lundi 7 juillet 2008

Roman - Poison gastronomique

L'amour fou passe par tous les sens. Le goût y joue son rôle. Tiffany Tavernier, dans ce roman très charnel, y rajoute un étrange ingrédient.

Le titre du roman résonne comme ces vieilles expressions de notre enfance, dans une famille nombreuse, quand le repas était l'occasion de tous se regrouper autour des préparations culinaires d'une mère forcément cordon bleu. « A table ! » clame Tiffany Tavernier en couverture de ce court roman qui n'a rien de familial. Au contraire, Marie, l'héroïne, est seule et malheureuse. Cette jeune femme a pourtant des qualités. Professionnelles tout d'abord : « Aujourd'hui, à la satisfaction de tous, elle est conseillère clientèle d'une petite agence bancaire parisienne. Il avait suffi pour cela d'être une fille très performante, polie, séduisante, gaie, bref, en tout point réussie. » Le problème de Marie c'est Eli, son amant. Ce professeur de faculté, marié, père d'une petite fille, elle l'a dans la peau. Lui, se contente de « s'amuser » avec elle, un rendez-vous une fois par semaine, pour varier les sensations de l'amour physique. Marie est sa maîtresse, ou plus exactement une de ses maîtresses, Eli n'hésitant pas à puiser dans le cheptel de ses étudiantes.

Le poison des campagnes
Bien sûr Marie veut plus, beaucoup plus. Qu'il quitte sa femme, qu'il vive avec elle... L'homme marié et infidèle, comme souvent, préfère se défiler, espacer les rendez-vous pour finalement ne plus venir du tout. Du coup rien ne va plus pour Marie. Son efficacité professionnelle s'étiole, sa vie sociale se réduit à peau de chagrin, elle se referme sur elle même, déprime et se pose beaucoup de questions. Elle aime toujours Eli, mais la volonté de se venger prend le dessus sur l'attirance physique. Le déclic se fera à la campagne. Elle va passer deux jours chez son père. Le retraité est passionné de jardinage. Et dans une remise, derrière des outils minutieusement rangés, elle lui demande ce que contiennent ces petites boites bien fermées. « Du poison pour me débarrasser des voisins, petiote ! Et des cons ! » Marie se fige, son père se met à rire. « T'es bien de la ville, toi ! Faut que tu croies ce que les vieux te racontent ! Les cons y en a toujours de trop. Ce qui me préoccupe, moi, c'est les nuisibles. Ils te bouffent tout le jardin si tu les laisses faire. Alors je les tues. » Avant de retourner à Paris, Marie vole une de ces boites contenant de l'arsenic. Elle recherche sur internet les effets, comment l'utiliser, quelle dose... et invite à dîner son bel amant.

Sexe et nourriture
Le roman prend alors une nouvelle tournure. Le jeune femme, au bord de la folie, va se jeter à corps perdu dans ces ultimes rendez-vous, mitonnant de succulents et sophistiqués repas. Voici le menu du premier rendez-vous, celui des retrouvailles : « salade de rattes tièdes à la truffe du Périgord, volaille à la farce truffée champenoise sur lit de pommes fruits caramélisés, sorbets maisons et berlingots à la vanille ». C'est dans un des berlingots qu'elle met un peu d'arsenic. Juste ce qu'il faut pour l'empoisonner lentement, dans d'atroces et longues souffrances.
Tiffany Tavernier, également scénariste pour le cinéma et la télévision, signe un roman hautement sensuel. Le lecteur passe allègrement des recettes détaillées des plats réalisés par l'héroïne, à ses expériences sexuelles débridées, tout aussi détaillées, dans un langage très fleuri à ne pas mettre sous tous les yeux.
« A table ! », Tiffany Tavernier, Seuil, 14,50 €

vendredi 4 juillet 2008

Thriller - Terreur aux antipodes

Le nouveau thriller de Maxime Chattam se déroule dans deux lieux clos : l'observatoire du Pic du Midi et l'île de Fatu Hiva au Marquises.


