jeudi 8 janvier 2009

Chronique politique - Nicolas Ier, deuxième

Patrick Rambaud propose un second volet de sa chronique acide et caustique du "règne de Nicolas Ier".


Pamphlet sans concession, moquerie argumentée, méchanceté assumée : ces 175 pages habilement troussées par un Patrick Rambaud au sommet de sa raillerie remettent la présidence de Nicolas Sarkozy dans une perspective totalement différente de l'image véhiculée par les médias. Certes l'auteur ne le nomme jamais, mais on le reconnaît dans chacun des titres pompeux qu'il l'affuble toutes les trois pages. Florilège : « Notre Foudroyant Monarque, Notre Electrique Souverain, Notre Grandiose Leader, Notre Terrible Seigneur, Notre Roublarde Majesté... »

Patrick Rambaud reprend donc le récit du règne au début 2008. Avec l'arrivée d'un nouveau personnage principal qui va encore plus donner de relief à ce texte. Il fallait remplacer l'Impératrice disparue (Cécilia). Un rôle dévolu à la comtesse Bruni, « qui souriait en professionnelle comme une princesse de roman-photo italien », devenant rapidement "Madame". Cette romance semble avoir pour unique but de faire oublier les désillusions du peuple qui gronde de plus en plus.

L'empereur Nicolas Ier semble cependant réellement attiré par l'intrigante italienne. Pour preuve cette réflexion au lendemain de sa première rencontre : « Elle est pétée de thunes ! » C'est une des autres constances de ce pamphlet, quand il parle, "Notre Nervosité Intense" est d'une extrême vulgarité.

« Narcisse and Co »

Vient enfin le mariage, discret, mais savamment caché pour en faire un événement de première importance. La Carlamania est décortiquée par un Patrick Rambaud sceptique sur cette trop belle histoire d'amour. Elle de gauche, lui de droite. Ils vont s'influencer, devenant meilleurs... Que nenni, pour l'auteur ce n'est qu'une double opération de communication : « On eût dit que Madame et Lui avaient signé un pacte et monté une société qu'on aurait pu nommer la Narcisse and Co. Ils s'aimaient beaucoup, mais d'abord eux-mêmes, et se célébraient l'un l'autre. Sa Majesté vantait à la moindre occasion la beauté extrême et l'étincelante intelligence de Madame, et Madame expliquait au monde entier les vertus et le brillant de Notre Prince Charmant, si travailleur, si tendre, si rapide."

Une année qui ne fut pas de tout repos pour "Notre Vorace Souverain". En France la situation se dégrade. Difficile de tenter de se glorifier quand le prix de l'essence explose, les usines ferment et les taxis manifestent. Il tente de se refaire à l'international. Une bonne propagande le présente comme le sauveur du monde. Mais selon Patrick Rambaud, "Notre Sautillant Monarque" semble plutôt être la risée des dirigeants des autres nations.

Cette deuxième chronique s'achève en octobre, alors que la crise mondiale de la finance éclatait, en raison des agissements « des milieux d'affaire que choyait Notre Majesté ». « Comment Notre Hardi Monarque allait-il empêcher la dérive puis le naufrage ? » En excellent feuilletoniste, Patrick Rambaud annonce un troisième épisode que l'on espère aussi croustillant et politiquement incorrect.

« Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier », Patrick Rambaud, Grasset, 13,50 €

mercredi 7 janvier 2009

BD - Capricorne rêve en cage


Si certains dessinateurs ont la fâcheuse tendance de se reposer sur leurs lauriers et de ne plus quitter un style dès que le succès est au rendez-vous, d'autres ne peuvent s'empêcher de s'imposer des contraintes pour tenter d'améliorer leur créativité. 

Le maître absolu de ce style de travail est Andréas. Le créateur de Rork a tout tenté en matière de narration et de mise en page. Enfin presque car à chaque album, il trouve une nouveauté à expérimenter. Le 13e tome de la série Capricorne ne déroge pas à la règle. Chaque planche est découpée en un damier de 20 carrés égaux séparés dans d'épais filets noirs. Le héros a ainsi l'impression de se retrouver derrière les grilles d'une cage. 

Cet exercice de style sur l'enfermement revisite la série fantastique. L'intrigue n'avance guère, mais le résultat, virtuose et beau, se laisse admirer.

"Capricorne" (tome 13), Le Lombard, 10,40 euros 

mardi 6 janvier 2009

BD - Fin de parcours dans les étoiles pour Lanfeust


Huit albums en huit ans : avec une remarquable régularité, Arleston (scénario) et Tarquin (dessin) ont mené à bien le second cycle des aventures de Lanfeust. 

L'intrépide héros a découvert la planète Merrion et son tyran local, le Prince Delhuu. Il a également fait une éclipse dans le temps, retrouvant sa belle fiancée, Cixi, mère d'un certain Glin, son fils, déjà adulte. Dans ce dernier opus, la petite bande (Hébus le troll et Swiip, l'extraterrestre) décide de rejoindre la planète principale. A court d'argent, ils se font embaucher sur vaisseau de croisière de luxe. Une première partie truffée de gags où Arleston s'en donne à cœur joie. 

