lundi 4 décembre 2006

BD - Le désespoir du singe face au coup de foudre


Lendemain de fête. Fête trop arrosée. Josef a des difficultés pour émerger. Chez son amie Edith, une peintre aux mœurs très libres, il se souvient péniblement de ses éclats. Tirant un trait sur ses ambitions artistiques, il a décidé de reprendre l’entreprise de son père. Une fabrique d’éponges. Et puis de se marier avec sa fiancée. Bien qu’il ne l’aime pas véritablement. 

Un homme déçu et résigné. Mais ses choix pourraient être remis en cause car une guerre civile menace d’éclater. Le pouvoir a décidé de promouvoir l’agriculture intensive. Au détriment de la pêche. Conséquence, le niveau de la mer intérieure baisse et des dizaines de familles de pêcheurs se retrouvent sans revenus. 

L’entreprise de Josef risque de faire faillite. C’est dans ce contexte que Josef rencontre Vespérine, le modèle d’Edith. Le coup de foudre est réciproque. Ils passent leur première nuit d’amour alors que émeutes et répression mettent la ville à feu et à sang. 

Une BD entre romantisme et histoire, écrite par Jean-Philippe Peyraud et dessinée par le très talentueux Alfred, déjà remarqué avec sa série Abraxas. (Delcourt, 12,90 €)

dimanche 3 décembre 2006

BD - Argent trouble


Machination dans la haute finance, cupidité, escroquerie : les thèmes abordés dans cette BD en deux parties publiées simultanément ne sont pas des plus reluisants. et loin de la vie quotidienne de millions d'Européens. Il existe pourtant quelques centaines d'individus en Europe qui ne parlent qu'en millions d'euros.

 Ils sont souvent concentrés autour du Luxembourg, principauté membre de la CEE aux pratiques financière souvent suspectes. Tout commence par la rencontre de deux anciens amis du lycée. Franco va aider financièrement Jacques à rénover un hôtel en Croatie. En contrepartie le futur hôtelier devra ramener des Balkans des mallettes d'argent sale. Une grosse magouille sur 10 millions d'euros qui va se gripper avec la mort de Franco. Le bel édifice va s'écrouler entraînant dans sa chute quelques lampistes et têtes pensantes. 

Le scénario de Philippe Richelle parvient à rendre passionnant ce trafic financier. Pierre Wachs, sans fioritures, illustre efficacement ce récit qui connaîtra une suite, en janvier... avec Dominique Hé au dessin. (Glénat, 9,40 €)

samedi 2 décembre 2006

BD - Un ciel radieux de Taniguchi

A la base c'est un simple fait divers dans la nuit japonaise. Un homme de 42 ans, Kubota, fatigué de travailler 12 heures par jour, s'endort au volant. Il percute la moto de Takuya, 17 ans, inconscient roulant trop vite sur son engin. Les deux hommes se retrouvent à l'hôpital, dans le coma. Quand Takuya se réveille, Kubota meurt. 

Jiro Taniguchi, l'auteur de cette BD de 300 pages, fait basculer le récit dans le fantastique quand l'esprit de l'homme de 42 ans constate qu'il a migré dans le corps de l'adolescent. Comment vivre dans un nouveau corps ? Que dire à sa véritable famille qui ne le reconnaît pas et à l'autre qui est persuadée que le fils est de retour ? Une schizophrénie qui deviendra encore plus forte quand l'esprit de Takuya tente de reprendre possession de son corps. 

La véritable leçon de cette histoire, c'est de ne jamais négliger de vivre pleinement le temps présent avec ses proches. Demain, il sera peut-être trop tard. Un peu mystique, pas trop moralisatrice, cette BD prouve une nouvelle fois que Taniguchi est un grand auteur. (Casterman, 15,95 €)

vendredi 1 décembre 2006

BD - Les cauchemars du futur


Jean-Luc Istin, scénariste émergent, a rencontré le succès en racontant les légendes celtiques de Merlin et autre chevalier de la Table ronde. Mais il n'en oublie pas son autre passion : la science-fiction. Il remet donc au goût du jour une vieille série, « Aleph » parue au début des années 2000. Après le tome 1 en juin, voici la réédition du tome 2. Sur Aleph, en 2258, un tueur psychopathe kidnappe des prostituées pour leur enlever, dans d'atroces souffrances, la colonne vertébrale. 

