vendredi 10 décembre 2021

Cinéma - « Tromperie » d’une muse trop inspirante

Du Philip Roth dans le texte, mais dit par Léa Seydoux et Denis Podalydès dans ce film très cérébral d’Arnaud Desplechin


Pionnier de l’autofiction, Philip Roth aime mêler sa vie à son œuvre. Ou baser une intrigue de fiction sur des personnages de ses connaissances. L’écrivain juif américain devient donc le personnage principal de Tromperie, film d’Arnaud Desplechin, tiré du roman du même nom sorti en 1990. Philip (Denis Podalydès), écrivain originaire de New York, vit en exil à Londres. Il quitte sa femme (Anouk Grinberg) tous les matins pour rejoindre un studio qui lui sert de bureau. Là, il écrit. Il passe surtout des heures en compagnie de sa maîtresse anglaise (Léa Seydoux). Ils font l’amour et parlent. Le film prend alors des airs de psychanalyse passionnelle entre une femme malheureuse et un romancier qui a besoin de se nourrir de la vie des autres pour en imaginer de nouvelles. En questionnant son amante sur son mari, si elle couche toujours avec lui, si son métier lui plaît, pourquoi elle vient tous les jours dans ce studio et au tres sujets divers et variés, le roman se façonne comme par enchantement.  

L’homme qui écoute les femmes 

 Voilà en fait comment Philip Roth, « l’écouteur » imagine ses romans. Au risque de blesser ces femmes qui ont jalonné les différentes périodes de sa vie. Rosalie (Emmanuelle Devos), une très ancienne amie, qui meurt d’un cancer dans un hôpital à New York, lui demande dans quel roman elle apparaît. Comme une évidence. Découpé en chapitres, ce film d’Arnaud Desplechin fait la part belle aux performances de comédiens. Denis Podalydès dans le rôle du romancier, clairvoyant mais plein de contradictions, transmet une puissance phénoménale quand il écoute sa maîtresse. Il fait passer dans son regard cet amour fou pour une femme dont il veut comprendre le fonctionnement, la passion, le désespoir. Léa Seydoux, lumineuse, d’une beauté incandescente dans les bras de son romancier qui sait si bien l’écouter, alterne moments de pur bonheur (quel sourire craquant), à des moments de tristesse infinie. Car Philip, tout en lui conseillant de divorcer, de quitter son mari qu’elle n’aime plus, ne peut rien lui offrir que ces moments de plaisirs charnels doublés de longues discussions. Un livre aussi, ce roman qui raconte leur relation et qui est parfaitement adapté par un Arnaud Desplechin visiblement grand amateur de l’écrivain.

➤Film d’Arnaud Desplechin avec Denis Podalydès, Léa Seydoux, Anouk Grinberg, Emmanuelle Devos.

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