La fin de l'album est plus sérieuse, avec un final en apothéose. Mais que les mordus se rassurent, un 3e cycle est en préparation.

"Lanfeust des étoiles" (tome 8), Soleil, 12,90 euros

lundi 5 janvier 2009

BD - Les aventures de Sillage en version courtes


La série Sillage de Jean-David Morvan et Philippe Buchet continue son bonhomme de chemin dans l'espace intersidéral. La jeune Nävis, dernière représentante de l'espèce humaine, en plus de ses grandes aventures, est l'héroïne de récits courts réalisés par différents auteurs qui peuvent ainsi donner leur vision de cet univers de science-fiction. 

Le sixième recueil nous donne l'occasion de retrouver avec grand plaisir la signature de Marc Wasterlain, créateur du Dr Poche et de Jeannette Pointu. Il illustre une transe de Nävis dans laquelle elle découvre qu'il existe un après la mort. 

Tébo propose un voyage comique alors qu'Aude Picault se penche sur le désir de maternité de Nävis, à peine adolescente.

"Les Chroniques de Sillage" (tome 6), Delcourt, 12,90 euros 

dimanche 4 janvier 2009

Roman - Inépuisable île au trésor

Pierre Pelot propose une version modernisée et futuriste du mythique roman d'aventures de Stevenson.

Rares sont les romans ayant obtenu une telle renommée. « L'île au trésor » de Robert Louis Stevenson est devenu l'exemple même du roman d'aventures. Dans sa trame, ses personnages, ses décors : tout frise la perfection, le parfait enchaînement. Qui n'a pas rêvé en découvrant ce texte être à la place du jeune Jim quand le grand souffle de l'aventure le fait partir vers des horizons inconnus ? Un roman qui passionne les lecteurs depuis des décennies mais également les auteurs. Pour preuve cette version modernisée signée de Pierre Pelot.

Il n'a pas pas changé le titre, se contentant de transposer cette histoire de pirates dans un futur proche. Un futur peu reluisant. Jim vit chez sa tante, Sally-Sea et le compagnon de cette dernière, Trelawey. Ils ont une auberge sur une île des Caraïbes. Une île ayant considérablement diminué de surface depuis la « Grande surprise ». Un terme assez poétique pour désigner la brusque montée de eaux des océans, annoncée par les scientifiques, mais pas si vite... Pierre Pelot joue sciemment le mélange des genres dans ce récit fidèle à l'original mais avec un soupçon d'écologie et d'anticipation.

Silver et les guérilleros

Tout commence pour Jim quand le capitaine Billy Bones débarque à la taverne. Un soir d'ouragan, alors que le vent détruit tout sur son passage, l'homme apparaît sur le chemin boueux : « L'espace d'une seconde on découvrit son visage aux traits marqués ruisselants, noueux, ses yeux agrandis presque anormalement globuleux, sa bouche ouverte sur un cri stupéfait qui découvrait ses dents, ses incisives, si fortement écartées qu'on aurait pu penser qu'il lui en manquait une sur deux. » Il ne s'en doute pas encore, mais l'aventure vient de faire une entrée remarquée dans la vie de Jim. Il devient le confident de Bones, apprend l'existence d'une carte au trésor de la bouche même de l'homme qui ne cesse de l'interroger sur sa tante et sa soeur jumelle, la mère de Jim.

Ensuite ce sera le départ et l'arrivée de nombreux protagonistes, de Silver à Flint au doc Calvino en passant par des guérilleros boliviens, petit grain de sel de Pierre Pelot. L'auteur français, ayant à son actif une multitude de romans, de la SF au polar en passant par le western a visiblement pris beaucoup de plaisir à revisiter ce classique. Le lecteur aussi...

« L'île au trésor », Pierre Pelot, Calmann-Lévy, 18 € 

samedi 3 janvier 2009

BD - Mauvais temps avec Prométhée de Bec


Christophe Bec, dessinateur originaire de l'Aveyron, est devenu en une dizaine d'années une valeur sûre de la BD fantastique et de science-fiction. 

Ses dessins hyper-réalistes alliés à une mise en page et un découpage très cinématographiques lui ont permis de toucher un public jeune et branché. Il a quitté les Humanoïdes Associés pour se recentrer sur la maison qui l'a fait débuter : Soleil. En plus de la réédition d'anciennes séries mises en stand-by (« Pandemonium » ou « Le temps des loups »), il revient à la SF avec le premier tome de « Prométhée ». 

Une ouverture prometteuse, avec une multitudes de personnages et de situations exceptionnelles qui ont le don de passionner le lecteur. Le 21 septembre 2019, à 13 h 13, toutes les horloges et montres de la planète s'arrêtent durant trois heures. Un premier signe inquiétant avant la disparition de la navette Atlantis en plein décollage puis la chute de centaines d'avions. Toujours à 13 h 13... 

