Un guide et trois stars de la télévision progressent lentement avec un but : atteindre la maison du père Noël pour l'interview du siècle. Il y a un jeune présentateur branché, aussi bête que son public d'adolescentes en rut, un vieux journaliste sur le retour plus intéressé par son image et son audience que par les malheurs du monde et la caution écologique, un reporter spécialisé dans le développement durable. Ils risquent leur vie pour aller à la rencontre de Noël Bodombossou. 

Ce vieil Africain, adepte du Vaudou a décidé de changer le monde pour le sauver. Lassé de voir les puissants et les riches exploiter la planète, il leur a lancé un sort. Des cadeaux comme il dit : les présidents des Etats-Unis et de la Russie ont été transformés, l'un en cheval, l'autre en serpent... Pourquoi fait-il cela, quel sort réserve-t-il à ses visiteurs ? 

Bernard (scénario) et Rochette (dessin) développent leur argumentaire jusqu'à la conclusion, bestiale mais visionnaire.

« Himalaya Vaudou », Drugstore, 19 € 

jeudi 7 janvier 2010

BD - Capricorne à vif


La saga de Capricorne s'étoffe de nouveaux personnages. Andréas, au bout de 14 épisodes, s'amuse toujours à compliquer l'intrigue tout en distillant au lecteur fidèle quelques clés permettant au final de relier tous les fils entre eux. 

Capricorne embarque sur un cargo. Il veut rejoindre New York. Mais en pleine traversée, il découvre que l'équipage et les autres passagers ne sont que des illusions. Des rêves provoqués par une entité extraterrestre qui l'opère, à vif, dans les cales du bateau. 

Une opération pour sauver Capricorne. Il deviendra l'allié de ce qui fut le docteur Cortex dans son combat contre le Passager. 

Ces 44 pages sont comme d'habitude une démonstration de l'incroyable talent du dessinateur. Cette fois il apprivoise les hachures. Un choc graphique sombre et superbe.

« Capricorne » (tome 14), Le Lombard, 10,40 € 

mercredi 6 janvier 2010

BD - Quand Bouzard s'imagine un père poilu


Guillaume Bouzard a avoué en 2004 se lancer dans l'autobiographie « parce que ça rapporte plein de fric ». Mais cet auteur considéré à juste titre comme le digne héritier des meilleurs comiques tendance « Fluide Glacial » ne fait jamais les choses comme tout le monde. 

Il raconte donc dans cette série pour le moins désarçonnante comment il a appris être le fruit des amours d'une humaine et d'un troll. Un père qu'il n'a jamais connu mais qu'il va retrouver dans la forêt de Brocéliande en compagnie de son chien Flopi. 

L'idée, déjà assez tordue, se complique quand le duo croise la route de chasseurs psychopathes, d'une jeune elfe fugueuse et d'anciens hippies. Ce qui est fou, c'est qu'au final, c'est tendre et émouvant. Bravo Bouzard !

« The autobiography of a mitroll » (tome 2), Dargaud, 10,40 € 

mardi 5 janvier 2010

BD - Salade portugaise au menu de Lady S de Van Hamme et Aymond


Jean Van Hamme est omniprésent depuis quelques mois (voir la note précédente). Nouvelle série (Rani au Lombard), reprise de Blake et Mortimer, one shot avec Paul Teng chez Casterman et suite de ses dernières séries. 

Notamment Lady S dessinée par Aymond. Dans ce 6e volet des aventures de la belle blonde, l'action se partage entre Strasbourg et le Portugal. Suzan (ou Shania) est traductrice au Parlement européen. Elle en fait est chargée d'infiltrer un réseau d'extrémistes religieux. Mais au même moment son père, évadé des prisons russes, réapparaît à Lisbonne. Les deux intrigues vont s'entremêler dans un album plein d'émotion et de rebondissements. 

Presque l'archétype de la bonne série d'action qui pourrait parfaitement être adaptée pour la télévision.

« Lady S » (tome 6), Dupuis, 10,40 € 

lundi 4 janvier 2010

BD - Jean Van Hamme est partout


Jean Van Hamme est le scénariste à succès de ces 20 dernières années. Il a beaucoup produit, encore plus vendu, ce qui explique peut-être sa semi retraite. Après avoir assuré sa succession sur ses séries vedettes (Thorgal, XIII) il a décidé de se faire plaisir. Résultat il est très présent en cette fin d'année. Le nouveau Blake et Mortimer mais aussi une série, Rani avec Vallès au dessin, et cet album plus personnel dessiné par Paul Teng.