Envie de vous faire une petite peur durant vos prochaines vacances ? Plongez dans le nouveau roman de Maxime Chattam. Mais attention, la petite peur pourrait rapidement se transformer en gros cauchemar tant cet expert de la littérature de l'effroi parvient à transformer la moindre scène en source de frissons. Cela commence comme un roman politique et scientifique. Dans un futur proche, la Commission européenne, beaucoup plus puissante et autonome qu'actuellement, découvre qu'un de ses membres détourne des fonds pour financer des recherches dans deux lieux situés aux antipodes l'un de l'autre : l'observatoire du Pic du Midi dans le Pyrénées et l'île de Fatu Hiva aux Marquises en Polynésie française.
Une équipe d'enquêteurs est formée, menée par un certain Gerland, secret et déterminé. Il s'adjoint l'aide de trois chercheurs, les trois héros qui feront découvrir au lecteur l'inimaginable. Emma DeVonck, "grande, brune, les cheveux si épais qu'ils formaient une toison indomptable tombant sur ses épaules", docteur en paléoanthropologie, son mari, Peter, biologiste et généticien et le frère d'Emma, Benjamin, sociologue en dynamique comportementale.

Deux lieux symboliques
Emma s'envole pour l'Océan Pacifique alors que les deux hommes rejoignent le Pic du Midi. Ces deux lieux, isolés, coupés du monde, vont être le théâtre de phénomènes aussi étranges qu'angoissants. Et l'auteur de planter le décor, insistant sur le côté extraordinaire. Le pic du Midi : "L'ouvrage de pierre s'accrochait sur le bord de la falaise, ses fenêtres et ses terrasses suspendues dominaient un gouffre béant sous le soleil aveuglant. On ne pouvait que ressentir une première impression mêlée d'effroi et d'admiration. Une promesse à la fois de vertige et de poésie." Toute aussi dramatique l'arrivée d'Emma au large de Fatu Hiva, en bateau, en pleine nuit. "La lune apparut pendant quelques minutes, entre deux rubans de nuages noirs. Elle souligna les milliers de creux que formait la mer devant eux et soudain, l'immense masse de Fatu Hiva déchira l'horizon jusque-là aveugle. L'île était tout sauf accueillante. Ses falaises dominées par des crêtes acérées la faisaient ressembler à une mâchoire sortie des flots. Une mâchoire monstrueuse vers laquelle ils fonçaient."

Terreur à l'état pur
Si sur le Pic du Midi les deux chercheurs sont isolés, ils ont cependant de la compagnie. Notamment d'autres scientifiques qui seraient employés à la vérification de prétendus brevets. Un huis clos tendu se met en place, avec une véritable enquête policière pour découvrir ce qui se trame exactement. Par contre, sur l'île, c'est la terreur à l'état pur. Emma, accompagnée du marin chargé de la conduire sur place, découvre un village désert, avec simplement des traces de sang dans la rue, de nombreuses douilles et des dizaines de chiens morts, comme déchiquetés par un fauve en furie. Et la nuit, barricadés dans une maison, ils sont attaqués : "On frappa encore, et encore, jusqu'à briser des lattes pour découvrir les planches de bois qui scellaient les fenêtre. Emma fut contente de ne pas distinguer la silhouette qui les agressait. A ce moment de la nuit, elle ne voulait rien voir, tout ce qu'elle espérait c'était que la chose parte. Qu'elle s'éloigne."
Il ne faut pas en dire plus, pour ne pas déflorer le suspense et les surprises, nombreuses tout au long de ce roman très rythmé. Sachez simplement que l'auteur a beaucoup étudié la mentalité des tueurs en série pour inventer cette intrigue terrifiante.

« La théorie Gaïa », Maxime Chattam, Albin Michel, 22 € 

jeudi 3 juillet 2008

BD - Bouncer et la veuve noire


Bouncer, le manchot, ne se destinait pas à une carrière à la Blueberry. Jodorowsky (scénario) et Boucq (dessin) pensaient plutôt à une série terminée en deux tomes. Simple, juste l'occasion de montrer l'Ouest américain dans toute son exagération. Le succès aidant, un second cycle a vu le jour, en trois albums. 

Et c'est aujourd'hui un troisième cycle qui débute. « La veuve noire » est une riche propriétaire qui semble vouloir faire le bien de la ville de Barro City. Ses ambitions sont tout autres. Bouncer lui est toujours dans son bar. De gardien il est devenu patron. Toujours aussi bon tireur, il n'hésite pas à jouer d ela gâchette. Pour relancer l'intérêt du lecteur, Jodorowsky a imaginé une nouvelle galerie de personnages. 

