Du Philip Roth dans le texte, mais dit par Léa Seydoux et Denis Podalydès dans ce film très cérébral d’Arnaud Desplechin

Pionnier de l’autofiction,
Philip Roth aime mêler
sa vie à son œuvre. Ou
baser une intrigue de
fiction sur des personnages de
ses connaissances. L’écrivain
juif américain devient donc le
personnage principal de Tromperie, film d’Arnaud Desplechin, tiré du roman du même
nom sorti en 1990. Philip (Denis Podalydès), écrivain originaire de New York, vit en exil
à Londres. Il quitte sa femme
(Anouk Grinberg) tous les matins pour rejoindre un studio
qui lui sert de bureau. Là, il
écrit. Il passe surtout des heures en compagnie de sa maîtresse anglaise (Léa Seydoux).
Ils font l’amour et parlent. Le
film prend alors des airs de psychanalyse passionnelle entre
une femme malheureuse et un
romancier qui a besoin de se
nourrir de la vie des autres
pour en imaginer de nouvelles.
En questionnant son amante
sur son mari, si elle couche toujours avec lui, si son métier lui
plaît, pourquoi elle vient tous
les jours dans ce studio et au
tres sujets divers et variés, le
roman se façonne comme par
enchantement. L’homme qui écoute
les femmes
Voilà en fait comment Philip
Roth, « l’écouteur » imagine ses
romans. Au risque de blesser
ces femmes qui ont jalonné les
différentes périodes de sa vie.
Rosalie (Emmanuelle Devos),
une très ancienne amie, qui
meurt d’un cancer dans un hôpital à New York, lui demande
dans quel roman elle apparaît.
Comme une évidence.
Découpé en chapitres, ce film
d’Arnaud Desplechin fait la part
belle aux performances de comédiens. Denis Podalydès
dans le rôle du romancier, clairvoyant mais plein de contradictions, transmet une puissance
phénoménale quand il écoute
sa maîtresse. Il fait passer dans
son regard cet amour fou pour
une femme dont il veut comprendre le fonctionnement, la
passion, le désespoir. Léa Seydoux, lumineuse, d’une beauté
incandescente dans les bras de
son romancier qui sait si bien
l’écouter, alterne moments de
pur bonheur (quel sourire craquant), à des moments de tristesse infinie. Car Philip, tout en
lui conseillant de divorcer, de
quitter son mari qu’elle n’aime
plus, ne peut rien lui offrir que
ces moments de plaisirs charnels doublés de longues discussions. Un livre aussi, ce roman
qui raconte leur relation et qui
est parfaitement adapté par un
Arnaud Desplechin visiblement
grand amateur de l’écrivain.
➤Film d’Arnaud Desplechin avec Denis Podalydès, Léa Seydoux, Anouk Grinberg, Emmanuelle Devos.