 « Le télescope » est une histoire d'amitié, de sexe et de d'amour fou. Ils sont cinq amis. Plus très jeunes. Pas très riches. Ecrivain, acteur, restaurateur, banquier, policier... Ils ont perdu leurs dernières illusions, survivant comme ils peuvent avec leurs lots de souffrances physiques. 

Et puis un jour ils la découvrent. Elle a 25 ans, habite en face et ils ne ratent rien de sa vie intime grâce à ce télescope providentiel. Ils rêvent en la regardant s'effeuiller. Un rêve qui va devenir réalité par une rencontre fortuite. Leur vie va changer, basculer, pour Jo, la belle Anversoise. 

Les personnages sont savoureux, Jo est belle à à se damner et la morale de moins en moins présente. Car Van Hamme se risque dans ce scénario à prendre le contre pied de ses productions habituelles, parfois trop vertueuses. C'est clairement immoral mais ces cinq copains sur le retour sont si sympathiques...

« Le télescope », Casterman, 15 €

samedi 2 janvier 2010

BD - Adorable Lou


Lou, la jeune héroïne imaginée par Julien Neel, va sur ses 14 ans. Elle grandit en même temps que ses lecteurs (essentiellement des lectrices) et partage souvent leurs doutes, espoirs et désillusions. Une année qui débute sur les chapeaux de roues. 

Alors qu'elle est en pyjama dans la rue en train de regarder l'immeuble de son enfance flamber, sa mère lui annonce qu'elle va avoir un petit frère. Un double choc, négatif et positif, qui s'équilibre mais ne sera pas sans conséquences sur l'avenir. Cette BD qui est une des séries vedette de Tchô, le journal de Titeuf, est beaucoup plus ambitieuse que certaines rigolades de cour de récréation. Lou a une véritable personnalité, développée par un auteur qui a également soigné les personnages annexes, du chat à la mère. C'est d'ailleurs cette dernière qui est en vedette dans ce 5e tome. 

Une fille-mère comme on disait il n'y a pas longtemps, qui a raconté son histoire dans un journal intime qui est tombé par hasard dans les mains de Lou. La pré-adolescente va ainsi comprendre pourquoi sa mère a tant de difficulté à s'engager avec son amoureux du moment, Richard lui aussi en proie au doute. Dessins doux, histoire intelligente : Lou est une belle réussite, la preuve que la BD d'auteur a encore de l'avenir.

« Lou ! » (tome 5), Glénat, 9,40 € 

vendredi 1 janvier 2010

Roman et rock - Romain Slocombe explore le Paris, côté obscur

Le Paris branché d'hier et d'aujourd'hui est au centre de ce polar crépusculaire de Romain Slocombe, amoureux de la capitale.


Mona est de retour. Mona, l'ancienne chanteuse des Mona Toys, groupe de rock des années 80 au succès aussi fulgurant que bref. Mais cette réapparition n'a rien d'un come back programmé par des publicitaires en mal de trouvailles pour gagner un maximum d'argent avec un minimum de création. Mona est simplement aperçue déambulant dans une rue. Cela reste quand même un événement puisque Mona Granados, normalement, est morte depuis quelques années...

Cette chanteuse, muse du héros, Alain « Glucose » Gluckheim, est la fameuse « Infante du rock » du titre de ce polar de Romain Slocombe, pièce maîtresse de « Noir 7.5 » nouvelle collection dirigée par Olivier Mau et dont l'ambition est de mettre en scène un « Paris d'aujourd'hui. Un Paris qu'on reconnaisse et non la toile de fond intemporelle d'un décor qui n'aurait guère changé depuis Nestor Burma. » Dans cet exercice, Romain Slocombe s'est transformé en guide touristique d'une ville sombre et mystérieuse. Où les lieux glauques sont parfois moins angoissants que les hommes et femmes les fréquentant. Ainsi, la découverte par Alain Glucose d'un sauna échangiste, sous la conduite de son riche éditeur accompagné d'une romancière à succès, sent l'expérience vécue. Et nauséeuse.

Folles années 80

Mona est donc au centre de ce roman. Figure tutélaire d'une certaine époque, quand la pop française était inventive et enthousiasmante. Alain Glucose était le parolier du groupe. Amoureux transi de la chanteuse qui préférait le guitariste. Et puis le succès aidant, la drogue a tout détruit. Alain survit maintenant en écrivant des polars mous, en assurant des traductions et des visites guidées pour les touristes japonais. Après la disparition de Mona, il a passé quelques années au Japon. Recruté par les Yakusas qui aiment la distinction des poètes maudits français... Le roman alterne vie d'aujourd'hui et longs flashbacks sur ces années 80 qu'on semble tant regretter alors que se profile une nouvelle décennie.