Au même moment, une femme ailée libère des milliers de zombis qui s'attaquent à la population de la ville. Les autorités sont débordées, le chaos menace. Une violente guerre s'engage entre l'Humanité et des dragons monstres sanguinaires, immortels, régnant sur le monde depuis la nuit des temps. 

Violente, apocalyptique, chargée de symboles, cette bande dessinée obtient auprès des éditions Soleil une seconde chance. Les amateurs de cauchemars gothiques y trouveront leur compte. Le dessin de Dim-D, noir et sombre, donne toute son ampleur à cette abomination. (Soleil, 12,90 €)

jeudi 30 novembre 2006

BD - Petit lapin des années 50


Dans le Paris des années 50, le commissaire Raffini va fréquenter les cabarets de music-hall. Pas uniquement pour le plaisir puisqu'il enquête sur la disparition d'une assistante de magicien. Un tour de passe-passe qui ne reste pas inaperçu. En pleine représentation, la jeune et belle Martine Portal disparaît de la boite magique dans laquelle le magicien venait de la placer. Le problème c'est qu'elle n'est jamais réapparue. Un mystère de choix pour le flic placide imaginé par Rodolphe et dessiné depuis peu par Maucler. 

Une rapide enquête du commissaire sur la personnalité de la jeune fille oriente les recherches vers sa vie privée. Elle aurait un amant secret, prompt à faire des promesses de voyage et de mariage. Un peu triste, cette intrigue, parfaitement menée par ce policier patient et tenace, manque cependant de rebondissements. 

Par contre, côté immersion dans le passé, Maucler réalise un tour de force. Décors, ambiances, vêtements : pas un détail n'est négligé. Même la reliure de l'album donne un petit air rétro à l'ensemble. (Albin Michel, 12,50 €)

mercredi 29 novembre 2006

BD - Nävis piègée

Nävis, l'héroïne de cette série imaginée par Morvan et Buchet, est, malgré elle, au cœur d'une attaque terroriste d'envergure contre le navire amiral de Sillage. Dans cet agglomérat de vaisseaux spatiaux, toutes les races de l'espace cohabitent. Nävis, dernière terrienne survivante d'une humanité détruite, est en mission. Elle est sur le point d'infiltrer une bande de terroristes. Au dernier moment, elle reçoit l'ordre de tout arrêter. Mais c'est mal connaître la jeune femme qui, en bonne humaine, désobéit et plonge dans la gueule du loup. 

Ce 9e épisode de la saga permet à Morvan de placer son personnage devant un cas de conscience qu'elle redoutait depuis longtemps. Buchet, dans la scène finale, casse sa mise en page pour donner encore plus d'effet aux destructions du convoi.

Sillage, infiltrations, Morvan et Buchet, Delcourt, 12,90 euros

mardi 28 novembre 2006

BD - Conteurs et contes d'Orient


A Bagdad, du temps du calife, les conteurs ont un grand pouvoir. Celui de faire oublier au peuple ses misères. Mais ils sont également très appréciés des nobles. Pour preuve ce concours organisé par le calife. Il donne rendez-vous à tous les conteurs de la région dans trois ans : le meilleur récit permettra à son créateur de connaître gloire et richesse. 

Cinq d'entre eux partent autour du monde pour collecter les histoires les plus extraordinaires pour en faire la synthèse. Ce gros album, découpé en chapitres indépendants de 8 à 10 pages, raconte ce périple. 

Vehlmann, le scénariste, laisse libre cours à sa poésie, Duchazeau illustre l'ensemble dans un style aux belles arabesques.

Les cinq conteurs de Bagdad, Vehlmann et Duchazeau, Dargaud, 13,50 euros

lundi 27 novembre 2006

Fantasy - Les rats au pouvoir

China Miéville imagine un héros mi-homme mi-rat dans cette fantaisie fantastique tirée du joueur de flûte de Hamelin.