Tous plus réussis les un que les autres. De la prude institutrice avançant masquée à la fille du vieil indien alcolique, sauvée du viol par Bouncer en passant par un incroyable tueur, Axe-Head. Ce colosse a une hache enfoncée dans le crâne. L'enlever le tuerait. Et ses maux de tête lui déclenchent de redoutables accès de violence. 

Une histoire passionnante servie par un dessin de plus en plus abouti. Boucq est définitivement l'égal des plus grands.

« Bouncer » (tome 6), Les Humanoïdes Associés, 12,90 € 

mercredi 2 juillet 2008

BD - Le mystère de Baharia et le professeur Challenger


Le professeur Challenger, héros librement inspiré des romans de Conan Doyle, revient chez Casterman après avoir vécu une première aventure, « Le monde perdu de Maple White », en deux tomes chez un autre éditeur. Ventripotent, barbu, très poilu, imbu de sa personne, il a été la risée de la communauté scientifique quand il affirmé à Londres avoir découvert des dinosaures vivants. 

Cette fois, il se lance à la poursuite d'une civilisation cachée en Egypte. Exactement c'est l'égyptologue français Lempereur qui part en expédition. Challenger voudrait être de l'aventure, mais le chercheur français, prétentieux comme il se doit, refuse catégoriquement. Scénarisées par Laurence Tramaux, ces nouvelles aventures conduit le lecteur au pied des pyramides égyptiennes puis dans la vallée des rois, là où se trouve le passage, souterrain, permettant d'aller au-delà du Fleuve des morts. 

Patrick Deubelbeiss, le dessinateur, semble très à l'aise dans ces séries fleurant bon le feuilleton extravagant de la fin du 19e siècle. Son trait, entre réalisme et ligne claire expressive, est tout à fait adapté à ces rocambolesques péripéties exotiques.

« Les mondes perdus de Conan Doyle » (tome 1), Casterman, 11,50 € 

mardi 1 juillet 2008

BD - La fille de la toundra


Voilà une série qui est menée à 100 à l'heure par un scénariste qui n'a jamais caché sa passion pour le sport automobile. Daniel Pecqueur, après le succès de Golden City, s'est lancé dans cette « séquelle » retraçant une folle course à travers toute la planète. 

Dans ce quatrième tome, toujours dessiné par Henriet, le lecteur retrouve le jeune pilote Daytona en mauvaise posture. En pleine toundra, au coeur de la Sibérie, il est tombé dans une rivière glacée. Heureusement, une jeune autochtone le sauve et le soigne. Ce préambule n'est cependant pas le plus important de l'album. C'est du côté de Borano, détective privé, que l'action progresse le plus. 

Chargé par un milliardaire de retrouvé sa fille, otage d'écologistes extrémistes, il se rendra sur une île déserte des Aléoutiennes pour la délivrer. Action, coup de théâtre, le tout dans des situations extrêmes. Et pour maintenir le suspense à son maximum, Pecqueur relance l'intérêt de la course avec l'enlèvement, en Chine, de deux jeunes et jolies concurrentes. 

Ça va vite, c'est distrayant, tout en délivrant un message sur l'écologie et l'avenir de la planète. De la bonne ouvrage, exemplaire de la collection « Série B ».

« Golden Cup » (tome 4), Delcourt, 12,90 € 

lundi 30 juin 2008

BD - Adler, un électron libre, comme René Sterne


René Sterne, comme son héros Adler, a toujours privilégié sa liberté au succès ou au conformisme. Après quelques années dans les habits étriqués de professeur, il a changé de voie. A l'image de sa compagne, Chantal de Spiegeleer, il est devenu auteur de BD. Son héros, Adler, est un aviateur allemand qui a préféré déserté quand Hitler s'est révélé sous son vrai jour. Un déserteur aventurier et vagabond. Sterne, mort il y a deux ans à 54 ans, lui a consacré dix albums. Dans une édition intégrale de très belle facture, voici les cinq premières aventures d'Adler. Un dessin épuré, des scénarios très humains, l'occasion de redécouvrir ce grand auteur qui aurait du reprendre le dessin de Blake et Mortimer à la suite de Ted Benoît.