Alain, résigné, se contente d'une existence pépère, comme floue et triste après les ors et paillettes de la gloire. Tout change quand Takao, le yakusa fan des Mona Toys, revient à Paris. Un retour qui coïncide avec l'apparition de Mona. Alain est persuadé de l'avoir croisée dans une rue. Pourtant elle a été déclarée morte. Un dernier article sur elle est paru en février 1992. A la rubrique faits divers. On a retrouvé son corps, mais sans tête, pieds ni mains dans la Seine. Bien involontairement, Alain va se transformer en détective privé. Il se lance sur les traces de Mona avec le fol espoir de la retrouver et enfin lui avouer son amour. Mais en 20 ans, les branchés ont viré leur cuti. 

Finalement, Alain sera celui qui aura le mieux gardé l'esprit créatif et bohème de l'époque. Du DRH cynique au gourou sataniste, les anciens membres des Mona Toys ont bizarrement évolué. C'est aussi toute la richesse de ce polar, étude sociologique très réaliste d'une génération perdue.

« L'infante du Rock », Romain Slocombe, Parigramme, 15 €

mercredi 30 décembre 2009

Polar - Montagne vertigineuse

Ce thriller de Karine Giebel se déroule exclusivement en montagne. C'est d'ailleurs le personnage principal de ce roman vertigineux.


Envie d'une grande bouffée d'air pur ? Prenez ce roman policier de Karine Giebel et plongez dans cet univers merveilleux mais aussi très dangereux qu'est la montagne. Rendez-vous sur les hauteurs des Alpes de Haute-Provence, vers les villages d'Allos et de Colmars-les-Alpes. Des lieux touristiques, zones habitées de cette vallée vivant essentiellement de l'afflux des visiteurs du parc naturel du Mercantour.

C'est là que vit Vincent, guide touristique l'été, vivotant de petits boulots le reste du temps. Juste de quoi entretenir sa maison, l'Ancolie, dominant la vallée, plantée en haut d'un chemin escarpé et défoncé. Vincent, le personnage principal de ce drame psychologique mené de main de maître par un auteur qui s'impose de titre en titre comme une des plus brillante du genre.

Séducteur sans cœur

Vincent n'est pas spécialement sympathique dans les premiers chapitres. Ce quadragénaire parfaitement conservé, très sportif, est un grand séducteur. Mais il a un principe : jamais plus d'une nuit. Il séduit ainsi une jeune stagiaire de l'office de tourisme qui ne résiste pas plus de deux jours à son charme. Le lecteur apprendra un peu plus tard que cette attitude, par bien des aspects abjecte, est conditionnée par l'échec de son couple. Sa femme, un jour, est partie. Avec un touriste. Depuis elle occupe ses rêves. Ses cauchemars plus exactement. Accumuler les conquêtes c'est un peu comme une vengeance. Cela n'empêche pas qu'il est surnommé le « cocu »par les villageois. Et détesté par toutes les femmes qu'il a jeté comme un mouchoir en papier après utilisation.

Il ne faudra pas longtemps à Servane pour percer les défenses de Vincent. Cette jeune gendarme, dont c'est la première affectation, lui demande de lui faire découvrir la région. Il la conduit en excursion à travers les sentiers pour arriver sur les berges du lac d'Allos. Elle va découvrir un spectacle grandiose : « Quelques larges plaques de glace étincelante dérivaient à la surface, vestiges de l'hiver si rude à cette altitude. Le ciel et les tours se reflétaient dans ce lac-miroir, y dessinant un relief inattendu. »

Le roman alterne les descriptions de cette nature qui semble tant inspirer Karine Giebel et les moments de tension ou d'action. Ainsi, quand un de ses collègues est retrouvé mort au fond d'un ravin, Vincent ne croit pas à la chute accidentelle. Il va retourner sur les lieux avec Servane et tenter de retrouver les preuves du meurtre qu'il suspecte. Le roman va alors basculer vers sa partie thriller. Vincent devra faire face à certains fantômes du passé. Une épreuve qu'il tentera de surmonter avec l'aide de la belle Servane, de moins en moins insensible au charme du guide.

Si les précédents romans de Karine Giebel étaient courts et incisifs, allant droit au but, celui-ci est plus long (près de 500 pages) et plus abouti. Elle s'est concentrée sur l'exploration de la personnalité de ses deux héros. Le roman y gagne en densité.

« Jusqu'à ce que la mort nous unisse », Karine Giebel, Fleuve Noir, 19 €