Saul Garamond, jeune Londonien vivant encore chez son père, rentre à la maison en pleine nuit. Il se couche sans dire un mot à son géniteur. Leurs relations ne sont pas au beau fixe. Saul, passionné de musique électronique n'a pas d'atomes crochus avec ce retraité qui a passé toute sa vie à militer pour la Révolution, affichant un portrait de Lénine dans son salon. Au petit matin, ce sont les policiers qui réveillent Saul. Et l'emmènent immédiatement au poste. Le jeune homme, en traversant le jardin, menottes aux poignets, voit la fenêtre du salon, situé au premier étage, défoncée, un corps étendu à terre. Il comprend au cours des interrogatoires que son père a été assassiné et qu'il est le principal suspect.

Début de roman tout ce qu'il y a de plus classique dans le genre polar. China Miéville retrouve son milieu de prédilection, la science-fiction et le fantastique, quand Saul, le soir, est seul dans sa cellule. En pleine nuit, un personnage étrange parvient à le faire évader en passant par les toits. D'une force et d'une agilité incroyable, il prétend être le Roi des rats et son oncle. Saul découvre, au fil des heures, qu'il a effectivement d'étranges attirances pour les aliments en décomposition, qu'il aime aller dans les égouts et qu'il n'a pas du tout le vertige. En peu de temps, il prend conscience de sa part animale, pas de doute, lui aussi a des gènes de rat. Reste que son père a bel et bien été assassiné et que le Roi des Rats affirme avoir libéré Saul pour le protéger. Un redoutable tueur est à ses trousses.

Le carnage continue.

Les meurtres ne cessent pas, notamment dans l'entourage de Saul, du temps où il fréquentait d'autres jeunes passionnés de musique jungle. Un soir, alors que la police recherche Saul et que ses amis s'interrogent sur sa disparition, ce dernier, quittant sa cachette des égouts, a la tentation de renouer le contact avec eux. Mais il ne le fait pas. "Saul ne se faisait pas d'illusion. Il ne pourrait jamais revenir, il était devenu un rat. Il n'avait plus sa place dans ce monde, mais il y avait vécu et ses amis lui manquaient".

Cauchemar animal de violence et de mort, ce roman fantastique est une variation moderne de la légende du joueur de flûte de Hamelin, avec cependant des rôles inversés, le musicien faisant montre d'une incroyable cruauté envers les animaux, tous les animaux, y compris les humains. Un joueur de flûte qui découvre dans les incroyables possibilités du mixage de la musique, une solution pour décupler la puissance de ses airs obsédants. La scène finale, au cours d'un immense concert de musique jungle, folie collective meurtrière entre hommes et rats, devrait longuement rester ancrée dans votre esprit.

"Le Roi des Rats" de China Miéville, éditions Fleuve Noir, 20 euros.

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Perdido Street Station en poche

China Miéville fait partie de ces auteurs très productifs. Ainsi son précédent roman, « Perdido Street Station » vient d'être publié, sous la forme de deux gros volumes de 430 et 530 pages, en édition de poche. Sans véritablement être de la Fantasy, cette histoire entraîne le lecteur dans un monde plus industrieux que magique. 
Jusqu'à l'apparition d'un homme-oiseau désireux de retrouver ses ailes. Un savant mène des recherches pour l'aider. C'est au cours de ces expérimentations que des monstres volants, des gorgones, envahissent la ville et la menacent. 
Un thème, la part animale des humains, semblable au « Roi des rats », mais avec un côté science-fiction beaucoup plus marqué. (Pocket, 7,50 et 8,60 €)

dimanche 26 novembre 2006

BD - La belle et Blueberry


Une superbe mexicaine, un Sudiste très méchant, des soldats français en éléments perturbateurs exotiques, une arme secrète convoitée par tout le monde... tous les ingrédients sont réunis pour que ce 15e album des aventures de la Jeunesse de Blueberry soit passionnant. 