Une action contemporaine que Christophe Bec met en parallèle avec l'histoire de Prométhée. Parfaitement maîtrisé, palpitant, cet album devrait passionner de nombreux lecteurs ayant déjà apprécié « Zéro absolu » ou « Sanctuaire ».

« Prométhée » (tome 1), Soleil, 12,90 €

vendredi 2 janvier 2009

BD - Les gardiens d'Elivagar


Écrite par Runberg, dessinée par Talijancic, la série « Hammerfall » plonge le lecteur dans les légendes viking. Le troisième tome met en vedette des géants chargés de surveiller les sources magiques d'Elivagar. Ce récit historique se déroule au moment des premières tentatives d'évangélisation des territoires du Nord par les prêtres francs. 

Une importante troupe, menée par Bjorn aidé de quelques notables d'Aquitaine, a pour mission de récupérer une relique dérobée par Ulf-le-Blanc. En parallèle, les frères Larsson se lancent à la poursuite de Bjorn qui a enlevé la femme d'Harald. En 56 pages très denses, l'action progresse, au fil des rencontres merveilleuses (géants, skanes et autres créatures fantastiques). En bateau, à cheval ou à pied, les différents protagonistes progressent dans ces vallées encaissées, forêts menaçantes et prairies enneigées. 

Une grande bouffée d'air pur pour les yeux et la tête. Cette série s'achèvera l'année prochaine avec le quatrième et dernier tome intitulé « Ceux qui savent ».

« Hammerfall » (tome 3), Dupuis, 13 € 

jeudi 1 janvier 2009

BD - Souvenir de famille


Stéphane Levallois fait partie de ces jeunes illustrateurs tellement doués qu'ils pourraient décourager des artistes ayant des années d'expérience derrière eux. Avec une incroyable aisance, il dessine une histoire de famille, sombre et lumineuse à la fois. 

Sombre comme l'époque : l'occupation allemande. Lumineuse car le héros, Bernard, le grand-père de l'auteur, a fait le choix de la Résistance, malgré les risques pour lui et sa famille. Tout commence aux obsèques de la grand-mère de Stéphane Levallois. Le jeune homme se souvient de ses étés dans la maison de campagne. Une nuit, il rêve de son grand-père qu'il n'a pas connu. Il avait l'apparence d'un sanglier. Le récit va ainsi imperceptiblement passer des souvenirs d'enfants au récit de la vie de ce sanglier, boucher de son état, résistant durant la seconde guerre. 

Un opposant discret à l'occupation allemande mais déterminé. Le cauchemar du petit-fils va se prolonger pour découvrir la fin du sanglier n'ayant aucune chance face à la meute vert-de-gris. 

120 pages en noir et blanc qui vous prennent à la gorge. Assurément un des 10 meilleurs albums de l'année 2008.

« La résistance du sanglier », Futuropolis, 23 euros

mercredi 31 décembre 2008

BD - Affamées de vie


On en mangerait bien de ces « Croqueuses » imaginées par Karine Bernadou, jeune dessinatrice révélée en 2006 à Angoulême dans le cadre du concours "Jeunes talents". Les Croqueuses ce sont des femmes comme vous en croisez régulièrement dans la vie. Elles sont souvent séduisantes, libérées, amoureuses de la vie et décomplexées. 

Dans des gags en une planche, aux multiples héroïnes, Karine Bernadou nous en présente plusieurs spécimens, de la rondouillette fatiguée des compliments fusant sur son passage, à la revendicative, hurlant son envie de jouissance à son petit ami avachi dans le lit. Il y a aussi les pures intellectuelles, se demandant sans cesse le pourquoi du comment... Cela peut être gentillet, puis trivial et outrancier. 

Pourtant cela reste des scènes de la vie de ces femmes, loin des stéréotypes des années 60 ou 70. Des « Croqueuses » prêtes à se faire une indigestion d'hommes si l'occasion se présente. Une BD tout à fait dans l'air du temps.

« Les Croqueuses », Delcourt, 9,95 euros 

mardi 30 décembre 2008

BD - La stratégie du Mikado

Malheur à celui qui s'attaque à une Tigresse blanche. Encore plus s'il s'agit d'Alix Yin Fu, la pulpeuse héroïne dessinée par Conrad sur ses propres scénarios avec cependant une pincée de Wilbur, de son vrai nom Sophie Commenge, compagne du dessinateur. Personnage issu de l'univers des Innommables, Alix a vécu ses premières aventures sous la plume de Yann. Il s'agit, dans ce nouvel album, du premier titre du second cycle. 

De retour en Chine, Alix va de nouveau tomber entre les mains des nationalistes de Tchang Kai-shek. Une horreur pour cette jeune femme ayant juré fidélité et loyauté à la Chine nouvelle de Mao. Mais parfois, les combats politiques sont tortueux. Elle se retrouvera ainsi associée aux Anglais et à la CIA pour tenter de mettre la main sur le trésor caché des Japonais. 

Une histoire mouvementée, parsemée de vérité historique et de personnages réels. Le dessinateur, au sommet de son art, propose plusieurs planches panoramiques composées d'une seule image.

« Tigresse blanche » (tome 6), Dargaud, 11,50 €