« Adler » (intégrale, tome 1), Le Lombard, 47 euros 

dimanche 29 juin 2008

BD - Triste futur décrit dans "SOS Bonheur"


Pour les 20 ans de la collection Aire Libre de chez Dupuis, la maison d'édition belge ressort quelques uns de ses fleurons. Après Cosey et avant Gibrat, voici l'intégrale de SOS Bonheur, récit d'anticipation de Van Hamme mis en images par Griffo qui signait sa première BD réaliste. Le scénariste, longtemps cadre dans une multinationale, a profité de son expérience pour imaginer une société déshumanisée ou l'Etat providence offre à tous son lot de bonheur. Bonheur officiel, bonheur programmé. En quelques courts chapitres puis un long récit, les auteurs expliquent que ce beau rêve peut se transformer en cauchemar absolu. A l'ère du tout numérique, ce récit vieux de 20 ans, est toujours d'actualité. 

« SOS Bonheur » (intégrale), Dupuis, 32,50 euros

samedi 28 juin 2008

BD - Amour captif


Un homme, une femme. Ils sont voisins. Tous les deux divorcés, avec enfants à charge. Le matin, le père conduit sa voisine à l'école. Il se trouve que c'est l'institutrice de sa fille. Elle lui plaît. Il n'ose pas lui dire. Jusqu'au jour où ils arrivent en retard. Dans la classe, un homme cagoulé, ceinturé d'explosifs, a pris en otage cette classe de maternelle d'une banlieue chic. L'homme et la femme, otages eux aussi, vont passer 48 heures ensemble. 48 heures de peur et de passion. 

Cette nouvelle de Jean-Philippe Djian (qui reparaît en même temps chez Folio), est adaptée par Jean-Philippe Peyraud. D'un faits divers encore dans les mémoires, ils font une superbe histoire d'amour.

« Mise en bouche », Futuropolis, 19 euros 

vendredi 27 juin 2008

BD - Pico Bogue se raconte dans "La vie et moi"


Méfiez-vous des petits rouquins, ils sont souvent très insolents. C'est le cas de Pico Bogue, petit garçon imaginé par Dominique Roques et Alexis Dormal. Les deux auteurs, qui sont mère et fils, cela ne s'invente pas, ont un peu réinventé l'univers du Petit Nicoles, l'impertinence en plus. Pica est donc l'aîné de la famille. Avant l'arrivée de sa petite sœur Ana Ana, il était « fils unique. » et d'expliquer à un copain de classe « Tu sais ce que ça veut dire, fils unique ? Que mes parents m'adoraient comme un dieu ! » 

Pourtant il l'aime quand même cette petite sœur, parfois un naïve, toujours gentille comme quand elle lui offre des abricots secs, par exemple. Pico Bogue, pose des questions, mais a souvent réponse à tout. Quelle que soit la situation où, à priori, sa mère ou son père ont raison, il veut avoir le dernier mot. Et c'est tout le charme de cette série de gags car Pico, malgré sa petite taille et ses mots d'enfants, tient des raisonnements que de grand philosophes ne renieraient pas. 

Un décalage étonnant au début, séduisant ensuite, hilarant parfois. Un nouveau héros qui bénéficie d'un dessin très fluide : Alexis Dormal, après avoir étudié la réalisation au cinéma et à la télévision en Belgique, est passé par l'école Emile Cohl de Lyon.

« Pico Bogue », (tome 1), Dargaud, 10,40 € 

mercredi 25 juin 2008

BD - Loups sibériens

Aux âges de pierre, en pleine Sibérie, Touna nait la nuit où son père est tué par une meute de loups affamés. Touna petite fille maudite, abandonnée par sa mère en pleine forêt et recueillie par une louve encore couverte du sang du père de la fillette. De nos jours, Mara est une jeune chercheuse membre d'une expédition à la recherche d'enfants-loups découverts dans des tribus isolées en pleine Sibérie. 

Ce récit fantastique se déroulant à deux époques différentes nous donne l'occasion de découvrir un dessinateur italien virtuose. Encore un, pourrait-on se dire tant l'émergence de talents a été importante, notamment chez les Humanoïdes Associés. Mario Milano a fait son apprentissage aux éditions Bonelli. Il a aujourd'hui un trait réaliste entre ceux de Milo Manara et de Griffo. 

L'histoire, mêlant science-fiction et fantastique, est issue de l'imagination de Patrick Galliano qui s'est déjà illustré avec Lothario Grimm et L' appel des dieux. Une série innovante et prometteuse.

« Touna Mara », Les Humanoïdes Associés, 12,90 €