François Corteggianni, tout en mettant en valeur quelques personnages secondaires comme la belle Soledad ou le redoutable Snake, garde le rôle principal à son héros, créé par Charlier et Giraud. Coup de théâtre, plan audacieux, fuite et ruses, toutes les ficelles sont utilisées dans ces 56 pages. 

Au dessin, pour la sixième fois, Michel Blanc-Dumont démontre sa totale maîtrise du genre. Chevaux, décors désertiques, ambiances poussiéreuses où brûlées de soleil, sa palette permet de représenter toutes les images classiques du western. 

Sans que cela soit du « à la manière » car Blanc-Dumont a depuis longtemps trouvé le petit détail qui fait que son trait est inimitable. (Dargaud, 9,80 €)

samedi 25 novembre 2006

Thriller - Hard rock glacial

Quand un adolescent amateur de hard rock doit survivre dans le froid et la neige, face à un tueur, il découvre sa véritable personnalité.


Certains auteurs de polars sont parfois avares d'action et de rebondissements. Ce n'est certainement pas le cas de John Gilstrap. Dans « Les yeux de la mort », il ne laisse pas un moment de répit à ses héros et par la même occasion au lecteur. Il y a en fait dans ce roman la matière à trois thrillers classiques de facture classique. Sans compter les à-côtés...

Le roman débute par la présentation des trois personnages principaux. Scott, adolescent fan de hard-rock, Sherry, sa mère, célèbre écrivain et Brandon, le père, divorcé de Sherry mais qui a obtenu la garde de leur unique enfant. Sherry et Scott sont pour quelques jours en vacances dans une station de ski huppée de l'Utah. Mais Scott passe très peu de temps avec sa mère, préférant dévaler les pentes et sortir avec ses copains. Il décide même d'aller assister à un concert de Metallica. Voyage en avion avec un ami aux commandes. Mais en plein blizzard le petit engin se crashe dans les montagnes.

Seul face aux loups.

Un seul survivant, Scott. Les secours ne peuvent pas encore le savoir mais ils font le maximum pour retrouver l'épave. Le maximum à leur niveau, pas selon Brandon qui a développé un lien très fort avec son fils. Il est persuadé qu'il est sauf. Et qu'il a les moyens de s'en tirer car il a suivi des stages de survie en montagne l'hiver dernier. Effectivement, Scott a mis en pratique ses connaissances. Mais quand il se retrouve face à une meute de loup, il doit improviser avec un pistolet lance-fusée retrouvé dans les décombres de l'avion : « Le grondement se mua en une sorte d'horrible rugissement guttural tandis qu'il (le loup) bondissait dans la neige avec une vélocité que Scott n'aurait pu imaginer. L'adolescent n'eut pas le temps de viser, ni même de tirer, mais sans trop savoir comment le pistolet tressauta violemment dans sa main et l'air s'emplit de la puanteur du magnésium calciné. Le projectile frappa le chef des loups en pleine gueule. La bête retomba dans la neige dans un geyser de sang. » Un premier problème de résolu.

Tueur et complot.

Après il devra se coltiner le reste de la meute. Et ce n'est pas finit puisque les recherches sont abandonnées et Scott erre dans la forêt enneigée. Il parviendra cependant à rejoindre une maison isolée. Là, il sera accueilli à coups de fusil... Décidément le jeune Scott n’a pas de chance puisqu’il vient de déranger un tueur de la pire espèce. Début du second acte. Après les rigueurs du climat, Scott va devoir affronter un fou de la gâchette, complètement paranoïaque.

Mais John Gilstrap ne va pas se contenter de cette seconde intrigue puisqu’il y greffera par-dessus un possible attentat contre le président des USA justement en villégiature dans la station de ski toute proche. Sans oublier la guerre que se livrent Brandon et Sherry sur la responsabilité de chacun dans les mésaventures de Scott. Pas un temps mort, écriture sèche et enlevée, ce thriller, malgré ses outrances (la survie de Scott semble quand même tirée par les cheveux) se dévore d’une traite, persuadé que l’on est de découvrir un nouveau rebondissement en tournant chaque page.

« Les yeux de la mort », John Gilstrap, Presses de la Cité, 19,80 € (également disponible en Livre de Poche)